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Godord

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Le goðorð (Islande médiévale, 930–1262) est le faisceau de droits attaché au chef (goði) : c’est une propriété privée qui peut être vendue, prêtée ou héritée, et c’est aussi le nom du groupe de ses affiliés (thingmen). Il sert d’interface avec le système légal, on poursuit juridiquement quelqu’un via son goði, et l’adhésion est entièrement volontaire. Le goði n’a aucun droit féodal sur les terres, et chaque thingman peut changer de chef.

Principe libertarien : institutions privées et adhésion volontaire

Dans l’Islande médiévale, le goðorð incarne exactement l’intuition libertarienne : l’autorité n’est pas un monopole territorial, mais un paquet de droits privés que des individus échangent librement. David Friedman pose le décor d’emblée : « L'ensemble des droits qui constituaient le statut de chef était appelé un goðorð. »[1]. Ce statut n’est pas une dignité publique indélébile ; c’est un actif, comme une entreprise ou une charge négociable. D’où la règle concrète : « Un goðorð était une propriété privée ; il pouvait être vendu, prêté, hérité.»[2]. Et, très prosaïquement : « Si vous vouliez devenir chef, vous trouviez quelqu'un qui était prêt à vendre son goðorð et à le lui acheter.»[3].

Cette logique de propriété aliénable tire l’autorité vers le contrat et la réputation : celui qui détient un goðorð doit convaincre, servir et garder ses affiliés, faute de quoi ils partent. Car le lien entre un goði (chef) et ses thingmen (affiliés) n’a rien d’une sujétion féodale : le chef « contrairement à un seigneur féodal, n'avait aucun droit sur les terres de son thingman »[4]. En miroir, la liberté d’association est explicite : « Le thingman était libre de changer d'allégeance envers n'importe quel chef disposé à l'avoir. »[5].

Pris ensemble, ces traits dessinent une gouvernance sans monopole : l’autorité se gagne (par la qualité de service) et se perd (par la défection des affiliés), plutôt qu’elle ne s’impose. Le goðorð fonctionne ainsi comme interface de marché avec le droit : on y « achète » la capacité de représenter, d’organiser et d’accéder aux instances, mais on ne possède ni les personnes ni les terres. C’est précisément ce que la doctrine libertarienne attend d’institutions justes : des droits clairement définis, transférables et des adhésions réversibles qui alignent l’incitation du chef sur l’intérêt de ceux qui le choisissent.

Le goðorð comme “interface” du marché avec le droit

Le goðorð sert d’interface entre les individus et l’ordre juridique : le chef détient « le droit d'être le lien par lequel les gens ordinaires étaient rattachés au système juridique »[6]. Concrètement, « Si vous vouliez poursuivre quelqu'un en justice, l'une des premières questions que vous deviez poser était de savoir qui était son chef.» [7]. Ce rattachement préfixe la procédure : cela déterminait devant quel tribunal vous finirez par le poursuivre ; une logique comparable à nos compétences territoriales modernes. L’accès lui-même est conditionné par l’affiliation : tout le monde devait être lié à un chef pour faire partie du système juridique. Et, point crucial pour une optique libertarienne, ce lien reste volontaire. Le chef, contrairement à un seigneur féodal, n'avait aucun droit sur les terres de son thingman ; ce dernier était libre de changer d'allégeance envers n'importe quel chef disposé à l'avoir.

À ce rôle procédural s’ajoutent des droits politiques intégrés au goðorð, qui renforcent l’idée d’un marché des règles. Le vote à l'assemblée législative et une participation au choix des juges faisaient partie des autres droits inclus dans le goðorð, sachant qu’il y en avait 36 ​​sur une court. La hiérarchie des instances était précisée : « Le système judiciaire comportait plusieurs niveaux, commençant par le tribunal des choses… en passant par les tribunaux de quartier jusqu'au cinquième tribunal »[8]. Ensemble, ces éléments montrent comment un titre privé et cessible ouvre l’accès au législatif et au judiciaire, tout en laissant aux individus la liberté d’entrer et de sortir de l’allégeance, exactement la dynamique d’un marché institutionnel libertarien.

Gouvernance sans exécutif : une règle de droit, pas un règne de gouvernants

En une phrase : le goðorð est la porte d’entrée procédurale et politique d’un ordre juridique sans appareil exécutif permanent. Le dispositif islandais pousse à l’extrême l’idée d’un État sans bras exécutif. David Friedman résume : « Sous le système juridique établi en 930, le « gouvernement » islandais comptait un employé à temps partiel. Appelé « porte-parole », il était élu pour un mandat de trois ans. Sa tâche consistait à présider le Parlement, à mémoriser les lois, à donner des conseils juridiques et, durant ces trois années, à réciter une fois à voix haute l'intégralité du code des lois.»[9], La récitation avait lieu lors de l'Allthing – une assemblée annuelle de deux semaines réunissant des citoyens venus de toute l'Islande… À chaque Allthing, le porte-parole récitait un tiers de la loi. S'il omettait quelque chose et que personne ne s'y opposait, cette partie de la loi était invalidée. Il s'agit d'une forme précoce de législation caduque. Et l’auteur d’enfoncer le clou : « J'ai décrit les pouvoirs législatif et judiciaire… mais j'ai omis l'exécutif. C'est ce qu'ils ont fait. Hormis le porte-parole, il n'y avait aucun fonctionnaire. »[10].

En pratique, l’affiliation à un goði se branche sur tout le parcours judiciaire, qui est clair et gradué.Le système judiciaire comportait plusieurs niveaux, en commençant par le tribunal de thing et en remontant, via les tribunaux de quart, jusqu’au cinquième tribunal ». Tout converge à l’Althing, où siégeait aussi le législatif et où étaient jugées les affaires des quatre premières courts et de la cinquième court. Enfin, le goðorð donnait un levier politique direct en permettant de voter au sein du législatif et de désigner des juges (36 par tribunal).

  1. David Friedman, The machinery of freedom, p103
  2. David Friedman, The machinery of freedom, p103
  3. David Friedman, The machinery of freedom, p103
  4. David Friedman, The machinery of freedom, p103
  5. David Friedman, The machinery of freedom, p103
  6. David Friedman, The machinery of freedom, p103
  7. David Friedman, The machinery of freedom, p103
  8. David Friedman, The machinery of freedom, p103
  9. David Friedman, The machinery of freedom, p103
  10. David Friedman, The machinery of freedom, p103