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Catégorisation

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Catégoriser est un mécanisme mental fondamental dans le processus de la cognition et donc de l'autonomie d'un individu. En pédagogie, la catégorisation répond à une problématique de la liberté individuelle. Comment rendre une autre personne en situation d'agir en tant qu'apprenant tout en l’affranchissant de l'aide de l’enseignant ? Autrement dit, comment un individu peut donner le chemin de la liberté à un autre individu en l'aidant à classer[1] le monde qui l'entoure sans l'enfermer dans ses propres catégories ou en évitant de le rendre dépendant auprès de celui (de celle) qui lui fournit les catégories de sa pensée ?

La catégorisation sert à effectuer des conjectures sur le monde. Elle donne du sens à la vie. Dans une démarche pseudo-scientifique, et à partir de plusieurs informations, on peut inférer des règles et en conclure une prédiction. Quelquefois, ce mode de pensée est appelé heuristique, car l'agent qui effectue cette démarche est conscient qu'il ne s'agit pas d'une prévision totalement fiable mais cela lui permet d'économiser du temps s'il devait évaluer toutes les hypothèses possibles.

Les approches usuelles de la catégorisation

La catégorisation classique

La conception de la catégorisation retenue par Jean Piaget est une conception dite « aristotélicienne » ou dite aussi « approche classique » des catégorisations. Celle-ci prescrit l'idée selon laquelle tous les exemplaires d'une catégorie sont équivalents. Il s'agit d'une définition des catégories conceptuelles en termes de similarité des propriétés des éléments de la catégorie.

Le soucis de Jean Piaget est d'étudier les structurations logiques de l'intelligence humaine. Ainsi, dans sa théorie opératoire, le développement des catégorisations est décrit par rapport à cet axiome de l'intelligence logico-mathématique.

La catégorisation du monde réel dans la perspective piagétienne consiste en une « capture » progressive des propriétés des objets par l'enfant. Les relations logiques entre ces propriétés sont assimilées à un « filet » ou de semi-treillis en cours de construction. Cette théorie rend compte d'une modélisation logique de l'univers par l'individu qui l'aide à se construire et à choisir des opportunités de comportement. L'accent est mis sur la genèse et le développement des catégorisations, sur l'assimilation de ce développement à celui d'une structuration logico-mathématique issue des coordinations d'actions du sujet. Cependant, on peut douter que cette théorie regroupe l'ensemble de la réalité psychologique des processus de catégorisation et elle met légèrement de côté le rôle du contexte physique et social dans l'élaboration de l'architecture catégorielle[2]. L'élève arrive à remplir les catégories à l'aide de deux processus mentaux différents : la perception et la taxonomie.

Les catégories perceptives

Dans les catégories perceptives, les objets sont regroupés selon leur apparence, leur forme, leur couleur ou une autre partie de l'objet. Pour former une telle catégorie, le pédagogue donne une consigne aux élèves : « mettre ensemble ce qui va bien ensemble ». Les objets qui sont perceptivement proches sont alors rassemblés dans la même catégorie. Généralement, l'être humain est habitué à utiliser sa vue comme sens prioritaire. Le visuel suffit à catégoriser (par exemple, des images de la même couleur). Or, ce travail sensoriel est relativement de faible niveau. Et, un enfant qui aurait pris cette facilité de catégoriser risque d'avoir beaucoup de difficultés pour passer à des catégorisations de plus haut niveau, ce qui risque de l'handicaper dans sa progression intellectuelle plus tard à l'âge adulte. Pour sortir de cette ornière, le pédagogue qui promeut la liberté individuelle doit aussi mettre en place une stratégie comme par exemple un débat au sein du groupe d’élèves afin de les pousser à justifier ou d'argumenter sur leurs choix. L'enseignant doit les faire sortir du contexte de la classe en proposant d’autres objets à catégoriser.

Outre la compétence de savoir catégoriser par la perception, l'enseignant doit apprendre à catégoriser par la taxonomie pour les plus petits enfants ou par l'ontologie pour les plus grands.

Catégoriser par la taxonomie et l'ontologie

Afin de faciliter l'enfant à catégoriser grâce à la taxonomie, il est important de valider qu'il dispose des compétences préalables de catégoriser par la perception à un niveau supérieur. Par exemple, il voit voler un moineau. Un moineau est un oiseau. Et l’autruche ? Vole-t-elle ? Est-elle un oiseau ? Il s'agit donc de faire passer l'enfant d'une compétence de catégorisation perceptive à une catégorisation non perceptive.

Selon la conception théorique d’Eléanor Rosch[3], il existe deux types de catégorisation : la catégorisation prototypique et la catégorisation logique. Ces deux types de classification correspondent à deux modes de raisonnement. L'un est assimilé à la classification logique étudiée par Jean Piaget. L'autre s'appuie sur le raisonnement fondé sur une référence (reference point reasoning) qui est la catégorisation prototypique, dont l'émergence est également précoce. Le prototype est un référent de base. C'est l’exemplaire qui ressemble le plus aux autres membres de la catégorie (exemples : chien, poisson, oiseau…). Au cours de son apprentissage à la vie, un individu accumule de plus en plus de prototypes. Si, bien souvent, l'idée d'un prototype est partagée et commune à un groupe d'individus, la construction du prototype, par contre, est personnelle. Mais la théorie des prototypes est par sa nature même incomplète, parce qu'elle décrit seulement un aspect limité de l'organisation conceptuelle.

Le pédagogue doit apprendre à l'enfant de savoir structurer ses prototypes de façon hiérarchisée. Par exemple, à l'école maternelles, l'enfant apprend à travailler trois niveaux :

  • Le niveau sur-ordonné : par exemple "animaux"
  • Le niveau de base : par exemple "oiseau"
  • Le niveau sous-ordonné : par exemple "héron", "cygne", "flamant rose"

Les catégories du niveau de base font supporter à l'enfant une charge cognitive minimale. Elles rassemblent des éléments et de nombreux attributs en commun, elles suscitent des comportements identiques et elles possèdent des traits figuratifs similaires. Au niveau sous-ordonné, l'abstraction est plus faible, et au contraire, elle est plus forte au niveau sur-ordonné. Le niveau sous-ordonné est celui qui compte le nombre le plus élevé de catégories mais, par conséquent, elle fait subir une charge cognitive[4] plus importante à l'enfant.

Dans le processus du développement mental, les catégories du niveau de base sont les premières catégories maîtrisées par l'enfant avant même qu'il ne maîtrise le langage. C'est pourquoi, un enfant arrive plus facilement à les nommer et à les compléter. Les jeunes enfants ont la capacité d'utiliser les catégories de base pour produire des inférences concernant les propriétés des objets.

La catégorisation schématique

La catégorisation schématique s'inspire des formalisations des schémas (cadres, scripts, etc.) qui sont développées en Intelligence Artificielle. Dans la mémoire humaine, il n'existe pas seulement des représentations sous formes de catégories mais également des représentations sous formes de schèmes. L'architecture mnémonique se consolide à partir de données qui sont connectées sur la base de contiguïtés. L'individu expérimente ces connections dans l'espace et dans le temps. Il ne s'agit donc pas d'une structure basée sur l'appartenance inclusive et sur la similarité entre les membres d'une classe comme dans le cas des catégories dites logiques.

Un schème dispose d'une méthode d'anticipations quant à l'apparence, à la fonction des choses et à leur ordre d'occurrence. Il est constitué d'unités, ou autrement dénommé de cases (slot) qui ont le sens de variables en programmation informatique, c'est à dire un espace réservée dans la mémoire[5]. Ces cases sont remplies en fonction d'une situation donnée par des valeurs qui ont une plus ou moins grande probabilité de se réaliser. Il existe deux types de structures schématiques : les schémas situationnels et les schémas événementiels.

L'apport de Friedrich Hayek à la neuro-pédagogie de la catégorisation

Compétence de savoir classer des données objectives et subjectives interconnectées

L'apprentissage de la catégorisation commence par la compétence à trier des données. Cela implique de savoir différencier les points de vue objectifs et subjectifs. Un ensemble d’objets peuvent être considérés comme équivalents d’un certain point de vue et dissemblables d'un autre point de vue. Par exemple, certains fruits peuvent être rassemblés par leur couleur alors qu'ils n'appartiennent pas à la même catégorie pour l'appréciation de leur goût pour un individu particulier.

Généralement, l'enseignant aide l'enfant à réaliser une catégorie en déposant des étiquettes d'ensemble d’objets. Pour trouver la meilleure étiquette, l'enfant doit aussi penser aux objets qui ne sont pas dans la boite. D'où l'importance du processus d'essais et erreurs et de la valeur du contre-exemple.

Du point de vue hayékien, la catégorisation répond à un mécanisme double ; ascendant et descendant. L'ascension des processus mentaux est stimulée par les données sensorielles. Dans ce cas, le sens produit la connaissance (par exemple, dans la perception, comme chez St Thomas, « Je ne crois que ce que je vois »). Dans une conception descendante, les catégories déjà constituées dans l'ordre neuronal, guident le cheminement des connaissances. L'être humain perçoit par ses sens ce qui lui ai déjà connu (« Je ne vois que ce que je crois »). C'est la raison pour laquelle lors de la perception visuelle, le cerveau classe objectivement une interprétation même si elle est incomplète, lorsqu'elle est influencée par des facteurs contextuels et par les connaissances préalables de l’individu (le cerveau complète les mots inaudibles d'une phrase ou des letres qui manquent à un mot).

L'apprentissage de l'abstraction par le parcours synaptique individualisé de l'enfant

L'enfant est capable de créer des concepts dès le plus jeune âge[6] et il a cette capacité d'apprendre l'abstraction[7]. Le pédagogue s'attache, alors, à la structure de l'acte mental, par lequel le sujet construit un concept. En conformité avec une neuro-pédagogie, dérivée des travaux sur le connexionnisme par Friedrich Hayek, l'opération mentale qu'effectue l'apprenant et le dispositif didactique que met en place l'enseignant agissent en tant qu'isomorphisme. En premier lieu, l'un renforce l'autre dans leur réussite de développement. En second lieu, les chemins neuronaux se créent en fonction des intelligences multiples de l'enfant.

Souvent l'instituteur (l'institutrice) interroge ses élèves de façon mécanique et récurrente : « Que pouvez-vous observer ?» afin de faire accéder ses élèves à une notion, une règle, une loi ou un concept. Les élèves se livrent alors à une "gymnastique" intellectuelle à partir de stratégies plus ou moins bien acquises grâce auxquelles ils confrontent, opposent, font des hypothèses sur le résultat à rendre au maître ou à la maîtresse. Plus les exemples sélectionnés sont constitués d'attributs hétérogènes, plus les élèves vont formuler des hypothèses sur ce qui rend commun ces attributs. L'introduction de contre-exemples, ensuite, renforce l'efficacité du tracé neuronale en écartant les éléments non constitutifs du concept.

Avec la répétition des opérations mentales, l'enfant ne s'aperçoit plus qu'il réfléchit. Ses actions neuronales sur un type particulier de raisonnement sont devenues invisibles pour lui. Il ne s'aperçoit plus qu'il les effectue. D'où la vigilance de l'enseignant, lui-même un ancien enfant, qui peut imaginer que les enfants qui n'ont pas encore intégré les opérations de catégorisation à leurs schèmes mentaux ne sont pas capables de les effectuer. Dans la démarche didactique, la mise en place de la classe inversée, permet de corriger ces risques d'erreurs pédagogiques puisque l'enfant apprend à ses pairs une forme de réflexion encore fraîche dans sa mémoire et ne néglige pas une forme d'habitude de raisonnement.

Dans une approche neuro-pédagogique et constructionniste, il ne s'agit pas pour l'enseignant de se baser seulement sur une approche cognitive ("Je sais") mais il doit introduire aussi la métacognition à l'école (je sais que je sais et comment je le sais). En apprenant à ses élèves, comment stabiliser leurs procédures cognitives efficaces en fonction de situations données idiosyncratiques, en comparaison avec des événements aléatoires, fugaces et éphémères, il permet à chacun d'eux de tirer profit des bénéfices de l'apprentissage, que ce soit dans l'immédiat pour la réussite scolaire mais aussi dans toutes les circonstances d'apprentissage que l'élève rencontrera au cours de sa vie.

Annexes

Notes et références

  1. La théorie opératoire de Jean Piaget assimile les processus de catégorisation à des processus logiques de classification résultant des actions et des opérations du sujet.
  2. H. Beilin, 1983, "The new functionalism and Piaget's program", In: E. K. Scholnick, dir., "New trends in conceptual representation : Challenges to Piaget's theory ?", Hillsdale (nj), Lawrence Erlbaum, pp3-40
  3. 1983, Eléanor Rosch, "Prototype classification and logical classification: The two systems", In: E. Scholnick, dir., "New Trends in Cognitive Representation: Challenges to Piaget's Theory", Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum Associates, pp73-86
  4. La théorie de la charge cognitive rend compte de la capacité limitée, pour chaque individu, de stocker des informations en mémoire de travail et d'intégrer de nouvelles informations. Elle explique donc les raisons des échecs ou des réussites des personnes qui sont en activité d'apprentissage ou en cours de résolution de problème.
    • 1990, Graham Cooper, "Cognitive load theory as an aid for instructional design", Australian Journal of Educational Technology, Vol 6,‎ pp108–113
    • 1994, J. Sweller, "Cognitive Load Theory, learning difficulty, and instructional design", Learning and Instruction, vol 4,‎ pp295–312
    • 2006, H. C. Barrett, D. Frederick, M. Haselton, R. Kurzban, "Can manipulations of cognitive load be used to test evolutionary hypotheses?", Journal of Personality and Social Psychology, vol 91,‎ pp513–518
    • 2010, R. Brünken, R. Moreno, J. L. Plass, "Cognitive Load Theory", New York, Cambridge University Press
    • 2011, Paul Ayres, Slava Kalyuga, John Sweller, "Cognitive Load Theory", Springer
  5. D. G. Bobrow, D. A. Norman, 1975, "Some principles of memory schemata", In: D. G. Bobrow et A. Collins, dir., "Representation and understanding", New York, Academic Press, pp131-149
  6. R. Cocking, 1983, "Early concept formation : Model from Nelson and Piaget", In: E. K. Scholnick, dir., "New trends in conceptual representation : Challenges to Piaget's theory ?', Hillsdale (N.J.), Lawrence Erlbaum, pp151-163
  7. Britt-Mari Barth, 1987, "L'apprentissage de l'abstraction", préface de André de Peretti, Paris: Retz L'auteur s'efforce de construire un « modèle pédagogique » permettant à l'enseignant d'organiser des dispositifs de « passage à l'abstraction » pour ses élèves.

Bibliographie

  • 1977, Eléanor Rosch, "Human Categorization", In: Neil Warren, dir., "Advances in Cross-Cultural Psychology", Vol 1, Academic Press, pp1-72
  • 1978, Eléanor Rosch, "Principles of categorization", In: Eléanor Rosch, , B. Lloyd, dir., "Cognition and categorization", Hillsdale, N.J.: Lawrence Erlbaum Associates
  • 1981, F. Cordier, "Catégorisation d'exemplaires et degré de typicalité : étude chez des enfants", Cahiers de Psychologie Cognitive, Vol 1, pp75-83
  • 1986, F. Cordier, "La catégorisation naturelle : niveau de base et typicalité. Les approches développementales", Revue Française de Pédagogie, Vol 77, pp61-70
  • 1988, B. Benelli, "On the linguistic origin of superordinate categorization", Human Development, Vol 31, pp20-27
  • 2002, Sylvie Cèbe, Jean-Louis Paour, Roland Goigoux, "Catégo, maternelle toutes sections. imagier pour apprendre à catégoriser", Hatier


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