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Noblesse

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La noblesse est une classe sociale basée sur l'hérédité, dont les membres ont montré leur valeur, ou sont censés avoir hérité leur valeur de leurs ancêtres.

Avant de constituer une caste ou un groupe social hiérarchisé, la noblesse est une institution sociale que l'on rencontre dans la plupart des sociétés traditionnelles, dès lors que la fonction guerrière est organisée indépendamment des pouvoirs économiques et religieux, comme chez les Romains ou les Celtes avec la classe des chevaliers, mais aussi la plupart des anciens peuples d'Afrique et d'Amérique. Selon Georges Dumézil, les sociétés indo-européennes auraient vécu sur la division tripartite de la société, entre une fonction sacerdotale, une fonction guerrière, et une fonction de production. En Occident, l'Église se serait fait la promotrice de cette organisation tri-fonctionnelle de la société, entre ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui travaillent, ce qui est à l'origine de la noblesse occidentale. La féodalité a été pendant des siècles une organisation décentralisée de la société apparue naturellement en l'absence de pouvoir central : l'élite guerrière des chevaliers assure la protection aux paysans, qui en échange lui fournissent subsistance et moyens de s'équiper. Cependant, la noblesse a peu à peu oublié sa mission défensive pour constituer une caste séparée fortement hiérarchisée et bénéficiant de privilèges héréditaires.

Alexis de Tocqueville montre dans l'Ancien régime et la Révolution, que la France pré-révolutionnaire est marquée par la remise en cause progressive du pouvoir de la noblesse par l'État (on assiste par exemple à un accroissement du pouvoir des intendants aux dépens des Seigneurs).

Il est intéressant de noter que la disparition de la noblesse (ou sa banalisation) a des causes économiques : en France, dès la fin du règne de Louis XIV, pour renflouer les caisses de l'État, la monarchie se mit à vendre aux enchères les charges anoblissantes. Au XIXe siècle, il était facile d'acheter un titre pour se donner un nom à particule (voir par exemple Le comte de Monte Cristo).

La dynamique politique française est très différente de l'anglaise, parce qu’elle repose sur l’appel fait par la royauté à la bourgeoisie contre la noblesse. La vénalité des charges, la création d’une noblesse du service administratif et judiciaire de l'État en est un exemple. C’est l'État et son administration qui, créant des conditions d’égalité et d’unité, paraît promettre davantage la liberté comme protection, à l’encontre des privilèges seigneuriaux ; en un sens, l'État royal, comme monarchie administrative, est libérateur, émancipateur : à la suite de Delolme, l’historien britannique Henri Thomas Buckle consacre un chapitre de son Histoire de la civilisation en Angleterre à « l’esprit de protection » en France, par opposition aux tendances anglaises. La Révolution française s’inscrit dans cette logique, dans la mesure où elle refuse tout compromis avec la noblesse (devenue une classe improductive, parasite) et où elle crée d’en haut (par l’occupation de l'État par la bourgeoisie) des cadres de la liberté : droits de l’Homme et codification achevée par Napoléon, représentation, conditions du vote, redistribution des biens de l'Église et de la noblesse, dits « biens nationaux » (terme révélateur).

On peut observer, par la suite, que le libéralisme en France ne s’exerce pas contre l’État et au profit des libertés locales : il essaye de créer, de façon volontariste, l’annulation politique de la noblesse, et la direction du pays par la bourgeoisie éclairée. Il a ses adversaires dans ceux qui rejettent non seulement les droits de l’homme mais aussi les institutions nouvelles : la partie de la noblesse qui refuse 1789, l’Église qui ne peut supporter de perdre ses attributions. D’où les grandes difficultés du « catholicisme libéral » (Lamennais, Montalembert, Lacordaire) pour réconcilier l'Église de France avec les libertés modernes. Pour accentuer la différence avec l’Angleterre, le libéralisme en France sépare très vite l'Église de l'État au lieu d’installer un chef de l'État comme chef spirituel (anglicanisme). Mais le grand problème pour les libéraux français est que, comme ils le disent eux-mêmes (Tocqueville par exemple), la Révolution française « continue » tout au long du XIXe siècle : ce qui signifie le conflit entre la bourgeoisie libérale et la noblesse fidèle à l’Ancien Régime (« ultras » de la Restauration, monarchistes de 1871), entre les « principes de 1789 » et la société organique (corps, privilèges, inégalité juridique, particularismes). Cette guerre prolongée rend presque impossible, pour le libéralisme au pouvoir, de faire sa place au pluralisme : crainte du privilège, crainte de l’esprit provincial, crainte du déchirement de l’unité nationale.

Citations

  • Ces hommes libres sont dotés de droits inaliénables, contrairement au peuple vaincu des conquis, sous-hommes dénués de droits, qui eux doivent payer tribut sous forme d'impôt, sous peine de mort, torture, emprisonnement au gré arbitraire de leurs maîtres. Et une province entière pourra être complètement génocidée sans qu'aucun bâtiment reste debout pour montrer l'exemple (comme le fut le Northumberland sous les premiers Normands). C'est pourquoi durant tout le Moyen âge, les descendants des vaincus n'auront de cesse de faire reconnaître leurs droits, et à défaut de pouvoir être admis dans la race des maîtres de la soi-disant "noblesse", ils se feront valoir comme Francs Bourgeois, hommes libres habilités à porter des armes, et non pas serfs désarmés attachés à la glèbe comme dans les campagnes. (Faré)
  • Du jour où la noblesse française consacra son ardeur à défendre ses privilèges plutôt qu’à conduire l’État, la victoire du Tiers était d’avance certaine. Toute la dignité de la force ne saurait valoir qu’en vertu de la foi militaire. (Charles de Gaulle, Le Fil de l'Epée)
  • C’est, à proprement parler, l’esprit élevé de la France qui a fait disparaître la folie des titres. Il est devenu trop grand pour se revêtir des habits puérils de Comte et de Duc, et a endossé la robe virile. La France n’a donc point égalisé, mais elle a élevé. Elle est passée de l’enfance à l’âge viril. La petitesse d’un mot sans signification, tel que celui de Duc ou de Comte, a cessé de plaire ; ceux même qui les possédaient ont dédaigné ce galimatias ; et comme ils étaient trop grands pour le hochet, ils ont méprisé la sonnette. L’esprit naturel de l’homme qui désire ardemment son habitation natale, la société, rejette tous les joujoux qui l’en séparent. Les titres ressemblent aux cercles que fait la baguette du magicien pour circonscrire la félicité humaine. Celui qui les a s’emprisonne dans la Bastille d’un mot, et regarde de loin la vie enviée de l’homme. (Thomas Paine, Les droits de l'homme)
  • La noblesse n'est pas l'aristocratie ; il y a des aristocraties de la fortune et de l'argent. Elle n'est que partiellement dépendante de l'hérédité. Elle repose aussi sur le mérite, et celui-ci doit toujours être confirmé. La noblesse se gagne et se perd. Elle vit sur l'idée que le devoir et l'honneur sont plus importants que le bonheur individuel. Ce qu'elle a en propre c'est son caractère public. Elle est faite pour diriger la chose publique, la res publica. Sa vocation n'est pas d'occuper le sommet de la société mais le sommet de l'État. Ce qui la distingue, ce ne sont pas les privilèges, mais le fait d'être sélectionnée et formée pour commander. Elle gouverne, juge et mène au combat. (Dominique Venner, Histoire et tradition des Européens, éd. du Rocher. 2004)
  • Pendant que la civilisation perfectionnait nos maisons, elle n'a pas rendu meilleurs les hommes qui doivent les habiter. Elle a créé des palais, mais il n'est pas si facile de créer des nobles et des rois. (Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois)


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