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Route nue

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Le principe de la route nue (naked road) consiste à limiter voire supprimer la signalisation routière dans le but de réduire le nombre d'accidents. Ce concept a été développé dans le cadre de la philosophie du shared space, mise au point par l'ingénieur Hans Monderman.

Philosophie de la route nue

Les multiples expérimentations de routes nues participent d'une même philosophie : responsabiliser l'ensemble des usagers de la route pour les rendre acteurs de leur propre sécurité. La philosophie menée jusque là procédait à l'inverse de la réglementation et de la compartimentation jusqu'à l'excès, en partant de l'idée que les autorités savent mieux que l'usager (automobiliste, piéton, cycliste, motocycliste, skater, chaise roulante, cammioneur, bus, cars) ce qui peut le protéger. Ainsi, en Allemagne, il existe 648 panneaux de signalisation différents ! On considère en outre qu'actuellement 70% de la signalisation routière n'est pas prise en compte par l'automobiliste[1], et probablement moins encore pour d'autres catégories d'usagers tels que les piétons. De même, le journaliste de la BBC Martin Cassini note que les feux rouges sont un « mal non nécessaire », qui ne fait que « maximiser le temps de trajet, [..] les embouteillages [..] et les émissions [polluantes] »[2].

Pour sortir de cette impasse, la philosophie de la route nue prône de réduire la signalisation routière au minimum, en ne laissant tout au plus que la signalisation la plus basique (par exemple la ligne au milieu de la chaussée), voire aucune information signalisée. Les règles élémentaires s'appliquent, comme la priorité à droite. Les objectifs visés par ces mesures sont un comportement plus courtois et une responsabilisation de chacun. On observe également l'avantage collatéral de retirer du paysage les multiples panneaux de signalisation et, partant, de limiter la gêne visuelle et l'encombrement des trottoirs, et de réduire fortement le budget affecté à cette signalisation, tout en libérant des espaces publicitaires profitables à l'activité économique.

Expérimentations

Les routes nues ont été développées à partir des années 1970 par l'ingénieur Hans Monderman aux Pays-Bas. Il mène en particulier des expérimentations dans deux villes pionnières du pays : Makkinga et Drachten. Ainsi, à Makkinga, un panneau à l'entrée de la ville avertit-il Verkeersbordvrij, ce qui signifie ville « sans signalisation routière ». Dans la ville ne subsiste aucun panneau stop ni même de marquage au sol[1].

Devant le succès de ces expériences en termes de réduction du nombre d'accidents, l'expérience a été étendue dans de nombreux pays, principalement européens. Le lancement du programme européen Shared space en 2004 a en particulier joué fortement pour la diffusion de cette idée. Ainsi, les villes d'Ejby au Danemark, de Bohmte en Allemagne ou d'Ostende en Belgique ont expérimenté des mesures similaires.

Kensington High Street, avant et après le passage en route nue

Dans le cas spécifique de Londres, c'est la signalisation sur Kensington High Street qui a été complètement repensée dans le sens d'une signalisation bien moindre (retrait en particulier des barrières de sécurité pour les piétons). Les résultats ont été saisissants puisque le nombre d'accidents a diminué de 60%. La ville de Brighton a également expérimenté le concept de route nue, de même que Exhibition Road à Londres[3].

Une autre expérimentation significative a été menée à Drachten (Pays-Bas) ; on y a supprimé les feux à seize des dix-huit carrefours de la ville, pour laisser les automobilistes s'arranger, en appliquant les principes élémentaires du Code de la route. Bilan : « Les automobilistes ont alors fait preuve de civilité et ont même élaboré un système simple de signes afin de se donner la permission de passer, fluidifiant ainsi considérablement le trafic »[4]. La place Laweiplein à Drachten voyait passer 22 000 véhicules par jour, dont des dizaines de bus. Alors qu'ils mettaient 53 secondes en moyenne pour traverser le carrefour ils en mettent aujourd'hui entre 24 à 36 selon les autorités. Par ailleurs, en 2004 et 2005, on a déploré seulement deux accidents ayant fait des blessés, au lieu de dix en 2002, quatre en 2001 et neuf en 2000.

À Ipswich au Royaume-Uni, trois petites rues du centre ville n'ont conservé que les avertissements discrets mettant en garde contre le stationnement illégal. D'autres expérimentations devraient également être menées aux États-Unis et en Argentine. L'Australie a expérimenté également ces mesures à Bendigo (État de Victoria) depuis octobre 2007[5].

En septembre 2009, en Angleterre, une expérience a été menée en supprimant les feux de signalisation à un carrefour : les embouteillages ont été quasiment supprimés et les automobilistes sont globalement plus attentifs aux piétons car moins obnubilés par les feux[6].

Explications

Réduire la signalisation pour réduire les accidents peut paraître étonnant à première vue. Néanmoins cette méthode fonctionne de façon bien plus efficace que la réglementation pour une raison majeure : en responsabilisant les usagers, on accroît leur vigilance ; ainsi, s'il y a un feu de signalisation, l'usager passant par inadvertance ou empressement au rouge créera probablement un accident car les usagers ne s'attendront pas à le voir arriver. En l'absence de feu, un usager qui ne respecterait pas la priorité sera évité des autres usagers, attentifs. Par ailleurs, le fait que des usagers doivent attendre inutilement à un feu rouge peut générer en eux de la colère et de l'anxiété.

Point de vue libéral

Le concept de route nue est intéressant d'un point de vue libéral car ses résultats montrent que les individus laissés libres et responsables agissent avec de biens meilleurs résultats que s'ils sont excessivement encadrés par de nombreux panneaux et interdictions. En ce sens, c'est une illustration pratique de la supériorité de la liberté par rapport à la contrainte. L'État se contente de fournir un cadre simple dans lequel les acteurs économiques évoluent, en supportant les responsabilités de leurs propres actes, de même que dans une société libérale.

Comme le revendique explicitement Hans Monderman, il s'agit donc de rendre leur liberté aux usagers de la route, et de mettre fin à une sur-réglementation qui « nous fait perdre notre capacité à avoir un comportement socialement responsable » pour faire des individus des personnes libres et responsables[1]. Et cette attitude est la plus efficace, en termes de vies humaines sauvées. Comme le dit Matthias Schulz du Spiegel, « unsafe is safe ! ».

Citations

  • « Nous ne devrions pas nous sentir totalement en sécurité lorsque nous sommes sur la route, parce que ça n’est pas vraiment sans danger. C’est pourquoi les routes sans signalisation sont plus sûres, précisément parce que les gens sont vigilants face au risque d’accident : ils surveillent le comportement des autres ; les conducteurs attendent d’avoir croisé le regard des autres automobilistes avant de s’élancer ; les piétons font attention à la circulation autour d’eux, et les voitures font attention à eux également. Donc parce que les gens se sentent moins en sécurité, ils ne relâchent pas leur vigilance, ce qui les incite à prendre moins de risques, ce qui rend finalement le système plus sûr. Les feux rouges et les panneaux de signalisations partent d’une bonne intention, mais en nous encourageant insidieusement à baisser la garde, ils modifient l’algorithme fondamental qui règle notre comportement individuel. Ceci se traduit par un effet pervers au niveau global. » (Dylan Grice, traduction Stéphane Couvreur/Institut Coppet[7])

Notes et références

  1. 1,0 1,1 et 1,2 (en)European Cities Do Away with Traffic Signs, Spiegel Online, 16 novembre 2006
  2. (en)The case against traffic lights, BBC, 4 janvier 2008
  3. (en)The naked streets, BBC, 31 janvier 2005
  4. Toutes les routes seront nues ?, Agoravox, 21 décembre 2006
  5. (en)Walkers first on naked road, The Sydney Morning Herald, 18 octobre 2007
  6. (en)"Ni Lights, No Traffic", vidéo BBC maniac films, Rocketboom, octobre 2010, anciennement accessible à rocketboom.com/traffic-lights/
  7. L’illusion de la sécurité : feux rouges, ruches d’abeilles et réglementation défaillante, 8 août 2012, Institut Coppet

Voir aussi

Liens externes

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