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Théorie de la régulation sociale

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Dans les organisations et notamment dans les entreprises, le pouvoir est associé à une ligne hiérarchique pyramidale. Ceci rend clairement visible l'identité des détenteurs du pouvoir. Dans les années 1970, les sociologues ont montré que le pouvoir se construit dans les actions inter-individuelles. Cette approche permet d'affirmer que tout le monde détient du pouvoir, les supérieurs et les subordonnés. Les sociologues en concluent que l'organigramme de l'entreprise ne fournit pas tous les liens d'autorité, d'autres liens plus diffus existent.

Pour le sociologue Jean-Daniel Reynaud, les règles sont au coeur de l'action sociale et dans toutes les formes d'organisation (famille, école). Lorsqu'elles sont écrites et explicites, ces "régulations de contrôle" prennent la forme de présentations d'organigramme, de règlement intérieur ou de contrat de travail formalisant ainsi des obligations et établissant des liens de subordination. Ces contraintes sont affichées sous la forme de consignes :

  • "Il est interdit de fumer dans les locaux"
  • "Les employés doivent respecter les horaires d'entrée et de sortie de l'entreprise"

Jean-Daniel Reynaud spécifie qu'il ne s'agit là qu'une forme de régulation et que d'autres sont "bricolées" de l'intérieur par des acteurs collectifs (communautés, groupe, clans) qui recherchent une relative indépendance dans leur situation.

Critiques de la théorie de la régulation sociale

Certes la théorie de la régulation sociale a tout à fait raison d'insister sur la création de règles ne provenant pas du sommet de la hiérarchie. Les ouvriers du métier du livre ou les Dockers du Port de Marseille, pour ne citer que ces exemples là, créent leur propres règles. Toutefois, il ne faut pas oublier que leur existence provient de la réglementation étatique. Sans la production de lois, ces syndicats n'auraient pas d'existence.

Aussi, la théorie de la régulation sociale a peut-être le tort d'oublier ou d'évacuer dans son analyse l'importance de l'État dans la régulation sociale. L'école autrichienne d'économie montre que les monopoles sont la conséquence de l'intervention de l'État. Quoique tous les hommes de l'État ne souhaitent pas forcément la création de monopoles, mais les effets induits y conduisent nécessairement.

La raison de cette sous-évaluation étatique provient certainement de la volonté de la théorie de la régulation sociale d'évacuer le marché dans son analyse :

« Comment s’établit une régulation commune ou comment plusieurs régulations d’origine différente entrent-elles en conflit ou se composent-elles ? Le paradigme qui permet de le comprendre est moins celui du marché que celui de l’entreprise, moins celui de l’agrégation des décisions individuelles que celui de la négociation, du contrat et du conflit »[1]

Le refus de prendre le marché comme base du modèle des régulations peut se justifier si le sociologue associe marché et économiste, et économiste de marché à l'école néo-classique de Chicago. Car, un premier regard furtif des régulations des activités humaines parmi ces économistes favorables au libre marché[2] ne fournit pas beaucoup d'inspiration. Cependant, le programme de recherche de la théorie de la régulation sociale portant son attention sur les règles (leur émergence, leurs conditions d’application et leurs processus d'évolution) est compatible avec celui de l'école autrichienne d'économie, qui elle, n'en exclut pas, pour autant, le marché puisqu'elle en tire tous les fruits de son analyse.

Notes et références

  1. Jean-Daniel Reynaud, 1997, Les règles du jeu : l'action collective et la régulation sociale, Paris, Armand Colin, pXVIII
  2. Un regard plus attentif met en valeur l'effort de l'école de Chicago pour analyser les régulations sociales, notamment au travers du Droit de propriété ou des lois anti-trusts, même s'il est possible d'en formuler la critique de l'incomplétude


Bibliographie

  • 1988, Jean-Daniel Reynaud, «Les régulations dans les organisations : régulation de contrôle et régulation autonome», Revue française de sociologie, 29 (1), pp5-18
  • 1989, Jean-Daniel Reynaud, Les règles du jeu : l'action collective et la régulation sociale, Paris, Armand Colin
    • Nouvelle édition en 1993
    • Nouvelle édition en 1997
  • 1991, Jean-Daniel Reynaud, «Pour une sociologie de la régulation sociale», Sociologie et sociétés, 23 (2), pp13-26
  • 1999, Jean-Daniel Reynaud, Il n’y a pas de règles sans projet, In: P. Cabin, dir., Les organisations. Etat des savoirs, Sciences Humaines, pp259-265
  • 2003, G. De Terssac, dir., "La théorie de la régulation sociale de Jean-Daniel Reynaud", Approfondissements et prolongements, Paris, La Découverte
  • 2007, Jean-Daniel Reynaud et N. Richebé, « Règles, conventions et valeurs. Plaidoyer pour la normativité ordinaire », Revue Française de Sociologie, 48-1, pp3-36
  • 2008, J. P. Bréchet, « Le regard de la théorie de la régulation sociale de Jean-Daniel Reynaud », Revue Française de Gestion, vol 34, n°184, pp13-25