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Leadership narcissique

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Sigmund Freud inventa le terme de personnalité narcissique, en référence au héros mythique grec, Narcisse, qui est devenu pathologiquement obsédé par lui-même et son propre reflet dans l'eau de la mare, une obsession qui l'a finalement conduit à sa propre destruction.

Définition de la personnalité narcissique

Sigmund Freud a défini une personnalité narcissique comme une personne dont l'intérêt principal est la préservation de soi avec une indépendance impossible à intimider. Ce type de personnalité impressionne les autres comme étant une forte personnalité. Le narcissique a un besoin extrême et inné d'estime de soi sous la forme de statut, d'attention ou d'admiration. La personne ayant une telle personnalité a tendance à croire qu'elle ne peut pas compter sur l'amour et la loyauté de quelqu'un d'autre, et dans son effort de développement de soi, elle se préoccupe à établir son pouvoir et son contrôle sur les autres. Elle est indifférente aux besoins et au bien-être des autres. Elle vise à améliorer son propre statut. Elle a un fort besoin de puissance et de pouvoir. Mais elle a un faible contrôle sur elle-même, s'emportant avec impulsion. Finalement, le narcissique est particulièrement adapté pour agir comme un bastion de sécurité pour les autres, essentiellement dans un rôle de leadership.

A. Brown (1997) soutient que la théorie du leadership narcissique peut être employée utilement pour analyser la dynamique de groupe et du comportement organisationnel car il met en lumière la dynamique sous-jacente de la légitimité des attributions du leader faites par les participants de l'organisation. Le leadership narcissique est une forme de leadership qui peut être saine ou destructrice bien qu'il existe un continuum entre les deux. À son niveau critique, le leadership narcissique est entraîné dans son comportement par un inflexible orgueil, par l'égocentrisme, par un besoin personnel égoïste pour le pouvoir et l'admiration de soi. Le narcissique exagère ses talents et ses capacités, et il manque d'empathie pour les autres.

L'émergence du leader narcissique dans les organisations

Le leader narcissique émerge dans la société à certaines périodes, comme en temps de guerre, où il y a une éthique forte sur la façon dont les organisations se concurrencent. La prescription est intrinsèquement et binairement évidente par une dominance normative du résultat : gain ou perte. Dans les organisations contemporaines, le besoin d'innovation et d'amélioration de la qualité est constante de manière à « gagner » au sein de son secteur d'activité. Une crise de confiance, politique, spirituel, économique ou financière est le creuset favorable dans lequel le caractère visionnaire du leader narcissique prend son envol.

Selon l'étude menée par Amy B. Brunell, W. Keith Campbell, Kenneth G. DeMarree, William A. Gentry, Brian J. Hoffman et Karl W. Kuhnert, quand un groupe est dépourvu de chef on peut souvent compter sur un personnage narcissique pour prendre en charge rapidement ce rôle. Et tandis que les narcissiques sont plus susceptibles de devenir des leaders parce qu'ils disposent des compétences nécessaires et des qualités qui les propulsent dans des rôles de leadership. Pourtant, une fois au pouvoir, les narcissiques ne fonctionnent pas mieux que d'autres dans ce rôle de leadership. Pire, derrière leur masque de bonne moralité, ils peuvent avoir en eux le sentiment que les règles ne s'appliquent pas à eux, ce qui peut avoir des conséquences désastreuses. Les leaders narcissiques peuvent perdre le contact avec la réalité. Par exemple, un fort sentiment d'auto-importance ou d'infaillibilité peut les aveugler et les détourner des points de vue divergents ou d'écouter sagement les dénonciateurs moraux (whistleblower), conduisant ainsi à une prise de décision stratégique et organisationnelle défaillante comme l'ont témoigné les cas des entreprises Enron et de WorldCom.

Le narcissisme d'entreprise survient lorsque un narcissique en devient le leader (PDG ou un membre de l'équipe de direction) et qu'il rassemble une combinaison adéquate de dépendants autour de lui pour soutenir son comportement narcissique. Les narcissiques sont fidèles à l'entreprise, mais ils ne sont réellement engagés qu'avec leurs propres plans de carrière. Donc les décisions organisationnelles sont davantage fondées sur les intérêts propres du narcissique plutôt que sur les intérêts de l'organisation dans son ensemble. En conséquence, un certain type de leader charismatique peut diriger une entreprise qui réussit sur un fond de principes malsains pour un temps. Michael Maccoby a fait la distinction entre ce qu'il appelle le « narcissique productif » et le « narcissique improductif ». Il reconnait que le narcissique productif a toujours tendance à être plus sensible à la critique et à être plus compétitif. Mais il considère qu'il a le sentiment de liberté à pouvoir faire ce qu'il veut, plutôt que de se sentir constamment contraint par les circonstances. Il estime que grâce à son charisme il est capable d'attirer les gens dans sa vision, et de produire une cohorte de suiveurs qui poursuivent le rêve pour tous.

Les limites d'un leadership narcissique sain

Être un leader narcissique n'est pas obligatoirement une déviance nocive de la personnalité. En effet, Sigmund Freud estimait que tout le monde est un peu narcissique, et étant donné la stimulation de certains pour atteindre un poste de haut rang dans un système hiérarchique, un leader est enclin à agir de façon narcissique. Si les individus sont formés tout au long de leurs études afin de posséder les compétences et les traits du leader ou du suiveur efficace, alors ils sont susceptibles de devenir des leaders narcissiques jusqu'à un certain point. Et étant donné le statut quelquefois stigmatisé du leadership et de l'association du leadership à une romance, un individu peut très vite agir de façon narcissique.

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Comparaison de R. Lubit (2002) entre les leaders narcissiques sains et les leaders narcissiques destructifs pour leur impact à long terme sur les organisations.

Compte tenu de ses caractéristiques, le leadership narcissique est quelquefois confondu avec le leadership transformationnel, étant donné que les deux ont une vision du grandiose et de conviction par leur rhétorique affirmée et un comportement démontrant une confiance et un optimisme tous azimuts. Ils peuvent générer des dizaines de suiveurs grâce à leur vision et à leur exemplarité. Toutefois, il est important de noter qu'il existe certaines différences importantes entre le leader narcissique aux entournures de transformateur et le leader transformationnel efficace et productif. Poussés par leur désir de reconnaissance et d'admiration, les leaders narcissiques créent des visions qui cherchent fondamentalement à façonner l'avenir et à laisser un héritage de grandes réalisations personnelles. Inversement, les leaders transformationnels souhaitent contester le statu quo et créent quelque chose de nouveau ; leurs visions sont moins égoïstes, étant axées davantage sur une organisation collective ou un groupe objectif. En effet, l’égocentrisme rampant associé aux leaders narcissiques est plus étroitement aligné sur les leaders transactionnels, où les dirigeants et les subordonnés poursuivent de façon rationnelle leurs propres intérêts, dans leurs transactions avec l'autre, via la notion d'un libre contrat.

Publications

  • 1980, Vamik D. Volkan, "Narcissistic Personality Organization and “Reparative” Leadership", International Journal of Group Psychotherapy, Vol 30, n°2, April, pp131-152
  • 1986, J. M. Post, "Narcissism and the charismatic leader-follower relationship", Political Psychology, Vol 7, pp675-688
  • 1988, R. J. Arthur, M. J. Horowitz, "Narcissistic Rage in Leaders: the Intersection of Individual Dynamics and Group Process", International Journal of Social Psychiatry, Summer, 34(2), pp135-141
  • 1995, Jarl Jørstad, "Narcissism and Leadership: Some Differences in Male and Female Leaders", Nordic Journal of Psychiatry, Vol 49, n°6, January, pp409-416
  • 1997, A. Brown, "Narcissism, Identity, and Legitimacy", The Academy of Management Review, Vol 22, n°3, pp643–686
  • 2000,
    • Leonard Horwitz, "Narcissistic leadership in psychotherapy groups", International Journal of Group Psychotherapy, April, Vol 50, n°2, pp219-235
    • Michael Maccoby, "Narcissistic leaders: The incredible pros, the inevitable cons", Harvard Business Review, Vol 78, n°1, January–February, pp69-77
      • Repris en 2004, Harvard Business Review, January, pp92-102
    • Dean B McFarlin, Paul D Sweeney, "House of Mirrors: The Untold Truth About Narcissistic Leaders and How to Survive Them", Kogan Page Business Books, ISBN 0749427248
  • 2001, A. Buono, "House of Mirrors: The Untold Truth about Narcissistic Leaders and How to Survive Them", Personnel Psychology, Vol 54, n°4, pp996–1000
  • 2002, R. Lubit, "The long-term organizational impact of destructively narcissistic managers", Academy of Management Executive, 16(1), pp127-138
  • 2004,
    • R. Jones, B. Lasky, M. Le Fevre, H. Russell-Gale, "Leadership and the development of dominant and countercultures: A narcissistic perspective", Leadership & Organization Development Journal, Vol 25, n°2, pp216-233
    • M. Maccoby, "Narcissistic Leaders: The incredible pros the inevitable cons", Harvard Business Review, January, pp92-101
  • 2006,
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    • T. L. Pittinsky, S. A. Rosenthal, "Narcissistic leadership", The Leadership Quarterly, Vol 17, n°6, December, pp617-633
  • 2007, Michael Maccoby, "Narcissistic Leaders: Who Succeeds and Who Fails", Boston: Harvard Business School Press
  • 2008,
    • C. Blair, B. Hoffman, K. Helland, “Narcissism in Organizations: A Multisource Appraisal Reflects Different Perspectives”, Human Performance, Vol 21, n°3, pp254–276
    • Amy B. Brunell, W. Keith Campbell, Kenneth G. DeMarree, William A. Gentry, Brian J. Hoffman, Karl W. Kuhnert, "Leader Emergence: The Case of the Narcissistic Leader", Personality and Social Psychology Bulletin, December, Vol 34, n°12, pp1663-1676
  • 2009,
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    • W. Keith Campbell & Stacy M. Campbell, "On the Self-regulatory Dynamics Created by the Peculiar Benefits and Costs of Narcissism: A Contextual Reinforcement Model and Examination of Leadership", Self and Identity, Vol 8, n°2-3, April, pp214-232
    • D. Duchon, B. Drake, "Organizational Narcissism and Virtuous Behavior", Journal of Business Ethics, 85, pp301–308
    • C. Fowler, V. D. Volkan, "Large-group Narcissism and Political Leaders with Narcissistic Personality", Organization - Psychiatric Annals, Vol 39, n°4, April
    • Malcolm Higgs, "The Good, the Bad and the Ugly: Leadership and Narcissism", Journal of Change Management, Vol 9, n°2, June, pp165-178
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  • 2011, S. M. Campbell, W. K. Campbell, B. J. Hoffman, G. Marchisio, "Narcissism in organizational contexts", Human Resource Management Review, Vol 21, pp268–284
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