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Théorie autrichienne du leadership

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Alors que les théoriciens de l'école autrichienne n'ont pas traité directement du leadership, il n'en est pas moins vrai qu'ils ont choisi des thèmes s'y approchant comme le contrôle, la hiérarchie, les dirigeants, l'entrepreneur, l'élite, l'oligarchie, la dictature, le paternalisme césariste[1], le nazisme, le facisme, l'autoritarisme, la coercition, le pouvoir, la planification...

Les fondations méthodologiques, épistémologiques et épistémiques

Affirmer que les décennies passées de la recherche sur la théorie du leadership ont produit un quasi-consensus n'est pas solide conceptuellement et empiriquement sans être étiquetée comme d'une position intellectuelle naïve et simple d'esprit. Les modèles économétriques psychologiques se sont embourbés dans des constructions positivistes excessivement statiques et démodées. Ces schémas mettent souvent l'accent sur les relations entre le leader et le suiveur en situation de tête à tête à un seul niveau de l'organisation. Ils ne semblent pas tenir compte des effets du leadership intégré dans plusieurs niveaux à l'intérieur de l'organisation et à l'extérieur. La myriade d'interactions des individus dans ce 21ème siècle, avec leurs caractéristiques spécifiques et un contexte différencié dans lequel se déroule le leadership, rendent l'analyse du fonctionnement du leadership d'une réalité épistémologique difficilement déchiffrable et d'une complexité épistémique extrêmement dynamique.

L'idée spécifique et originale de l'école autrichienne est d'accentuer la vision d'une hétérogénéité du capital, en l’occurrence, d'un capital de leadership avec aussi la notion hayekienne de dispersion de l'information. Selon le concept de thymologie, inventé par Ludwig von Mises, corollaire au concept d’intelligence sociale, le leader peut aussi faire acte de leadership thymologique[2] par sa capacité à comprendre les sentiments, les pensées, les comportements des autres et de soi même dans des situations interpersonnelles.

Le monde "autrichien" est un univers de leadership informationnel ouvert où chaque individu peut s'inviter à la table de la discussion au moment de son choix et pour la durée qu'il souhaite. Ce monde est un monde ouvert et réticulaire, c'est-à-dire qu'il est basé sur des réseaux sociaux et professionnels épistémiques enchevêtrés. Le leader autrichien n'a pas le monopole de leadership à l'infini, il est inévitablement intégré dans un "peer leadership".

L'approche épistémologique de l'École autrichienne ne présume pas l'existence d'une situation pré-déterminée aux faits économiques et sociaux, dans laquelle un leader et un suiveur auraient des rôles clairement distribués selon une structure organisationnelle formelle. Au lieu de cela, les membres d'une organisation, quelle que soit leur position officielle, sont généralement considérés comme des individus agissant consciemment, qui poursuivent des objectifs particuliers sur la base de leurs propres intérêts et qui se stimulent mutuellement, par conséquences involontaires ou volontaires, de façon attendue ou inattendue afin d'amorcer de nouvelles actions et d'en poursuivre d'autres. Par conséquent, ce processus interactif est sans fin car tous les membres d'une organisation sont capables d'être les leaders de sorte qu'une distinction claire entre les leaders et les suiveurs, sur une base formelle est impossible.

Méthodologie et épistémologie solides de la théorie générale du leadership

L'apparition de l'École autrichienne d'économie, à la fin du 19ème siècle, s'est effectuée au même moment d'un débat très âpre sur la valeur de l'individu et de son rôle dans les groupes. Alors que les disciples de Karl Marx ont souligné les facteurs décisifs de la classe économique et sociale dans la progression de la société, les partisans de Charles Darwin ont examiné la nature de la biologie comme un facteur déterminant de l'évolution. Pour les auteurs autrichiens, les êtres humains ont la capacité de faire une différence dans le cours de l'histoire grâce à leurs actions et ceci quelle que soit leur dotation génétique initiale. La praxéologie étudie donc l'action des individus qui contribuent précieusement au leadership. Cette analyse repose sur un individualisme méthodologique praxéologique à la différence d'un holisme méthodologique praxéologique. Pour les auteurs autrichiens, seuls les êtres humains ont un pouvoir d'action sur les phénomènes sociaux. Une entité collective ne peut pas se placer comme un acteur collectif indépendant des individus. Rejetant l'atomisme méthodologique, les auteurs autrichiens s'intéressent aux entités globales et aux formes collectives du leadership comme par exemple, le co-leadership, le leadership collégial[3] ou le leadership collaboratif.

Contrairement à l'analyse marxiste des classes qui établit toujours clairement qui est le contrôleur superviseur (leader) et qui est l'exploité (le suiveur) dans une structure hiérarchique pré-définie, l'analyse autrichienne ne peut définir a priori qui détient le pouvoir et qui ne le détient pas. D'ailleurs, l'école autrichienne ne se focalise pas sur l'étude du pouvoir, comme le fait l'analyse marxiste de façon irréductiblement systématique, car l'important n'est pas de savoir qui a le pouvoir mais ce que les acteurs font de leur ressources et l'éthique qu'ils adoptent dans leurs comportements équitables. En affirmant une théorie de la justice du marché, les auteurs autrichiens renforcent les apports de la théorie d'une justice organisationnelle.

En opposition à une perspective socio-constructiviste du leadership qui est plutôt attentive aux décisions du leadership d'un point de vue minutieux des différents aspects culturels, économiques et politiques composant le « contexte », l'approche autrichienne est davantage préoccupée par une modélisation théorique généralisable, et donc universelle. Le réalisme épistémologique est à la base de l'approche autrichienne, ce qui la différencie des approches concurrentes, comme la théorie du leadership intégral, qui sont plus portées, comme pour la majorité des chercheurs socio-constructivistes et post-modernistes, vers un relativisme épistémologique. Les fondations méthodologiques de l'École autrichienne sont des bases solides de compréhension des phénomènes sociaux et elles ne sont pas une tentative d'intégrer, comme un patchwork, différentes autres théories. Chacun d'entre nous n'a pas un vision de la réalité qui lui est propre. La vérité ne se construit pas par les individus, elle se découvre.

La plupart des théories du leadership sont enracinées dans un paradigme psychologique qui traite le leadership comme d'un attribut individuel, bien que celui-ci soit activé dans des contraintes situationnelles. D'autres auteurs proposent une théorie institutionnelle du leadership[4] inspirée par l'école institutionnelle de l'analyse organisationnelle. Ils utilisent une approche basée sur la sociologie de Max Weber et lient le leadership aux principes de légitimation et de normes de la structure sociale dans laquelle le leadership émerge et se produit.

L'approche autrichienne reconnaît aussi que l'étude des leaders individuels ne rend pas une compréhension générale du leadership. Elle rejette donc l'idée que le leadership soit une sommation des qualités, des comportements ou des réponses à certaines situations des individus dans une position d'autorité à la tête des organisations. Elle accepte l'idée que le leadership soit quelque chose de plus grand que le leader et ne se concentre pas sur les qualités, les comportements et les réactions de ceux qui prétendent être ou à ceux dont on donne le titre de leaders. Ainsi, le sens de «leader» (ou de celui qui peut être étiqueté comme un leader) dépend des processus de leadership révélé et non pas en référence du poste occupé.

Friedrich Hayek ne donne pas à la notion d'élite l'équivalence du leadership d'un "despote bienveillant" incarné dans les temps modernes par l'Etat-providence (Welfare State). En effet, ceux qui sont censés représentés l'élite doivent prouver à eux-mêmes et aux autres qu'ils sont capables de maintenir leur position par l'intermédiaire de leurs propres qualités comme le font, équitablement, les autres personnes qui n'appartiennent pas à l'élite. C'est la raison pour laquelle, Friedrich Hayek ne se considérait pas comme un conservateur, c'est à dire le membre d'un système d'organisation de la société où l'élite conserve de façon plus ou moins autoritaire les rênes du pouvoir. C'est ainsi que Friedrich Hayek s'est opposé à la doctrine du constructivisme social et du rationalisme politique. Ces idéologies, issues de la pensée sociale et radicale des philosophes et sociologues français du XIXème siècle, légitimaient l'intervention de l'Etat et certaines formes de planification si ces politiques avaient pour but l'amélioration des conditions sociales et du niveau de vie. Le leadership hayékien procure à l'ensemble des membres de la société la libre capacité d'intervenir sur la croissance plutôt que le suivi aveugle d'un rationalisme éclairé imposant au monde une vue pré-conçue d'un idéal de croissance.

L'étude autrichienne se concentre davantage sur les relations entre les individus, sur les points de levier qui transforment la linéarité des faits économiques en destruction créatrice entrepreneuriale, et sur les mesures des résultats de la réussite par l'intermédiaire du profit plutôt qu'un leadership administratif[5] observant et enregistrant des jalons concrets par un système de notations, établissant de procédures d'étape en étape et produisant des rapports et des agrégats statistiques à la volée, lesquels sont leurs supports de leur leadership discursif à l'image également du leadership bureaucratique.

Un leadership dispersé et d'apprentissage dépassant l'analyse instrumentale et psychologique du leadership

Le leadership cognitif, relevé par Ulrich Witt, s'appuie sur les travaux de Friedrich Hayek sur la connaissance et permet de comprendre la pérennité de l'organisation. L'information joue un rôle primordial dans la théorie autrichienne, et sans conteste, celui qui joue un rôle de leader est celui qui maîtrise une curiosité et une application épistémique dans ses actions. Les leaders ont une forte propension à apprendre et à absorber de nouvelles idées. Ils construisent du sens en fonction des circonstances et des expériences. Ils tirent des leçons pour les situations futures. Si nécessaire, ils sont prêts à apporter des changements dans leur attitude, leur approche et leur comportement. Ils créent des réseaux d'information et initient des efforts particuliers pour réunir les informations nécessaires au leadership stratégique. Afin de faciliter l'apprentissage des autres membres de l'organisation, les dirigeants encouragent les subordonnés à élargir leurs horizons en les poussant hors de leur zone de confort. Le leadership, c'est un apprentissage continu. Il faut être assez humble pour apprendre car être réceptif aux autres empêche ces dirigeants de devenir arrogants ou d'entrer dans le piège de croire qu'ils savent tout, en vertu de leur position hiérarchique.

L'entrepreneur détient une place incontestable dans l'analyse autrichienne. En comparaison, la théorie libertarienne de Ayn Rand repose sur une conception du leadership héroïque. Sa perspective du leader est particulièrement individualiste et représente une source de pouvoir concentré, incarné par l'entrepreneur. Dans cette approche, les leaders sont des êtres humains exceptionnels, exemplaires, nés avec des qualités innées et destinés à conduire les autres êtres humains vers un but particulier. Ils ont à la fois un rôle d'exemplarité, de charisme et de leadership d'opinions. L'approche autrichienne ne nie pas l'existence d'individus exceptionnels qui ont fait avancer la société. Cependant, elle convient de comprendre tous les comportements de leadership qui ne se dévoilent pas totalement au grand jour. En reprenant la métaphore de l'océan, l'étude de l'écume des vagues ne permet pas de comprendre le mouvement profond et ample qui se crée dans cet océan fluide, profond et aux multiples nuances bleutées. C'est la raison pour laquelle le leadership dispersé correspond assez étroitement au modèle autrichien et demeure assez vigilant vis à vis d'un leadership démocratique oxymore[6]. Il y a, dans doute, dans l'approche générale autrichienne, une mise en doute de toute idéalisation du "leadership" et à voir les leaders comme des personnes qui, par des conflits et des luttes de coordiantion, ont trouvé un moyen d'exprimer leurs passions dans un contexte de choix difficiles où leurs ressources sont limitées. Cela signifie bien que chaque leader a ses propres limites importantes. Il y a lieu d'être prudent si l'afirmation de l'effet d'épanouissement des salariés dans l'ordre d'un leadership entrepreneurial basé sur un leadership participatif ou démocratique. Telle que le présente Murray Rothbard, les hommes politiques ne peuvent pas prendre une photo à l'avance des besoins de leurs électeurs à un instant "t", comme le supposait Vilfredo Pareto dans sa théorie des biens publics. James Burns[7] écrivait, en 1978, que finalement, seuls les suiveurs peuvent définir leurs propres besoins véritables. Et ils peuvent le faire seulement, ajouta-t-il, quand ils peuvent faire un choix éclairé parmi des "prescriptions" concurrentes. Il reprend en quelque sorte, l'argument de Murray Rothbard en 1956, dans sa théorie de la demande révélée, où il n'est possible de connaître les besoins et les désirs des individus qu'au moment précis où ils font leurs choix.

Bien que la notion de leadership, telle quelle fut définie par le critère du pouvoir d'un ou de quelques individus semble trop simpliste, la seule idée du leadership héroïque semble être fermement ancrée dans notre psyché et s'étend à un horizon beaucoup plus large que n'importe quel contexte organisationnel. La notion occidentale traditionnelle du leadership fut structurée par nos contes «héroïques» : les personnages religieux, les super-héros des bandes dessinées, et les chevaliers en armure étincelante se transformant en PDG contemporains des grandes multinationales ou de l'entrepreneur découvreur et ingénieux. Les auteurs autrichiens, comme Emily Chamlee-Wright et Don Lavoie, prennent en compte l'importance de la culture dans la théorie de l'entrepreneuriat et du développement économique. Les entrepreneurs sont des personnalités intégrées dans la culture qui ont un rôle actif de leadership dans le développement. Mais quels sont ces entrepreneurs qualifiables de leaders ? Selon Paul Cantor, un chercheur littéraire de l'école autrichienne, la culture populaire fournit un important véhicule par lequel il est possible d'explorer le cycle des catégories du leadership. Par exemple, le leader de l’État nation a disparu aux États-Unis, dans les années 1980, ce qui s'est reflété dans les séries télévisées comme "Les Simpsons" et "X-Files". En raison de la nature relationnelle du leadership, le cinéma, la bande dessinée ou les séries télés deviennent des sources importantes d'apprentissage du leadership et de sa compréhension. L'analyse littéraire du leadership permet aussi de dépeindre la dynamique personnelle du leadership d'une manière plus éclairante que ne peut le faire la recherche empirique traditionnelle.

Le leadership épistémique élargit le cadre étroit de la théorie cognitive et évolutionniste du leadership

Ulrich Witt, économiste de la théorie évolutionniste, inspiré par la théorie de Friedrich Hayek aborde la question de leadership cognitif au sein de l'entreprise. Les chefs d'entreprise agissent, en général, par l'intermédiaire des organisations, comme les entreprises. Ils sont les fondateurs et les dirigeants d'entreprises. Une fonction essentielle de leadership au sein de l'entreprise est d'inciter les employés à adopter une orientation entrepreneuriale des affaires et de maintenir les valeurs propres au travail. Cette idée, adoptée par le Market Based Management s'observe chez des auteurs comme Roger Koppl ou Richard Langlois. Stavros Ioannides note que la non-réalisation du leadership cognitif par l'entrepreneur peut provoquer la dissolution de l'organisation dans un ordre spontané (marché). L'entreprise peut continuer à fonctionner, mais elle ne sera plus efficace pour poursuivre la vision initiale du fondateur de l'entreprise (notamment dans le cadre de l'entreprise familiale[8][9][10]). Dans ce contexte, le fondateur doit faire preuve de leadership cognitif au sein de l'entreprise, au sein de la famille, et à travers les générations.

La théorie classique du leadership s'appuie largement sur la théorie cognitive de la connaissance, Elle traite de la production de la connaissances principalement comme d'une activité intellectuelle et consciente, où l'esprit est extrait du corps et des expériences personnelles. Le chercheur a un rôle monopolistique de producteur de savoir alors que les acteurs économiques et sociaux demeurent seulement des consommateurs de la connaissance. Dans la littérature traditionnelle du leadership normatif, les chercheurs et les acteurs praticiens ont des rôles séparés et isolés les uns des autres. Le chercheur est le connaisseur et le praticien est celui qui doit être "éduqué" sur les qualités de leadership et comment les leaders efficaces doivent se comporter. Dans l'approche autrichienne de Friedrich Hayek, l'accent est davantage porté sur l'accès à la connaissance où interviennent deux éléments principaux qui la distingue d'une théorie cognitive du leadership. En premier lieu, la connaissance s'opère par une curiosité épistémique où le corps et l'esprit ne sont pas séparés mais sont unis. La théorie épistémique se distingue de l'approche cognitive par son ouverture vers l'extérieur. Ce n'est pas un processus de psychologie auto-entretenu et centré sur l'esprit de l'individu. Au contraire, l'esprit de l'individu est sensible aux perceptions des événements qui sont reliés au monde extérieur. En second lieu, la théorie épistémique du leadership est liée à l'apprentissage. Le leader apprend de ses essais et de ses erreurs. Cela implique qu'il se responsabilise en self-leader et qu'il soit suffisamment humble pour admettre sa faillibilité. La théorie épistémique est intégrée dans un processus en développement dont les ressorts de motivations sont liées à des divergences, à des ambiguïtés d'interprétations et à des adversités.

L'adversité, c'est-à-dire la concurrence, est un processus de découverte. Elle stimule les leaders à une curiosité épistémique, c'est-à-dire, dans les termes d'Israel Kirzner, que le leader est vigilant à de futures opportunités. La recherche des qualités du leadership comme la mise en avant, par Israel Kirzner, de la qualité du leader vigilant n'est cependant pas un retour à la théorie des traits. Alors que la théorie des traits avait pour objectif de rechercher les caractéristiques quantifiables que les leaders possédaient, ces caractéristiques devaient être mesurables à des degrés variables au sein d'une même population. Le retour d'attention vers les qualités de leadership inclut également des qualités plus subjectives. Et l’École autrichienne reconnait que ce sont des qualités qu'un leader peut développer à tout moment de sa vie, par opposition aux traits de personnalité essentiels que la théorie des traits estime qu'un leader possède ou ne possède pas. L'approche psychologique s'est appuyée sur une méthodologie instrumentale, une mesure forte, mais qui est très étroite pour représenter l'expérience d'un leadership général. L'analyse du leadership ne peut pas se réduire à la mesure de facteurs psychologiques mais doit comprendre justement les processus d'influence économique et sociale. En effet, l'École autrichienne pose davantage un accent sur la façon dont ces qualités de leadership permettent d'influencer les autres par la voie d'un échange libre non-coercitif.

A la fin des années 1990, Roger Koppl a mis en doute la répartition égalitaire du leadership épistémique lorsque les marchés sont affectés par la présence de "big players" ("gros joueurs"), tels que les banques centrales, les décideurs politiques et les autres intervenants plus ou moins à l'abri de la discipline du marché. Les activités de ces acteurs modifient le fonctionnement des marchés parce qu'ils ont la capacité de générer des connaissances qui dominent celle des autres participants. Leurs actions modifient la configuration des prix du marché et affectent, par conséquent la production finale. Cette analyse du leadership épistémique a une extension naturelle dans les situations où il n'existe qu'un seul agent (un Big Player) qui fonctionne dans un régime de planification centrale. Il s'agit d'un scénario qui a été largement discuté, analysé et débattu, dès les années 1930, en économie sur le calcul socialiste, opposant les économistes du socialisme de marché avec les leaders intellectuels de l'école autrichienne d'économie (Ludwig von Mises, Friedrich Hayek). Dans les deux cas, la question n'est pas simplement de constater les problèmes rencontrés par les « bigs players » dans l'acquisition des connaissances nécessaires. Mais, la perspective de l'argument est ici de comprendre comment toutes les différentes formes institutionnelles affectent et déforment le production de connaissances, et de ce fait comment la présence d'un leadership de « big player » empêche la stabilité et l'adaptabilité de l'ordre social et économique.

Dans un court essai publié en 1949, Les intellectuels et le socialisme, Friedrich Hayek a donné plusieurs raisons pour lesquelles les leaders intellectuels, ou ce que nous appelons aujourd'hui, les experts ou les commentateurs politiques, tendent vers un étatisme plus fort. Si on dispose les nombreux et larges courants politiques sur un spectre, ce dernier apparaît cependant très étroit. Les idées varient entre des formes modérées et extrêmes d'intervention dans les affaires privées. Dans des périodes de récession économique ou de crise sociétale, un consensus s'opère pour plus d'intervention de l'État avec des appels renouvelés pour des remèdes présumés standards comme des réductions des taux d'intérêt ou une relance de la consommation amorcées par les leaders sur la gauche, et par un étatisme "en état de guerre" sur le côté de la droite. Par un principe de prêt à penser, ces commentateurs en arrivent facilement à la conclusion que le commerce et l'entreprise sont intrinsèquement corrompus et qu'ils présentent un danger pour le public[11]. Dans son essai, Friedrich Hayek décrit les leaders d'opinion comme des « brocanteurs d'idées intellectuelles », signifiant par là, qu'ils sont plus des propagateurs d'idées, plutôt que des découvreurs de nouvelles connaissances. L'homme ordinaire d'aujourd'hui prend connaissance des événements ou des idées, par l'intermédiaire de cette classe de leaders de seconde main et non par un accès direct aux producteurs d'idées. Les découvertes et les pensées originales de l'intellectuel sont dépendantes de la volonté personnelle des experts. Cette constation est encore plus forte, aujourd'hui, dans notre société des médias et des télévisions d'informations continues.

L'interaction des individus et l'émergence d'un leadership ordonné

La stimulation et l'influence réciproques des individus sont au cœur de l'échange dans l'analyse autrichienne

A la différence de la théorie de la construction sociale du leadership, qui amoindrit la relation dyadique de l'échange entre leader et suiveur, l'École autrichienne essaie de comprendre la relation économique et sociale particulière qui se développe entre ces pairs d'individus (un leader et un suiveur ; un suiveur et un autre suiveur ; un leader et un autre leader) principalement en termes de dynamique d'interaction qui se produisent dans la globalité de l'échange. Cette approche du leadership dynamique examine également cette même relation en fonction d'un réseau de relations dans lequel les différents individus sont impliqués dans le marché. Le rôle que les pairs jouent dans la construction de ce réseau de communication et d'échange souligne les rôles respectifs, à des moments clefs et épisodiques, de la nature des liens entre des suiveurs et un leader, qui sont inversibles en fonction du contexte et de la nature des biens et des services échangés. Tantôt une relation de monopole émergera, tantôt une situation d'oligopole d'oligopsone ou de concurrence apparaîtra.

Dans l'analyse de l'économie de marché, et principalement, par les auteurs de l’École autrichienne, l'échange joue un rôle primordial. Dans l'échange, un agent propose une contrepartie de faveurs. Il indique sa volonté de rendre le service correspondant à l'évaluation de l'autre agent soit immédiatement, soit à une date ultérieure. En ce qui concerne le manager, il promet une part des bénéfices aux actionnaires (s'ils lui offrent leur confiance[12] de le maintenir en poste) ou auprès des salariés s'ils l'aident à accomplir une tâche immédiate ou un objectif plus lointain. Le leadership autrichien est donc inhérent à l'échange proprement dit.

Mais, l'échange ne se réduit pas à la place de marché. L'évolution des pratiques commerciales a distendu l'espace de l'échange au-delà de la relation dyadique (acheteur-vendeur). L'échange s'insère dans tous les interstices du marché, du plus large au plus rapproché, comme au sein des communautés. De toutes les façons, l'analyse des actions et des interactions des différents individus contribue à la compréhension du leadership dans son ensemble. En citant Ludwig von Mises[13], Adam Baker et Stuart Farrand (2010)[14] expliquent que la logique du consommateur sur le marché s'applique également aux choix réalisés au sein des communautés. Ses choix et ses décisions ont un impact réel sur la communauté. En choisissant comment et où s'engager, les individus décident quelles initiatives ils réussiront, quelles valeurs seront acceptées et mises en place. Le leadership est une dynamique organique qui implique des interactions de tous les individus qui y participent. Les citoyens sont simultanément les leaders et les suiveurs avec des capacités différentes, chacun avec un impact différent, mais tous contribuent à la vitalité de la communauté. Un citoyen peut être un manager dans une usine et bénévole à la banque alimentaire locale, ou il peut être un éducateur et acheter des produits à l'agriculteur local. Un individu n'est pas confiné à une seule action typique. Tout dépend essentiellement de la volonté de chaque individu à s'engager dans divers activités qui s'interconnectent dans la vie complexe d'un individu. C'est ce qui en fait un leader coordonnant. L'ensemble constitue un entrepreneuriat communautaire.

Le marché n'est pas un espace physique, il se virtualise de plus en plus et exige de nouvelles compétences en e-leadership. L'échange est intégré dans un plus ou moins long processus de production, dans lequel est intégré la négociation. L'influence peut s'exercer par l'intermédiaire de la persuasion rationnelle. Un agent peut utiliser des arguments logiques et des données factuelles pour persuader sa cible que sa proposition ou son offre est viable et qu'elle est susceptible d'aboutir à la réalisation des objectifs de l'autre partie. Cette influence peut aller jusqu'à la pression sans dépasser le niveau de la coercition (menaces) pour influencer la cible du leader de faire ce qu'il ou elle veut, en utilisant des questions et des demandes, en vérifiant de façon fréquente les besoins ou en effectuant des rappels persistants. Dans la collaboration à l'échange, le leader peut solliciter la participation de ses cibles pour la planification d'une activité ou pour une stratégie pour un changement pour lequel le soutien (coaching, mentorat[15]) et l'assistance des cibles sont souhaitées. Dans ce processus, le leader est disposé à modifier une proposition pour faire face aux préoccupations et aux suggestions de ses cibles.

Afin d'influencer la bonne issue de l'échange, les techniques de préparation du leader sont sans limite jusqu'au niveau d'acceptation du code moral à l'échange. Par exemple, le leader peut inviter les bonnes grâces de sa cible. Il utilise, alors, la louange, la flatterie, un comportement amical, ou une attitude utile pour obtenir que la cible soit de bonne humeur ou qu'elle pense favorablement à lui avant de lui proposer quelque chose. Par une autre technique plus sensible à l'énergie et à l'inspiration de ses cibles, le leader peut faire une demande ou une proposition qui suscite l'enthousiasme de ses cibles en faisant appel aux valeurs, aux idéaux et aux aspirations de ses cibles, en augmentant la confiance en soi de ses cibles ou lui apportant une lumière sur sa vocation (cas dans l'éducation ou du sport).

L'émergence du leadership comme conséquence inattendue des actions des individus

Le point de vue de l'école autrichienne sur la théorie du leadership a mis en lumière un aspect important de l'esprit d'entreprise, à savoir, une vision évolutionniste de l'organisation. Mais, le leader ne se personnifie pas seulement dans l'entrepreneur mais dans chaque individu, qui potentiellement a la capacité d'agir. Cette notion écarte l'analyse autrichienne du leader d'une vision surhumaine d'un leadership héroïque. Le leader transformationnel et charismatique est un mythe puisque les progrès réels proviennent du leadership extraordinairement ordinaire[16]. L'acteur de la théorie autrichienne est plus tentée de nouer des relations plutôt que de commencer des révolutions. Il fonctionne en fonction de l'humeur de son organisation, non pas en forçant les membres de celles-ci à agir contre l'ambiance générale. le leader connaît ses limites et ne pousse pas l'organisation d'aller au-delà de ses capacités. Le leader autrichien est un héros ordinaire qui se situant à tous les échelons de l'organisation, et pas seulement au sommet de celle-ci.

Dans l'économie, l'accent se porte sur la libération du plein potentiel de chaque individu, quel que soit son statut juridique (employé, indépendant, chef d'entreprise, etc.). Cette conception s'éloigne des structures de gestion de commande et de contrôle directif et hiérarchique de l'organisation. Le leadership, dans la vision autrichienne, est plus fluide et auto-organisé. Il dépend beaucoup de chacun d'entre nous et non pas seulement des très rares personnes qui sont destinées à être extraordinaires. Le leadership n'est pas une conception d'une mécanisme structurel. Dans son livre sur le socialisme, écrit en 1920, Ludwig von Mises critiquait la solution proposée par le marxiste Otto Bauer, consistant à nommer le meilleur directeur pour gérer la banque centrale nationale, où un leadership lui serait conféré grâce à sa désignation par un collège, dont les membres seraient les meilleurs représentants du personnel de l'enseignement d'une haute école commerciale. "Comme les philosophes de Platon, exprime Ludwig von Mises, les administrateurs ainsi nommés pourraient bien être les plus sages et les meilleurs du genre, mais ils ne pourraient pas être des commerçants dans leur poste de dirigeant d'une société socialiste, même s'ils l'ont été préalablement" [17]. Ludwig von Mises admet certes qu'il est possible de reconnaître les vertus de l'expérience à un être humain vis à vis de son leadership ; toutefois, l'ancien leader dont on priverait ou on destituerait d'une institution importante, comme l'est celle de la propriété privée, garantissant l'émulation nécessaire de l'action humaine, rendrait le leader impuissant d'une action effective, quelles que soient ses qualités intrinsèques d'ancien entrepreneur héroïque.

Cette perspective autrichienne donne la forme d'un leadership reposant sur un subjectivisme méthodologique. Chaque individu intériorise ses observations de leadership et externalise de façon discursive son ensemble de croyances du leadership. Mais lorsque la situation ne fait pas apparaître de leader absolu, les êtres humains font reposer leurs actions sur des règles de conduite. Par exemple, prenons le cas d'une partie de chasse. Qui va donner la direction à suivre pour les chiens et les tireurs ? Lorsque aucun leader n'apparait clairement, chaque individu se conforme à une règle de conduite implicite[18]. Cette règle de conduite productrice de sens et jouant un rôle vital dans la sociologie économique s'établit sans qu'il y ait parmi les participants de notion de différenciation entre des individus leaders et des individus suiveurs. Selon la théorie de la psychologie évolutionnaire[19], le cerveau humain (et l'esprit) est le produit de l'évolution par une sélection naturelle de pratiques. Nos cerveaux ont évolué pour être efficaces à résoudre les problèmes qui menacent notre survie et qui assurent le succès de notre reproduction. Ces mécanismes psychologiques sous-tendent des attitudes de followership ou de leadership évolutionnaire dans des règles de décision à avenir incertain. Par exemple, si je suis menacé, je vais choisir entre me défendre tout seul ou de me positionner sous la protection d'une personne forte physiquement. Si je ne suis pas sûr de cette protection, je vais choisir une personne plus expérimentée que moi pour me protéger.

Le subjectivisme méthodologique détermine la manière dont chaque individu évalue le succès de soi et celui des autres. Ainsi, la définition du leadership est une activité intensément personnelle qui est limitée par nos schèmes mentaux. Le leader a la capacité de discerner les schèmes et tendances du marché avec perspicacité et discernement. Notre perspective du leadership définit ce que nous entendons lorsque nous classifions le terme de « leadership » en fonction des formes de leadership qui réussissent pour nous-mêmes et pour les autres. Le subjectivisme méthodologique explique que quelqu'un ne détient peut-être pas la réalité objective au sujet du leadership, mais les personnes agissantes détiennent une perspective de leadership et se comportent comme s'ils étaient des leaders. Les individus tirent immédiatement parti de leurs propres conceptions du leadership et ils internalisent les conversations sur le leadership. Ils définissent le leadership pour eux-mêmes et ils utilisent leurs points de vue en tant que base pour juger si d'autres exercent ou non un leadership. La frustration, la confusion, et même les conflits peuvent survenir parce que les individus peuvent tout simplement avoir plusieurs conceptions concurrentes, voire contradictoires sur ce qu'est le leadership.

La transmission de ces conceptions différentes du leadership s'effectue par l'échange, soit de façon ouverte par le marché, soit de façon plus cachée par un leadership secret. La qualité reconnue du marché est de transmettre l'information par le système des prix, ce point fut mis en avant par Friedrich Hayek. C'est pourquoi, l'analyse autrichienne, en s'appuyant davantage sur la communication, est plus proche d'un leadership discursif qu'un leadership psychologique traditionnel. L’École autrichienne ne s'intéresse pas à savoir ce qui se passe à l'intérieur des crânes des acteurs, par exemple dans celui des dirigeants et des employés d'une organisation. Alors que les théories classiques voient le leadership comme la cause unique de l'action d'un individu sur le groupe, le leadership autrichien est plus sensible à l'effet émergent de l'interaction des individus. Cette perspective met plus en lumière les conséquences (parfois inattendues) plutôt que l'effet de l'action d'un "leader". Plus qu'un processus social, analysé en sociologie par la théorie de l'échange social (P. M. Blau[20]; Georges Homans[21]) ou en analyse socio-économique par la théorie de l'interaction sociale de Gary Becker), le leadership autrichien s'intéresse à l'inter-stimulation sociale qui déclenche l'envie d'un certain nombre de personnes à entreprendre un objectif ancien avec un zeste de nouveauté (arbitrage d'Israel Kirzner) ou de se lancer un nouvel objectif avec le courage et l'espoir d'affronter l'inconnu d'une destruction créatrice (Joseph Schumpeter). L'individualisme que l'on rencontre dans l'analyse autrichienne n'est pas un individualisme se référent à un égoisme ou à un égocentrisme mais à un individualisme méthodologique. Avec Friedrich Hayek et Alfred Schutz, l'individualisme est interactif avec un espace d'intersubjectivité correspondant à une ou plusieurs formes institutionnelles. Par conséquent, la notion de leadership interactif, chez Hayek, n'est pas restreinte à une relation dyadique en ce sens où Hayek tente de rendre compte des actions des individus qui sont significatives pour eux au travers d'une action sociale et économique où la connaissance tacite est dense et où les informations détaillées sur le monde social complet sont rares. Le changement social est amené au centre de l'analyse du leadership par la génération intensive d'opportunités de coordination selon des règles éparses des modes de conduites intriqués de la consommation et de la production.

En somme, le leadership de l'entrepreneur dans l'analyse autrichienne est un leadership transformationnel où l'entrepreneur est un agent du changement, quelle que soit la situation initiale. Dans le cas de l'entrepreneur d'Israel Kirzner, l'entrepreneur ne peut pas supporter la présence du déséquilibre, et dans le cas de l'entrepreneur de Joseph Schumpeter, l'entrepreneur ne peut pas supporter l'absence de déséquilibre. Ainsi, dans les deux cas, apparemment contradictoires, c'est le statu quo, quel qu'il soit, qui pousse un individu à transformer la situation insatisfaisante d'au moins un individu dans le monde. Par conséquent, le frein ou la perturbation de cet entrepreneur par des mesures de réglementation publique, par exemple, conduit inexorablement à la non satisfaction d'au moins un individu sur terre.

Le processus dynamique du leadership

La théorie des fluctuations économiques de l'école autrichienne d'économie nous apprend que le cycle économique est dépendant de la création monétaire. Et, que la structure du capital dans une économie est déstabilisée par l'allongement trop important du processus de production. Cette théorie nous indique aussi que même en période de crise, des activités se développent plus que d'autres. Certains secteurs sont en plein boom alors que d'autres subissent fortement la crise. Dans un système d'adaptation complexe[22], le changement se fait rapidement et les événements sont imprévisibles. Le leadership directif avec un style de contrôle des événements de façon linéaire est trop rigide puisque les changements apparaissent en réponse aux exigences économiques et monétaires antérieures pour s'adapter. Les politiques publiques, d'essence directive, sont donc toujours en retard sur les anticipations des acteurs économiques. Puisque l'orientation de ces changements est imprévisible, le rôle du leadership est de gérer les relations et les contextes de ces changements avant qu'ils n'apparaissent, par anticipation.

La clé de cette distinction autrichienne entre les notions de «leader» et de «leadership», est de considérer le « leadership » comme un processus de sens et d'orientation qui est donné au groupe et que le «leader» ne peut pas être identifié uniquement sur la base de sa relation avec les autres membres du groupe social, eux-mêmes se comportant comme des acteurs disciplinés et obéissants. Ceci est la raison pour laquelle le leadership autrichien n'est pas simplement un leadership interactif dans la métaphore de la physique où des agents communiqueraient entre eux par simple échange d'informations comme la machine de Turing et parvenant à une solution commune (mais robotisée). Par contraste, il existe donc un élément supplémentaire dans le leadership autrichien, guidé par les travaux d’Israel Kirzner sur des individus ayant une curiosité épistémique (une vigilance) et qui se stimulent les uns les autres pour parvenir à une information d'opportunité de profit. C'est la stimulation intellectuelle qui fournit l’énergie nécessaire au processus dynamique du marché. Sans cette volonté du leader dynamique de combler la vacuité de l'ignorance, le monde social et économique serait un monde d'individus paralysés.

De cette manière, le leader émergent n'est pas pré-déterminé ou prédéfini et son rôle peut être compris en examinant au-delà des relations au sein du groupe (plutôt que par l'accent sur ses caractéristiques personnelles ou ses traits de caractères comme le fait la théorie du leadership par les traits). Cette perspective théorique attire l'attention sur l'idée que le leadership émergent pousse le processus d'interaction vers une ouverture extérieure et éternelle. La théorie autrichienne partage, avec la théorie du leadership situationnel et la théorie de la construction sociale du leadership, cette vision du leadership en tant que processus dynamique. La théorie est intemporelle, car elle traite à la fois de la complexité changeante des tâches, et des capacités changeantes des "suiveurs". Le leadership est considéré comme facilitateur[23]. Tous les membres concernés se déplacent ensemble vers l'atteinte des objectifs. Dès qu'un objectif est atteint ou abandonné, un autre surgit. Les processus relationnels du leadership et du followership sont dans un état ​​continuel de mouvement en perpétuelle recherche d'équilibre. L'atteinte de cet équilibre est toujours en "devenir" se stabilisant entre l'ordre et le désordre mais sans jamais terminer son mouvement. Les stabilités sont simplement récursivement créées dans des boucles de rétroaction par les anticipations des agents économiques qui perçoivent des faits dans les flux continus des activités de plusieurs participants.

La recherche de l'école autrichienne commence à explorer de plus en plus les qualités, tacites ou implicites, du leadership. Ces qualités sont dépendantes du jugement des suiveurs et de la reconnaissance du leader présentant ces qualités. L'expérience progressive et la sensation des qualités de leadership sont estimées durant un processus d'influence sociale qui place carrément l'analyse autrichienne du leadership dans le domaine du leadership esthétique. Les impressions, les émotions[24], les effets du leadership visionnaire sur les suiveurs, ou tout jugement que ceux-ci font au sujet des qualités du leadership, comme le charisme, l'authenticité, la crédibilité[25] et la confiance sont toutes liées à un ordre sensoriel, basé selon Friedrich Hayek, sur la perception des phénomènes, de leur traitement connexioniste, et sur la connaissance construite par l'esprit humain (constructionnisme). Ce constructionnisme n'est pas seulement épistémique, il est aussi épistémologique. Tout en cherchant comment les individus perçoivent et acquièrent la connaissance (épistémique), l'analyse autrichienne permet de consolider les fondements scientifiques de la connaissance (épistémologique).

Du leadership décentralisé à l'analyse autrichienne du leadership polycentrique

Il existe une profonde différence entre le leadership décentralisé lié à un leadership administratif ou à un leadership bureaucratique avec la notion de leadership décentralisé pour l'École autrichienne. Dans le premier cas, le leadership est dit décentralisé ; mais en fait il est centralisé à un niveau inférieur que celui qui était précédemment fixé. Il y a certes un processus de décentralisation mais il subsiste toujours une forme de hiérarchie s'incarnant dans une organisation administrative et bureaucratique établissant un lien de subordination entre le citoyen et l'administration (ou le bureau). Du point de vue de l'école autrichienne, le processus de décentralisation est existant mais il n'a pas les mêmes origines. Le point de départ de l'école autrichienne concerne la connaissance. Pourtant, jamais dans l'histoire de l'humanité cette connaissance ne s'est exprimée de façon centralisée même si elle fut, à l'origine concentrée localement (dans des villages ou dans des tribus de petites sociétés). Depuis l'origine de l'homme, la connaissance a toujours été dispersée. Différentes personnes savent des choses différentes. Pour Friedrich Hayek, la connaissance est idiosyncrasique, c'est-à-dire qu'elle est contextuelle (en temps et en lieu) pour chaque individu. Ainsi, la connaissance qui guide les décisions économiques est dispersée entre de nombreux agents agissant indépendamment. Le fait de savoir quoi produire, comment le produire, et ainsi de suite, est dispersé à travers de nombreux acteurs économiques. Le problème de la connaissance, tel que le conçoit l'école autrichienne est de savoir comment s'opère cette coordination de la connaissance dispersée. Pour Friedrich Hayek, il existe bien un leadership de coordination[26] parce que la dimension et l'anonymat de la société moderne empêchent l'acquisition des connaissances détaillées de tous les membres, mais de certains seulement. Aussi, le leadership de coordination repose sur la faculté de coordonner nos comportements sociaux par l'utilisation de normes, de règles et d'institutions. Quelquefois, ce leadership de coordination s'opère par un leadership exemplaire[27], quelquefois par un leadership de sacrifice.

Contrairement à un leadership administratif décentralisé qui tente de façon constructiviste de coordonner les actions des individus à un niveau plus proche des citoyens, le leadership décentralisé autrichien est identitaire au sujet lui-même. La connaissance subjective est liée à la décentralisation de l'individu, c'est-à-dire à son unité de décision. Selon Friedrich Hayek, c'est la division du travail qui produit la division de la connaissance. Il montre ainsi que la connaissance n'a jamais été centralisée mais que le processus de la spécialisation de la connaissance, stimulée par l'activité entrepreneuriale du processus du marché, résout le problème de la connaissance par la décentralisation des décisions. Cependant, ce serait une erreur de croire que la décentralisation provient de la spécialisation des tâches. Le leadership est décentralisé car l'unité de décision repose sur le décideur concerné et non pas un représentant politique ou administratif désigné ou élu majoritairement. Le leadership décentralisé est donc indissociable de la liberté de chaque individu de prendre des décisions pour son propre compte en fonction de sa situation de temps et de lieu. Or ces conditions sont aussi mouvantes que les changements de contenus cognitifs dans les échanges et dans les décisions des autres individus de la grande société sans frontière.

Parmi la préoccupation de certains membres et auteurs libertariens, il existe une interrogation sur ce qui se passe lorsqu'une organisation n'est pas structurée sous un mode hiérarchique. Que se passe-t-il lorsque personne n'est en charge d'une responsabilité particulière ? Ceux qui gardent en mémoire une vision hiérarchique de la société considèrent que ce mode d'organisation conduit nécessairement au chaos. Or, la révolution d'internet a fait rage tout autour de nous depuis une vingtaine d'années, avec un succès incontestable. Cette révolution n'est pas seulement une nouvelle dotation d'outils technologiques, elle est de l'ordre d'une nouvelle communication et organisation sociale et économique. La décentralisation fut tout d'abord une source d'inspiration pour lutter contre la centralisation, origine du mal hiérarchique. Cette décentralisation n'est cependant pas nouvelle mais représente un retour d'une organisation féodale qui est restée endormie pendant des centaines d'années. L'avènement d'internet a déchaîné une force émergente de gouvernance polycentrique[28] modifiant les règles du jeu des communications et organisations traditionnelles.

À la base de la réflexion autrichienne sur le leadership polycentrique, le livre écrit par Ori Brafman et Rod Beckstrom, en 2006,[29], est une analyse téléologique de l'histoire. Selon ces auteurs, on ne peut pas arrêter l'émergence des organisations sans leader. Cette réflexion constitue une source d'inspiration très forte pour l'école autrichienne. Ori Brafman et Rod Beckstrom confrontent deux systèmes d'organisation opposés : le système centralisé et le système décentralisé. Dans le premier, il y a centralisation du commandement, du contrôle et des règles. Dans le système décentralisé, il n'y a pas de leader incontesté, il n'y a pas de hiérarchie, ni de siège social. Le système est ouvert et flexible. Le pouvoir est distribué et ambigu. Les auteurs citent un exemple historique. L'armée espagnole a envahi l'empire aztèque en quelques années mais elle n'a pas réussi à vaincre les Apaches en 200 ans d'histoire. Les Apaches ont résisté, indiquent les auteurs, car ils ont adopté un système décentralisé. Geronimo n'a jamais commandé une armée. Il a commencé à se battre, et tout le monde autour de lui l'a rejoint selon un principe de décentralisation. En cas d'attaque, l’organisation décentralisée tend à devenir encore plus ouverte et décentralisée.

L'approche d'une organisation sans leader fut déjà effectuée par Kurt Lewin, Lippitt et White, en 1938 mais sous un angle très critique qu'ils ont appelé le style du leadership "laissez faire". Leur préférence s'orientait plutôt vers deux autres styles, le leadership autocratique et le leadership démocratique. Leur vision du leadership "laissez-faire" était décrite comme un commandement « mains libres » parce que le leader donnait peu ou pas du tout d'orientation à ses "suiveurs". Ces derniers avaient la liberté de prendre des décisions concernant l'achèvement de leurs travaux ou de poser des questions au leader. Mais cette vision de l'organisation sans leader fut analysée sous un angle hiérarchique. Les chercheurs n'avaient pas envisagé un autre mode d'organisation non hiérarchique où les relations entre individus ne sont pas des relations d'autorité. C'est la raison pour laquelle le leadership "laissez faire" fut dénigré durant des années. La mise en perspective d'une organisation de la société sous l'angle de relations de parité (les membres étant des pairs), telles les relations qui ont émergé avec internet, font découvrir d'autres aspects positifs du style "laissez faire". Cependant, la terminologie idéologiquement teintée de "laissez faire" est abandonnée pour une autre dénomination de leadership de parité (peer leadership).

Le leadership institutionnel autrichien

Le leadership dans la médiation des contentieux

Glenn Fox, un chercheur qui s'est intéressé aux problèmes de l'environnement avec l'approche de l'École autrichienne a mis en valeur le rôle du leader en tant que médiateur dans la procédure judiciaire des litiges. En effet, dans son domaine de recherche en agriculture économique (que l'on peut extrapoler à l'ensemble des activités humaines), beaucoup de problèmes sont considérés comme des "mauvais" encouragements économiques opérant comme des nuisances ou des agents agressifs contre la santé de l'être humain au lieu d'être des biens économiques. Ainsi, dans le domaine de l'agriculture, on peut illustrer des "maux" économiques par les émissions (productions, externalités) provenant des fermes comme la poussière, le bruit, les odeurs, les sédiments déplacés par l'érosion et le ruissellement des pesticides et des nutriments.

La plainte judiciaire ou la réglementation sont alors considérées comme les uniques moyens de résoudre ce contentieux. Or, nous indique Glenn Fox, l'approche environnementale du libre marché (Terry L. Anderson, John Baden) considère que les litiges juridiques sont hors de propos ici. Pour le non spécialiste en droit, la compréhension du droit de l'environnement est plutôt abstruse et souvent ses applications sont contradictoires. Or nous vivons bien souvent dans des pays où la tradition du droit est positiviste. Beaucoup de personnes ont l'impression que l'on résout les problèmes en créant des lois et en réglementant. Et le fait qu'un domaine d'activité ne soit pas réglementé est un signe de défaillance du droit. Ceci est purement une vision positiviste erronée du droit. D'autres façons d'envisager la résolution des conflits existent depuis des siècles, notamment celle issue de la tradition du droit commun coutumier.

Les travaux de Friedrich Hayek dans son livre "Droit, Législation et Liberté" (1973, 1974, 1976), repris par Bruce Benson montrent que le droit commun coutumier a émergé comme un processus de médiation volontaire des conflits. Historiquement, la pratique de l'auto-défense physique a laissé la place à un processus autre de résolutions des conflits. Par exemple, si le voisin d'une personne a commis un délit ou une nuisance, alors la victime présumée est tentée d'accomplir des actes de représailles. Pour éviter ceci, le droit Commun coutumier a émergé grâce à des leaders respectés dans la communauté qui sont venus "spontanément" offrir un service de médiation. Ils ont agi comme des "entrepreneurs" afin de stopper les chaînes d'action, les impulsions de représailles et les actes de vengeance (souvent anonymes) qui se poursuivaient depuis plusieurs générations. Malheureusement aujourdhui, le droit civil ou le droit commun se confondent avec la législation. Et le fonctionnement des tribunaux civils est financé par les contribuables avec un budget toujours en quête de progression. L'application positiviste du droit a malheureusement évincé le rôle du leader en tant que médiateur des litiges et l'a remplacé par l'accumulation excessive de textes de lois confus, complexes et quelquefois contradictoires. Le rôle du leader dans le droit commun coutumier est un rôle actif de coordination et d'harmonisation des conflits ; le droit positif laisse pour beaucoup de citoyens un goût amer de justice inéquitable et inachevée.

La dimension éthique dans le leadership autrichien

Contrairement à la vision traditionnelle du leadership où le leader se détache des suiveurs chaque fois qu'il agit, le leadership autrichien considère que la liberté d'action n'éloigne pas les individus les uns des autres. Seule l'atonie ou la paralysie d'action est isolante. Agir est un choix intentionnel orienté vers l'échange. Les conséquences de l'action d'un leader ne l'éloignent pas des autres mais l'en rapprochent. Un leader, dans la vision autrichienne, n'est jamais seul très longtemps lorsqu'il va de l'avant.

Le point de vue éthique de l'école autrichienne suggère que les individus atteignent leur puissance et leur pouvoir grâce à leur réactivité face aux désirs des autres personnes qui sont ou vont composer le monde. En fait, de façon plus large et générale, chaque fois qu'une personne satisfait le besoin d'une autre, quelle que soit la nature de ce besoin, il devient un leader, et ceci quel que soit le nombre de personnes satisfaites. L'éthique du leadership n'est pas dépendante du nombre de personnes satisfaites par le leader mais de la satisfaction accomplie qui déplace, pousse et motive le leader à créer et à développer des opportunités permettant aux gens d'atteindre leur bonheur. En tant que tel, le leadership est un processus intrinsèquement positif, qui se distingue de la tyrannie d'un leadership charismatique, dans sa variante machiavélique, par l'incapacité de ce dernier à promouvoir la liberté et l'équité sur le long terme. C'est la raison pour laquelle l'approche autrichienne est très vigilante à tout leadership toxique comme peut l'être quelquefois le leadership narcissique. Particulièrement visible dans le cadre politique du leadership transformationnel et charismatique, le leader politique a tendance à annoncer des promesses donnant du rêve dans la tête de certains électeurs. Mais les solutions et le processus de leadership sont bien souvent toxiques et conduisent à un chemin de dépendance. Comme un médicament qui semble soigner une forme de maladie, après un semblant d'euphorie plus ou moins dû à un effet placebo, le leadership toxique mène peu à peu à des méfaits de l'organisme et très souvent à une dégradation du corps.

Comme le montrent les auteurs autrichiens[30] de l'analyse économique du droit, la toxicité du leadership apparaît souvent en raison de l'intervention de l’État dans l'entreprise. Par exemple, la réglementation dans le droit du travail avec l'exigence de faire entrer les syndicats dans l'entreprise au-delà d'une certaine taille crée des privilèges spéciaux dont il est très difficile d'éliminer les effets néfastes une fois que les syndicats sont établis comme les abus de pouvoir ou les pratiques de corruption des chefs syndicaux.

L'approche autrichienne utilise une définition normative du leadership qui est assez répandue dans la littérature générale sur le leadership. Mais à la différence de certains auteurs où le caractère non-coercitif de leadership est souligné mais sans plus[31], il s'agit pour l’École autrichienne d'une base incontournable de la liberté individuelle. Les fondements non-coercitifs du leadership impliquent que celui-ci n'est réalisable que par l'influence, la persuasion et l'inspiration plutôt que par la menace directe ou implicite de la coercition. Pour des auteurs comme Friedrich Hayek ou Murray Rothbard, une conception du leadership reposant sur une technique, ou une politique de conformisme induit, peut être considérée dès le départ comme une légitimation de l'autoritarisme et donc d'une main tendue à un futur totalitarisme. La perspective autrichienne du leadership prend une allure normative, car elle considère le leadership comme un « bien », comme un outil, comme un garde-fou empêchant la coercition de s'installer ou de se maintenir. La Constitution de la liberté, écrite en 1960 par Friedrich Hayek, est une vision prophylactique de la préservation de la "bonne constitution" du fonctionnement des règles de conduite de leadership dans la société. Même si elle en porte quelquefois le nom de leadership, la coercition ou son apparence à peine déguisée (autoritarisme) ne peuvent pas s'apparenter à du leadership dans la vision autrichienne. Car elles sont contraires au principe de la liberté, soit de non-coercition selon Friedrich Hayek, soit sur les fondements du droit naturel pour Murray Rothbard. Il faut noter cependant que la normativité n'existe que sur la base de la liberté d'action des individus. Aucune normativité des comportements n'est imposée dans la littérature autrichienne. Chaque individu choisit le style de leadership qu'il préfère, qu'il connait, qu'il apprend par son expérience personnelle, par son éducation, grâce aux conseils reçus, par son observation, etc. Cette position du leadership autrichien la rapproche du leadership authentique.

L'approche autrichienne ne tombe pas cependant dans les facilités naïves d'un leadership considéré comme un acte bénévole et d'un leadership paternaliste. Elle s'oppose à l'exercice du pouvoir monopolistique, qui aurait tendance à modifier le comportement des autres afin d'atteindre les besoins et les désirs du leader, indépendamment du fait qu'ils soient en harmonie avec ceux des subordonnés. Cette conception normative de leadership non-coercitif n'est pas pour autant qualifiable de persuasion bienveillante pour que le leader continue de diriger le comportement de ses partisans, sur une base de leadership transactionnel afin de satisfaire des besoins communs et des désirs à la fois des leaders et des suiveurs.

L'analyse comparative des systèmes politiques comme mise en lumière du leader entrepreneurial institutionnel

L'analyse de la transition politique avec le passage du système communiste vers des systèmes plus libéraux apporte une compréhension de l'émergence du leadership en période de changement institutionnel rapide. Il existe des moments cruciaux dans la vie politique d'une nation où les acteurs clés doivent agir de manière décisive et appropriée, sinon la possibilité d'un changement structurel risque de sommeiller pour une longue durée. Dans une société libérale, le processus de décision démocratique concernant l'action collective est en perpétuel mouvement. Pourtant, même dans ces cas là, les possibilités offertes pour des révisions « constitutionnelles » sont éphémères. Le problème de la fenêtre d'opportunité est encore plus important lorsque nous parlons de la création pure d'un système démocratique libéral à partir d'un système politique autoritaire. Peter Boettke[32] souligne que cette réussite du leadership institutionnel dépend de la culture entrepreneuriale des habitants d'une nation à ce moment là ainsi que des fondations morales véhiculées par les institutions, comme les religions, favorisant les vertus de l'économie de marché. Pour l'auteur autrichien, il est crucial que les entrepreneurs institutionnels soient reconnus par le grand public afin d'agir en temps opportun afin de saisir l'opportunité de faire avancer des programmes politiques libéraux. La Pologne est un bon exemple, parce que ses entrepreneurs politiques et institutionnels (Lech Walesa) étaient bien connus dans le monde et dans la littérature. Cependant, en plus du "leadership des grands hommes" constitutionnalistes, Peter Boettke et Olga Nicoara (2015) [33] insistent sur le leadership et le followership de personnes pivots à des moments clés (avant, pendant, et après la mise en place d'une constitution libérale) pour la promotion de réformes économiques et politiques libérales dans les pays subissant des transformations de système politique.

Dans les travaux de James Buchanan et de Vincent Ostrom, on trouve déjà l'idée du leadership entrepreneurial constitutionnel vu sous l'angle de "l'artisan constitutionnel" (“constitutional craftsmanship”). Les élites politiques qui avaient une vision politique libérale, dans les pays de l'Est, ont favorisé l'apparition des institutions libérales basées sur les idées de liberté économique et de liberté personnelle, sur la notion d'état de droit et sur la démocratie constitutionnelle. La série des révolutions politiques a peu à peu mis à mal la persistance du communisme en Europe centrale et orientale. Cela a été l'occasion pour les nouvelles élites d'élaborer de nouveaux cadres constitutionnels fixant de futures orientations des politiques économiques, politiques et juridiques.

Le leadership réduit les effets négatifs possibles d'une situation d'incertitude prolongée[34]. L'économie de la transition nous apprend que la première phase de la transition économique et politique s'accompagne généralement d'une thérapie de choc par la mise en œuvre de réformes. Au cours de cette période critique de la transition, les espoirs et les attentes concernant les avantages subjectifs promis par le capitalisme pour l'amélioration de la qualité de la vie des gens se font attendre. Aussi, le leadership d'entrepreneurs politiques doit permettre de réduire la durée et la portée de possibles frictions institutionnelles pour la réussite de la transition.

Prise en compte de la propriété privée dans l'analyse autrichienne du leadership

Dans l'analyse autrichienne, le leadership est un sous-ensemble de la théorie de l'action, c'est-à-dire de la praxéologie. L'action n'est pas uniquement regardée en direction de celui qui se présente comme leader mais aussi du point de vue des "suiveurs". Sans l'action des suiveurs, il n'existe pas de leader. Les gens ne peuvent être des leaders que si les autres membres du groupe ou de l'organisation les acceptent comme leaders et qu'ils les influencent. La plupart des théories du leadership font reposer cette acceptation sur la connaissance et l'expertise du leader. Pourtant, elles négligent un point important que l'analyse autrichienne met en exergue, la propriété privée.

L'ensemble des théories du leadership fait comme s'il n'existait pas de propriétaire privé dans l'organisation ou que ceux-ci n'ont aucun impact dans ce rôle de leadership. La théorie de la contingence et du leadership situationnel prend en compte le contexte. Mais soit ce contexte est réduit à sa portion congrue (orientation vers les tâches - orientation vers les personnes), soit les extensions sont très réduites comme la théorie situationnelle de Hersey-Blanchard focalisée sur la maturité des collaborateurs. Il est surprenant de ne pas voir dans ces différentes théories l'amorce au moins minimale de la question de la propriété, ne serait-ce que dans la composition du capital de l'organisation.

La prise de parole du leader s'il est propriétaire d'une multinationale, d'une entreprise familiale, d'une entreprise faiblement capitalisée ou qu'il soit le simple gérant non actionnaire de l'entreprise n'a pas le même impact sur sa reconnaissance en tant que leader. Une structure d'entreprise multi-sites, un groupe, ou un hypogroupe ont des caractéristiques évidentes qui jouent sur la proximité des leaders avec les autres individus.

Dans la notion de premier occupant, que l'on retrouve chez John Locke et qui est reprise par l'analyse autrichienne et libertarienne, celui qui est le premier en place dispose d'un leadership incontesté. John Locke accepte ce leadership en le plaçant sous l'ordre éthique du travail. Le leader est propriétaire parce qu'il a travaillé pour acquérir une part de terrain inexploité par les autres. Israel Kirzner, justifie moins ce côté laborieux du leadership mais argue toujours de la primauté du leader par sa capacité créative à arbitrer des écarts cognitifs. Le leader propriétaire est rémunéré en conséquence de sa vigilance. Sans qu'il soit nécessaire d'attribuer des droits de propriété intellectuelle, il est indéniable que celui qui apporte la première idée dans une organisation bénéficie d'un leadership au sein de l'entreprise plus ou moins contestable selon la qualité et la nature de ses idées. Tout ceci montre qu'une analyse du leadership qui ne tienne pas compte de la propriété privée est appauvrie. Ludwig von Mises, dans son analyse du calcul des prix en système socialiste indiquait que sans propriété privée, il est impossible d'établir un système des prix stable. Comment opéraient alors les anciens systèmes socialistes soviétiques ? Ils s'appuyaient sur les "leaders" de l'occident, dont le système des prix fonctionnait, pour copier leurs prix.

Le leadership administratif et politique

La remise en cause de la légitimité du leadership monopolistique des administrations publiques

Sans leadership entrepreneurial, il est impossible d'effectuer des réformes durables de l'Etat et dans les services publics[35]. Les résultats de la recherche de plusieurs auteurs en leadership[36]) sont compatibles avec l'approche autrichienne. Il existe une tentative de comprendre le leadership dans le secteur privé est de même nature que celui exercé dans le secteur public[37]. Ils remettent en question la légitimité du leadership de l'administration publique et des administrateurs publics sur l'individu. Selon l'auteur en leadership, Mathew Fairlhom (2004), les biais pris par le leadership de l'administration publique se résument dans les trois faux arguments en "D" :

  1. L'argument de la dichotomie qui présente le leadership administratif comme assimilé au leadership politique et qu'il devrait donc être évité dans l'administration publique
  2. L'argument de la discrétion qui définit tout simplement le leader comme un franc-tireur, ce qui stimulerait une version indésirable de la prise de décision discrétionnaire du fonctionnaire lambda
  3. L'argument de la domination qui suggère que le leadership est simplement une autre forme d'autorité et, par conséquent intrinsèquement dangereux, car il tend à créer des unités sociétales dominées par les "caprices" de personnes non élues exerçant un pouvoir moral hégémonique sur autrui.

Malgré les réticences à accepter un véritable leadership non coercitif, les leaders de l'administration publique estiment apporter des valeurs au travail qu'ils effectuent et ils reconnaissent que leur place dans la société est potentiellement influente. Aussi, le leadership apparaît comme nécessaire dans le monde de l'administration publique pour résoudre ses imperfections inhérentes dues à son émergence, à son fonctionnement et à son mode d'évolution. L'initiative, la motivation, l'inspiration, éléments essentiels dans le leadership, jouent également un rôle fondamental dans la prise de décisions des gouvernements. La question n'est donc pas tant de savoir si les administrations publiques doivent exercer un leadership mais plutôt de savoir quel genre de leadership les administrateurs publics doivent pratiquer pour laisser des offres alternatives à d'autres leaders du secteur privé ou du secteur public. Ce leadership de l’administration publique doit être actif et adapté pour prendre des initiatives astucieuses conçues pour aider les individus, non seulement à atteindre leurs objectifs d'aujourd'hui mais aussi pour créer de nouvelles capacités pour atteindre leurs objectifs de demain. Le cadre normatif du leadership administratif est chargé de valeurs qui rejettent des constructions de leadership héroïque en faveur d'un leadership garantissant la conservation des valeurs institutionnelles mais sans garantir le développement des objectifs organisationnels.

Le leadership de l'administration publique a longtemps correspondu avec un type de gestion qui s'appuyait sur le mouvement de gestion scientifique de Frederick W. Taylor dans la première partie du XXe siècle, et qui a encore l'appui de nombreux personnages politiques, aujourd'hui. Dans cette perspective, l'accent est mis sur la compréhension de la meilleure façon de promouvoir et de maintenir la productivité du service public par le biais des employés du service public. Les célèbres mnémoniques de Henri Fayol (POCCC : Prévoir, Organiser, Commander, Coordonner, Contrôler) et de Luther Gulick et Lyndall Urwick (1937[38]) : POSDCORB (Planifier, Organiser, Staff - personnel, Diriger, Coordonner, Rapporter et Budgetiser), eurent une grande influence sur le travail des administrateurs publics en légitimant les routines de l'administration publique.

L'éclairage de la théorie autrichienne sur le leadership administratif aurait une qualité distinctive sur les autres théories en faisant croître notre compréhension de base du leadership, en affinant notre perception sur les rôles de l'administration publique, et finalement, elle viserait à remodeler la formation professionnelle des administrateurs publics en conformité avec la liberté individuelle de tous les citoyens, et non de quelques élus. À l'image de ce qui est déjà entrepris par d'autres chercheurs[39], l'approche autrichienne se doit d'examiner l'émergence de nouvelles approches localisées de la gouvernance publique incluant la gestion de la police communautaire, l'intervention des parents dans l'éducation des enfants et la créativité dans la conception des nouveaux quartiers et du voisinage.

Ces nouvelles idées sur le leadership du management public offriraient une vue pratique sur le leadership. Car celui-ci est inhérent à l'individu et ne peut être écarté du champ d'action des hommes et des femmes appartenant au cercle de l'administration publique. La théorie autrichienne offrirait aux gestionnaires publics la possibilité d'améliorer ou de renforcer des activités légitimes de leadership qui sont latentes dans ces organisations mais souvent réprimées par le système administratif hiérarchisé. L'espoir est que la tendance actuelle du leadership et des capacités de gestion parmi les praticiens soient entreprises avec un accent plus approprié et avec une vigueur renouvelée pour que la liberté de tous les individus soit mise en exergue et que cette liberté de leadership ne soit pas seulement réservée pour le plus grand bonheur du plus grand nombre (vision utilitariste de Jeremy Bentham) mais pour tous les êtres humains sans exception.

Le leadership politique et la croissance économique

L'une des questions en suspens que les économistes du développement se sont posés longtemps est celle de savoir comment opérer la transition économique. Autrement dit, est-ce que le développement économique peut être favorisé par un fort leadership politique ? Les premiers écrits sur le leadership et le développement économique ont tendance à tomber dans l'un des deux camps :

  • (1) les leaders politiques peuvent contribuer de façon positive à la croissance économique,
  • (2) l'intervention des leaders politiques a rarement des effets positifs. Au mieux, ils évitent au mal de s'empirer.

Scott A. Beaulier et Daniel J. Smith (2015)[40] optent pour une troisième position intermédiaire. Un bon leadership peut, en effet, avoir un effet positif sur la croissance économique, mais seulement durant le premier stade où la réforme économique est en jeu. Une fois que la possibilité de mettre en œuvre les réformes économiques et politiques est passée, les intérêts particuliers s'insèrent dans le processus politique. Et alors, la possibilité d'une réforme favorisant la croissance est bloquée. Le mauvais leadership, d'autre part, peut entraver la croissance économique au cours des périodes se situant bien au-delà du moment idéal pour effectuer des réformes utiles et efficaces.

Annexes

Notes et références

  1. Friedrich Hayek, 1960, The constitution of liberty, p406
  2. L'intelligence thymologique est utile dans la vie de tous les jours car elle nous permet de nous adapter plus facilement à des situations plus ou moins connues ou reconnues. Elle apporte à la raison des buts, des motivations et des renforcements de certains comportements. L'intelligence thymologique est indissociable du leadership parce que la plupart des processus praxéologiques : la prise de décision, la mise en œuvre d'une solution ou l'amélioration de l'organisation sont rarement exemptes d'émotion. L'intelligence thymologique implique donc une compréhension approfondie du contexte social. Un leader thymologique doit avoir la capacité de remarquer et de faire des distinctions entre les autres individus, en particulier parmi leurs humeurs, leurs tempéraments, leurs motivations et leurs intentions. Ainsi, un élément clé de l'intelligence thymologique est la capacité de discerner l'émotion aussi bien en soi que chez les autres. Le leader thymologique identifie à la fois les qualités et défauts intra-personnels que les qualités et les défauts inter-personnels. Sa capacité de connecter l'implication des autres et de résoudre les conflits est de plus en plus vitale dans un contexte de développement des relations stratégiques et de recherche de solutions créatives.
  3. Le leader collégial est souvent associé à la gestion des groupes de spécialistes où tous les membres de l’équipe sont considérés comme des experts, des collègues ou des associés. Pour intégrer ce leadership collégial, le membre doit montrer son autonomie d'esprit sans révéler son indépendance, sa loyauté envers celui ou celle à qui doit sa présence dans le groupe, son sens de l’amitié et de la réciprocité ainsi que son esprit d’équipe. Il est donc invité par des pairs en interne ou en externe. Le leadership collégial se rencontre souvent dans les centres pilotes gestion ou des groupes de spécialistes avec un nombre limité de personnes. Tous les membres de l’équipe sont considérés comme des collègues ou des pairs. Dans leur grille managériale, en 1964, Robert Blake et Jane Mouton esquissent cinq styles de leadership différents (autocratique, paternaliste, démocratique, collégial, nonchalant) basés sur l'intérêt que le leader accorde soit à ses employés, soit à la production.
  4. Selon D. Knights et H. Willmott (1992), les institutions forment les leaders pour représenter le leader idéal en termes de culture de l'organisation. Ils postulent qu'une théorie institutionnelle du leadership peut être plus appropriée que toutes les études des traits, des styles ou des caractéristiques de la situation. Dans la théorie institutionnelle du leadership, les processus de leadership sont intégrés dans des présupposés culturels et sur des idées de la façon dont à la fois les leaders et à la fois les suiveurs organisent et structurent leurs relations. Grâce au travail et à l'expérience du leadership au sein de l'organisation, les leaders et les subordonnés développent une forme de prototype idéal de leadership par rapport à leur organisation, ce qui devient, en partie, une théorie implicite du leadership.
    • 1987, Nicole Woolsey Biggart et Gary G. Hamilton, "An Institutional Theory of Leadership", Journal of Applied Behavioral Science, December, Vol 23, n°4, pp429-441
    • 1992, D. Knights, H. Willmott, "Conceptualizing leadership processes: Senior managers in a financial services company", Journal of Management Studies, 29(6), pp761-782
  5. * Jill Blackmore, 1989, "Changing from within: Feminist Educators and Administrative Leadership", Peabody Journal of Education, Vol 66, n°3, Educational Leadership and the Struggle for Mind (Spring), pp19-40
    • L. D. Terry, 1998, "Administrative leadership, neo-managerialism and the public management movement", Public Administration Review, Vol 58, n°3, pp194–200
  6. Kathryn Riley, 2003, ‘Democratic Leadership’ – A Contradiction in Terms?, Leadership and Policy in Schools, Vol 2, n°2, juin, pp125-139. Contrairement à l'opposition de l'analyse traditionnelle du leadership démocratique où le leader représente le "méchant" et la démocratie, la "gentille", l'oxymore existe bien dans l'analyse autrichienne mais en sens inverse.
  7. * James M. Burns, "Leadership", New York: Harper & Row, p38
  8. Hartmut Berghoff, 2006, "The End of Family Business? The Mittelstand and German Capitalism in Transition, 1949-2000", Business History Review, 80(2), pp263-295
  9. Å. Mariussen, J. Wheelock, S. Baines, 1997, "The Family Business Tradition in Britain and Norway: Modernization and Reinvention?", International Studies of Management & Organization, Vol 27, pp64–85
  10. Fernando Nogales Lozano, 2013, dir., "La educación económica de las empresas familiares. Desde la perspectiva de la Escuela Austriaca de Economía" ("L'éducation économique des entreprises familiales du point de vue de l'École autrichienne d'économie"), Madrid: Unión Editorial
  11. 2003, Adam Young, "The Intellectuals and Interventionism", The Freeman, janvier, vol 53, n°1
  12. L'essence du leadership de confiance repose sur l'intégrité, la compétence, la cohérence, la loyauté et l'ouverture.
    • K. T. Dirks, D. L. Ferrin, 2002, Trust in leadership: Meta-analytic findings and implications for research and practice, Journal of Applied
    Psychology, 87, pp611−645
  13. “on the market no vote is cast in vain. Every penny spent has the power to work upon the production processes...The decision of the consumer is carried into effect with the full momentum he gives it through his readiness to spend a definite amount of money” (Ludwig von Mises, 2007, Human Action: A Treatise on Economics. Indianapolis, IN: The Liberty Fund, p271).
  14. Adam Baker et Stuart Farrand, 2010, "Leadership - The Human Element: Exploring the Dynamics that Transform Communities", Vol 2, n°2, Spring
  15. Le mentorat fait partie d'un leadership de soutien individualisé avec un protégé ou une protégée. Il existe deux types de mentorat, l'un se réfère à un soutien psychosocial et l'autre à un mentorat de carrière. Le soutien psychosocial, tel qu'il a été conceptualisé et mesuré dans la littérature du mentorat, se réfère aux efforts déployés par un leader pour accroître le sentiment d'un employé sur sa propre compétence, sur son identité au travail et sur son rôle d'efficace dans l'organisation. Les actions qui caractérisent ce type de leadership peuvent être l'acceptation et la confirmation des actions de l'employé, le conseil et les interactions informelles (par exemple, l'amitié). L'objectif du mentorat de soutien de carrière, de son côté, consiste à préparer un employé pour son avancement de carrière, ce qui peut impliquer des comportements tels que le parrainage (par exemple, la nomination des employés pour des projets et des avancements), l'offre d'une visibilité accrue dans l'organisation, la proposition d'un travail stimulant, la protection du protégé des risques potentiels et un leadership discursif par des commentaires ou des indications sur des stratégies pour accomplir un travail lié à des objectifs. La volonté d'un leader d'encadrer un employé dépend beaucoup du potentiel de cet employé dans son futur succès, lequel peut être inféré par sa capacité, par sa compétence et par son désir d'apprendre. Cela suggère que le mentorat implique un risque pour le leader, tels que la perte de temps et d'effort, ou même une réputation ternie si l'employé pose de sérieux problèmes parce qu'il était mal préparé pour une mission difficile. Ainsi, un tel leadership de soutien est plus susceptible d'être offert à un employé lorsque le leader a confiance en lui ou en elle.
    • T. D. Allen, "Protégé selection by mentors: Contributing individual and organizational factors", Journal of Vocational Behavior, 65, pp469‐483
  16. Georges Binney exprime la même idée dans son livre écrit en 2012, "Living Leadership: A Practical Guide for Ordinary Heroes", FT Prentice Hall
  17. Ludwig von Mises (1920), 'Economic Calculation in the Socialist Commonwealth', In: Friedrich Hayek, dir., 1935, Collectivist Economic Planning. Critical Studies on the Possibilities of Socialism
  18. Dans l'ancien temps, le seigneur ou le Roi donnait ses commandements. La hiérarchie nobiliaire conférait des titres implicites de leader de chasse à courre. Mais, bien souvent, eux-mêmes comme les chasseurs contemporains s'en remettent à la croyance que les chasseurs les plus âgés connaissent les meilleurs endroits pour lever le gibier
  19. La psychologie évolutionnaire s'appuie sur le fait stylisé clé que notre appareil cognitif contemporain est le produit de l'évolution d'un esprit qui date de la période de l'âge de pierre. C'est une façon édulcorée de dire que toutes nos décisions sociales, économiques et éthiques sont liées à notre vie préhistorique de chasseurs-cueilleurs plutôt qu'à la vie moderne dans des économies de marché extensives et sous des institutions politiques à grande échelle. C'est prétendre que la psychologie de l'homme ou de la femme moderne, dans sa nature de fonctionnement, n'est pas éloignée de celle de l'homme des cavernes, ce qui peut poser des questions de controverses parmi les chercheurs. Selon les théoriciens de la psychologie évolutionnaire, l'héritage évolutif a "câblé" le cerveau humain afin d'aider l'être humain à devenir autonome de façon limitée tout en même temps d'être capable d'apprendre des normes sociales, telles que la réciprocité, ce qui l'aide à réaliser une action collective réussie.
  20. P. M. Blau, 1964, "Exchange and power in social life", Wiley, New York
  21. Georges C. Homans, 1958, "Social behavior as exchange", Am J Sociol, 63, pp597–606
  22. La nature des défis auxquels font face les organisations est en proie à l'incertitude et à l'imprévisibilité. Les leaders aujourd'hui n'ont pas la main-mise sur la relation entre les systèmes complexes qui interagissent dans l'environnement d'une organisation. L'objectif du leadership, par conséquent, est de faciliter ou de catalyser l'émergence du leadership dispersé : un réseau collectif de capital humain et social de l'organisation.
    • 2000, B. Regine, R. Lewin, "Leading at the edge: how leaders influence complex systems", Emergence: A Journal of Complexity Issues in Organisations and Management, 2 (2), pp5-23
    • 2001, R. Marion, Mary Uhl-Bien, "Leadership in complex organisations", The Leadership Quarterly, Vol 12, pp389-418
    • 2007, R. Marion, B. McKelvey, Mary Uhl-Bien, "Complexity leadership theory: Shifting leadership from the industrial age to the knowledge era", The Leadership Quarterly, Vol 18, pp298-318
    • 2008, John T. Eggers, Sean T. Hannah, Peter L. Jennings, "Complex Adaptive Leadership: Defining What Constitutes Effective Leadership for Complex Organizational Contexts", In: George B. Graen, Joan A. Graen, dir., "Knowledge-driven corporation-complex creative destruction", Charlotte, NC: Information Age Publishing
  23. Les auteurs contemporains sur le leadership tendent à convenir que les anciens modèles de leadership, basés sur la notion du management scientifique de l'organisation, en utilisant le commandement et le contrôle, en présence de la technologie de la machine ou du process de production de la ligne de production est peu d'utilité face à la complexité et au changement constant dans nos organisations d'aujourd'hui. Les auteurs comme Margaret Wheatley (Le Leadership et la nouvelle science) et Peter Senge (La cinquième Discipline) proposent un nouveau modèle de leadership basé sur la facilitation et l'apprentissage. En s'appuyant sur la nouvelle science de la physique quantique, Margaret Wheatley considère que les attributs de leadership des nouveaux dirigeants se concentrent sur la qualité des relations, sur la réflexion de l'information, sur l'infirmation des croyances passées et pratiques, et sur le maintien d'un esprit de curiosité épistémique. Le modèle du leadership facilitateur est donc proposé dans des organisations opérant dans des environnements complexes et sujettes à des changements imprévisibles. Il apprend à "faciliter" ses pairs lorsqu'ils abordent des défis complexes de l'organisation. Cela implique l'apprentissage d'un ensemble de compétences particulières comprenant : l'assistance, l'écoute, l'interrogation, la réflexion, l'apprentissage et l'envie de donner plus de solutions. Ce modèle permet aussi bien souvent, à des personnes, de se reconnaître et de s'accepter comme étant eux-mêmes, des leaders, pour la première fois. Le leadership facilitateur permet un apprentissage d'un ensemble d'actions pour utiliser les manières différentes pour se relier aux routines ds organisations, à ralentir le rythme et à se mettre à l'écouter de l'autre sans l'interrompre; de s'arrêter pour réfléchir sur les expériences récentes qui interpellent chacun des membres, pour examiner les croyances sous-jacentes et les hypothèses concernant le rôle de leaders. Le leadership facilitateur donne l'occasion d'exercer les compétences d'écoute active sans jugement et de poser des questions ouvertes qui facilitent les autres à apprendre et à changer.
    • Stephen Greasley, Gerry Stoker, 2008, "Mayors and Urban Governance: Developing a Facilitative Leadership Style", Public Administration Review, Vol 68, n°4, Jul. - Aug., pp722-730
    • K. Venner, 2011, "Developing facilitative leaders: action learning facilitator training as leadership development”, In: M. Pedler, dir., "Action Learning in Practice", 4ème édition Aldershot: Gower
  24. Deux théories principales soulignent la contagion émotionnelle du leadership. Bien que les individus apportent leur propre affect à l'équipe, celui-ci peut être transmis par le biais de l'humeur du groupe. Par conséquent, non seulement l'affect du groupe est la somme des affects individuels, mais un état d'esprit général peut se propager entre les personnes. À cet égard, les caractéristiques du leadership de réseau influencent ce processus de la transmission de l'affect. B. L. Frederickson (2003) a développé un modèle qui postule que les émotions positives d'un leader peuvent être contagieuses et elles sont liées aux résultats positifs de l'organisation. La deuxième théorie est fournie par Nathaniel Branden (1969) puis par M. H. Kernis (2003) qui affirment, en particulier, que la conscience de soi et les relations claires et transparents favorisent des états affectifs positifs envers les subordonnés. La contagion émotionnelle est un processus par lequel un leader ressent des émotions positives, qui se propagent par contagion sociale à d'autres membres de l'organisation, en créant un développement affectif et cognitif positif. L'idée simple est donc que les leaders heureux rendent la pareille à leurs subordonnés. Nathaniel Branden définit l'estime de soi comme «... l'expérience d'être compétent pour faire face aux défis fondamentaux de la vie et d'être digne du bonheur». par conséquent la contagion du bonheur est propagée de façon réciproque entre le leader et les suiveurs. Elle passe par une étape d'estime de soi qui est la somme de la confiance en soi (une sensation de capacité personnelle) et par le respect de soi (un sentiment de valeur personnelle). En conséquence, tous les individus font un jugement implicite à propos d'eux-mêmes de leur capacité à relever les défis de la vie, c'est à dire de comprendre et de résoudre des problèmes. Et, d'un autre côté, chaque individu a le droit de se laisser contaminer par le bonheur, ou, en d'autres termes, de respecter et de défendre ses propres intérêts et ses propres besoins. Du pont de vue des "suiveurs", certains peuvent ressentir certaines émotions envers leur leader qui influencent leurs attitudes et leurs comportements, et de telles émotions peuvent également se transférer à d'autres membres de l'équipe, pour finalement façonner le climat du groupe en entier.
    • 1969 Nathaniel Branden, The Psychology of Self-Esteem, New York: Bantam
      • Edition révisée en 2001, "The psychology of self-esteem: a revolutionary approach to self-understanding that launched a new era in modern psychology", San Francisco: Jossey-Bass, ISBN 0-7879-4526-9
    • 1994, J. T. Cacioppo, E. Hatfield, R. L. Rapson, "Emotion contagion. Cambridge", UK: Cambridge University Press
    • 2000, N. M. Ashkanasy, C. E. J. Härtel, W. J. Zerbe, "Emotions in the workplace: Research theory, and practice – Introduction, In: N. M. Ashkanasy, C. E. J. Härtel, W. J. Zerbe, dir., "Emotions in the work place: Research, theory, and practice", Wesport, CT: Quorum Books, pp3-18
    • 2002, S. G. Barsade, "The ripple effects: Emotional contagion and its influence on group behavior", Administrative Science Quarterly, Vol 47, pp644-675
    • 2003, B. L. Fredrickson, "Positive emotions and upward spirals in organizations", In: K. S. Cameron, J. E. Dutton, & R. E. Quinn, dir., "Positive organizational scholarship", San Francisco: Berrett-Kohler, pp163-175
    • 2003, M. H. Kernis, "Toward a conceptualization of optimal self-esteem", Psychological Inquiry, 14, pp1-26
  25. En servant un but, les leaders renforcent leur crédibilité en démontrant qu'ils ne sont pas là pour eux-mêmes, mais plutôt qu'ils servent les intérêts de l'institution, d'une organisation, du service, du département, d'une équipe et de ses membres.
    • 1993, J. M. Kouzes, B. Z. Posner, "Credibility: How Leaders Gain and Lose It, Why People Demand It", San Francisco: Jossey-Bass
  26. Les politologues ont analysé le leadership en mettant l'accent sur la capacité du leader à résoudre des dilemmes sociaux par des jeux de coordination, le leader agissant comme un point focal (R. L. Calvert: 1992; R. K. Wilson, C. M. Rhodes: 1997).
    • 1992, R. L. Calvert, "Leadership and its Basis in Problems of Social Coordination", International Political Science Review, 13, pp7-24
    • 1997, R. K. Wilson, C. M. Rhodes, "Leadership and Credibility in N-Person Coordination Games", Journal of Conflict Resolution, 41(6), pp767-791
    • 2001, Nicolai J. Foss, "Leadership, Beliefs and Coordination: An Explorative Discussion", Industrial and Corporate Change, Vol 10, pp357-388
  27. Benjamin Hermalin (1998) a souligné le rôle exemplaire du leader comme signal d'efficacité. Il prend son point de départ dans le modèle d'équipe de Berngt Holmstrom (1982). Le problème qu'il expose ici est que le leader, pour une raison quelconque, dispose d'informations privilégiées sur ce que l'équipe doit faire. Mais, il est incité à exagérer la valeur de l'effort consacré à l'activité commune parce qu'il partage les résultats avec le reste de l'équipe. Si le leader agit en tant que leader de type Stackelberg et qu'il déploie des efforts plus tôt que les autres membres de l'équipe, alors le problème de l'information sur les efforts peut être appréhendé. Sur la base de leur observation de l'effort, les autres membres de l'équipe forment des croyances sur les informations du leader. Fait intéressant, cela produit la conclusion que le leader montre l'exemple et qu'il travaille donc plus fort qu'il ne le ferait avec des informations symétriques. L'influence du leader informel sur les membres de l'équipe s'exprime par une norme d'effort à accomplir. Il agit comme un entrepreneur kirznerien en recueillant des informations non disponibles ou volontairement non perçues par les membres de l'équipe qu'il intègre dans son comportement. Le leadership exemplaire est fondé sur sa capacité à communiquer honnêtement avec les "suiveurs", afin de les inciter à adopter certains comportements d'efficacité. Cette capacité normative à transmettre de l'information crédible au sein de l'équipe est réalisée non pas sur un plan hiérarchique mais dans une conception horizontale de l'organisation. Le leader est autorisé à choisir son effort publiquement, et les autres agents choisissent le leur. Quand le leader travaille dur, le suiveur peut en déduire que le retour sur investissement de l'effort élevé prévaut, alors que chaque fois que le leader montre peu d'effort, le suiveur estime qu'un faible rendement est probable. Par un tel engagement, le leader est capable de transmettre des informations convaincantes au suiveur.
    • 1998, Benjamin Hermalin, "Toward an Economic Theory of Leadership: Leading by Example", American Economic Review, Vol 88, pp1188-1206
  28. K. Carlisle, R. Gruby, "Polycentric systems of governance: A theoretical model for the commons", Policy Studies Journal, Vol 47, n°4, pp927–952
  29. Ori Brafman et Rod Beckstrom, 2006, "The Starfish and the Spider: The Unstoppable Power of Leaderless Organizations", New York: Penguin Group
  30. Sylvester Petro: 1959,
  31. comme dans l'analyse de MacLeod (2007)
  32. Peter Boettke, 1996, "Why Culture Matters: Economics, Politics, and the Imprint of History," Nuova Economia e Storia, No. 3 (September 1996): 189-214. [en Italien]
    • Repris en 2001, In: Peter Boettke, dir., "Calculation and Coordination: Essays on Socialism and Transitional Political Economy", London: Routledge, pp248-265
  33. Peter Boettke et Olga Nicoara, "What Have We Learned from the Collapse of Communism?", In: Peter Boettke et Christopher Coyne, dir., "The Oxford Handbook in Austrian Economics", Oxford University Press, pp643-677
  34. Alexander J. Wulf, 2015, "Uncertainty as a Challenge for Leadership. The Effect of Cultural, Social and Legal Institutions on Risk-Taking and Innovation in Family Businesses", Paragrana, Vol 24, n°1, pp80-93
  35. M. Allison, J. Hartley, 2000, "The modernization and improvement of government and public services: The role of leadership in the modernization and improvement of public services", Public Money and Management, 20(2), pp35-40
  36. Robert Behn, 1998, "What Right Do Public Managers Have to Lead?", Public Administration Review, 58(3), pp209–225; Larry D. Terry, 1995, "Leadership of Public Bureaucracies: The Administrator as Conservator", Thousand Oaks, CA: Sage Publications
  37. J. A. Andersen, 2010, "Public versus Private Managers : How public and private managers differ in leadership behavior", Public Administration Review, January/February, pp131-141
  38. * Luther Gulick, 1937, "Notes on the Theory of Organization", In: Luther Gulick and Lyndall Urwick, dir., "Papers on the Science of Administration", New York: Institute of Public Administration, pp3–13
  39. William D. Eggers et John O'Leary, dir., 1995, "Revolution at the roots : making our government smaller, better, and closer to home", New York: Free Press
  40. Scott A. Beaulier et Daniel J. Smith, 2015, "On Your Mark, Get Set, Develop!: Leadership and Economic Development”, In: Peter Boettke et Christopher Coyne, dir., "The Oxford Handbook in Austrian Economics", Oxford University Press, pp713-728


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