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Westbrook Pegler
| Westbrook Pegler | |||||
| Journaliste | |||||
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| Dates | 1894–1969 | ||||
| Tendance | Conservateur | ||||
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| Articles internes | Autres articles sur Westbrook Pegler | ||||
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| Interwikis sur Westbrook Pegler | |||||
James Westbrook Pegler (1894-1969) fut un journaliste et chroniqueur américain au style mordant, célèbre pour ses attaques contre le New Deal, les syndicats et l’expansion du pouvoir fédéral. Lauréat du prix Pulitzer en 1941, il devint l’une des plumes les plus influentes puis les plus controversées de son époque, oscillant entre image de défenseur de l’homme ordinaire et réputation de pamphlétaire radical.
Contexte historique et biographique de Westbrook Pegler
James Westbrook Pegler naît le 2 août 1894 à Minneapolis, dans une famille de la classe moyenne. Très tôt attiré par l’écriture, il se lance dès l’adolescence dans le journalisme en collaborant à des journaux locaux. Après ses études secondaires, il intègre la presse écrite et commence à couvrir des événements sportifs. La Première Guerre mondiale lui offre sa première expérience marquante comme correspondant de guerre. C’est là qu’il forge un style vif, direct et mordant, qui restera sa marque tout au long de sa carrière.
Dans les années 1920, Pegler s’impose comme chroniqueur dans de grands quotidiens tels que le Chicago Tribune et le New York World. Il développe alors un ton incisif, volontiers sarcastique et polémique, qui séduit un large lectorat. D’abord reconnu comme journaliste sportif brillant, il acquiert peu à peu une réputation de chroniqueur redoutable, capable de manier l’ironie pour dénoncer les abus et les hypocrisies du pouvoir.
Sa notoriété atteint son apogée dans les années 1930 et 1940. Recruté par le réseau de journaux de William Randolph Hearst, il bénéficie d’une diffusion nationale et devient l’une des voix les plus écoutées d’Amérique. Pegler s’illustre comme critique féroce du New Deal de Franklin D. Roosevelt, qu’il accuse d’installer un État centralisateur et corrompu. Se présentant comme le défenseur du “common man”, l’homme ordinaire trahi par les élites politiques et économiques, il s’impose comme une figure populiste de premier plan. Son combat contre les abus syndicaux lui vaut d’ailleurs le prix Pulitzer en 1941, consacrant son rôle de journaliste d’investigation et de pamphlétaire.
L’après-guerre marque toutefois une radicalisation de son ton. Pegler ne ménage aucun président, de Roosevelt à Lyndon Johnson, et dénonce avec virulence aussi bien l’expansion du pouvoir fédéral que l’emprise de certaines organisations syndicales qu’il considère comme mafieuses. Son style, de plus en plus outrancier, lui attire des accusations de racisme et d’antisémitisme qui ternissent sa réputation. En 1962, il est exclu du syndicat de presse Hearst, ce qui marque un tournant. Marginalisé dans la grande presse, il continue cependant à publier dans des revues plus radicales, telles qu’American Opinion, proche du John Birch Society, organisation anticommuniste et ultraconservatrice.
Jusqu’à sa mort, le 24 juin 1969 à Tucson, Arizona, Pegler reste une figure controversée. Pour ses partisans, il incarne le journaliste incorruptible, celui qui ose s’attaquer aux puissants et refuse les compromissions. Pour ses détracteurs, il n’est qu’un pamphlétaire virulent, enfermé dans un populisme de plus en plus amer, qui a fini par l’isoler de la scène médiatique dominante.
L’ensemble de sa carrière s’inscrit dans une Amérique en pleine mutation : le New Deal des années 1930, la guerre froide et ses tensions idéologiques, la montée des mouvements sociaux dans les années 1960. Pegler prend position contre chacun de ces bouleversements, défendant obstinément une vision individualiste, anti-État et hostile aux structures collectives. C’est dans ce cadre que certains, après sa mort, ont relu son héritage en y voyant une préfiguration d’un courant libertarien, nourri d’hostilité à la centralisation et de défense acharnée de l’individu face aux institutions.
Fondements idéologiques de Pegler
Tout au long de sa carrière, Westbrook Pegler s’est affirmé comme un adversaire acharné de la centralisation. Hostile au New Deal de Franklin D. Roosevelt, qu’il voyait comme l’instrument d’un État tentaculaire et corrupteur, il dénonça sans relâche l’expansion du pouvoir fédéral et défendit les droits des États décentralisés comme rempart contre Washington. Ses attaques visaient non seulement Roosevelt, mais aussi Harry Truman ou encore John F. Kennedy, accusés d’alimenter l’ingérence fédérale dans la vie des citoyens. Cette méfiance à l’égard du pouvoir central le rapproche de la tradition libérale classique ou libertarienne, soucieuse de préserver l’autonomie locale et la liberté individuelle.
Pegler s’est également distingué par un anti-syndicalisme vigoureux. Ses enquêtes sur la corruption des appareils syndicaux, qui lui valurent le prix Pulitzer en 1941, nourrissaient l’image d’un journaliste soucieux de protéger l’ouvrier pris individuellement contre des hiérarchies collectives jugées coercitives. Dans sa rhétorique, syndicats et État représentaient deux formes semblables de pouvoir abusif, menaçant l’indépendance de l’individu.
En 1971, Dennis J. Chase, dans la revue The Individualist, propose de lire Pegler comme un « journaliste libertarien ». Selon lui, trois traits justifient cette interprétation : son hostilité de principe à la centralisation, son anticorporatisme qui privilégie toujours l’individu face aux structures collectives, et son éthique de la responsabilité personnelle, hostile aux rentes et aux passe-droits. À travers cette grille, Pegler incarne une sensibilité libertarienne journalistique : vigilante, anti-étatiste et anti-rente.
Toutefois, cette qualification reste rétrospective et partielle. Pegler ne s’est jamais réclamé du libéralisme ou du libertarianisme comme doctrine, et certaines de ses positions, notamment son hostilité à certaines interventions fédérales en matière de droits civiques, entrent en contradiction avec le cœur libertarien fondé sur la protection égale des droits individuels. Son style pamphlétaire, ses outrances verbales et sa proximité tardive avec des cercles radicaux compliquent encore son rattachement.
Ainsi, Wesbrook Pegler apparaît moins comme un théoricien libertarien que comme un précurseur indirect : un journaliste populiste dont l’anticentralisme et la défense de l’individu laissent transparaître des affinités avec la doctrine qui promeut une évolution vers une société sans État centralisé, fondée sur l’initiative individuelle et les accords volontaires.
Resté dans la mémoire du public conservateur américain
Pour une partie du public conservateur, Pegler incarne la franchise brutale et l’anti-establishment sans fard. William F. Buckley Jr., dans son essai du New Yorker en 2004, ouvre d’ailleurs sur l’oubli où est tombé Pegler, “Westbrook Pegler? Who is he?” lui lance un collègue, pour mieux plaider une redécouverte. Un journaliste au style singulier, nourri d’un sens aigu de l’injustice et d’un goût assumé de l’invective, voilà tel qu'il le résume. Buckley souligne au passage l’ampleur des archives Pegler conservées à la Hoover Library (soixante-deux pieds linéaires, soit 18,9 mètres pour entreposer environ 44 500 pièces différentes), comme un gisement critique ignoré.
Cette lecture éclaire l’image médiatique clivée du chroniqueur. Aux yeux d’un lectorat de droite, Pegler reste la voix du “rabble-rouser”[1], celui qui parle en leur nom contre les puissants. Pour la presse dominante, en revanche, il demeure le trouble-fête : un polémiste qui pousse la satire jusqu’au coup de boutoir personnel et fait vaciller les codes de la civilité journalistique.
La mémoire qu’il laisse est donc contrastée. Buckley rappelle que Pegler n’a pas toujours été un doctrinaire : il vote F.D.R. en 1936, puis se durcit en s’opposant au New Deal, aux syndicats capturés, aux juges qu’il estime infidèles à la Constitution. Il excelle dans l’hyperbole mordante et le portrait au vitriol (jusqu’aux lettres incendiaires au Chief Justice Warren)[2], ce qui fascine ses partisans autant que cela nourrit l’argumentaire de ses détracteurs sur ses outrances.
Sur le plan culturel, Buckley resitue Pegler dans une famille de styles : un cousin lointain de H. L. Mencken, dont l’énergie verbale produisait parfois de véritables pièces d’humour noir. C’est cette mécanique, de condensation polémique, de personnification des torts, de mélange d’indignation morale et de faits d’enquête, qu'il a diffusé, selon Buckley, avec la rhétorique conservatrice.
Chez les conservateurs, Pegler reste à la fois modèle et avertissement. Buckley plaide pour l’intérêt littéraire et la vigueur critique du “rabble-rouser”, tout en notant la pente glissante vers l’acharnement, les procès (comme l’affaire Louis Nizer/Quentin Reynolds)[3] et les aveuglements qui ont terni sa postérité. C’est précisément cette ambivalence, puissance de la voix contre-élitaire et coût des excès, qui expliquerait sa réception moyennement partagée.
Informations complémentaires
Notes et références
- ↑ Le mot anglais rabble désigne, au sens premier, la foule ou la populace, souvent avec une nuance péjorative : une masse désordonnée, bruyante, indisciplinée. On l’emploie pour parler de la "foule vulgaire" opposée aux élites cultivées ou dirigeantes. Dans le cas de Westbrook Pegler, l’expression “rabble-rouser” signifie littéralement celui qui excite la foule. Autrement dit, un agitateur populaire, un orateur ou un écrivain qui mobilise les colères et les frustrations du peuple contre les institutions ou les puissants. Quand Buckley reprend ce terme dans The New Yorker (2004), il ne l’utilise pas seulement comme une critique : il souligne aussi la force populiste de Pegler, cette capacité à se poser en porte-voix du “common man with a grievance”, l’homme ordinaire animé de rancunes légitimes contre les élites.
- ↑ Pegler avait pris pour cible Earl Warren, président de la Cour suprême des États-Unis (1953-1969), connu pour ses décisions progressistes (droits civiques, libertés publiques). Dans plusieurs lettres ouvertes et chroniques, il l’accusait violemment de trahir la Constitution et d’imposer par la Cour une idéologie libérale. Ces textes, au ton incendiaire et personnel, illustraient le style le plus polémique de Pegler : non pas une critique juridique argumentée, mais une attaque ad hominem destinée à discréditer Warren aux yeux du public conservateur. En quelques mots : un assaut pamphlétaire contre la Cour suprême de Warren, symbole pour Pegler de l’activisme judiciaire et de l’ingérence fédérale.
- ↑ L’affaire Louis Nizer / Quentin Reynolds renvoie à un procès retentissant dans les années 1940. Pegler attaque par écrit l’avocat Louis Nizer et l’écrivain-journaliste Quentin Reynolds avec des accusations diffamatoires. Reynolds poursuit Pegler pour diffamation. Le procès, très médiatisé, met en lumière le style excessif du chroniqueur. le jury condamne Pegler à verser des dommages considérables (175 000 $ à l’époque), un coup dur pour sa carrière et sa réputation. Ce procès perdu pour diffamation illustre jusqu’où ses excès verbaux pouvaient l’exposer judiciairement.
Publications
- 1936, T'ain't Right,
- 1938, The Dissenting Opinions of Mister Westbrook Pegler,
- 1942, George Spelvin, American and Fireside Chats,
Littérature secondaire
- 1971, Dennis J. Chase, "Westbrook Pegler: Libertarian Journalist", The Individualist, Vol 3, n°6, juin
- 1973, Oliver Pilat, "Pegler, Angry Man of the Press", Greenwood Press
- 1975, Finis Farr, "Fair Enough: The Life of Westbrook Pegler", New Rochelle NY: Arlington House
- 2005, David Witwer, "Westbrook Pegler and the Anti-union Movement", Journal of American History, Vol 92, n°2
Liens externes
- "Rabble-rouser", analyse de l'œuvre de Pegler par le conservateur William F. Buckley, diffusé le 22 février 2004 sur le site The New Yorker
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