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Dualisme

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Le dualisme, en philosophie de l’esprit, est la thèse selon laquelle les états mentaux (comme le désir, la haine, l’intentionnalité...) sont de nature essentiellement différente des états physiques. On peut distinguer deux sortes de dualisme, le dualisme interactionniste et le dualisme non interactionniste.

Le dualisme interactionniste ou dualisme cartésien

René Descartes, une figure du dualisme interactionniste

Le philosophe dualiste interactionniste affirme que :

  1. les états mentaux sont de nature différente des états physiques (dualisme des états) ;
  2. les états mentaux causent les états physiques (principe de causalité mentale).

C’est en ce sens qu’il est « interactionniste » : les substances mentales interagissent avec les substances physiques, les premières causant les secondes. Par exemple, la soif (substance mentale) cause l’activité des neurones qui à son tour conduit au mouvement du bras qui saisit le verre d’eau (événement physique).

Cette position a été défendue par René Descartes, dans Les méditations touchant la première philosophie (1647). Pour défendre la dualité des substances mentales et physiques, Descartes avance l’argument modal suivant [1] :

  1. Il est possible de concevoir les états mentaux sans concevoir les états physiques : chacun a une connaissance claire des états mentaux sans connaitre les états physiques qui s’y rapportent.
  2. Si on peut concevoir de manière claire et distincte les états mentaux sans les états physiques, alors il est métaphysiquement possible que les états mentaux existent sans les états physiques, ou que les états mentaux puissent être séparés des états physiques.
  3. Par conséquent, les états mentaux n’appartiennent pas à la substance physique ou corporelle.

Pour justifier l’interactionnisme des substances, Descartes élabore une théorie complexe et conclut que les deux substances considérées interagissent dans une partie du cerveau nommée la glande pinéale.

La thèse dualiste interactionniste a été soumise, depuis sa naissance, à de vives critiques. Le principal reproche qui a été fait à cette thèse est qu’elle entre en contradiction avec le principe de clôture causale, nomologique[2] et explicative du domaine physique. Selon ce principe, largement accepté dans la science contemporaine, tout effet physique doit avoir une cause physique et doit avoir une explication physique ; dans cette perspective, le mouvement du bras dans l’exemple ci-dessus ne peut pas être causé par un événement non physique (la soif) comme le supposent les dualistes.

Les thèses opposées sont[3] :

  • la version fonctionnaliste du physicalisme (refus de distinguer entre états mentaux et états physiques) : thèse moderne, qui admet plusieurs formulations (réductionnisme ontologique, physicalisme réductionniste, externalisme physique...)
  • le dualisme sans interaction : parallélisme psychophysique (Spinoza, Leibniz) qui aboutit à un panpsychisme ; épiphénoménisme (Thomas Henry Huxley) qui abandonne le principe de causalité mentale ; surdétermination causale (les états mentaux peuvent agir comme des causes additionnelles de l’occurrence de certains états physiques).

Le dualisme non interactionniste

Le philosophe dualiste peut toutefois éviter les écueils de l’interactionnisme en abandonnant l’idée que les états mentaux causeraient les états physiques : c’est l’attrait du dualisme non interactionniste.

Selon cette forme de dualisme, quoique les deux attributs, physique et mental, soient essentiellement différents, ils ne sont pas directement liés : ils n’interagissent pas ; le mental ne cause pas le physique et inversement ; il n’existe entre eux qu’une correspondance. Le principe de la clôture causale du domaine physique est ainsi sauvé.

Toutefois, s’il n’y a pas de relation causale entre les états mentaux et physiques, pourquoi les premiers correspondent-ils à des motifs d’action réguliers ? Pourquoi la soif correspond-elle systématiquement aux mouvements de mon bras pour saisir le verre ?

Pour répondre à cette question, un dualiste non interactionniste comme Leibniz introduit une hypothèse métaphysique forte : la substance divine agit pour faire entrer en correspondance parfaite les états physiques et les états mentaux.[4]

Portée

Quoique la plupart des philosophes contemporains rejettent le dualisme au profit de différentes formes de physicalisme, cette thèse reste soutenue par certains intellectuels comme le neurophysiologiste John C. Eccles (prix Nobel de médecine en 1963) ou le philosophe Richard Swinburne.

Parmi les libéraux, Karl Popper et Bryan Caplan défendent le dualisme[5]. Friedrich Hayek (L’Ordre sensoriel, 1952) soutient un « dualisme pratique », qui n'est pas ontologique mais découle des limitations de l'esprit humain à pouvoir comprendre complètement l'unité sous-jacente à laquelle rattacher états mentaux et états physiques.

Notes et références

  1. « Modal » car il se réfère aux « mondes possibles ».
  2. "Nomologique" car ce principe se réfère aux lois (nomos) (en l'occurrence les lois physiques)
  3. Voir Michael Esfeld, "La philosophie de l'esprit", Armand Colin, 2012.
  4. La philosophie de l'esprit de Leibniz sur la Stanford Encyclopedia of Philosophy
  5. Bryan Caplan défend le dualisme au nom de la philosophie du sens commun

Bibliographie

  • 1984, John C. Eccles et Karl Popper, The Self and its Brain, Routledge, ISBN-10: 0415058988
  • 2007, Michael Esfeld, La philosophie de l'esprit, Armand Colin, Paris


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