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Assignats

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L'assignat est le symbole de la faillite économique de la Révolution française et une nouvelle expérience malheureuse de papier monnaie après celle de John Law sous la Régence de Louis XV, près d'un siècle plus tôt. Dans le vieux langage du droit écrit méridional, « assigner » signifie créer une rente ou une dot en immobilisant des fonds (assignat) pour la sûreté de la perception. L'assignat représentait donc un bien, le gage du paiement à venir.

Les origines de l'assignat

L'assignat était au départ un expédient de trésorerie temporaire permettant d'éviter l'institution d'une banque qui aurait pu être un appui pour le gouvernement, tant était grande la méfiance à l'égard du pouvoir exécutif. La mise en vente de 400 millions de biens nationaux et l'émission de billets portant intérêt à 5 % s'apparentaient à un emprunt forcé auprès des créanciers de l'État. Les assignats première manière à partir de janvier 1790 de 200, 300 ou 1000 livres sont réservés à la classe aisée. Ils seront de préférence admis dans l'achat de biens nationaux et détruits au fur et à mesure des ventes.

Sa solidité initiale va causer le dérapage de l'assignat. La crise financière est aggravée vers l'été 1790 par la disparition des anciens impôts alors que les nouveaux ne rentrent pas encore, la nécessité de rembourser le capital des anciens offices supprimés et les spéculations monétaires en tout genre.

Il devient dès lors tentant d'émettre 800 millions de nouveaux assignats portant sur l'ensemble des biens nationaux. A partir de septembre 1790, l'assignat devient une monnaie à cours forcé, sans intérêt. Le projet est soutenu par Mirabeau et attaqué par Talleyrand et Dupont de Nemours :

«  Il n'existe dans la réalité qu'une monnaie dominante ; dans ce moment c'est l'argent. Si vous donnez cours au papier, ce sera le papier. Vous ordonnerez que ce papier ne perde pas, j'y consens. Mais vous n'empêcherez pas que l'argent en gagne, et ce sera absolument la même chose. Vous ferez bien que dans un paiement l'on sera obligé de prendre un assignat de 1000 livres ; mais vous ne pourrez jamais faire que l'on soit obligé de donner 1000 livres en écus pour un assignat de 1000 livres. Et c'est par là que s'écroulera tout le système. »
    — Talleyrand

Face à cette menace potentielle d'inflation entraînant la dévaluation de l'assignat, Mirabeau répond qu'il suffit de créer de plus petits assignats pour « avoir moins besoin de les échanger » contre du numéraire. Il souligne que l'Angleterre, bien que plus petite que la France, fait circuler beaucoup plus de papier : « L'Angleterre prospère, malgré l'immensité de sa dette au moyen d'un signe d'opinion, d'un vain simulacre de richesses ».

L'assignat-monnaie

L'assignat-monnaie étant créé, il devient antipatriotique de douter de son utilité. Dupont de Nemours rétorque cependant : « Les assignats sont bons pour les gens riches qui ont beaucoup de dettes à payer au pauvre peuple : ils voudraient bien lui donner du papier, tel quel, au lieu d'écus, et voudraient bien encore lui vendre leur blé et leur vin le double de ce qu'ils valent ».

Les prix dans les ventes des biens nationaux fin 1790 se révèlent supérieurs aux estimations peut-être dans l'espoir d'une décote progressive du papier, le système de paiements en plusieurs annuités laissant espérer une acquisition avantageuse à terme. En juin 1791, cela justifie l'émission de 100 millions en coupures de 5 livres et 480 millions en coupures plus importantes.

Mais c'est la crise de confiance : les impôts ne rentrent pas, ce qui incite à des émissions supplémentaires. L'argent, mais aussi l'or et le cuivre se réapprécient dans la mesure où le papier se déprécie. Tout paiement en papier devient plus avantageux, ce qui a pour effet de hausser les prix et de chasser le numéraire. La multiplication des petites coupures, 10 à 50 sous dès 1792, accentue la décote qui atteint 40 %.

Au 10 août 1792, le total de papier en circulation atteint les 3200 millions. L'assignat devient la monnaie fiduciaire de la République. Onze milliards vont être émis entre août 1792 et juillet 1794 : la fabrication va se mécaniser. La falsification se développe, notamment dans les pays en guerre avec la France.

Néanmoins, la règle de destruction des assignats ayant servi à acquitter un bien national continue à être observée : près de 3 milliards sont détruits en 1793-1794. L'assignat continue à être officiellement une hypothèque sur les Domaines nationaux. La Convention, il est vrai, nationalise à tour de bras : biens des émigrés, puis des parents d'émigrés, puis des condamnés à mort, puis du clergé et de la noblesse du Palatinat et de Belgique. La dépréciation dans l'acquisition des biens nationaux fait des heureux : la valeur payée pour la plupart des achats réalisés en 1793 et 1794 se situe entre 10 et 25 % du prix réel.

Le gouvernement républicain a tenté de réduire la masse monétaire en démonétisant les assignats à face royale, en bloquant les prix par le maximum, en proscrivant les métaux précieux ce qui accentue la dissimulation de l'or et l'argent. Cela n'empêche nullement une dépréciation de 50 % au début de la Terreur et de 65 % en Thermidor. Mais le gouvernement ne peut résister à l'attrait de la planche à billets :

«  Ce fut un bon temps pour l'Administration que celui, où, à l'aide d'une somme illimitée de billets-monnaie, on peut non seulement satisfaire à tous les besoins connus ou inconnus, mais encore avoir des fonds prêts au jour et à l'heure dont on a fait choix. Il suffit alors de répartir aux uns la papeterie, aux autres l'estampille, aux autres la gravure et l'imprimerie, pour assurer le service du Trésor public. »
    — Jacques Necker

Aussi les Thermidoriens autorisent une émission de 30 milliards en 1795. Dans le même temps, la réouverture de la Bourse, la paix avec l'Espagne annoncent le retour du numéraire. La Convention crée donc le franc défini par un poids fixe d'argent : 5 grammes. L'assignat représente 3 % de sa valeur nominale en juin 1795. A la fin de l'année, l'assignat ne trouve plus de preneur en province. Il est devenu « papier de Paris » pour acquitter rentes, salaires et contrats publics. Le 19 février 1796, l'émission des assignats est arrêtée et les planches brûlées publiquement place Vendôme. Il ne représentait plus que 0,25 % de sa valeur.

Sources

  • 1992, Michel Bruguière, « Assignat », In: François Furet, Mona Ozouf, dir., "Dictionnaire critique de la Révolution française", Champs Flammarion, Institutions et Créations, pp59-76



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