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Concordat de 1801

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Le Concordat de 1801 ou « Convention entre le gouvernement français et sa Sainteté Pie VII » est le texte qui a régi les relations entre l'Etat et les églises en France jusqu'au vote de la loi de séparation de 1905.


Contexte et signature

Les persécutions du Directoire n’ont pas réussi à entraver la renaissance religieuse. Le nouveau régime cesse les persécutions. Pie VI étant mort à Valence, le premier consul rend un hommage somptueux à sa dépouille puis il décide de négocier avec le nouveau pape.

Napoléon Bonaparte était indifférent en matière religieuse, il déclare au Conseil d’État le 16 août 1800 : « Ma politique est de gouverner les hommes comme le grand nombre veut l’être. C’est là, je crois, la manière de reconnaître la souveraineté du peuple. C’est en me faisant catholique que j’ai gagné la guerre de Vendée, en me faisant musulman que je me suis établi en Égypte, en me faisant ultramontain que j’ai gagné les esprits en Italie. Si je gouvernais un peuple juif, je rétablirais le Temple de Salomon. »

Pour lui la religion est nécessaire à l’ordre social : « Ce que je vois dans la religion, ce n’est pas le mystère de l’Incarnation, c’est le mystère de l’ordre social. »

Signature du Concordat entre la France et le Saint-Siège, le 15 juillet 1801

Il voit donc dans la réconciliation avec le catholicisme deux choses :

  • faire triompher la soumission aux lois et l’obéissance aux règles de la morale, condition de l’ordre et de la paix publique
  • détacher les catholiques de la cause royaliste et des émigrés.

« Une société sans religion est semblable à un vaisseau sans boussole. Il n’y a que la religion qui donne à l’État un appui ferme et durable. »

Comme le déclare cyniquement le voltairien Roederer, conseiller d’État, un des inspirateurs de la Constitution de l’an VIII, dans ses Mémoires : « Une société ne peut exister sans l’inégalité des fortunes et l’inégalité des fortunes ne peut exister sans religion. Quand un homme meurt de faim à côté d’un autre qui regorge, il lui est impossible d’accéder à cette différence, s’il n’y a une autorité qui lui dise : Dieu le veut ainsi, il faut qu’il y ait des pauvres et des riches, mais ensuite, et pendant l’éternité, le partage se fera autrement. » Or la liberté de culte ne suffit pas car deux clergés s’affrontent : négocier avec le Saint-Siège est inévitable car il faut mettre fin au schisme.

Deux solutions s’offraient à l’Église :

  • maintenir la séparation de l’Église et de l’État : ce qui assurait la liberté de l’Église mais une liberté dans la misère, le clergé ayant été spolié de ses biens par la Révolution.
  • revenir au système de la religion d’État : ce système permettait à l’Église de vivre mais au prix d’une soumission à l’État. Le Pape souhaitait en échange redonner à l’Église la place officielle qui avait été la sienne sous l’Ancien Régime. Faire donc un concordat sur le modèle du Concordat de Bologne (1516).

Cela était contradictoire avec la liberté de religion. D’autre part, les motivations du gouvernement sont, on l’a vu, purement temporelles et politiques, Pie VII se place sur le plan religieux et spirituel. D’où la lenteur et la difficulté des négociations qui durent une année, en dépit des efforts de l’Espagne pour concilier les deux parties. Le premier négociateur romain, Mgr Spina, archevêque de Corinthe, insistait pour que le catholicisme soit religion d’État et pour que les consuls fussent nécessairement catholiques. Talleyrand n’était pas le meilleur choix comme négociateur aux yeux de la Curie : évêque défroqué, il était rendu responsable du schisme de 1790.

Devant la menace d’abandon des pourparlers, le pape envoie un second négociateur, Hercule Consalvi, cardinal et secrétaire d’État. Talleyrand est envoyé en cure soigner ses rhumatismes. Bonaparte désigne alors son frère pour obtenir une signature le 14 juillet, 11 ans après la proclamation de la constitution civile. Le 15 juillet 1801 à minuit, l’accord définitif est conclu entre Joseph Bonaparte, qui se révèle habile négociateur, et le cardinal Consalvi. Le texte porte donc la date du 26 messidor an IX. Ces discussions serrées et violentes ont donné naissance à un texte bref : 17 articles.

Pie VII ratifie très vite le nouveau texte, en dépit des réserves du Sacré Collège, le 15 août et Bonaparte le 8 septembre, mais les assemblées françaises ne le ratifient pas avant 1802.

Les principes généraux

Pie VII et Consalvi

Une reconnaissance réciproque

Le gouvernement français reconnaît que la religion catholique est majoritaire en France et Rome reconnaît que le rétablissement du culte sera un grand bien pour l’Église. Le Concordat rejette donc clairement l’idée de religion d’État et admet l’idée d’une pluralité de religions. C’est aussi la reconnaissance de la République par le Pape puisque les deux parties sont situées sur un plan d’égalité : ce que confirme l’art. 16.

Cependant les consuls sont à titre privé catholiques (profession particulière) et l’art. 17 prévoit une nouvelle convention si le successeur du Premier consul n’était pas catholique. L’autorité de Rome sur l’Église est réaffirmée : religion, catholique, apostolique et romaine.

L’alliance du trône et de l’autel

  • art. 1 : liberté du culte mais sous contrôle de l’État. Or, tous les régimes républicains avaient proclamé la liberté du culte et sous prétexte d’ordre public l’avaient restreinte. D’où la référence à la « tranquillité publique ». Consalvi espérait ainsi que la puissance publique n’interviendrait que dans les cas les plus graves.
  • art. 12 : le gouvernement promet de mettre églises et chapelles à la disposition des ecclésiastiques.
  • art. 6 & 7 : le clergé doit prêter serment d’obéissance et de fidélité au gouvernement. Cela va très loin, jusqu’à la dénonciation des complots. L’Église se fait donc l’auxiliaire de la police.
  • art. 8 : le clergé doit prier pour le salut du régime.

La réorganisation du clergé

Faire “table rase” de l’Église gallicane

  • art. 3 : invitation aux évêques à se démettre, aussi bien ceux de l’Église concordataire que ceux de l’Église réfractaire. Mais pour le pape seuls les évêques réfractaires étaient légitimes. Cela voulait dire que la République cesserait de reconnaître les évêques constitutionnels.

La démission de tout un épiscopat est un événement inouï dans l’histoire de l’Église catholique. En effet, selon le droit canon, un évêque est inamovible : seule une faute grave peut entraîner une destitution. Bonaparte souhaitait renouveler l’épiscopat français. Cela permettait de supprimer la distinction entre jureurs et non-jureurs, de calmer les esprits, de priver l’émigration de ses évêques. Il existe 59 évêques constitutionnels et 81 évêques réfractaires (ceux-ci tous exilés) Le pape avait prévenu par son bref Tam multa : « Plus votre sacrifice sera amer, plus il sera agréable à Dieu », menaçant de destituer ceux qui refuseraient : en fait la résistance est considérable, il n'y aura que 45 démissions volontaires dans le clergé réfractaire.

Deux évêques, suivis par un certain nombre de prêtres, forment une Église schismatique d’obédience gallicane et jansénisante  : la Petite Église.

La nomination des évêques

  • art. 4 et 5 : retour à l’Ancien Régime, d’où la formule « avant le changement de gouvernement ». Le Premier consul obtient les prérogatives du roi : il nomme les évêques qui sont investis par le pape. Ce que confirme l’art. 16.

En cas de conflit sur le choix de l’évêque, le Premier consul peut toujours présenter un autre candidat mais la pratique est celle de l’entente préalable.

  • Bonaparte exigea la nomination d’évêques constitutionnels (qui refusent de rétracter leur engagement constitutionnel), 12 évêques constitutionnels et 16 d’Ancien régime côtoient d’anciens vicaires généraux et chanoines dont un seul ancien jureur. Mais tous sont irréprochables sur le plan des mœurs (différence avec l’Ancien Régime). Comme le dit Napoléon, « ils ne vont ni au bordel ni dans les antichambres, mais restent dans leur diocèse. »
  • Le concordat reprend un régime proche de celui du concordat de Bologne (1516). C’est donc une reconnaissance publique de la religion catholique : ici c’est une victoire sur la Révolution.

Un clergé contrôlé par les évêques

  • art. 10 : les évêques nomment les curés mais avec l’accord du gouvernement. Les curés prêtent serment de fidélité devant le préfet. Les prêtres sont donc désormais totalement sous la dépendance de l’évêque (différence avec l’Ancien Régime : plus de patrons, plus de bénéfices). Cependant le gouvernement exige la nomination d’au moins un tiers de jureurs.
  • art. 14 : le gouvernement assure un traitement au clergé. Mais cela ne comprend que les paroisses et non toutes les succursales. Seuls les desservants de paroisses de chef-lieu de canton sont considérés comme des curés. 15 000 F pour un archevêque, 10 000 F pour un évêque, 1000 à 1500 F pour un curé, 500 F pour un simple desservant. A titre de comparaison : un préfet touchait 8000 F et un conseiller d’État 25 000 F.
  • art. 11 : restauration des chapitres et des séminaires. Mais les chapitres sont désormais dans la main des évêques (le chapitre c’est moi, déclare Bernier à Orléans en 1802). Le clergé est âgé et la relève se révèle urgente. Les séminaires métropolitains sont à la charge du Trésor et en 1807 des bourses et demi-bourses sont attribuées aux séminaristes.

La réorganisation territoriale

Une nouvelle géographie ecclésiastique

  • Les art. 4 & 9 sont modifiés par les articles organiques mais les envoyés du pape s’étaient montrés favorables à cette réduction. Aussi le pape valide-t-il le découpage par sa bulle Qui Christi Domine Vices (29 novembre 1801).
  • Les raisons financières sont prépondérantes.

Les articles organiques prévoient : 10 archevêques. Les simples évêchés sont ramenés au nombre de 50. Il y en avait 136 sous l’Ancien Régime. Plus de la moitié des sièges épiscopaux disparaissent (dont Reims !). Les paroisses doivent coïncider avec les cantons (environ 3000) : il n’y a pas suffisamment de prêtres pour fournir un curé par commune. Mais les paroisses peuvent être subdivisées en succursales. En fait la nouvelle carte religieuse se révèle très complexe : le diocèse de Nancy est composé de morceaux de 11 anciens diocèses.

  • Aucune référence n'est faite aux ordres religieux qui avaient été dissous par la Révolution. Le Concordat concerne le clergé séculier et non le clergé régulier.

Le statut des biens ecclésiastiques

  • art. 12 : Les biens non encore aliénés doivent être mis à la disposition de l’Église. Mais il ne s’agit que d’un droit d’usage et non d’un retour à l’Église. La formulation en tout cas est très imprécise. L’intention de ne pas restituer ces biens peut se déduire des articles suivants.
  • art. 13 : l’Église renonce aux biens nationalisés pendant la Révolution. Le pape reconnaît donc solennellement la propriété des nouveaux acquéreurs. C’est un sacrifice immense qui n’est que faiblement compensé par le traitement de l’État. Mais Pie VII a placé les intérêts spirituels de l’Église au-dessus de ses intérêts temporels.
  • art. 15 : Mais cependant des fondations au profit de l’Église pouvaient être effectuées par des particuliers, rendant possible une reconstitution du patrimoine ecclésiastique.

Mise en place du Concordat

  • Le Concordat n’est publié que le 18 avril 1802 : à l’occasion de Pâques, Bonaparte est accueilli à Notre-Dame où les nouveaux évêques prêtent serment. Les élites issues de la Révolution sont très hostiles, notamment dans l’armée : le général Brune s’écrie : « nos épées n’ont triomphé que pour nous replacer dans la servitude religieuse ». Fouché considère le Concordat comme une « erreur politique ».
  • Pour pouvoir faire accepter le Concordat par le corps législatif plutôt hostile, qui a pour président un athée, Bonaparte, après avoir fait épurer les chambres, annexe au Concordat des Articles Organiques qui précisent les détails d’application, mais sans que le pape ait pu donner son accord. Ainsi par exemple l'interdiction de célébrer le mariage religieux avant le mariage civil, l'obligation de résidence pour les évêques, l'autorisation de l’État pour la publication de tous les actes du Saint-Siège, etc. Mais aussi, Bonaparte rendait obligatoire l’enseignement de la Déclaration des Quatre articles de 1682 mise au point par Bossuet affirmant les libertés de l’Église de France vis à vis du pape.
  • Complément au Concordat : le sénatus-consulte du 22 fructidor an IX rétablit le repos dominical, fixe la fête nationale le 15 août (jour de l’Assomption et anniversaire de Napoléon). Le calendrier grégorien redevient officiel le 1er janvier 1806. Le Code civil permet de choisir les prénoms parmi les noms de saints. Le Code pénal de 1810 prend sous sa protection l’exercice du culte catholique.

Importance du Concordat

Allegorie du Concordat de 1801

Le Concordat met fin à la guerre civile, faisant descendre la paix civile jusqu’aux villages. Il favorisait le ralliement des royalistes, tel Chateaubriand. Aussi le duc d’Enghien écrivait-il de Bonaparte dans une lettre à son grand-père le duc de Condé : « Rien ne lui résiste, pas même Dieu. »

Mais il permet aussi la renaissance de l’Église, une Église unifiée comme elle ne l’a jamais été et soumise au pape. C’est donc une victoire de l’Eglise catholique. Ainsi donc, le Concordat liquide le passé et prépare l’avenir.

D’autre part le régime du Concordat fut appliqué aux protestants : les pasteurs dont l’élection avait été approuvée par le gouvernement recevaient un traitement : ils devaient prêter le serment de fidélité et prier publiquement pour le régime. Les rabbins en revanche ne recevaient aucun traitement de l’État mais priaient pour le régime.

Ce compromis a suscité des commentaires très divers, voire opposés pour déterminer qui en avait le plus profité, l’Église ou l’État.

Le Concordat s'est révélé durable : il est conservé jusqu’au début du XXe siècle (loi de séparation de l'Église et de l'État en 1905) et il survit toujours aujourd’hui en Alsace-Moselle.

sources

  • Dictionnaire Napoléon, articles Concordat, Episcopat, Cretet, Consalvi, Bernier.
  • Thierry Lentz, Le Grand consulat, Fayard 1999, 627 p.
  • Robert Chabanne, Les Institutions de la France de la fin de l’ancien régime à l’avènement de la IIIe république, Lyon 1977, 416 p.

Voir aussi


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