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Apostasie

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Définition de l'apostasie

L'apostasie (du grec ancien ἀπόστασις, « se tenir loin de ») est l'attitude d'une personne, appelée apostat, qui renonce publiquement à une doctrine ou une religion. On parle aussi d'abjuration (ainsi, en 1593, le roi de France Henri IV abjure définitivement le protestantisme).

Dans une définition légèrement plus large, l'apostasie peut signifier la renonciation à une doctrine ou une religion, ou au fait de se soumettre à l'autorité représentant ladite doctrine (comme l'autorité religieuse ou celle d'un parti politique). Dans le contexte religieux, celui qui est le plus courant et étudié dans cet article, l'apostasie signifie la renonciation par un individu, adulte et responsable, à faire partie d'une organisation religieuse. La renonciation, quand elle est faite sous la contrainte (de la force, des parents, etc.) n'est généralement pas considérée comme de l'apostasie car non sincère.

Point de vue libéral sur l'apostasie

L'apostasie est du ressort de la liberté de conscience, la liberté religieuse et la liberté d'expression. L'interdire ou la punir est une atteinte inadmissible à la liberté individuelle, au même titre que le serait une conversion forcée.

Les libéraux ont donc été toujours des défenseurs pas tant de l'apostasie que de la possibilité d'être apostat pour un individu. Le sujet ne concerne que l'individu et Dieu. Avec une pointe d'ironie, le philosophe britannique John Stuart Mill écrivait en 1859 dans De la liberté, en reprenant Tacite pour la première partie (Deorum injuriae Diis curae) : « Les offenses commises vis-à-vis des dieux sont l’affaire des dieux. Il reste à prouver que la société ou l’un de ses fonctionnaires a reçu d’en haut le mandat de venger toute offense supposée au Tout-Puissant. L’idée qu’il est du devoir d’un homme de veiller à ce qu’un autre soit religieux est la cause de toutes les persécutions religieuses jamais perpétrées »[1].

Apostasie dans les différentes religions

Dans le catholicisme, l'apostasie a longtemps été justiciable des tribunaux d'Église et, en particulier, de l'Inquisition dans les pays où elle était établie, le châtiment des apostats étant pris en charge par les États (le « bras séculier »). Le seul fait d'avoir reçu le baptême faisait de quelqu'un un chrétien, et en faisait un apostat si par la suite il refusait la foi chrétienne (ou seulement un hérésiarque s'il la contestait partiellement[2]). Par la suite, la sécularisation des États et la reconnaissance de la liberté de conscience ont ramené l'apostasie à une affaire d'ordre purement spirituel entre l'individu et l'Église.

La situation est comparable pour ce qui est du protestantisme. Chaque église protestante avait sa propre « orthodoxie », et donc des hérétiques (souvent les autres églises) ou des apostats, comme dans le catholicisme. A noter qu'il existe dans le calvinisme une doctrine (controversée) de la "sécurité éternelle", selon laquelle un converti ne peut plus jamais perdre son salut (par prédestination et souveraineté de Dieu) ; l'apostasie serait donc soit invalide, soit la preuve que l'apostat n'a jamais été ni converti ni sauvé. Pour autant, Calvin approuvait lui aussi la mort des apostats, n'ayant pas hésité à faire décapiter l'athée Jacques Gruet en 1547 et à faire brûler en 1553 Michel Servet qui était "seulement" un hérétique. Ce n'est qu'au XVIe siècle que la doctrine cujus regio, ejus religio (« tel prince, telle religion ») permit enfin une pacification religieuse de l'Occident.

Dans le judaïsme, selon la Halakha (ensemble de préceptes législatifs) on est juif si on est né de mère juive (ou converti selon les règles). La Torah prescrit en théorie la peine de mort pour l'apostat (Deutéronome 13:6–10), mais cette prescription n'est plus suivie de nos jours, la punition se limitant à l'interdiction d'accès au culte et l'interdiction d'être enterré dans un cimetière juif. Le cas de Baruch Spinoza, déclaré herem (excommunié) au XVIIe siècle pour ses "hérésies", en est une preuve (l'arme de l'excommunication servait à maintenir une cohésion dans la communauté juive en punissant les comportements asociaux, violents, ou simplement non conformistes quant aux idées).

L'apostasie est libre dans l'hindouisme et le bouddhisme et n'entraîne pas de sanction (le concept n'existe pas à l'origine, pas plus d'ailleurs que celui proche d'hérésie — la raison de cet état de faits étant la tolérance et l'aspect multiforme et protéiforme que revêtent ces religions, l'athéisme y étant possible).

Cas de l'islam

L'islam est la religion qui pose le plus de problèmes pour ce qui est de l'apostasie. Le droit de changer de religion ou d'abandonner sa religion n'est pas officiellement reconnu pour les musulmans dans de nombreux pays musulmans, voire dans des pays non musulmans comme la France, par influence des « autorités » musulmanes dans ces pays. Dans l'islam, on naît automatiquement musulman dès l'instant que ses parents sont musulmans, et le droit d'apostasier n'est pas admis. L'apostasie est présumée dès que l'ex-musulman ne remplit plus les obligations de l'islam, notamment les cinq prières quotidiennes et le jeûne du mois de ramadan. Alors que dans les autres religions l'apostasie n'est jamais présumée (sauf déclaration ou comportement explicite de la personne), dans l'islam elle est présumée en l'absence du comportement religieux qu'on attend du musulman.

Ces contraintes religieuses touchent même les non-musulmans : ainsi, ces derniers, quelles que soient leurs convictions, sont censés se convertir à l'islam avant d'épouser une musulmane[3], y compris en France où un « certificat de coutume » est demandé par les mairies quand l'un des futurs mariés est de nationalité étrangère ; ce « certificat de coutume » ne peut être délivré que si le futur marié signe un « acte de conversion à l'islam » (faute de quoi son mariage ne sera pas reconnu dans les pays musulmans). Le "converti malgré lui" peut aisément devenir un "apostat malgré lui", faute d'avoir pris au sérieux ce qui ressemblait à une simple formalité.

Dans les pays musulmans, l'apostasie (qui commence avec la simple critique de certains éléments de l'islam, et non une négation complète) entraîne au minimum une "mort civile" (invalidité du mariage, de la paternité, etc.). Dans certains pays, la loi prévoit en outre la peine de mort pour les apostats (par exemple l'Arabie saoudite, ou la Mauritanie avec l'article 306 de son Code pénal, qui assimile également à une apostasie le refus de prier). Cependant le Coran n'indique nulle part que l'apostat doit être mis à mort, ce sont certains hadiths sunnites (propos attribués à Mahomet, citations souvent controversées) qui l'exigent : « celui qui change de religion, tuez-le.[4] » Ce châtiment est pratiqué principalement dans l'islam sunnite, l'explication étant que l'islam, qui préconise la théocratie, se caractérise historiquement par une allégeance politique (car "tout pouvoir vient de Dieu") : la mort de l'apostat serait ainsi une solution purement politique, faute d'être une solution religieuse valable au problème théorique du "salut de son âme".

Il peut y avoir aussi des apostasies forcées. Un cas connu est celui de Nasr Abu Zayd (1943-2010), en 1995 en Égypte. Ce professeur d'études islamiques avait contesté la jizya (taxe exigée des chrétiens et des juifs) et dénoncé l'esclavage des jeunes filles. Il fut déclaré apostat et son mariage fut annulé. Il dut s'exiler aux Pays-Bas.

L'une des caractéristiques de l'islam est qu'il est une orthopraxie avant d'être une orthodoxie : ce qui importe n'est pas ce que l'on pense ou ce que l'on croit, mais la façon de se comporter. Il peut y avoir ainsi de nombreux "apostats" non déclarés, qui se soumettent en apparence aux exigences de l'islam (par conformisme ou par simple prudence), mais ont abandonné cette croyance. Ainsi, on évaluait en 2017 le nombre d'athées en Arabie saoudite à 5 % de la population[5], c'est-à-dire davantage qu'aux États-Unis (3,1 % en 2014[6]).

Citations

  • « Le mahométisme est la religion qui a le plus complètement confondu et entremêlé les deux puissances [politiques et religieuses] ; de telle sorte que le grand prêtre est nécessairement le prince, et le prince le grand prêtre, et que tous les actes de la vie civile et politique se règlent plus ou moins sur la loi religieuse. » (Alexis de Tocqueville, Notes sur le Coran[7])
  • « Je voudrais juste dire aux musulmans que l’islam n’est pas une fatalité. Du moment où ils ne l’ont pas choisi à la naissance, ils peuvent le quitter à tout moment. Ils sont nombreux à avoir franchi le pas, bien qu’ils n’aient pas toujours le courage de le revendiquer. Toutefois, il leur faut un peu plus d’intelligence et beaucoup moins de courage pour le faire, par rapport aux kamikazes qui se font exploser au nom de l’islam. » (Waleed Al-Husseini, 29/01/2016)

Notes et références

  1. Acrobat-7 acidtux software.png [pdf]De La Liberté, John Stuart Mill
  2. L'hérésiarque, selon l’Église, ne vaut pas mieux que l'apostat ou le païen : « Les hérétiques méritent d'être retranchés du monde par la mort. Il est en effet beaucoup plus grave de corrompre la vie de l'âme que de falsifier la monnaie qui permet de subvenir aux besoins temporels. » (Thomas d'Aquin, Somme théologique II-II, question 11, article 3)
  3. L'inverse n'est pas vrai : un musulman peut épouser une femme appartenant aux « Gens du livre » (ce qui inclut les juives et les chrétiennes, et exclut les athées, agnostiques ou polythéistes). Ses enfants seront cependant musulmans.
  4. Hadith Bukhari, volume 9, livre 84, numéros 57 et 58 ; hadith Sahih Muslim, livre 16, numéro 4152.
  5. Selon l'article Wikipédia Irreligion in Saudi Arabia.
  6. Selon l'article Wikipédia Irréligion aux États-Unis.
  7. Acrobat-7 acidtux software.png [pdf]Notes sur le Coran et autres textes sur les religions

Liens externes


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