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Stratégie du bouton

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Dans la pensée libertarienne, la « métaphore du bouton » sert de test mental : imaginer un bouton capable de lever instantanément une contrainte politique, d’un règlement précis jusqu’à l’appareil d’État. Selon les variantes, on envisage un bouton partiel, un bouton total, ou un geste d’abdication qui refuse d’exercer le pouvoir. Cette image éclaire des choix stratégiques majeurs : vitesse de la réforme, cohérence entre moyens et fins, degré de préparation de l’opinion. Elle s’applique à des cas très concrets (contrôles des prix, monopoles légaux, fiscalité) et oppose le décret soudain à la construction par persuasion, marché et institutions volontaires. En bref, le « bouton » offre un langage simple pour comparer efficacité immédiate et durabilité sociale.

Clarifier la métaphore et ses variantes

  • Bouton partiel. Chez Leonard Read (I’d Push the Button 1946), le bouton symbolise l’acte d’abroger immédiatement une intervention publique précise qui fausse l’échange : contrôles des prix et des salaires, licences restrictives, monopoles légaux. Leonard Read défend cette version « ciblée » : si une règle viole la liberté de contracter et détruit l’information véhiculée par les prix, mieux vaut la retirer d’un seul geste que prolonger ses dommages au nom d’un gradualisme confortable. Le « bouton partiel » sert donc de test de cohérence : dès lors qu’une mesure est injuste en principe et nuisible en pratique, la correction rapide maximise à la fois la clarté des incitations et la crédibilité d’un ordre fondé sur la responsabilité.
  • Bouton total. Cette variante imagine l’effacement, d’un coup, de l’appareil d’État. Robert LeFevre refuse ce scénario, non par attachement à la coercition, mais par souci des conditions sociales de la liberté. Tant que l’opinion demeure formatée par l’idée que « l’État doit résoudre », un démontage instantané créerait un vide normatif aussitôt comblé par de nouvelles structures de contrainte. Pour LeFevre, la liberté durable ne naît pas d’une bascule institutionnelle imposée, mais d’un abandon volontaire des réflexes de dépendance, fruit d’une évolution des croyances et des mœurs. D’où son insistance : sans consentement éclairé, le « bouton total » fabrique de l’instabilité plus qu’il n’ancre la liberté.
  • Bouton inversé (abdication). Une troisième figure se présente. On offre un pouvoir illimité à un « dictateur bienveillant ». Que ferait-il ? La réponse de Ludwig von Mises tient en une ligne : il abdiquerait. La démission n’est pas un renoncement par impuissance ; c’est une position de principe. Exercer un pouvoir discrétionnaire, même pour imposer la liberté, contredirait la liberté elle-même, qui suppose choix, responsabilité et règles générales, non l’arbitraire d’un dirigeant. « L'abdication » illustre ainsi la cohérence entre fin et moyen. Refuser d’utiliser la contrainte, même lorsqu’elle promet un gain rapide, pour rester fidèle à l’idée que les relations humaines doivent reposer sur le consentement.
  • Les deux boutons de sortie volontaire. Le bouton agoriste (Samuel Konkin (SEK3)) agit comme un déclencheur entièrement volontaire. Il mise sur la persuasion et les moyens du marché (achat licite d’espaces médiatiques, récits mobilisateurs, mise en réseau d’alternatives) pour conduire un seuil critique de personnes à se détacher des rôles et obéissances étatiques, par des démissions, de la désobéissance pacifique et de l’entraide, dans le plein respect des droits de chacun. Sa singularité tient à sa compatibilité avec l’abdication : on peut appuyer pour catalyser la sortie volontaire tout en refusant d’exercer le pouvoir.
  • Bouton éthique. Le fil éthique qui relie ces variantes est celui des voluntaryists : ne pas initier la contrainte et aligner les moyens sur la fin de liberté. Carl Watner, George H. Smith et Wendy McElroy développent cette exigence : une stratégie est libertarienne non parce qu’elle produit des effets libéraux à court terme, mais parce qu’elle respecte, pas à pas, le principe de non-agression et la persuasion. D’où une boussole simple : « bouton partiel » quand il répare clairement une injustice et que la société peut absorber le changement ; refus du « bouton total » tant que l’opinion n’est pas prête ; et, en toute hypothèse, priorité à l’exemple, à l’éducation et aux institutions volontaires, plutôt qu’à l’imposition, fût-elle au service d’une cause juste.

Boussole d’évaluation stratégique

  • Critères de jugement. La grille repose sur trois repères. D’abord, la cohérence entre les moyens et les fins, liée au principe de non-agression : un procédé coercitif ne peut pas servir une fin de liberté, comme le souligne LeFevre. Ensuite, le primat de l’opinion : la stabilité d’un ordre libre dépend de l’assentiment social, idée formulée par William Godwin[1] et reprise par LeFevre. Enfin, l’origine du levier : il convient de distinguer un déclencheur non coercitif, tel que l’envisage SEK3, d’une prise de pouvoir politique, au cœur de son scénario des « deux boutons ».
  • Règles d’arbitrage. Lorsque le levier est non coercitif et que l’opinion se montre réceptive, il est pertinent d’appuyer sur le bouton ; c’est le cas d’une abrogation ciblée à la manière de Leonard Read ou d’un déclencheur fondé sur la persuasion comme chez SEK3. À l’inverse, face à un « bouton total » sans préparation de l’opinion, il vaut mieux s’abstenir et privilégier l’éducation et la persuasion, conformément à Robert LeFevre. Si une offre de pouvoir étatique se présente pour « réformer » d’en haut, la ligne de conduite consiste à abdiquer, suivant Ludwig von Mises, en cohérence avec LeFevre et SEK3.
  • Risques et signaux à observer. L’incertitude sur la réaction du public demeure, tout comme le coût d’option entre la voie persuasive et la tentation du pouvoir, point que souligne SEK3. Il faut donc surveiller des signes tangibles de préparation, tels que des comportements volontaires effectifs : démissions de postes étatiques, refus d’obéir ou de payer, entraide et protection des voisins face à la coercition résiduelle, comme dans le scénario de SEK3. La condition de durabilité, enfin, est l’existence d’un climat d’opinion suffisamment transformé pour prévenir toute re-coercition, conformément à l’avertissement de Robert LeFevre.

Informations complémentaires

Notes et références

  1. “All government is founded in opinion. Men at present live under any particular form, because they conceive it their interest to do so.” — William Godwin, An Enquiry Concerning Political Justice (1793). “Make men wise, and by that very operation you make them free. Civil liberty follows as a consequence of this; no usurped power can stand against the artillery of opinion.” — William Godwin, An Enquiry Concerning Political Justice (1793).

Bibliographie