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Kurt Lewin

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Kurt Zadek Lewin (né le 9 septembre 1890 - décédé le 12 février 1947) fut un psychologue américain d'origine allemande spécialisé dans la psychologie sociale, la théorie du leadership et le comportementalisme[1]. Ses travaux ont notamment porté sur la « recherche-action »[2], sur la "théorie du champ rationnel" et sur la "dynamique de groupe". Il s'intéresse également aux nouveaux domaines de recherche centrés autour de la motivation (niveau d'aspiration, apprentissage, concepts de frustration et de régression, etc.). Pionnier de la recherche-action, Kurt Lewin a défini les sciences sociales comme l’étude de problèmes reliant théorie et pratique. Tout problème étudié constitue un test de la théorie et toute formulation théorique peut être testée dans l’étude des problèmes.

Eléments de biographie

À 19 ans, Kurt Lewin s'inscrit en médecine à l'université de Frieberg pour finalement continuer des études de biologie à l'université de Munich. Il termine ses études à l'université Humboldt de Berlin dont il obtient un doctorat à l'âge de 26 ans en 1916. En 1917, il rédige son premier ouvrage de psychologie. Il étudie la Gestalt aux côtés de Max Wertheimer et de Wolfgang Köhler. En se basant sur l'expérience des tranchées à la guerre, il parvient à démontrer que la vision d'un paysage donné est différente selon que l'on est un soldat (pour lequel l'ennemi peut surgir à n'importe quel moment) ou un simple promeneur. Il en conclut dès lors que la représentation de l'environnement dépend fortement des motivations, des attentes et des caractéristiques de l'individu. En 1926, il est nommé professeur de psychologie à l'Université Humboldt de Berlin à l'âge de 36 ans. C'est de ces travaux qu'émergent notamment la théorie de la dynamique de groupe qui analyse l'engagement et le comportement des individuels au sein d'un groupe.

En 1933, face à la montée en force du national-socialisme et l'arrivée d'Hitler au pouvoir, Kurt Lewin décide d'émigrer aux États-Unis. Il y obtient la nationalité américaine en 1940. Aux États-unis, il occupe différents postes universitaires, notamment au sein de l'Université Cornell (1933), de l'Université de l'Iowa (1935) et du Massachusetts Institute of Technology (1944) où il élabore sa théorie de la dynamique des groupes. En 1946, le directeur de la Commission de l'État du Connecticut le contacte afin qu'il aide les pouvoirs publics à lutter contre les préjugés raciaux et religieux au sein de l'État. Marqué par le nazisme de son pays natal, Kurt Lewin a consacré toute sa vie à la défense des valeurs de tolérance et de liberté notamment au travers de ses travaux promouvant la démocratie à l’intérieur des groupes humains.

L'analyse des forces du champ

Inspiré par la théorie de la Gestalt[3] comme par la physique théorique, Kurt Lewin considère que les relations d'un individu ou d'un groupe dans son environnement sont régies par des attractions et des répulsions comparables à des champs de force. L'analyse du champ fournit un cadre pour examiner les facteurs (forces) qui influencent une situation, et sont à l'origine des situations sociales. Kurt Lewin examina les forces qui conduisent le mouvement vers un objectif (aider les forces) ou bloquent le mouvement vers un but (qui entravent les forces).

La dynamique de groupe par l'interdépendance de ses membres et le processus du changement en 3 ètapes

La formation du groupe, intervient Kurt Lewin, provient de l'interdépendance des destinées. ce qui fait un groupe, ce n'est pas que leurs membres soient nécessairement semblables les uns aux autres (bien qu'ils puissent l'être), mais plutôt un groupe existe quand les gens réalisent que leur sort dépend du sort du groupe dans son ensemble. Kurt Lewin s'appuie sur l'exemple de la destinée de la communauté juive pour illustrer sa théorie. Autre élément plus fort, ajoute Kurt Lewin, le groupe se consolide avec l'interdépendance des tâches. Si la tâche du groupe est telle que les membres du groupe sont dépendants les uns des autres pour leur succès, alors une puissante dynamique de groupe est créée. Ces conséquences peuvent être positives ou négatives. Dans le premier cas, le succès d'une personne facilite directement le succès des autres. Dans l'interdépendance négative, le succès d'une personne est correspondant à l'échec d'un autre. Dans cette perspective, la dynamique de groupe est moindre que dans l'interdépendance positive. de plus, le groupe intervient comme un réducteur d’incertitude renforçant l’interdépendance.

Peu convaincu par la théorie psychanalytique freudienne (théorie de frustration-agression), Kurt Lewin découvre, qu'en situation de résistance au changement, il est plus facile de faire évoluer des individus en groupe que s'ils sont pris séparément. Alors, Kurt Lewin a développé sa propre théorie. Il a décrit les modalités face au changement comme un processus en trois étapes. Selon lui la dynamique de groupe s’applique en tant que procédure de changement et . La première étape, appelée «dégel», surmonte l'inertie et démantèle la "structure d'esprit" existante. Les mécanismes de défense doivent être contournées. Dans la deuxième étape, le changement se produit. Cela est généralement une période de confusion et de transition. Une prise de conscience s'opère tandis que les anciennes façons sont remises en cause. Mais, l'image est assez floue alors que leur remplacement se réalise jour par jour. La troisième et dernière étape est appelée «gel». Le nouvel état d'esprit se cristallise et un nouveau niveau de confort est de retour.

Une préférence pour le leadership démocratique

En 1944, Kurt Lewin crée au MIT, le Research Center for Group Dynamics. Il y étudie aussi bien les préjugés raciaux que les styles de leadership. Dans ses travaux sur l'apprentissage auprès des enfants, il a établi la théorie du leadership selon laquelle il existerait différents types de leadership ayant chacun des configurations différentes.

Kurt Lewin a constitué trois groupes d'enfants distincts lors d'activités de loisir au sein d'un centre aéré. L'objectif est de construire des modèles réduits d'avions avec une implication différente de la part des animateurs du groupe. On retrouve trois conditions expérimentales : un groupe « directif », un groupe « participatif » et un groupe « laissez-faire ». Les résultats de cette étude ont montré que le type de leadership influence le travail produit (qualité des biens manufacturés), mais aussi la satisfaction des producteurs (santé mentale au travail).

  • Dans la condition « directive », l'animateur est autocratique dans sa passation d'ordres et ceux-ci ne peuvent pas être discutés (pas de rétro-action possible). Le statut de chef est assimilable au paternalisme. Le leader autoritaire se tient à distance du groupe et use des ordres pour diriger les activités. Le leader a pris les décisions sans consulter les autres. Le rendement d’un groupe dirigé de cette manière est élevé. Malheureusement, la pression dégrade les relations entre les différents membres et leur leader. Un manque de confiance apparait qui peut s'accompagner d'actes de défiance, de rébellion voire de révolution.
  • Dans la condition « participative », l'animateur adopte une attitude démocratique avec tous les membres du groupe. Le leader prend les décisions après avoir consulté les autres ou laisse la majorité décider sur ce qui est à faire. L'animateur facilite l'apprentissage qui est basé sur l'interaction entre les membres du groupe. Ce leader démocratique s’appuie sur des méthodes semi-directives et encourage les membres du groupe à faire des suggestions, à participer aux discussions et à faire preuve de créativité. Ce groupe manifeste des relations amicales et chaleureuses. Le départ du leader n’affecte en rien la continuité du travail.
  • Dans la condition « laissez-faire », l'animateur est en retrait face aux demandes du groupe. Le leader permet aux autres de se prononcer sur les décisions à prendre. Son rôle est de surveiller les activités sans intervenir dans le groupe. Le leader du laisser-faire ne s’implique pas dans la vie du groupe et participe au strict minimum au différentes activités. Cela donne une situation négative où le groupe reste constamment en quête d’informations et de consignes de la part d’un leader peu impliqué. L'enthousiasme et la coordination manquent.

Les limites méthodologiques du modèle de Kurt Lewin

Le support épistémologique de Kurt Lewin repose sur des recherches expérimentales. Au lieu de partir d'un concept de l'action, comme celui de la praxéologie de l'école autrichienne, la méthode utilisée par Kurt Lewin est celle de l'induction par l'observation. Ludwig von Mises condamnait cette approche de la psychologie clinique en proposant en opposition une thymologie, c'est à dire une compréhension des comportements des autres et de l'adaptation de l'individu en fonction. Ainsi, les observations ici ne se portent pas sur les comportements mais sur le résultat productif de ces comportements en analysant le style de leadership, la qualité de la production et le climat social.

Les individus sont observés comme s'ils étaient dans des laboratoires sans influence extérieure. Et, bien que l'expérimentation veut montrer que dans le cadre du 'laissez-faire', il n'existe pas de contexte culturel et comportemental, il en existe tout de même, pourtant. Les individus observés ne peuvent pas se déshabiller de leur passé culturel et comportemental.

Kurt Lewin prétend vouloir étudier les groupes humains au travail, en expérimentant différentes hypothèses d'autorité. Mais que représentent ces groupes humains ? Kurt Lewin choisit quatre groupes d’enfants. Ceci semble étrange comme modèle représentatif. Et, quelle est l'ontologie de l'enfance ? Qu'est-ce qu'un enfant ? Aucune référence à la psychologie cognitive de Piaget n'est présentée. Peut-on conclure qu'un enfant âgé de moins de 6 ans en développement par étapes cognitives est le même que celui qui a atteint l'âge de raison ? Est-ce le même qui est pré-adolescent, adolescent, post-adolescent. Celui qui n'a pas encore atteint la majorité est un enfant. Et, celui ou celle qui est en filiation directe patrimonial ou génétique avec des parents est un enfant. Mais, comment un enfant peut-il être représentatif du monde des "travailleurs" adultes ? Aucune observation ultérieure de Kurt Lewin n'est venu confirmer ce point.

Quelle formation et cadre de travail, ces enfants connaissent-ils ? La fabrication de masques dont on leur confie la mission est-elle plus compatible avec une activité d'un centre de loisirs ou d'un centre de travail ? Existe-t-il un contrat précis sur la relation de travail entre les enfants et leurs leaders adultes ? Kurt Lewin tente de déterminer la manière la plus productive de s'y prendre avec trois styles de leadership imposés. Voici une contrainte bien pré-fabriquée sachant que le leadership du "laisser-faire" est assez caricaturale. Kurt Lewin présente que ce modèle de leadership produit des résultats extrêmement peu productifs car il favorise la non-coopération entre les enfants. En l'absence du leader, ceux-ci ne continuent pas le travail. Au final, on observe une quantité produite peu élevée, avec une faible qualité.

Il est certain que pour certains types d'enfants, l'absence de directive est aussi angoissante que si on leur mettait un revolver sur leur tempe psychologique. Mais, il existe aussi des leaders chez les enfants. Où sont-ils ? l'expérimentation ne permet pas un système évolutionniste d'apprentissage du leadership. Les enfants subordonnés doivent suivre la règle de l'absence de leadership. Dans ce groupe de laissez-faire, une règle implicite est qu'il ne doit pas y avoir de leader. Donc, la discipline des enfants respecte cette règle de conduite. Friedrich Hayek a longtemps insisté sur l'existence de règle de conduites dans la société se transmettant de générations en générations sans forcément un apprentissage explicite de ces règles de conduite.

L'expérimentation n'a pas montré l'échec d'un modèle du "laissez-faire" comme le prétend Kurt Lewin, car l'observation a été construite sous une approche autoritaire induite. Les enfants n'ont pas eu d'autres choix que de se soumettre à l'autorité du modèle "scientifiquement" construit. Imposer à quelques uns (enfants ou adultes) l'obligation de se soumettre à un modèle, qu'il soit de laissez-faire ou non, est une obligation de conformité et de soumission. Or, des enfants (ou des adultes) ne viennent pas volontairement ou implicitement, à être observé sans un bagage culturel liés au modèle pédagogique de l'apprentissage. Un enfant soumis à l'autorité bienveillante ou non de ses parents et des ses instructeurs, est indubitablement imprégné d'une forme de leadership et ses règles de conduite, en l'absence de leadership, le conduisent à se référer à ce qu'il connait et d'adopter des règles de conduites ancrées en lui. Au contraire de la conclusion de Kurt Lewin, le modèle de "laissez-faire" tel qu'il est présenté par l'auteur est efficace car il a permis à des jeunes gens de comprendre que, dans un inconfort psychologique, ils pouvaient se reposer efficacement sur des règles de conduite (comme la discipline et le calme dans l'effort) transmises de générations en générations sans que personne n'aient eu à leur inculquer explicitement. Que les masques soient produits en moindre quantité ou en plus faible qualité est secondaire pour ce groupe.

Annexes

Notes et références

  1. La personne concrète dans une situation concrète peut être représentée mathématiquement. En 1931, il pose l'équation que le comportement (B) est une fonction (ƒ) de la personnalité (P) et de l'environnement (E), soit de manière formalisée : B=ƒ(P,E)
  2. Il a utilisé la notion de "recherche-action" pour expliquer la relation entre le chercheur et le milieu social étudié comme aux méthodes d’intervention.
  3. Le mot "gestalt" est un mot allemand qui signifiait, à l'origine, "assembler" mais il est souvent traduit par modèle ou configuration. Une forme (Gestalt) constitue un tout cohérent. Elle est une construction de l'esprit individuel avec ses propres lois plutôt que la représentation de la «réalité».

Publications

  • 1935, "Dynamic theory of personality", New York, McMillan
  • 1936, Principles of topological psychology, New York, McGraw-Hill
  • 1938, avec Ronald Lippitt, "An experimental approach to the study of autocracy and democracy: A preliminary note", Sociometry, Vol 1, pp292-300
  • 1939,
    • a. avec R. Lipitt et R. K. White, "Patterns of aggressive behavior in experimentally created social climates", Journal of Social Psychology, 10, pp271–301
    • b. "Field Theory and Experiment in Social Psychology: Concepts and Methods", American Journal of Sociology, Vol 44, pp868-896
  • 1942, avec A. Bevelas, "Training in democratic leadership", Journal of Abnormal and Social Psychology, 37, pp115-119
  • 1943,
    • a. "Defining the "Field at a Given Time", Psychological Review, Vol 50, pp292-310
    • b. "Forces behind food habits and methods of change", Bulletin of the National Research Council, n°108, pp35–65
  • 1946,
    • a. Frontiers in Group Dynamics
    • b. Psychological Problems in Jewish Education
    • c. Action research and minority problems, Journal of Social Issues, 2(4), pp34-46
  • 1947,
    • a. "Frontiers in group dynamics: Channels of group life; social planning and action research", Human Relations, 1(2), pp143-153
    • b. "Frontiers in group dynamics: Concept, method and reality in social science; social equilibria and social change", Human Relations, 1(2), pp5- 41
  • 1948, Resolving social conflicts
  • 1950, "Psychologie dynamique: les relations humaines", Paris, P.U.F.
  • 1951,
    • a. Field Theory and Social Science, Harper
    • b. "Problems of research in social psychology", In: D. Cartwright, dir., "Field theory in social science: Selected theoretical papers", New York: Harper & Brothers Publishers, pp155–169
  • 1964, "Psychologie dynamique, les relations humaines", Paris: PUF
  • 1968, avec P. Kaufmann, "Une théorie du champ dans les sciences de l'Homme", Paris, P.U.F.

Littérature secondaire

  • 1956, H. S. Kariel, "Democracy unlimited: Kurt Lewin's lield theory", American Journal of Sociology", Vol 62, pp280-289
  • 1968, Pierre Kaufmann, "Kurt Lewin. Une théorie du champ dans les sciences de l’homme", Paris, Vrin
  • 1972, A. J. Marrow, "Kurt Lewin", Paris, E.S.T.
  • 1987,
    • W. Graebner, "Confronting the democratic paradox: The ambivalenl vision of Kurt Lewin", Journal of Social Issues, Vol 43, pp141-146
    • M. Lewin, "Kurt Lewin and the invisible bird on the flagpole: A reply to Gnebner", Journal of Social Issue, Vol 43, pp123-139
  • 2005, J. E. Neumann, "Kurt Lewin at the Tavistock Institute", Educational Action Research, 13(1), pp119-136
  • 2006, R. Foschi et G. P. Lombardo, "Lewinian contribution to the study of personality as the alternative to the mainstream of personality psychology in the 20th century", In: J. Trempala, A. Pepitone et B. Raven, dir., "Lewinian Psychology", vol. 1, Bydgoszcz: Kazimierz Wielki University Press. ISBN 83-7096-592-X, pp86–98
  • 2017, Florence Allard-Poesi, "Kurt Lewin – De la théorie du champ à une science du social", In: Sandra Charreire Petit, Isabelle Huault, dir, "Les Grands Auteurs en Management", Éditeur : EMS Editions, Collection : Grands auteurs, pp510-530