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Villes privées

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Les villes privées peuvent désigner plusieurs phénomènes différents, regroupés sous le terme anglophone de Common Interest Developments

  • De véritables villes privées, gérées comme une copropriété. Ce sont les propriétaires résidents et non les locataires qui peuvent prendre les décisions. C'est un phénomène principalement nord-américain car le droit le permet, (à l'inverse de la France où tout territoire dépend d'une commune).
  • De façon inappropriée, cela peut désigner de simples quartiers privés qui fonctionnent comme une copropriété avec des rues privées gérées par la communauté, mais restent rattachées à une commune classique. L'espace n'est pas forcément d'accès restreint mais il appartient à la communauté des propriétaires qui peut décider de laisser ou non son accès libre. C'est tout simplement une propriété privée (gated community, résidence fermée ou quartier fermé). On retrouve un peu partout dans le monde ces quartiers privés, parfois qualifiés de « ghettos de luxe ». Par exemple les quartiers pour expatriés dans de nombreux pays du Sud sont de ce type. Il y a donc double imposition car les habitants de ces quartiers payent à la copropriété des services que la mairie n'assure plus mais facture par l'impôt.

On parle d'Unincorporated area pour désigner les zones qui ne dépendent d'aucune municipalité. Plus spécifiquement, on parle d'Unincorporated settlements au Canada (Embrun dans l'Ontario ou Fort Mc Murray dans l'Alberta). Aux États-Unis ce sont les Unincorporated communities. Les terrains qui dépendent d'une ville, privée ou non, sont des incorporated areas.

Origines et importance

On peut voir des prémices de ces villes privées dans les villes marchandes de la Ligue hanséatique qui mutualisèrent au Moyen Âge leur défense contre les ambitions de leurs voisins. Aux États-Unis, les CID se développèrent à partir de 1800 et on en dénombrait plus de 10.000 en 1970[1]. À Saint-Louis (Missouri), 47 rues ont été fermées et privatisées entre 1867 et les années 1920. Avec l'évolution de l'industrialisation, plusieurs grands chefs d'entreprises ont décidé de créer leur propre ville comme par exemple Pullman aux États-Unis[2].

Sur l'importance actuelle du phénomène, il est difficile d'obtenir des statistiques claires distinguant quartiers et villes privées. Selon Transit City[3], on comptait en 1999 environ 150.000 quartiers privés aux États-Unis, regroupant 30 millions d'habitants (12% de la population) tandis que les véritables villes privées seraient au nombre de 20.000 (3 millions de logements). Initialement visant les classes supérieures de la société, elles se sont démocratisées aux classes moyennes[4].

Mode de gouvernance

Dans une ville privée le droit de vote n'existe plus pour les élections locales mais la ville fonctionne sur la base de la copropriété. La constitution de la ville peut être librement choisie, avec des clauses modifiables à volonté : majorité absolue ou qualifiée sur certains domaines, conditions d'installation dans la ville, etc. On substitue donc la liberté contractuelle à l'arbitraire étatique. Cela responsabilise ceux qui décident car s'ils font de mauvais choix, la valeur de leur propriété diminue. Cependant, il est faux de croire que les enclaves fermées seraient réservées aux bien nantis[5].

La ville privée étant propriété privée, il est possible d'en interdire l'accès à la police et de gérer sa sécurité soi-même, par des milices de résidents ou par le recours à une société de sécurité privée[6].

Motivations

Les raisons pour lesquelles se créent des villes privées sont multiples :

  • Assurer sa sécurité face à un environnement urbain hostile.
  • Pouvoir choisir son mode de vie : Ville privée réservée exclusivement aux Amishs ou aux homosexuels par exemple.
  • Prestige

Avantages

Les partisans de ces villes y voient d'une part le remplacement de l'arbitraire étatique par le contrat librement consenti. Si une décision de la ville lèse un des propriétaires, il peut s'opposer à la décision et la communauté compensera la perte pour obtenir son consentement. Inversement, dans une ville « classique », ses recours seraient nuls.

En outre, cela permet pour les partisans de ces villes de ramener les choix au plus près des personnes concernées. La ville privée peut gérer elle-même sa police sans avoir à passer par la capitale.

Pour des libertariens tels que Bertrand Lemennicier, c'est une première étape vers le droit de sécession de l'individu[7] :

«  Le droit à l'autodétermination des individus (et non des hommes d'État) qui choisissent l'État auquel ils veulent s'associer est un principe de liberté individuelle essentiel. Il implique le droit de sécession. »
    — Bertrand Lemennicier

Concepts proches

Il existe des degrés intermédiaires entre la ville classique et la ville totalement privée.

Les "zones franches" désignent des quartiers où s'applique une fiscalité plus légère, pour attirer des investisseurs et favoriser le développement de zones considérées comme "défavorisées".

Les "charter cities", selon l'idée d'un économiste de l'université de Stanford, Paul Romer, désignent des villes quasiment privées : ces "régions spéciales de développement" sont des territoires autonomes jouissant d'un système fiscal indépendant de celui du reste du pays.

Il existe aussi des communautés autogérées, analogues par certains aspects à des villes privées : par exemple la « ville libre de Christiania », une expérience libertaire au Danemark, qui existe depuis 1971.

Exemples de villes privées

États-Unis

  • Reston, Virginie, ville privée de 58.000 habitants
  • Braselton, Géorgie, ville privée dont Kim Basinger a un temps été actionnaire
  • Sandy Springs, Californie, ville privée de 90.000 habitants
  • Sun City, Arizona : Ville privée de 40.000 habitants réservée au plus de 55 ans
  • Irvine, Californie, Incorporated city développée par la Irvine Company depuis les années 1960.
  • Lakewood, Californie, ville privée de 80.000 habitants
  • Weston, Floride, ville privée de 65.000 habitants, 100.000.000 $ de budget et 3 employés municipaux.
  • Celebration, Floride, ville privée de 10.000 habitants construite près du parc Walt Disney World par la Walt Disney Company
  • Nipton, Californie (ancien village de chercheurs d'or)

Canada

  • Embrun, Ontario
  • Fort Mc Murray, Alberta

Inde

  • Electronics City[8]

Notes et références

  1. Common Interest Development par Chet Boddy (anglais)
  2. Stanley Buder, 1970, "Pullman : an experiment in industrial order and community planning, 1880-1930", New York, NY: Oxford University Press
  3. Transit City
  4. USA Today, Gated communities more popular, and not just for the rich
  5. John Jay;1997, College of Criminal Justice/CUNY, “Gated Enclaves Are Not Just for the Well-Heeled", Law Enforcement News, May 15, p5
  6. Bibliographie sur la sécurité privée
    • 1985, William C. Cunningham, Todd H. Taylor, "Crime and Protection in America: A Study of Private Security and Law Enforcement Resources and Relationships"; Washington, D.C.: U.S. Department of Justice
    • 1991, William C. Cunningham, John J. Strauchs, Clifford W. Van Meter, "Private Security: Patterns and Trends", National Institute of Justice: Research in Brief, Washington, D.C.: U.S. Department of Justice
    • 1992, Edwin W. Zedlewski, “Private Security and Controlling Crime", In: G. W. Bowman, S. Hakim, P. Seidenstat, dir., "Privatizing the United States Justice System: Police Adjudication and Corrections Services from the Private Sector", Jefferson, N.C.: McFarland & Company
  7. Bertrand Lemennicier: Droit de sécession, micro états et villes privées
  8. Mathew Idiculla, 2016, "New Regimes of Private Governance: The Case of Electronics City in Peri-urban Bengaluru", Economic and Political Weekly, Vol 51, n°17, pp102-109

Bibliographie

  • 1996, Evan Mackenzie, "Privatopia: Homeowner Associations and the Rise of Residential Private Government", New Haven, CT: Yale University Press
  • 2018, Titus Gebel, "Free Private Cities: making governments compete for you", Waldorf: Aquila Urbis

Voir aussi

Citations

  • La spécificité d’une ville privée se situe dans la relation purement contractuelle du fournisseur de services et du résident, sans possibilité de changer arbitrairement les termes du contrat, comme c’est le cas en démocratie. Les conflits seraient résolus par une cour d’arbitrage indépendante. (...) Chacun serait en droit de proposer et d’acquérir les produits ou les services qu’il souhaite, sans permission ni licence, et les échanges se feraient dans n’importe quelle monnaie. Ce degré de liberté économique et d’innovation se traduiraient par une qualité de vie élevée. Sur le plan légal, la ville privée offrirait à la fois une meilleure sécurité des biens et des personnes, du fait de la focalisation de la gouvernance sur ces seuls paramètres, ainsi qu’une réelle sécurité juridique, dans la mesure où le contrat ne pourrait être changé unilatéralement, au détriment du résident, sous la forme de hausses d’impôts ou de réglementations portant atteinte à la liberté individuelle. Cette liberté ne serait limitée que par la seule liberté des autres. L’admission ou non de résidents se ferait à la discrétion de la gouvernance. (Pierre Bessard, Un investisseur travaille sur une expérience inédite de ville privée, L'AGEFI, 08/06/2016)

Liens externes



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