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Théorie du management par la motivation

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Les premières recherches sur la motivation se sont calées sur l'étude des instincts humains. En suivant le courant dominant de la théorie darwinienne de l'évolution, certains chercheurs ont essayé de comprendre comment les tendances comportementales sont naturellement intégrées dans les organismes pour la survie de l'individu et donc de l'espèce. William James (1890)[1], William McDougall (1923)[2] et Henry Murray (1937)[3] ont fait des listes d'instincts qui semblaient être les ressorts de tous les comportements simples et complexes. Henry Murray, cependant, distingue un aspect directionnel et un composant d'éveil déclenchant le comportement qui peut être motivé de plusieurs façons. Les besoins, selon Henry Murray, sont des constructions hypothétiques qui dirigent le comportement vers certains objectifs ou à un but final. Les classifications des besoins ressemblent alors à des classifications d'éléments de chimie. Il leur manque une structure strictement définie et des liens nécessaires pour expliquer les interactions dynamiques des besoins et de leurs accomplissements.

Les recherches modernes sur la motivation reposent sur trois axes : celui du comportementalisme, celui du biologique et celui du "médiationiste". Le comportementaliste voit les causes de la motivation dans l'environnement par des influences de l'extérieur. La motivation s'apparente alors à des forces qui agissent sur une personne et qui la pousse à se conduire d'une manière spécifique, vers une action intentionnelle (objectif, but). Le biologiste considère la motivation par une approche biologique et souvent homéostasique comme si la motivation consiste à rétablir une équilibre interne de la personne. Le "médiationiste", pour sa part, analyse les causes de la motivation par les événements internes, comme les désirs et les pulsions.

La motivation au travail

Plus particulièrement, les théories sur le management de la motivation au travail postulent qu'il existe un lien entre la motivation et la productivité et que la fonction du management est d'influer sur la motivation pour obtenir une amélioration des résultats. Ces théories distinguent deux types de récompenses, celles qui sont extrinsèques[4] et celles qui sont intrinsèques[5]. Les récompenses extrinsèques sont celles qui sont liées à l'argent et au renforcement verbal et qui se situent en dehors de la médiation de la personne[6], tandis que les récompenses intrinsèques proviennent de la personne elle-même[7]. Une personne est intrinsèquement motivée pour exercer une activité s'il n'y a pas de récompense apparente, sauf l'activité elle-même ou les sentiments qui résultent de cette activité. Il ressort de nombreuses études que les personnes aux comportements intrinsèquement motivés font preuve d'une meilleure créativité, d’une plus grande persévérance face à l’adversité et d’une meilleure concentration. Mais, bien souvent, il est assez difficile de définir la borne délimitant la zone intrinsèque de la zone extrinsèque comme l'exprime par exemple la théorie de l'équité ou la théorie des deux facteurs de Frederick Herzberg.

Alors que la plupart des chercheurs dans les années 1950 et 1960 se sont concentrés sur le contenu de la motivation c'est à dire une vision assez statique et analytique, d'autres chercheurs se sont plutôt orientés vers une théorie du processus de la motivation[8], approche vers laquelle l'école autrichienne d'économie est plus prompt à prendre son inspiration car une grosse partie de son paradigme repose sur une vision dynamique des comportements humains.

L'approche autrichienne sur la motivation

Les incitations robbinsiennes

Dans la théorie du management scientifique de Frederick W. Taylor, la motivation est essentiellement extrinsèque. C'est le modèle qu'a choisi de suivre l'école néo-classique. Le salaire est l'élément de motivation à l'effort au travail. Selon Israel Kirzner, les incitations sont "... destinées à motiver un agent pour s'engager dans une activité coûteuse"[9]. En effet, "les économistes traitent le concept d'incitation comme se référant à l'apport d'un encouragement pour un décideur afin de sélectionner une option particulière parmi toute une gamme d'options"[10]. Afin d'obtenir la coordination souhaitée ou prévue, le manager motive ses employés avec des salaires suffisamment élevés. Il récompense les employés et il possède le pouvoir de faire respecter les différents contrats tout en demeurant le requérant résiduel. Les incitations "robbinsiennes", en hommage à l'économiste Lionel Robbins, sont donc fondées sur le fait que la récompense doit compenser le coût de l'action (le salaire doit être supérieur à la désutilité du travail).

Une hiérarchisation des besoins

Les besoins matériels, dans la plupart des pays occidentaux sont satisfaits à un degré sans précédent. C'est ce qui explique, en partie, pourquoi les appels politiques pour atteindre un bien-être matériel sont si futiles. Le psychologue, Douglas McGregor, qui travaillait à l'Institut de Technologie du Massachusetts indiquait que "L'Homme est un animal désirant {wanting]". Dès que l'un de ses besoins est satisfait, un autre apparaît à sa place. Suivant l'analyse d'Abraham Maslow, il précisait que les besoins de l'homme sont organisés dans une série de plusieurs niveaux constituant une hiérarchie d'importance relative. Si l'homme vit de pain seulement, soulignait-il c'est qu'il n'y a pas de pain. Mais quand il mange régulièrement et de manière adéquate, la faim cesse d'être une motivation importante. Aussi, il concluait qu'un besoin satisfait n'est pas [plus] un facteur de motivation du comportement !

A la différence des diverses écoles psychologiques sur l'objectivisme de la motivation de la nature humaine, l'école autrichienne adopte un subjectivisme méthodologique de la motivation. Ce subjectivisme est ontologique c'est à dire que l'individualité d'une personne constitue effectivement sa spécificité. Donc, les actions ont des motivations qui leur sont propres. Le subjectivisme implique également que les motifs sont difficilement observables de l'extérieur. L'économiste ou le sociologue suppose qu'il existe des besoins qui ont poussé à l'action de l'individu sans pouvoir les préciser. Le classement des besoins n'est donc pas affecté à l'action précise et particulière de temps et de lieu de l'acteur économique. Il s'agit d'une classification dont l'intérêt est avant tout pédagogique. De plus, les motivations sont nombreuses et plus ou moins conflictuelles chez une même personne. Aussi, une catégorisation et une hiérarchisation des motivations est très aléatoire. Chaque individu choisit de relier des moyens et des fins qui lui sont propres même si, bien souvent, cette structure est commune à d'autres personnes. Mais l'économiste ou le sociologue ne peut pas prédire dans les détails la manière dont un salarié va agir et surtout avec quelle intensité il va répondre à l'accomplissement de ses besoins.

La problématique de l'additivité des motivations intrinsèques et extrinsèques

Dans l'approche du management par l'école autrichienne d'économie, les employés d'une entreprise sont motivés intrinsèquement aussi bien que par des facteurs extrinsèques. Bruno Frey, bien que n'appartenant pas à l'école autrichienne d'économie, mais qui en partage une analyse commune, précise que la motivation intrinsèque est cruciale lorsque la connaissance tacite doit être transférée à l'intérieur d'une équipe ou entre différents services d'une organisation. C'est la raison pour laquelle les auteurs de l'école autrichienne sont attentifs aux formes organisationnelles et juridiques. La motivation du transfert de la connaissance ne dépend pas strictement de la propriété juridique de l'entité, à savoir une propriété publique ou privée. Mais, il est important de s'intéresser sur les formes organisationnelles qui favorisent le mieux, et donc qui ont une meilleure capacité à transférer et à générer de la connaissance tacite. En effet, la motivation est indissociable de l'avantage concurrentiel durable d'une firme comme le soutient la théorie du management par la connaissance.

Dans la théorie du management participatif, la motivation est d'ordre intrinsèque [récompense dans l'accomplissement du travail lui-même]. Selon Edward L. Deci, les environnements qui accentuent les facteurs extrinsèques, comme par exemple la réglementation (menace, échéances [deadlines], directives), peuvent mettre en danger voire finissent par évincer la motivation intrinsèque des individus. La question est donc de savoir si les deux ordres de motivation sont additifs, problème que se pose également l'école autrichienne d'économie par une analyse praxéologique et éthique.

Dans l'analyse de Ludwig von Mises, la motivation est un processus thymologique qui cause le déclenchement, l'orientation et le maintien d'un comportement humain. Elle est donc basée sur deux postulats fondamentaux. L'homme est libre du choix de ce qu'il fait ou qu'il ne fait pas. Ses actions sont toujours orientées vers un objectif conscient.

Notes et références

  1. William James, 1890, The Principle of Psychology, New York: Holt
  2. William McDougall, 1923, Outline of Psychology, Boston: Scribner's
  3. Henry A. Murray, 1937, "Facts Which Support the Concept of Need or Drive", Journal of Psychology, 3, pp27-42
  4. Les récompenses extrinsèques ne sont pas obligatoirement pécuniaires. Par exemple, l'effet Hawthorne, découvert par Elton Mayo, montre que lorsque les supérieurs font "attention" à leurs subordonnés, cela donne des résultats positifs sur la productivité
  5. Parmi les théories de la motivation dans les années 1960, la théorie de l'accomplissement de David McClelland est la plus caractéristique de ce point de vue
  6. Par exemple, recevoir une récompense, éviter de se sentir coupable, gagner l’approbation sont des motivations extrinsèques.
  7. les comportements sont uniquement motivés en vertu de l’intérêt et du plaisir que le sujet trouve dans la pratique de l’activité
  8. Parmi les principales théories du processus de la motivation, on recense la théorie de l'équité de John S. Adams, la théorie des buts d'Edwin A. Locke et la théorie des attentes de Victor Vroom.
  9. Israel Kirzner, 1985, Discovery and the Capitalist Process. Chicago: University of Chicago Press, p86
  10. Israel Kirzner, 1985, Discovery and the Capitalist Process. Chicago: University of Chicago Press, p94

Bibliographie

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