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Réassurance
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La réassurance est l’assurance des assureurs : un contrat par lequel une compagnie d’assurance transfère à un réassureur une partie des risques qu’elle a acceptés, en échange d’une prime.
Fondements : liberté contractuelle, propriété, responsabilité
- . Définition. La réassurance est « l’assurance des assureurs ». Concrètement, une compagnie qui a déjà accepté des risques choisit de céder volontairement une partie de cette exposition à un réassureur, contre une prime négociée dans un traité ou un programme. L’accord est un contrat privé entre la cédante et le réassureur : l’assuré final n’en fait pas partie. Quoi qu’il arrive, la cédante reste tenue d’indemniser ses assurés (elle est ducroire de ses engagements) ; la réassurance organise le partage du risque, elle ne déplace pas la responsabilité vis-à-vis des clients.
- . Propriété et responsabilité individuelle. La réassurance est un outil de gestion libre du capital. Chaque assureur arbitre entre rétention (garder une part du risque) et cession (en transférer une part) pour protéger sa solvabilité et garantir la continuité d’indemnisation en cas de chocs. Le risque est redistribué, non aboli : l’assureur reste responsable de ses promesses, le réassureur prend contractuellement une part définie de l’exposition.
- . Ordre spontané : genèse historique. Qu'est-ce qu'un marché de la réassurance ?[1] Loin d’être une construction administrative, la réassurance émerge là où un besoin apparaît[2]. On en trouve des traces dans le maritime médiéval (rasichurare[3]), puis un essor est remarqué avec l’industrialisation allemande (Kölnische Rück[4] au XIXᵉ siècle). Après des catastrophes majeures, de nouveaux pôles de capacité se forment, comme le cluster bermudien après l’ouragan Andrew. Le schéma est récurrent : un besoin se manifeste → une innovation contractuelle est proposée → elle se diffuse par la concurrence.
Mécanique de marché : ajustement, prix, information, innovation
- . Ajustement concurrentiel. Le marché de la réassurance fonctionne comme un lieu de rencontre entre offre et demande. Les assureurs qui souhaitent céder une partie de leurs risques passent par des négociations directes ou par l’intermédiaire de courtiers spécialisés. La prime de réassurance, qui représente le prix du risque transféré, n’est pas fixée à l’avance par une autorité : elle est découverte au fil des échanges et de la concurrence entre réassureurs. Ce mécanisme garantit que la valeur attribuée au risque reflète les conditions réelles du marché.
- . Connaissance dispersée et signal-prix (Hayek). Chaque réassureur arrive avec ses propres modèles de calcul, ses données, son expérience et son appétit de risque. Aucune entité centrale ne détient l’ensemble des informations. Pourtant, grâce au jeu concurrentiel, ces savoirs fragmentés se rencontrent et se condensent dans un signal commun : le prix. Comme l’avait montré Friedrich Hayek, le prix ne se contente pas de rémunérer : il coordonne et oriente les décisions, en guidant l’allocation de la capacité de couverture là où elle est la plus valorisée. Chaque opérateur fait la découverte des prix dans un système en concurrence ouverte[5]
- . Innovation et flexibilité. Le marché de la réassurance est un laboratoire d’innovation contractuelle.
- Dans les formules proportionnelles, on trouve les traités en quote-part (QP) ou en excédent de pleins (XP), qui répartissent le risque selon une clé prédéfinie.
- Dans les formules non proportionnelles, les mécanismes d’excess of loss (XL) ou de stop-loss (SL) permettent de protéger l’assureur au-delà d’un certain seuil de pertes.
- À côté de ces outils classiques, se développent des solutions dites alternatives (ART) : obligations catastrophes (cat-bonds)[6], Industry Loss Warranties (ILW)[7], dérivés climatiques ou encore des programmes sur mesure. Ces innovations répondent à des besoins spécifiques et traduisent la grande plasticité du marché.
- . Rythme institutionnel. Le marché vit au rythme des dates de renouvellement. En Europe, la plupart des contrats se renégocient au 1er janvier ; aux États-Unis, au 1er juillet ; au Japon, au 1er avril. Ces échéances fonctionnent comme des pivots collectifs où s’ajustent les prix, les clauses et les capacités disponibles. Ce cycle assure une fluidité dans la coordination mondiale du marché.
- ↑ Ross C. Korves, 1990, "WhatMakesa Market?", The Freeman, September, Vol 40, n°9, pp347-348 [lire en ligne]
- ↑ En URSS, malgré l’économie dirigée, des marchés noirs apparaissaient dès qu’une brèche de liberté d’échanger existait. Cet exemple montre que, dès que des individus peuvent contracter librement, l’échange s’organise de lui-même : c’est la logique même de l’ordre spontané qui fonde aussi la réassurance.
- ↑ Le rasichurare est un terme d’origine italienne médiévale (XIVᵉ siècle) qui désigne une forme précoce de réassurance maritime. Concrètement, un marchand ou un armateur faisait assurer son navire ou sa cargaison pour un voyage. L’assureur initial, exposé à un risque trop lourd (ex. tempête, piraterie, naufrage), cédait à son tour une partie de ce risque à d’autres assureurs. Cette opération de « réassurer » permettait de diviser le risque entre plusieurs acteurs, de façon à rendre l’activité commerciale possible malgré l’incertitude extrême des voyages maritimes. On peut dire que le rasichurare est l’ancêtre direct de la réassurance moderne : un mécanisme contractuel spontané, né des besoins des marchands d’Italie et de Méditerranée, sans cadre étatique préalable.
- ↑ La Kölnische Rückversicherungs-Gesellschaft (souvent appelée Kölnische Rück) était une compagnie allemande de réassurance fondée en 1846 à Cologne. Au XIXᵉ siècle, l’industrialisation et l’urbanisation en Europe multiplient les risques nouveaux : incendies d’usines, accidents liés aux machines à vapeur, grands ensembles immobiliers. Les assureurs locaux, souvent de petite taille, n’avaient pas la capacité financière de supporter seuls ces sinistres de grande ampleur. La Kölnische Rück s’est spécialisée dans la réassurance : elle acceptait de prendre en charge une partie des risques souscrits par d’autres assureurs, contre paiement d’une prime. C’est l’une des premières grandes sociétés de réassurance professionnelles en Europe, créée sur le modèle pionnier de la Reinsurance Company de Londres (1848) et avant la naissance de géants comme la Munich Re (1880). Elle a contribué à structurer le marché international de la réassurance, en devenant un partenaire des assureurs non seulement allemands mais aussi étrangers. Sa création illustre le mouvement spontané d’adaptation du marché : face à des risques inédits, des entrepreneurs ont bâti une structure spécialisée sans intervention étatique. En résumé, au XIXᵉ siècle, la Kölnische Rück était une compagnie pionnière qui a permis aux assureurs de l’époque de mutualiser des risques devenus trop lourds, incarnant la logique d’innovation contractuelle et de coopération volontaire propre à la réassurance.
- ↑ Après l’ouragan Hugo (en 1989 aux US), des assureurs furent confrontés à des sinistres massifs. Ils ont conçu une nouvelle formule de couverture pour mieux se protéger à l’avenir contre les sinistres naturels. Ils ont porté cette idée sur le marché : les réassureurs ont évalué la proposition, fixé un prix, puis progressivement standardisé ce produit. L’exemple montre qu’un marché n’a pas besoin d’exister à l’avance pour fonctionner : il naît du besoin, s’organise par la rencontre d’acteurs libres, et trouve son équilibre à travers le prix.
- ↑ Les obligations catastrophes, ou cat-bonds (catastrophe bonds), sont des titres financiers qui permettent aux assureurs et réassureurs de transférer une partie de leurs risques de catastrophes naturelles (ouragans, séismes, tempêtes, etc.) directement vers les investisseurs des marchés financiers.
- Comment ça marche ?
- Création du cat-bond : un assureur ou réassureur émet une obligation via un véhicule ad hoc (SPV – Special Purpose Vehicle).
- Investisseurs : des fonds, banques ou particuliers achètent cette obligation.
- Rendement : en temps normal, les investisseurs reçoivent des intérêts élevés (plus attractifs que des obligations classiques).
- Déclenchement : si l’événement catastrophique spécifié survient (ex. ouragan de catégorie 5 touchant la Floride), alors les investisseurs perdent une partie ou la totalité de leur capital. Cet argent sert à indemniser l’assureur/réassureur.
- Exemple simplifié : Un réassureur veut se protéger contre un ouragan majeur. Il émet un cat-bond de 500 M$. Si aucun ouragan majeur ne frappe, les investisseurs récupèrent leur mise + un intérêt élevé. Si un ouragan survient, une partie (ou tout) du capital est transférée pour couvrir les sinistres.
- Intérêt :
- Pour les assureurs/réassureurs : sécuriser de la capacité financière sans dépendre uniquement du marché traditionnel.
- Pour les investisseurs : accéder à un rendement élevé et à un risque non corrélé aux marchés financiers classiques (boursiers, obligataires).
- ↑ Les Industry Loss Warranties (ILW) sont des contrats de réassurance ou de transfert alternatif de risque qui se déclenchent non pas en fonction des pertes d’un assureur donné, mais en fonction des pertes globales de l’industrie après un événement catastrophique. Un assureur ou réassureur achète une couverture ILW. Le contrat spécifie un seuil de pertes globales (par exemple : 30 milliards USD de pertes totales pour l’industrie après un ouragan aux États-Unis). Si ce seuil est dépassé (mesuré par une agence indépendante comme PCS – Property Claim Services), le contrat se déclenche et l’acheteur reçoit une indemnisation prédéfinie. Si les pertes globales restent en dessous du seuil, rien n’est versé, même si l’assureur acheteur subit lui-même des pertes importantes.
- Exemple simple. Un assureur en Floride achète un ILW avec un seuil fixé à 20 milliards USD de pertes industrielles. Si un ouragan frappe et cause 25 milliards USD de pertes au total dans l’industrie, le contrat se déclenche et l’assureur reçoit l’indemnité prévue. Si l’ouragan ne cause « que » 15 milliards USD, le contrat ne se déclenche pas, même si l’assureur a eu des pertes significatives.
- Intérêt
- Simplicité : pas besoin d’expertiser précisément les pertes de l’assureur cédant → c’est l’indice externe (perte industrielle totale) qui compte.
- Rapidité : règlement plus rapide car lié à un chiffre global vérifiable.
- Flexibilité : utile pour des risques de catastrophes naturelles (ouragans, séismes, tempêtes, etc.).