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Guerre du Viêt-Nam

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Histoire des États-Unis

La guerre du Viêt Nam est la seule guerre perdue par les États-Unis. Cette « sale guerre » a été dénoncée par l’opinion publique et a entraîné un traumatisme durable qui a inspiré de nombreux films.

Leader du monde libre dans le cadre de la Guerre froide, les États-Unis se doivent de défendre la liberté et la démocratie contre le communisme.

Truman a défini une politique d'endiguement qui consiste en une aide essentiellement économique. Il n’est pas question d’engagement militaire même si l’intervention en Corée a été une véritable guerre. Ainsi les Américains financent les 3/4 de l’effort militaire des Français en Indochine mais l’aviation américaine n’est pas intervenue à Dien Bien Phu.

Depuis 1954, les États-Unis soutiennent le régime vietnamien au sud du 17e parallèle. Mais Ngo Dinh Diem a instauré un régime autoritaire et les communistes du sud se sont engagés dans la subversion avec le Vietcong qui s’appuie sur le Nord-Vietnam.

La Guerre de M. Johnson

L’engrenage de Kennedy à Johnson

C’est avec Kennedy que les États-Unis s’engagent. Les bérets verts, qui dépendent de la CIA, sont envoyés puis des conseillers militaires (dont le nombre sera de 16 000 en 1963) enfin des avions et des hélicoptères qui font des missions d’entraînement. La CIA organise des opérations au Laos et au Vietnam du Nord. Les assassinats de Diem et de Kennedy à trois semaines d’intervalle n’éclaircissent pas la situation.

Lors de la campagne présidentielle, les républicains accusent Johnson de ne pas être assez ferme et de ne pas se donner les moyens de mener une véritable guerre au Viêt-nam. Johnson parle de paix et de médiation et promet que l’engagement sera bref. Mais comme d’habitude les questions de politique étrangère ne jouent pas un grand rôle dans la campagne.

L'escalade des effectifs s'est poursuivi : de 23 000 hommes (1964) à 184 000 (fin 1965). En 1968, on dépasse les 500 000 hommes, plus les soldats sud-vietnamiens. Mais l’opinion publique n’est pas informée de l’entrée de leur pays dans une guerre qui ne dit pas son nom.

Les raisons de l’intervention

Ce n’est pas pour des raisons économiques : en 1969, le pays représente 1 % des exportations américaines, il y a peu d’investissements et Wall Street préfère la paix à la guerre dès 1967.

Il s'agit donc surtout de motifs idéologiques et politiques : c’est la poursuite de l’endiguement. L’Europe n’apparaît plus aussi menacée et le danger s'est déplacé en Asie où les colonisateurs ont dû plier bagage. Les démocrates sont soupçonnés d’être des naïfs, des mous dans la lutte contre le communisme, d’être responsables de la perte de la Chine. L’Asie du Sud-Est doit être défendue comme l’Europe occidentale. Et Johnson ne veut pas passer pour un lâche, un homme sans virilité, sans colonne vertébrale. La politique d’appeasement des années 30 face à Hitler fut une erreur qu’il ne faut pas rééditer. De plus les hommes de Kennedy comme Mc Namara, secrétaire à la Défense (1961-67), et Dean Rusk, secrétaire d’État (1961-69), sont des faucons.

Mais l’adversaire ici ce n’est pas l’URSS mais la Chine : ils l’ont affrontée en Corée (1950-1953) et ont aidé l’Inde en 1962. Johnson déclare en 1965 à l’université Johns-Hopkins : « Les dirigeants de Hanoï sont poussés par Pékin. Voilà un régime qui a supprimé la liberté au Tibet, attaqué l’Inde et a été condamné par les Nations-Unies pour son agression en Corée. Voilà une nation qui vient au secours des forces de la violence sur presque tous les continents. »

Les Américains n’ont pas saisi la rupture qui se produit entre la Chine et l’URSS. La théorie des dominos a été définie en Asie dès 1952 : si le Vietnam tombe aux mains de la Chine, toute l’Asie du Sud-Est tombera à son tour. Pour Kennedy en 1956, le Viêt-Nam est la pierre d’angle du monde libre dans le sud-est asiatique. La sécurité du Viêt-Nam du Sud est garantie par l’OTASE : les EU doivent rester des protecteurs crédibles.

Or en 1964, le gouvernement sud-viêtnamien ne contrôlait plus qu’un tiers de la population, le reste étant sous la domination du Vietcong. Le régime sud-viêtnamien autoritaire, dominé par les généraux, n’était pas un modèle démocratique. L’administration était incompétente et corrompue, l’armée pas très sûre (infiltrée par les communistes). Les réformes agraires n’avaient pas été menées à bien. Aussi les paysans étaient-ils sensibles à la propagande communiste.

Les caractéristiques de la guerre

Westmoreland est le commandant des troupes américaines de 1964 à 1968.

La stratégie américaine reste fidèle à elle-même : économiser la vie des soldats américains en menant une guerre s’appuyant sur une technologie évoluée.

La suprématie aérienne des EU est incontestable : B-52, super-forteresses volantes (bombes au napalm et à billes) ; chasseurs bombardiers. De 1967 à 1972 : plus de 13 millions de tonnes de bombes sont lâchées, soit 5 fois le total allié de la Seconde Guerre mondiale et 24 fois la Corée. Sont bombardés le Viêt-Nam du Nord d’abord mais aussi le Viêt-Nam du Sud (moitié du total), le Laos et le Cambodge.

Mais les bombardements se révèlent peu efficaces dans un pays pauvre et agricole comme le Nord-Vietnam. Depuis 1961, l'utilisation d’herbicides et de défoliants pour empêcher l’ennemi de s’abriter a touché un tiers de la forêt du Sud, ainsi gravement atteint mais aussi les terres arables et la faune, sans parler des effets cancérigènes. On parlera d’écocide.

Les Américains ont le souci cependant de ne pas être entraînés dans une guerre générale : aucune attaque aérienne de la Chine ; aucune attaque terrestre du Nord-Viêt-Nam, du Laos et du Cambodge.

En effet les Nord-viêtnamiens et le Viêt-cong mènent une guerre subversive, une guérilla s’efforçant de contrôler les campagnes. Les communistes posent des mines partout qui sont responsables de près de 24 % des pertes américaines de janvier 67 à septembre 68. En l'absence de fronts, une guerre d’usure (attrition war) est tentée par les Américains : missions aéroportées sur tel point ; pilonnage intensif de zones évacuées, search and destroy (rechercher et détruire). Il faut saigner à blanc l’adversaire. Pour protéger la population, les Américains sont amenés à déplacer les paysans pour les regrouper dans des hameaux stratégiques.

De l'enlisement à l'échec final

La victoire impossible

« Nous avons mené une guerre militaire, nos adversaires ont mené une guerre politique. (...) Nous avons oublié la maxime fondamentale de la guérilla : la guérilla gagne si elle ne perd pas ; l’armée conventionnelle perd si elle ne gagne pas ». (Kissinger, 1969)

Où est l’ennemi ? Qui est ennemi ? Les civils ne sont pas sûrs : femmes, enfants ou vieillards sont suspects. De plus, les Vietnamiens utilisent le Laos et le Cambodge comme sanctuaires et le Nord Viêt-Nam bénéficie du soutien chinois. Ce n’est qu’à partir de 1967 que la guerre d’usure cède le pas à la pacification c’est-à-dire la protection des populations civiles.

A la fin de l’année 67, Westmoreland annonce que la victoire est proche. Le 30 janvier 1968, violant la trêve, 70 000 Nord-viêtnamiens profitent du nouvel an lunaire pour attaquer les villes du Sud-Vietnam : c’est l’offensive du Têt. Un commando réussit même à investir quelques heures l’ambassade américaine à Saïgon. Finalement, l’offensive est brisée en quelques jours. Les Nord-viêtnamiens visaient à convaincre les Sud-vietnamiens que les États-Unis étaient incapables de les protéger efficacement et que tôt ou tard les Américains les abandonneraient.

Une contestation grandissante

Depuis 1965, un mouvement d’hostilité s’est développé aux États-Unis. Très minoritaire tout d’abord, il va se renforcer avec l’envoi du contingent : en effet le service militaire obligatoire a été instauré en 1948 (ce n’est pas une tradition américaine). Si les élites échappent, grâce aux sursis d’études à l’incorporation, un grand nombre de familles sont désormais touchées. Sur près de 29 millions en âge, seuls 11 millions ont été incorporés mais 2 millions seulement sont allés au Vietnam.

De surcroît, la guerre paraît interminable et la victoire toujours remise au lendemain. Après l’offensive du Têt, 78 % des Américains estiment que les États-Unis sont enlisés au Vietnam et désapprouvent la politique de Johnson. Beaucoup sont persuadés que le président leur a menti sur la gravité de la situation.

Le rôle de la télévision ne doit pas être négligé : les caméras suivent les soldats et les chaînes diffusent toutes les images. D’où le spectacle d’enfants mutilés, de civils tués, de suicides par le feu (bonzes), de cadavres de soldats américains. On voit un policier abattre un guérillero devant la caméra. C’est la guerre en direct. En revanche, les atrocités commises par les communistes ne sont pas montrées. D’où une vision faussée de la guerre. Mais la télévision crée-t-elle des sentiments ou les renforce-t-elle ? Or les guerres sont toujours perdues par les civils, c'est la thèse notamment répétée par Westmoreland.

Des insoumis brûlent en public leur livret militaire ou se réfugient au Canada : il s’agit d’une infime minorité mais bruyante. Le mouvement pour la paix devient dominant sur les campus et dans les milieux « libéraux » (c'est-à-dire de gauche) : artistes, intellectuels, journalistes. Des manifestations : en octobre 67, 50 000 à 90 000 manifestants (leur nombre varie selon les sources) devant le Pentagone (les fleurs contre les fusils). Mais les contestataires sont mal vus de l’opinion publique.

De surcroît les jeunes et les sympathisants de gauche dans le monde mettent en accusation les États-Unis (pétitions, manifestations) mais oublient les crimes de l’autre camp. D’où d’ailleurs une certaine fascination pour le maoïsme. De même, les alliés expriment leurs réserves et de Gaulle à Pnom Penh (1er septembre 66) critique la politique des États-Unis au Vietnam. Mais l’impact sur l’opinion publique américaine est nul.

La vietnamisation du conflit

Dès le 31 mars 1968, Johnson annonce l’arrêt des bombardements au nord du 20e parallèle et qu’il ne se représentera pas. Le meilleur candidat démocrate, Robert Kennedy, ayant été assassiné en août 68, c’est le républicain Richard Nixon qui l’emporte, bien que difficilement.

Nixon, entrant en fonction en janvier 1969, procède à la désescalade, lui, l’homme de droite, l’ancien partisan du maccarthysme. Il considère que les Affaires étrangères sont le domaine par excellence du président. Il s’appuie sur le brillant professeur de Harvard, Kissinger (assistant pour les affaires de sécurité, secrétaire d’État seulement en 1973).

Les États-Unis poursuivent le combat pour obtenir une paix honorable. En effet le Nord Viêt-Nam exige le retrait des Américains et la disparition du régime sud-viêtnamien. D’ailleurs, plus de 7 millions de tonnes de bombes vont être larguées sous Nixon, soit beaucoup plus que sous Johnson (6 millions). Les Américains n’hésitent pas à intervenir au Cambodge (1970) et à soutenir les Sud-vietnamiens au Laos (1971).

Les troupes américaines vont se retirer progressivement : 334 000 soldats présents en 1970, 156 000 en 1971, 24 000 en 1972. Le service militaire obligatoire est supprimé en 1973. Il est temps, car l’armée américaine se désagrège : usage de drogues, trafics en tout genre (femmes, héroïnes, matériel militaire), refus de se battre (notamment de la part des Noirs, officiers tués ou blessés par leurs hommes). Rappelons que les Noirs comptent pour 31 % des unités combattantes (11 % de la population). Certains soldats ont peint 4 U sur leurs casques (The Unwilling led by the Unqualified, doing the Unnecessary for the Ungrateful) (Les non-volontaires menés par des incapables faisant l'inutile pour des ingrats).

Un vaste programme de fourniture d’armes à l’armée sud-vietnamienne se met en place : 1 million de M16, 2 000 canons, etc. Le montant de l’aide économique et militaire double quasiment. Une contre-guérilla est mise en place qui permet de démanteler une partie de l’appareil Viêt-cong. Une réforme agraire est mise en œuvre fin 1968.

Les conséquences de la guerre

L’humiliation des États-Unis

Les négociations commencent dès le mois de mai 1968 à Paris. Le Congrès exige l’accélération du processus de paix. 174 séances de négociation se tiennent entre 1968 et 1973.

A partir de mars 1972, l’armée nord-viêtnamienne envahit le sud qui n’est sauvé que par l’intervention des B 52. Sous la pression de l’URSS et de la Chine, les Nord-viêtnamiens assouplissent leur position.

Le 27 janvier 1973, les accords de Paris sont signés. Mais dès le mois d’avril les infiltrations nord-vietnamiennes reprennent. Nixon, empêtré dans l’affaire du Watergate, et confronté à l’hostilité du Congrès, ne peut plus ordonner de grandes opérations de bombardement. Le War Powers Act est voté le 7 novembre 1973.

Le 5 mars 1975, l’armée nord-viêtnamienne envahit le Sud-Viet-Nam et c’est la débâcle sud-vietnamienne. Lors de la prise de Saïgon le 30 avril 1975, les derniers Américains, réfugiés sur le toit de l’ambassade, sont évacués en hélicoptère. Au même moment les Khmers rouges sont maîtres du Cambodge et à la fin de l’année le Laos devient une démocratie populaire. C’est la déroute totale en Indochine.

Un lourd bilan humain et économique

Du côté des États-Unis : 57 000 tués (dont 46 000 au combat), 300 000 blessés dont le tiers gravement. Trois millions d’Américains passés par le Viêt-nam et marqués à jamais.

Côté vietnamien : 1,5 millions de morts dont plus de 500 000 au Nord-Viet-Nam, des millions de réfugiés, un pays ruiné.

Les dépenses américaines sont estimées à 120, 140 ou 170 milliards de $ (3 à 9 % du PNB mais les dépenses sociales représentent 15 % du PNB en 1970). En tout cas le 1/4 du budget de la défense qui représente entre 45 et 50 % du budget fédéral de 1965 à 1972. Certains attribuent cependant la création d’emplois à la guerre (1,7 million).

La guerre favorise l'affaiblissement économique, l'inflation (1,6 % à 5,9 % sur la période 1965-70), le déficit de la balance commerciale à partir de 1971.

Le stock d’or fédéral diminue fortement (18 milliards $ à 10,5 de 60 à 68) et la couverture or du $ devient donc de plus en plus faible (47 % en 58 à 25 % en 68) d’où la dévaluation du $ qui cesse d’être convertible en or (1971-1973) et se met à flotter, c'est la fin du Gold Exchange standard.

Une remise en question des certitudes

Ce n'est pas seulement la première guerre perdue : pour les Américains, ce n’est pas une guerre juste, une croisade pour la liberté. C’est la fin du consensus anticommuniste.

Le massacre des habitants du village de My-Lai au lendemain de l’offensive du Têt a marqué l'opinion. Mais les communistes ont également beaucoup de crimes à leur actif : assassinat de 37 000 personnes, enlèvement de 59 000. 80 % des victimes du terrorisme sont des civils ordinaires. N'oublions pas les camps de rééducation et la tragédie des Boat People tentant de fuir le régime communiste.

A partir de la fin des années 70 et surtout dans les années 80 on voit se multiplier des films sur la guerre : Apocalypse Now, Rambo, Platoon, Né un 4 juillet.

La crise morale va être renforcée par le scandale du Watergate : la confiance dans les institutions et les partis politiques recule. De 1966 à 1973, la confiance dans : le Congrès passe de 42 % à 29 % ; la Maison-Blanche de 41 % à 19 % ; dans l’armée de 62 à 40 %. Inversement la confiance dans les journaux télévisés se renforce de 25 à 41 %.

Le Viêt-Nam favorise la critique du système politique : la présidence impériale, le Congrès manipulé, l’opinion publique trompée ou laissée dans l’ignorance. Les présidents avaient pris l’habitude d’agir sans consulter ni leurs ministres ni le Congrès. Johnson avait entraîné le pays dans la guerre en abusant le Congrès puisqu’il n’y a pas eu de déclaration de guerre. Il laisse le Congrès dans l’ignorance des opérations, négocie en secret avec la Thaïlande l’engagement des troupes américaines en cas d’agression. De même Nixon décide d’envahir le Cambodge en 1970 sans consulter le Congrès. Le War Powers Act du 7 novembre 1973 limite l’emploi des forces armées par le Président.

Traumatisme profond ou crise passagère ?

Il faut attendre 1982 pour voir inaugurer un monument aux morts du Vietnam à Washington et le gouvernement vietnamien reconnu seulement en 1994.

Traumatisme profond : les États-Unis sortent du conflit affaiblis alors que l’URSS n’a jamais parue si puissante, leur image dans le monde est dégradée, la confiance des Américains dans leurs institutions affaiblie. Le scandale du Watergate et la crise économique qui suivent immédiatement vont encore accentuer le marasme. Le thème du déclin américain va devenir dominant dans les années 70.

Mais avec le recul, le regard est un peu différent. Les États-Unis ont su depuis surmonter cette crise passagère. Les valeurs américaines n’auront connu qu’une éclipse provisoire.

Sources

  • André Kaspi, « L’enfer du Vietnam » in Les collections de l’Histoire HS n°7, 2000, p. 74-80
  • Yves-Henri Nouhailhat, Les États-Unis et le monde au XXe siècle, A. Colin 2000, 365 p.


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