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William Volker Fund

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Fondé en 1932 par l’entrepreneur William Volker, à Kansas City , le William Volker Fund passe, après 1947, sous Harold W. Luhnow, d’une charité locale à un mécénat d’idées structurant. Autour de Floyd Harper, Ivan Bierly et Kenneth S. Templeton, Jr., il soutient Ludwig von Mises, Friedrich Hayek, Milton Friedman et Murray Rothbard, il irrigue la FEE et l’ISI (Intercollegiate Studies Institute), et il diffuse des livres sur les campus universitaires.

Contexte, genèse et premières orientations (1932–1947)

Dans l’entre-deux-guerres, Kansas City connaît à la fois un essor économique rapide et des besoins sociaux criants. Les œuvres caritatives, les Églises, les associations civiques et quelques entreprises locales se mobilisent pour répondre à la pauvreté, aux problèmes de logement et à l’accès aux soins. C’est dans ce paysage mêlant dynamisme urbain et fragilités que l’entreprise Volker & Co. s’impose comme un acteur reconnu, habitué à financer des hôpitaux, des écoles et des initiatives municipales. Le tissu civique, dense, fournit un terrain idéal pour expérimenter des formes d’aide plus structurées.

À l’origine de ce mouvement se trouve William Volker, entrepreneur pragmatique, animé d’un ethos à la fois religieux et civique. Sa conviction est simple : l’aide privée, proche du terrain, peut être plus rapide, plus souple et parfois plus efficace que l’intervention publique. Elle doit toutefois rester exigeante : identifier les besoins réels, éviter l’assistanat, encourager l’autonomie des bénéficiaires, s’adosser à des relais locaux crédibles. Cette vision, forgée au contact des réalités sociales de la ville, oriente sa philanthropie vers des résultats concrets plutôt que vers de grands principes abstraits.

La création du William Volker Fund (WVF) en 1932[1] traduit cette approche dans un cadre durable. La fondation adopte un statut privé, une gouvernance resserrée et des champs d’intervention clairement définis : santé (soutien aux hôpitaux et dispensaires), éducation (bourses, équipements scolaires, bibliothèques) et réforme municipale (outils de modernisation administrative, enquêtes, commissions locales). Le Fund fonctionne comme une plateforme : il repère des projets prometteurs, cofinance avec des partenaires et formalise des procédures de suivi.

Cette pratique gagnera le surnom de « philanthropie agressive » par Michael J. McVicar (2011). “Agressive”, non par dureté, mais par proactivité : aller vers les besoins plutôt que de les attendre, expérimenter rapidement, ajuster sans délai, suivre les résultats. Les outils sont variés : subventions directes à des institutions, bourses individuelles, partenariats avec des œuvres établies, commandes d’études pour objectiver un problème local. L’idée centrale est d’apprendre en faisant, puis de capitaliser ces apprentissages pour monter en puissance.

Cette première phase, très opérationnelle, révèle aussi ses limites. La multiplication des micro-projets peut entraîner une dispersion des efforts ; l’évaluation d’impact reste sommaire et dépendante de rapports hétérogènes ; des tensions apparaissent parfois avec les autorités locales (priorités différentes, chevauchements de compétences). Ces frictions, ajoutées au désir d’obtenir des effets plus larges et plus durables, prépareront la réorientation de l’après 1947 : passer d’un secours local efficace à un mécénat d’idées capable d’influencer les institutions sur le long terme.

Refonte stratégique et gouvernance (1947–1961)

  • . L’arrivée de Harold W. Luhnow : le virage assumé vers le mécénat d’idées. À partir de 1947, Harold Luhnow dresse un constat lucide : la philanthropie locale a produit des effets tangibles, mais elle reste fragmentée, difficile à évaluer et peu transformative à l’échelle nationale. Il propose donc une réorientation nette : plutôt que de financer principalement des œuvres sociales, le Fund va soutenir la production, la circulation et l’ancrage d’idées susceptibles d’influer durablement les politiques publiques et l’enseignement supérieur. La boussole intellectuelle est claire (libéralisme classique, économie de marché d’inspiration austro-américaine, héritage Old Right), mais la méthode se veut pragmatique : financer des personnes, des revues, des collections d’ouvrages, des conférences et des réseaux, afin de créer un pipeline : idées → campus → opinion. Luhnow introduit des objectifs mesurables (audiences atteintes, adoptions en syllabus, partenariats pérennes) et un calendrier d’expérimentations répété : tester, mesurer, amplifier ou fermer.
  • . L’équipe : rôles complémentaires et chaîne opérationnelle. Au cœur du dispositif, Floyd Harper agit comme grand recruteur et animateur de réseaux académiques. Il repère des talents, ouvre des portes sur les campus, conseille les jeunes chercheurs et facilite les projets interuniversitaires (séminaires, cycles thématiques, invitations de professeurs étrangers). Ivan Bierly tient la coordination opérationnelle : les calendriers, les budgets, les correspondances avec les auteurs et les professeurs, le suivi des “fellows”, l'organisation logistique des conférences et la consolidation des rapports d’activité. Il veille à la cohérence entre les décisions stratégiques et l'exécution. Kenneth S. Templeton, Jr. occupe une fonction de liaison éditoriale : les échanges avec les auteurs et les éditeurs, la constitution de dossiers d’ouvrages (notes de lecture, état des droits, plans de diffusion), la préparation des envois aux bibliothèques et aux enseignants, le suivi des retours de terrain. Autour d’eux gravitent des conseillers et des lecteurs ponctuels, dont [[Murray Rothbard] comme lecteur et analyste : il produit des mémos critiques, il propose des priorités de lecture et il signale des opportunités éditoriales. L’ensemble forme une chaîne continue allant du repérage intellectuel à la mise en circulation des contenus.
  • . Les processus décisionnels : de la veille à l’allocation des soutiens. Le Fund structure une veille intellectuelle systématique : des lectures internes, des notes comparatives, des retours d’enseignants, une cartographie des courants et des controverses. Les comités de lecture évaluent chaque projet selon trois critères cardinaux : la valeur scientifique (rigueur, originalité), l'utilité pédagogique (capacité d’appropriation en cours, clarté, supports), le potentiel de diffusion (réseaux existants, public visé, coûts par lecteur touché). À ces critères s’ajoute une évaluation qualitative des “effets d’entraînement” : un intervenant charismatique, une revue respectée ou un manuel bien conçu peuvent catalyser d’autres adoptions. La gestion des risques réputationnels fait l’objet d’une attention constante : le respect de l’autonomie académique, les distances contractuelles explicites, le pluralisme apparent dans les panels et les bibliographies, la transparence des soutiens dans les colophons ou les remerciements. L'objectif est de soutenir des idées sans donner prise à l’accusation d’ingérence, et de préserver la crédibilité des bénéficiaires dans leurs institutions.
  • . Ressources : des enveloppes dédiées. Les moyens sont organisés en quatre enveloppes complémentaires. D’abord, l’enveloppe “individus” finance des bourses, des compléments de rémunération, des honoraires et des séjours invités (voir Rothbard 2009). Ensuite, l’enveloppe “institutions” soutient des revues, des centres universitaires, des associations étudiantes et des think tanks partenaires[2]. Vient ensuite l’enveloppe “diffusion des livres”, qui couvre les achats groupés, les envois ciblés, les dossiers pédagogiques et les rééditions stratégiques. Enfin, l’enveloppe “conférences” prend en charge les tournées, les colloques, les écoles d’été, ainsi que les captations et la publication des actes.
  • . Le pilotage avec des indicateurs d’impact. Le pilotage s’appuie sur des tableaux de bord simples qui suivent le nombre de campus touchés, les tirages et les réimpressions, les adoptions en syllabus, la fréquentation des événements, les retours des bibliothèques et les coûts unitaires par étudiant ou par lecteur. Des bilans annuels restituent les résultats, les leçons apprises et les recommandations, ce qui permet d’arbitrer entre l’amplification (mise à l’échelle), la maintenance (soutien de fond) ou la sortie (arrêt) d’un programme. Cette boucle d’apprentissage itérative ancre la stratégie dans le concret tout en préservant la finalité : installer des idées durables dans l’enseignement supérieur et dans le débat public.

Informations complémentaires

Notes et références

  1. Document : "The state historical society of Missouri reasearch center - Kansas city". L’entité est incorporée en 1932 comme William Volker Charities Fund. Mais le premier fonds remonte à 1917 : le William Volker Charitable Fund offre un premier véhicule. Dans l’usage courant et sur des pièces comptables et juridiques, on trouve William Volker Fund, Incorporated (par ex. chèques annulés de 1937) et, plus largement, l’abréviation William Volker Fund.
  2. voir John Blundell, 1990, "Waging the War of Ideas: Why There Are No Shortcuts", juin 1, Heritage Lecture #254]

Bibliographie