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Théorie modulaire de la firme

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Le concept de théorie modulaire de la firme est apparu avec les mutations profondes des modes d’organisation industrielle dans les années 1990 et 2000 et qui continuent à se produire jusqu'à aujourd'hui. Richard Langlois, peu être considéré comme le théoricien avant-gardiste de la théorie modulaire de la firme. Cette nouvelle organisation a pris racine au même moment où les entreprises choisissaient de recentrer leur cœur de métier et d'adopter une politique d’externalisation. L’entreprise capitalise sur ses compétences foncières et elle externalise ce qui ne constitue pas son cœur de métier.

L'entreprise architecte-intégrateur

Ce modèle s’exprime par la refonte conceptuelle des relations économiques verticales entre les participants à un projet de production. Alors que jusque là, les entreprises utilisaient abondamment la sous-traitance (donneurs et receveurs d’ordres), notion traditionnelle que Ronald Coase avait révélée dans son article "The nature of the firm", mais qui est devenue de plus en plus inapte à pendre en compte la nature véritable de ces nouvelles relations. Les entreprises passent d'un modèle traditionnel de "constructeur" ou de "producteur" à celui "d’architecte-intégrateur" qui supervise le projet d'ensemble avec l'émergence d'une compétence importante à maîtriser : la logistique (supply chain). Les Prestataires de Services Logistiques sont des acteurs économiques dont l'activité monte rapidement en puissance (la dernière génération se nomme "Fourth Party Logistics" ou 4PL).

La démarche d’une firme architecte consiste à rechercher la meilleure granularité productive et cognitive d'un projet. Elle décompose le produit final en une série de sous-ensembles de production en veillant à l'intégrité des maillons clefs dans le processus de production. Ces sous-ensembles ont à la fois la particularité d'être indépendants dans leur conception et dans leur production. Cependant, ils deviennent interdépendants lorsqu’il s’agit de les associer pour former le produit final, d'où la dimension cognitive du projet pour que cette intégration s'effectue de façon parfaite au niveau technique et dans le bon timing. Le savoir-faire de l'entreprise architecte est donc d'avoir une vision qui sache rendre la complexité en unités simples en s'appuyant sur la stabilité de certaines unités interfaces.

Les firmes pivots

Dans cette activité, la modularisation de la firme entraine également l'émergence de firmes-pivots, dont les compétences sont combinatoires et d'ordre cognitif en fixant les objectifs du programme de production, en contrôlant la mise en ordre, en faisant respecter le calendrier, en vérifiant les écarts, en s’assurant de la compatibilité des sous-ensembles, en menant une activité de police et de justice interne au projet, en "inculpant les entreprises fautives, en trouvant le plus consensuellement possible des solutions rapides et en servant d'interface ad hoc pour les différentes entreprises modulaires qui se greffent au fur et à mesure du projet. La firme-pivot joue, à son tour, un rôle de firme-architecte pour les ensembles qui lui sont confiés.

Pour prendre l'exemple d'Airbus, qui applique le modèle modulaire de la firme, l'entreprise a tenu compte de l'échec du modèle de la politique industrielle imposant une duplication des sites. Chez Airbus, l’organisation industrielle actuelle repose sur une distribution spatiale des activités entre des Centres d’Excellence (les ailes, l'empennage, le fuselage, le nez, la section centrale) et sur une division des tâches au niveau international (Grande Bretagne, Espagne, Allemagne, France). Chaque site produit une section complète d’avion qui est ensuite transportée et assemblée sur deux sites (Toulouse et Hambourg) pour la complétude de l'avion.

La modularité triptyque

Dans certains cas extrêmes, la modularité est triptyque. Elle ne s'applique pas seulement au produit mais également à l’organisation et à la connaissance. Afin de minimiser ses coûts de transaction, l'entreprise architecte peut choisir une organisation modulaire avec en perspective de se coordonner avec un ensemble d’autres firmes spécialisées sur des compétences particulières. La firme architecte déploie des efforts de coordination tant au niveau du savoir-faire que de la simple technologie productive, qui dépasse les limites de son périmètre légal. La spécialisation qui est recherchée comme base du modèle, évolue vers encore plus de spécialisation à la fois à l'intérieur des entreprises et dans la nature des liens relationnels entre les entreprises.

La littérature sur la modularité offre de nombreux exemples où il est possible de changer la structure du système pour le rendre plus modulaire (sous réserve de l'innovation autonome) ou intégralement (sous réserve de l'innovation systémique) selon les différences apportées par David J. Teece. Toutefois, la modularisation peut être problématique pour l'appropriation de la valeur. Si la firme architecte "modularise" un produit ou un processus, alors, en fonction de ce qu'avance David Teece, une autre entreprise peut entrer sur un marché, innover sur les modules, et concurrencer la captation de la rente de la grande firme architecte (Cas du System 360 d'IBM). Alors que la firme architecte exige une taille conséquente pour une innovation systémique (sur l'ensemble du process), une petite entreprise (en taille et en moyens financiers) peut rivaliser avec n'importe quelle autre sur l'innovation modulaire et capter une partie de la rente en fonction de la spécificité de l'innovation sur l'ensemble du projet ou seulement sur le module.

Publications

  • 1992,
    • Richard Langlois et Paul L. Robertson, "Networks and Innovation in a Modular System: Lessons from the Microcomputer and Stereo Component Industries", Research Policy, 21(4), August, pp297-313
    • Richard Langlois et Paul L. Robertson, "Modularity, Innovation, and the Firm: the Case of Audio Components", In: Frederick M. Scherer et Mark Perlman, dir., "Entrepreneurship, Technological Innovation, and Economic Growth: International Perspectives", Ann Arbor: University of Michigan Press
  • 1996, J. Mahoney, R. Sanchez, "Modularity, flexibility, and knowledge management in product and organization design", Strategic Management Journal, Vol 17, Special Issue, pp63-76
  • 1997, Carliss Y. Baldwin, Kim B. Clark, "Managing in an age of modularity", Harvard Business Review, September/October, pp84-93
  • 1999, S. Brusoni, A. Prencipe, "Modularity in complex product systems : managing the knowledge dimension", CoPS Publications n° 57, Science and Technology Policy Research, Brighton
  • 2000, Carliss Y. Baldwin, K. Clark, "Design rules : the power of modularity", MIT Press, Cambridge (MA), Vol. 1
  • 2001,
    • S. Brusoni et A. Prencipe, "Unpacking the black box of modularity: technologies, products and organizations", Industrial and Corporate Change, 10(1), pp179–205
    • Richard Langlois et D. A. Savage, “Standards, Modularity, and Innovation: the case of Medical Practice”, In: R. Garud et P. Karnøe, dir., Path Dependence and Path Creation. Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum
  • 2002,
    • Richard Langlois, "Modularity in Technology and Organization", Journal of Economic Behavior and Organization, 49 (1), September, pp19-37
    • T. J. Sturgeon, "Modular Production Network: A New American Model of Industrial Organization", Industrial and Corporate Change, vol 11, n°3, pp451-496
  • 2003,
    • Richard Langlois, "The vanishing hand : the changing dynamics of industrial capitalism", Industrial and Corporate Change, Vol 12, n°2, pp351-385
    • Richard Langlois, R. Garud et A. Kumaraswamy, dir., "Managing in the Modular Age: Architectures, Networks and Organisations", Oxford: Blackwell
  • 2005,
    • P. Cohendet, M. Diani, C. Lerch, "Stratégie modulaire dans la conception : une interprétation en termes de communauté", Revue Française de Gestion, n°158, pp121-143
    • V. Frigant, "Vanishing hand versus systems integrators – Une revue de la littérature sur l’impact organisationnel de la modularité", Revue d’Économie Industrielle, Vol 109, pp29-52
  • 2006,
    • F. Mazaud, "De la firme sous-traitante de premier rang à la firme pivot : Une mutation de l’organisation du système productif Airbus", Revue d’Économie Industrielle, Vol 113, pp45-60
  • 2007,
    • F. Catel, "Modularité et organisation industrielle : vers un isomorphisme entre produits et organisations ?", Économie Appliquée, Vol 60, n°2, pp183-207
    • F. Mazaud, "De la firme sous-traitante de premier rang à la firme pivot, l’organisation du système productif Airbus", Thèse de doctorat de sciences économiques, Université des Sciences Sociales Toulouse 1.


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