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Apprentissage expérientiel

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L'apprentissage par l'expérience, ou apprentissage expérientiel, offre les bases d'une approche de l'éducation en tant que processus permanent, solidement fondé sur la psychologie sociale, la philosophie humaniste et le constructivisme cognitif. L'activité expérientielle permet la réalisation d'expériences concrètes. Elle favorise l'apprentissage par des situations authentiques et signifiantes. Par conséquent, l'apprentissage expérientiel met l'accent sur les liens critiques qui peuvent être développés avec les méthodes d'apprentissage par l'expérience entre la salle de classe et le monde réel. Tout environnement qui permet à l'individu d'agir, de pratiquer et d'expérimenter est un environnement favorable à l'apprentissage.

L'apprentissage expérientiel doté d'une métacognition libre

L'apprentissage par l'expérience est soutenu par plusieurs courants de pensée, tels que la psychologie sociale[1] de Kurt Lewin, le pragmatisme philosophique de John Dewey, l'approche humaniste de Carl Rogers et l'épistémologie génétique cognitivo-évolutive de Jean Piaget. Parmi ces penseurs, Carl Rogers a joué un rôle influent en soulignant l'importance de l'apprentissage auto-initié.

Selon Carl Rogers, l'apprentissage par l'expérience est un processus dans lequel les individus sont pleinement engagés. Carl Rogers soutient que les personnes ont une tendance naturelle à apprendre et que l'apprentissage ne peut être que facilité, mais pas directement transféré d'une personne à une autre. Nous ne pouvons pas enseigner directement à une autre personne au sens de modifier par nous même leur cerveau. Cela ne peut être fait que par eux-mêmes. Les apprenants deviennent plus réticents à l'apprentissage lorsqu'ils se sentent menacés. Ainsi, l'apprentissage est plus susceptible de se produire et de persister lorsqu'il est auto-initié et qu'il favorise un processus dynamique et continu de changement.

Dans cette perspective, l'apprentissage expérientiel encourage le sujet à une réflexion critique sur son propre être et sa réalité. Il permet de remettre en question les attitudes existantes, de réaliser son identité et de s'intégrer dans le monde social. Ce processus d'apprentissage se caractérise par une intériorisation des connaissances et des réflexions constantes. Il est particulièrement observé dans les contextes d'apprentissage organisationnel et entrepreneurial, où de nouveaux apprentissages influencent les environnements d'apprentissage comme le montre la théorie du management par la connaissance.

En intégrant une approche métacognitive à l'apprentissage expérientiel, on reconnaît l'importance de la réflexion sur ses propres connaissances, attitudes et processus de changement. Cela favorise une compréhension plus profonde de soi-même, une meilleure adaptation aux défis de l'apprentissage et une intégration plus significative des nouvelles connaissances dans la pratique. Ainsi, l'apprentissage expérientiel combiné à une réflexion métacognitive offre un potentiel puissant pour le développement personnel et professionnel.

L'apprentissage expérientiel est une liberté offerte à chaque individu

Pour chaque individu, la conduite de son propre apprentissage est influencé par sa personnalité et son vécu. A. Corbett (2005) identifie quatre profils-types d’apprenants face à l'expérience qu'ils vivent ou ont vécue :

1) Ceux qui sont plus enclins à développer une idée initiale ou une solution inédite face à un problème donné
2) Ceux qui développent des options et des opportunités de développement à partir d’un stock initial d’idées
3) Ceux qui exploitent plusieurs options possibles et qui produisent des schèmes
4) Ceux qui exploitent les schèmes pour les transformer en opportunités d'affaires.

Selon Michael B. Elmes (2019), l’apprentissage expérientiel repose sur l’amélioration des routines et des procédures organisationnelles. L’action est en amont du cycle d’apprentissage, elle crée une connaissance par transformation de l'expérience. Il existe donc un double lien entre l'action et la conceptualisation et entre l'expérience et l'observation ou la réflexion de celle-ci.

Les théories de l'apprentissage par l'expérience s'appuient sur les théories constructionnistes de l'apprentissage, mais elles situent surtout l'expérience au cœur du processus d'apprentissage. Elles visent à comprendre les manières dont les expériences, qu'elles soient de première ou de seconde main, motivent les apprenants et favorisent leur apprentissage. Par conséquent, l'apprentissage concerne des expériences significatives, dans la vie quotidienne, qui conduisent à un changement dans les connaissances et les comportements d'un individu.

L'approche institutionnelle de l'apprentissage expérientiel

Bien souvent l'apprentissage expérientiel est analysé sous le plan individuel et égocentré. Dans ce cas, l’étudiant construit son apprentissage sur sa propre expérience plutôt que sur celle des autres. Pourtant, il peut bénéficier de l'apprentissage des autres par leurs récits (écrits, vidéos, oraux) sans être le témoin direct de leur expérience. L'apprentissage expérientiel peut se transmettre aussi grâce à l'apprentissage vicariant comme le définissait Albert Bandura, lorsque le témoignage en direct de l'expérience des autres, et notamment leurs erreurs[2] ou leurs succès, permet à chaque individu d'apprendre en contexte social.

Dans une perspective d'analyse économique et juridique des institutions, par exemple pour le droit des contrats et de la propriété privée, l'école autrichienne d'économie s'intéresse également à l'étude des origines des institutions sociales qui sont des produits non intentionnels des actions de l'être humain mues par l'intermédiaire de l'apprentissage expérientiel. Cette approche utilise toujours l'individualisme méthodologique, c'est à dire que l'on ne peut comprendre un phénomène social qu'en s'intéressant à l'action[3] des individus qui contribuent à l'éclosion ou au développement du phénomène étudié.

Informations complémentaires

Notes et références

  1. Les grands thèmes de la psychologie sociale (ou cognition sociale) concernent :
    • les "relations à autrui"
      • la perception d’autrui,
      • la comparaison sociale,
      • la facilitation sociale,
      • la calibration des connaissances d'autrui
        • 2001, A. D. Gershoff, G. V. Johar, "Do you know me? Consumer calibration of friends' knowledge", Journal of Consumer Research, Vol 32, n°4, pp496–503
        • 2006, R. E. Goldsmith, K. G. Pillai, "Knowledge calibration", In: D. Schwartz, dir., "Encyclopedia of knowledge management", Hershey, PA: Idea Group Publishing, pp311–316
        • 2007, K. G. Pillai, C. Hofacker, "Calibration of consumer knowledge of the web", International Journal of Research in Marketing, Vol 24, n°3, pp254–267
        • 2008, B. Kidwell, D. M. Hardesty, T. L. Childers, "Emotional calibration effects on consumer choice", Journal of Consumer Research, Vol 35, n°4, pp611–621
    • les attitudes et les comportements (la dissonance cognitive, l'engagement, la théorie de l’action…),
    • l'influence sociale (la normalisation, le conformisme, la polarisation, l'influence majoritaire et l'influence minoritaire),
      • 1955, E. Katz, P. F. Lazarsfeld, "Personal influence, the part played by people in the flow of mass Communications", Glencoe, IL, Free Press
      • 1994, G. Weimann, "The influentials: people who influence people", NY, SUNY series
      • 1997, J. Eliashberg, S. M. Shugan, "Film critics: Influencers or predictors", Journal of Marketing, Vol 61, n°2, pp68–78
      • 2007, D. J. Watts, P. S. Dodds, "Networks, influence, and public opinion formation", Journal of Consumer Research, Vol 34, n°4, pp441–458
    • le "processus de groupe",
      • Michael Argyle, 1967, "The Social Psychology of Social Change", In: Tom Burns, S. B. Saul, dir., "Social Theory and Economic Change", London: Tavistock, pp 87–101
    • les relations interpersonnelles et intergroupes :
      • formation d’impression
        • M. B. Brewer, 1988, "A dual process model of impression formation", In: R. S. Wyer, T. K. Srull, dir., "Advances in social cognition", Vol 1, Hillsdale, NJ: Erlbaum, pp1–36
        • S. T. Fiske, S. L. Neuberg, 1990, "A continuum of impression formation, from category based to individuating processes: Influences of information and motivation on attention and interpretation", Advances in Experimental Social Psychology, Vol 23, pp1–74
        • Z. Kunda, P. Thagard, 1996, "Forming impressions from stereotypes, traits, and behaviors: A parallel constraint-satisfaction theory", Psychological Review, Vol 103, pp284–308
      • catégorisation,
      • stéréotypes,
      • prophétie qui s’auto-réalise
  2. L'apprentissage expérientiel nécessite de faire des essais. Or, tous les essais ne sont pas des succès. Il faut donc accepter la survenance de l'échec comme une étape nécessaire pour aboutir au succès. Vouloir se préserver de l'échec en refusant d'essayer est également une erreur, si ce n'est la plus grande erreur car l'expérience, dans ce cas là, ne fournit pas d'enseignement pour trouver la bonne solution. Dans l'histoire des innovations, les idées les plus novatrices ont souvent été précédées de nombreux échecs. Presque tous les grands entrepreneurs de ce monde ont déjà connu l’échec avant de connaitre le succès. Par exemple, Stephen King a essuyé plusieurs refus de grandes maisons d’éditeurs avant d’être publié et de devenir un auteur à grand tirage. Ou autre exemple, Steve Jobs a sorti la tablette Newton en 1993. Mais, ce fut un échec retentissant. Pourtant, quelques années plus tard tout le monde s'arrache l’iPAD. La littérature utilise souvent la métaphore du tremplin pour indiquer que les essais qui tournent mal aident toutefois à sauter plus haut et plus loin afin de plonger dans le grand bain de la réussite. Aussi, dépasser les craintes de se tromper dans ses décisions et dans ses actions, aide chaque individu à renforcer son sentiment d'auto-efficacité. Cependant, il ne faut pas vouer aux échecs une autorité supérieure en s'attachant à un mythe de l'entrepreneur dont les échecs se suivent mais dont le succès finit par aboutir. Cette narration entrepreneuriale attirent et méritent notre attention. Mais, il ne faut pas oublier qu'un succès sera toujours plus rentable financièrement qu'un échec.
  3. M. Hutton, 1989, "Learning from action: A conceptual framework", In: S. Warner Weil, I. McGill, dir., "Making sense of experiential learning: Diversity in theory and practice", Milton Keynes: SRHE & Open University Press, pp50–59
    • 1995, L. Beaty, I. McGill, "Action learning", London: Kogan Page

Bibliographie sur l'apprentissage expérientiel

  • 1962, Wilfred Bion, "Learning from experience", London: Heineman; New York: Basic Books
    • Traduit en italien en 1996, "Apprendere dall'esperienza", Armando Editore
  • 1984, David A. Kolb, "Experiential Learning: Experiences as a Source of Learning and Developement", Englewood Cliff, New Jersey, Prentice Hall
    • Seconde édition en 2014, Upper Saddle, NJ: FT Press
  • 1986, R. W. Spencer, D. F. van Eynde, "Experiential learning in economics", Journal of Economic Education, Vol 17, n°4, pp289-294
  • 1989,
    • John Deighton, Stephen Hoch, "Managing What Consumers Learn From Experience", Journal of Marketing, Vol 53, n°2, pp1-20
    • J. Henry, "Meaning and practice in experiential learning", In: S. Warner Weil, I. McGill, dir., "Making sense of experiential learning: Diversity in theory and practice", Milton Keynes: SRHE & Open University Press, pp25–37
    • I. McGill, S. Warner Weil, "Continuing the dialogue: New possibilities for experiential learning", In: S. Warner Weil, I. McGill, dir., "Making sense of experiential learning: Diversity in theory and practice", Milton Keynes: SRHE & Open University Press, pp245–274
  • 1991, F. Landry, "Vers une théorie de l'apprentissage expérientiel", In: Bernadette Courtois, Gaston Pineau, dir. "La formation expérientielle des adultes", Recherche en Formation Continue, Ministère du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle, Délégation à la Formation Professionnelle - La documentation française, Paris, pp21-28
  • 1992, R. Snell, "Experiential learning at work: Why can't it be painless?", Personnel Review, 21(4), pp12–26
  • 1993, D. Boud, R. Cohen, D. Walker, "Introduction: Understanding learning from experience", In: D. Boud, R. Cohen, D. Walker, dir., "Using experience for learning", Buckingham: SRHE & Open University Press, pp1–18
  • 1994, A. Mumford, "Four approaches to learning from experience", The Learning Organisation, 1(1), pp4–10
  • 1995, J. G. Burgoyne, "Learning from experience: From individual discovery to meta–dialogue via the evolution of transitional myths", Personnel Review, 24(6), pp61–72
  • 1996, M. W. Daudelin, "Learning from experience through reflection", Organisational Dynamics, 24(3), pp36–48
  • 1997,
    • K. J. Eriksson, J. Johanson et al., "Experiential knowledge and cost in the internationalization process", Journal of International Business Studies, 28(2), pp337-360
    • D. Holman, K. Pavlica, R. Thorpe, "Rethinking Kolb's theory of experiential learning in management education", Management Learning, 28(2), pp135–148
  • 2000,
    • R. E. Boyatzis, David A. Kolb, C. Mainemelis, "Experiential learning theory: previous research and new directions", In: R. J. Sternberg, L. F. Zhang, dir., "Perspectives on cognitive, learning and thinking styles", Mahwah, NJ: Lawrence Erlbaum, pp227–247
    • M. Holmqvist, "The Dynamics of Experiential Learning", School of Business Research Reports, 12, Thèse de Doctorat, Stockholm: Stockholm University
  • 2001, Iain L. Densten, Judy H. Gray, "The links between followership and the experiential learning model: Followership coming of age", Journal of Leadership Studies, Vol 8, n°1, pp69-76
  • 2004,
    • S. Cooper, C. Bottomley, J. Gordon, "Stepping out of the classroom and up the ladder of learning: An experiential learning approach to entrepreneurship education", Industry and Higher Education, Vol 18, n°1, pp11-22
    • Luigina Mortari, "Apprendere dall'esperienza", Carocci Editore, Roma
  • 2005,
    • A. Corbett, "Experiential learning within the process of opportunity identification and exploitation", Entrepreneurship Theory and Practice, vol 19
    • C. Rerup, "Learning from past experience: Footnotes on mindfulness and habitual entrepreneurship", Scandinavian Journal of Management, 21(4), pp451-472
  • 2006,
    • U. Anakwe, Y. Purohit, "Using conflict-management surveys to extricate research out of the “ivory tower”: an experiential learning exercise", Journal of Management Education, Vol 30, n°3, pp501–524
    • R. C. Dolan, J. L. Stevens, "Business conditions and economic analysis: an experiential learning program for economics students", Journal of Economic Education, 37(4), pp395-405
  • 2007, K. Hawtrey, "Using experiential learning techniques", Journal of Economic Education, Vol 38, n°2, pp143-152
  • 2010, Renato D. Di Nubila, Monica Fedeli, "L'esperienza quando diventa fattore di formazione e di sviluppo", Pensa Multimedia
  • 2013, M. Radu Lefebvre, R. Redien-Collot, "How to do things with words”: The discursive dimension of experiential learning in entrepreneurial mentoring dyads", Journal of Small Business Management, Vol 51, pp370-393
  • 2019, Michael B. Elmes, "Working With(in) the Shadow of Experiential Learning", Journal of Management Education, Vol 43, n°1, pp99-107