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John Pugsley

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John Allen Pugsley (1934-2011) fut un essayiste, investisseur et penseur libéral américain. Diplômé de l’UCLA, ancien entrepreneur et éditeur, il s’est fait connaître par ses ouvrages à succès : Common Sense Economics (1974) et The Alpha Strategy (1980), dans lesquels il dénonçait les dérives des déficits publics et de la création monétaire. Fondateur du Bio-Rational Institute et co-fondateur de la Sovereign Society, il a marqué les milieux libéraux par ses analyses critiques de l’économie et ses conseils pratiques pour protéger l’épargne face à l’inflation.

Parcours biographique

John Pugsley, quelquefois dénommé Jack Pugsley[1], est né le 5 janvier 1934 à Minneapolis, dans le Minnesota, au cœur de la Grande Dépression. Il a grandi en Californie du Sud, où il effectua sa scolarité secondaire, avant de poursuivre des études supérieures à El Camino Junior College puis à l’Université de Floride, et d’obtenir finalement son diplôme à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA).

Après son service militaire obligatoire dans l’armée américaine, il vécut une année en mer sur un voilier de 38 pieds, puis passa une année au Mexique avec son épouse et ses enfants. Ces expériences marquèrent une jeunesse placée sous le signe de l’aventure et de l’indépendance.

Durant les deux décennies suivantes, John Pugsley se consacra à l’entrepreneuriat, participant à l’organisation et à la gestion de plusieurs entreprises, avant d’entrer dans le domaine de l’investissement à la fin des années 1960. Ses observations du monde financier l’amenèrent à fonder la maison d’édition Common Sense Press[2] et à publier son premier ouvrage, Common Sense Economics (1974), vendu à plus de 150 000 exemplaires, qui annonçait l’explosion inflationniste consécutive à la fin de l’étalon-or. Son second ouvrage, The Alpha Strategy (1980), connut un retentissement encore plus important, restant neuf semaines sur la liste des best-sellers du New York Times[3] et prédisant les plus grands déficits budgétaires de l’histoire des États-Unis au cours des années suivantes[4].

Parallèlement, John Pugsley développa une intense activité éditoriale : il lança en 1975 Common Sense Viewpoint, un commentaire mensuel sur les affaires économiques et politiques qui atteignit jusqu’à 30 000 abonnés, puis, en 1988, ""John Pugsley’s Journal"", une lettre consacrée à l’économie et à l’investissement. Plus tard, en 2006, il lança ""The Stealth Investor"", une analyse boursière hebdomadaire.

Sa notoriété s’accrut également grâce à ses conférences et ses interventions publiques : il participa à plus de cent séminaires internationaux, est intervenu à la radio comme à la télévision, et se fit apprécier pour sa capacité à clarifier des concepts économiques complexes. Il participa à la création de l’Eris Society, un cercle intellectuel libertarien, puis, en 1997, à la fondation de The Sovereign Society, qu’il présida par la suite et où il publia régulièrement des essais philosophiques sur la liberté individuelle et la protection patrimoniale.

À partir du milieu des années 1970, une nouvelle orientation intellectuelle émergea dans sa carrière. Influencé par la lecture de Sociobiology: The New Synthesis de l’entomologiste E.O. Wilson (1975), Pugsley développa un intérêt croissant pour l’évolution biologique et ses liens avec les comportements économiques et sociaux. Vingt-cinq années de recherches dans ce domaine débouchèrent sur la création du Bio-Rational Institute, destiné à explorer les racines biologiques de la coopération, de l’échange et des choix humains[5].

Figure reconnue dans les milieux libéraux et chez des investisseurs, John Pugsley se remarqua par ses analyses critiques du système économique et ses conseils pratiques de protection face à l’inflation. Ses ouvrages sont utilisés comme manuels de compréhension de l'économie et de réflexion sur la liberté. Bien qu’il ait parfois été jugé trop alarmiste, nombre de ses prédictions se révélèrent justes, notamment sur l’inflation des années 1970, les déficits des années 1980 et l’instabilité du dollar[6].

Son influence s’est prolongée bien au-delà de ses écrits : il a marqué les milieux libertariens américains par sa volonté de concilier l'analyse économique, l'engagement philosophique et la cohérence éthique individuelle. Considéré comme un penseur iconoclaste, il a contribué à nourrir les réflexions sur la souveraineté individuelle et la responsabilité personnelle face à l’État.

John Pugsley s’est éteint le 8 avril 2011, victime d’une rupture de l’aorte, laissant derrière lui de nombreux hommages. Il est aujourd’hui encore cité comme une figure de référence dans les débats sur la liberté économique et la résistance à l’emprise croissante de l’État.

Analyse critique du système économique

John Pugsley développe, tout au long de ses ouvrages et articles, une critique approfondie du rôle des déficits publics et de la création monétaire dans l’instabilité économique moderne. Selon lui, lorsque les dépenses de l’État excèdent ses recettes, il est contraint d’emprunter massivement sur les marchés financiers. Or, ces emprunts, pour éviter une hausse insoutenable des taux d’intérêt, sont en grande partie monétisés par la Réserve fédérale (Banque centrale américaine), c’est-à-dire transformés en liquidités créées ex nihilo. Ce processus, loin d’être neutre, alimente mécaniquement l’inflation et conduit à une dévaluation progressive de la monnaie nationale. Pugsley souligne qu’entre 1950 et 1980, la croissance de la dette fédérale américaine a suivi une trajectoire quasi identique à celle de l’indice des prix à la consommation, confirmant le lien direct entre dette publique et perte de pouvoir d’achat du dollar[7].

Cette dynamique a profondément influencé le rôle du dollar dans l’économie mondiale. L’accord de Bretton Woods (1944) avait initialement garanti la stabilité monétaire internationale en liant le dollar à l’or, au taux fixe de 35 dollars l’once. Mais l’augmentation incontrôlée de la masse monétaire américaine, conjuguée aux déficits croissants, a provoqué une fuite des réserves d’or. En 1971, Richard Nixon mit fin à la convertibilité du dollar, entraînant son flottement libre sur les marchés. Le résultat fut immédiat : la monnaie américaine perdit brutalement de sa valeur face aux devises plus stables comme le mark allemand, le franc suisse ou le yen, tandis que l’inflation intérieure atteignit un niveau record, culminant à 18 % en 1980. Parallèlement, les déficits budgétaires atteignirent des sommets historiques, dépassant les 200 milliards de dollars par an au début des années 1980, un chiffre alors inédit[8].

Pourtant, entre 1980 et 1985, le dollar connut une période paradoxale de forte appréciation. Alors que la logique des déficits aurait dû provoquer son affaiblissement, plusieurs facteurs exceptionnels expliquent cette anomalie. La Réserve fédérale, sous la présidence de Paul Volcker, mena une politique de resserrement monétaire entre 1978 et 1981, réduisant drastiquement la création monétaire et provoquant une récession sévère. Mais cette récession eut pour effet de renforcer la productivité des entreprises et d’affaiblir le pouvoir de négociation des syndicats, ouvrant la voie à une reprise économique plus solide.

Dans le même temps, l’élection de Ronald Reagan apporta un regain de confiance internationale. Son discours en faveur d’une réduction du rôle de l’État et d’une lutte contre l’inflation séduisit les investisseurs étrangers, qui affluèrent vers les marchés américains attirés par des taux d’intérêt réels élevés. Par ailleurs, le retrait progressif des banques américaines des prêts risqués accordés au Tiers-Monde entraîna un reflux massif de capitaux vers les États-Unis. L’ensemble de ces mouvements renforça artificiellement le dollar sur les marchés mondiaux, malgré la persistance des déficits publics.

Ainsi, John Pugsley a mis en lumière un paradoxe inquiétant : si la vigueur du dollar entre 1980 et 1985 reposait sur des circonstances exceptionnelles et temporaires, l’inévitable retour des déficits et de la création monétaire devait tôt ou tard provoquer une chute de la devise et une résurgence de l’inflation[9]. Avec le recul historique, une partie de ce pronostic s’est réalisée tandis qu’une autre s’est révélée exagérée. John Pugsley a vu juste sur le plan monétaire à court terme (la chute du dollar après 1985), mais ses anticipations d’un retour durable à une inflation massive et à une instabilité permanente étaient surestimées. Sa grille de lecture « dette = inflation inévitable » n’a pas complètement pris en compte la résilience du système monétaire international dominé par le dollar.

  • Après le pic de 1985, le dollar s’est effectivement effondré : entre mars 1985 et 1988, il a perdu environ 40 % de sa valeur face au yen et au mark allemand, suite notamment aux Accords du Plaza (1985) où les grandes puissances se sont coordonnées pour provoquer sa dépréciation. Cela correspond directement à ce que Pugsley annonçait : la vigueur du dollar n’était qu’un phénomène temporaire.
  • Dans les années qui ont suivi, l’inflation ne s’est pas envolée comme Pugsley le prévoyait. Au contraire, après le pic des années 1970 (18 % en 1980), l’inflation est restée relativement contenue dans les pays développés, oscillant autour de 2 à 5 % dans les années 1990-2000. Ici, Pugsley s’est trompé sur l’ampleur de la spirale inflationniste qu’il jugeait inévitable.
  • Les déficits américains ont bel et bien continué de croître au fil des décennies, et la dette fédérale est passée d’environ 900 milliards de dollars en 1980 à plus de 30 000 milliards aujourd’hui. Pourtant, contrairement au diagnostic formulé par John Pugsley, cette explosion de l’endettement n’a pas toujours conduit à l’hyperinflation qu’il annonçait. Plusieurs facteurs, qu’il avait sous-estimés, ont joué un rôle d’amortisseur : la mondialisation et la concurrence accrue ont favorisé la baisse des prix importés, limitant les pressions inflationnistes ; les gains de productivité et l’essor technologique des années 1990 ont permis de soutenir la croissance sans flambée des prix ; enfin, le rôle du dollar comme principale monnaie de réserve mondiale a entretenu une demande structurelle pour la devise américaine, maintenant artificiellement sa solidité malgré l’accumulation des déficits.

Au-delà de la seule question monétaire et budgétaire, Pugsley élargit sa critique au cadre institutionnel et fiscal. Pour lui, la taxation elle-même n’est rien d’autre qu’un transfert de richesse contraint et non consenti, c’est-à-dire une forme de vol légalisé. Dans ses articles[10], il définit la taxation comme une forme de vol, équivalente à toute saisie de biens opérée sous la menace. Selon lui, l’État agit comme un « voleur institutionnalisé », comparable à une organisation mafieuse qui confisque la richesse produite par les individus au nom d’un prétendu intérêt collectif. Il rejette l’idée que le consentement des citoyens ou le concept de « contrat social » puissent légitimer la coercition fiscale, faisant valoir que la véritable justice économique ne peut reposer que sur des échanges entièrement volontaires. Cette perspective radicalise son analyse économique en la reliant à une exigence morale de cohérence : un système reposant sur la spoliation légale est condamné à affaiblir la productivité et la prospérité.

Enfin, John Pugsley se distingua comme commentateur des débats économiques contemporains. Dans ses recensions pour la revue Reason, il critiqua, par exemple, l’optimisme jugé excessif de Jerome Tuccille dans The Optimist’s Guide to Making Money in the 1980s (1979), rappelant que l’ampleur de la dette fédérale rendait improbable un scénario de prospérité durable. De même, il mit en garde contre les biais d’intérêts dans certains ouvrages de conseil financier, tel que The Hard Money Book de Steven K. Beckner (1980), où les prévisions sur le marché de l’argent lui semblèrent dictées par les besoins des industriels utilisateurs de métaux. Ces interventions montrent que, pour Pugsley, l’analyse critique du système économique ne se limitait pas à l’État et à la monnaie : elle s’étendait aussi aux discours des analystes et conseillers financiers, qu’il appelait à juger avec le même scepticisme.

Stratégies de protection et d’autonomie financières

L’un des apports majeurs de John Pugsley réside dans sa réflexion pratique sur les moyens de se protéger contre l’érosion monétaire et les déséquilibres systémiques. Son ouvrage The Alpha Strategy (1980) constitue à cet égard un manuel de survie économique devenu emblématique. Pugsley y expose une philosophie simple mais radicale : pour se prémunir contre l’inflation et l’instabilité des devises, l’individu doit concentrer ses efforts sur trois axes complémentaires.

Le premier axe consiste en l’accumulation de biens tangibles, c’est-à-dire de ressources concrètes dont la valeur ne peut être annulée par les manipulations monétaires. Cela inclut aussi bien les denrées alimentaires stockables que les outils ou les matériaux de première nécessité. Le second repose sur l’investissement dans des actifs physiques (terres agricoles, métaux précieux, matières premières) qui conservent leur valeur intrinsèque face à la dévaluation monétaire. Enfin, le troisième axe met l’accent sur le développement des compétences et de l’autonomie personnelle, afin de réduire la dépendance vis-à-vis des circuits économiques dominés par l’endettement et la spéculation[11].

L’ouvrage est structuré en trois grandes parties complémentaires : une critique des illusions de l’investissement financier classique, une analyse des mécanismes de l’inflation et de l’érosion monétaire, et enfin un ensemble de recommandations pratiques pour réorganiser sa consommation, ses économies et ses compétences afin de construire une véritable autonomie individuelle. Cette articulation confère à The Alpha Strategy un statut à la fois théorique et manuel d’application, ce qui explique sa postérité durable dans les milieux libertariens.

Dans son article « How to Ride the Dollar » publié en 1985 dans la revue Reason, Pugsley proposait un prolongement conjoncturel de cette logique en formulant des recommandations d’investissement adaptées à la période du dollar fort. Face à ce qu’il percevait comme une anomalie monétaire temporaire, il préconisait plusieurs positions défensives et spéculatives :

  • miser sur les devises solides, en particulier le mark allemand et le franc suisse, appelés selon lui à s’apprécier fortement contre le dollar ;
  • investir dans les matières premières déprimées, produites en grande quantité par les pays du Tiers-Monde, qui devaient retrouver leur rôle de valeur refuge en cas de résurgence inflationniste ;
  • accumuler de l’or et de l’argent, actifs classiques de couverture contre l’inflation, dont le retour en grâce était jugé inévitable ;
  • sortir des obligations dès que les taux d’intérêt repartiraient à la hausse, afin d’éviter les pertes de capital liées à la baisse des cours obligataires ;
  • exploiter les marchés à terme sur les taux d’intérêt pour tirer parti de la hausse future des rendements obligataires[12].

Par ailleurs, John Pugsley s’est distingué par une réflexion éthique sur les choix d’investissement. Dans son essai « T-Bills and Other Thoughts on Theft »[13], il soutenait que prêter de l’argent à l’État en achetant des bons du Trésor revenait à devenir complice de la spoliation fiscale, puisque les intérêts versés aux détenteurs de ces titres provenaient de fonds prélevés de force sur d’autres contribuables. Refuser d’investir dans la dette publique faisait donc, selon lui, partie intégrante d’une stratégie cohérente d’autonomie et de résistance à la prédation étatique.

Ainsi, sa vision de l’autonomie financière dépassait la simple recherche de rendement ou de sécurité patrimoniale. Elle s’inscrivait dans une logique philosophique plus large : construire un mode de vie qui repose sur la responsabilité individuelle, l’échange volontaire et le refus de dépendre d’un système économique qu’il considérait comme fondé sur la coercition.

À travers ces prescriptions, John Pugsley montrait que sa critique théorique du système monétaire n’était pas uniquement la volonté de montrer un constat pessimiste, mais qu’elle débouchait sur une véritable stratégie d’autonomie financière, mêlant une prudence patrimoniale et une recherche d’opportunités dans un environnement instable, et une exigence morale de cohérence entre la liberté individuelle et les choix économiques.

Informations complémentaires

Notes et références

  1. "Jack Pugsley, RIP", hommage posté par Lew Rockwell, le 8 avril sur son site LewRockwell.com
  2. La maison d’édition de John Pugsley, Common Sense Press, ne se limita pas à publier ses propres ouvrages mais servit également de plateforme pour des auteurs partageant ses orientations intellectuelles. On peut citer par exemple la parution de The Metals Investment Handbook (Costa Mesa, Calif.: Common Sense Press, 1983, 171 pp.), de R. S. Taylor-Radford, consacré aux stratégies d’investissement dans les métaux précieux.
  3. "Fiction: Best Sellers: Jun. 22, 1981"
  4. FreedomFest bio, 2007
  5. Bio-Rational Institute, 2011
  6. "How to Ride the Dollar", Reason
  7. John Pugsley, 1974, "Common Sense Economics"
  8. John Pugsley, 1980, "The Alpha Strategy"
  9. "How to Ride the Dollar", Reason
  10. 1983, réédité en 1987 dans The Voluntaryist
  11. John Pugsley, 1980, "The Alpha Strategy"
  12. John Pugsley, 1985, "How to Ride the Dollar", Reason, juin/juillet
  13. 1983, réédité en 1987 dans The Voluntaryist

Publications

  • 1981,
    • a. "The Bank Book"
    • b. "The Copper Play"