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Carrie Kerekes
Carrie B. Kerekes (née Carrie B. Lee) est une économiste américaine, professeure à la Florida State University. Titulaire d’un doctorat (Ph.D.) en économie de l’Université de West Virginia (2008), elle s’est spécialisée dans l’étude des droits de propriété, des institutions et du développement économique. Ses travaux, souvent menés avec Claudia Williamson, explorent la manière dont des systèmes juridiques et sociaux peuvent émerger sans intervention étatique, notamment à travers l’exemple de l’Islande médiévale.
Formation et parcours académique
Carrie Kerekes a accompli l’ensemble de son parcours universitaire à la West Virginia University. Elle y a obtenu un premier diplôme universitaire (B.S.) en économie, avec une mineure en espagnol (Magna Cum Laude, 2003), ensuite un master (M.A. en économie : 2006), puis un doctorat (Ph.D.= en économie (2008), avec une thèse consacrée aux droits de propriété, au développement et à l’environnement.
Durant ses années doctorales, elle a exercé comme assistante de recherche et d’enseignement (2003-2007) et a obtenue une bourse de recherche Charles G. Koch Doctoral en 2007-2008. Sa carrière académique s’est ouverte à la Florida Gulf Coast University, où elle a été professeure assistante (2008-2014), puis professeure associée (2014-2018). Depuis 2018, elle est professeure associée au sein du département d'économie de la Florida State University.
Ses travaux et son engagement pédagogique ont été salués à plusieurs reprises. Elle a reçu le Best Research Paper Award en 2012 et le Vickers Doctoral Student Teaching Award en 2007. Elle a également bénéficié de bourses prestigieuses, notamment celles de l’Earhart Foundation et de la Koch Foundation. Enfin, ses étudiants l’ont distinguée en lui attribuant les titres d’Inspirational Faculty Member (2017) et d’Advisor of the Year (2013).
Domaines de recherche
Les recherches de Carrie Kerekes se concentrent sur les institutions et leur rôle dans le développement économique. Son apport principal est d’avoir distingué les institutions formelles (lois, constitutions, tribunaux) et les institutions informelles (normes sociales, culture, confiance), et d’avoir montré que ces dernières jouent un rôle déterminant dans la sécurité des droits de propriété. Dans Securing Private Property: Formal versus Informal Institutions, coécrit avec Claudia Williamson, elle démontre empiriquement que « lorsque les contraintes informelles sont prises en compte, les institutions politiques formelles perdent toute signification statistique »[1] pour expliquer la protection de la propriété. Cette conclusion souligne l’importance des mécanismes sociaux et culturels dans la stabilité économique.
Un deuxième axe de ses travaux porte sur le développement économique et la croissance. Dans Unveiling de Soto’s Mystery, elle revient sur la thèse d’Hernando de Soto, selon laquelle la titrisation foncière favoriserait l’accès au crédit et l’investissement. En s’appuyant sur des données comparatives, les auteures montrent que la simple délivrance de titres de propriété par l’État ne suffit pas à générer les effets attendus. Elles concluent que le capital économique se développe véritablement lorsque les titres s’inscrivent dans un cadre institutionnel plus large, combinant les règles formelles et le soutien informel des communautés[2].
La question de l’expropriation (eminent domain) et de la fiscalité publique constitue un troisième champ d’étude. Dans Government Takings: Determinants of Eminent Domain[3], Carrie Kerekes analyse les facteurs qui influencent la propension des gouvernements à recourir à l’expropriation. Puis, dans Takings and Tax Revenue: Fiscal Impacts of Eminent Domain[4], elle met en évidence que l’usage extensif du pouvoir d’expropriation peut accroître les recettes fiscales locales, mais au prix de distorsions économiques et d’une réduction des incitations à investir.
Un autre domaine de ses recherches concerne le lien entre les droits de propriété et la qualité environnementale. Dans Property Rights and Environmental Quality: A Cross-Country Study, elle montre, à partir d’un échantillon international, que les pays où les droits de propriété sont mieux protégés présentent une qualité environnementale plus élevée. L’étude souligne que « des droits de propriété sûrs incitent les individus à adopter une gestion durable des ressources »[5], en renforçant la responsabilité individuelle et la prévisibilité des comportements.
Enfin, Carrie Kerekes s’inscrit dans le champ de l’analyse économique du droit, en étudiant des cas d’ordres juridiques sans État, pour comprendre comment des structures sociales privées peuvent assurer la justice, la coopération et la régulation en dehors des cadres institutionnels étatiques. L’exemple le plus emblématique est celui de l’Islande médiévale (930–1262), étudié dans Discovering Law: Hayekian Competition in Medieval Iceland[6]. Elle y montre comment un ordre juridique fondé sur des assemblées locales (Things) et la concurrence entre les institutions privées de résolution des conflits a permis le maintien d’un système relativement stable sans appareil coercitif centralisé. Cet exemple illustre concrètement sa conviction que la coopération volontaire et les arrangements décentralisés peuvent suppléer l’État dans certaines fonctions de régulation.
Contributions théoriques
L’originalité des travaux de Carrie Kerekes réside dans l’articulation entre l’économie institutionnelle contemporaine et la pensée de l'école autrichienne, en particulier celle de Friedrich Hayek. Elle applique la théorie hayékienne de la concurrence comme processus de découverte au domaine du droit, en montrant que les règles juridiques, tout comme les prix sur les marchés, peuvent émerger d’interactions décentralisées entre individus et permettent de révéler des informations dispersées. Dans Discovering Law: Hayekian Competition in Medieval Iceland[7], elle illustre cette idée en étudiant l’Islande médiévale, où un ordre juridique stable s’est constitué sans État centralisé, grâce à une pluralité d’institutions privées de règlement des conflits. Cet exemple vient confirmer l’intuition hayékienne selon laquelle « la concurrence est un processus de découverte »[8], capable de générer un ordre spontané. Les interactions sociales et les arrangements contractuels peuvent faire émerger des règles juridiques adaptées sans intervention centralisée.
Un second apport théorique majeur concerne l’analyse de l’émergence spontanée des institutions. Dans Securing Private Property: Formal versus Informal Institutions[9], Kerekes et Williamson montrent que la sécurité des droits de propriété dépend avant tout de mécanismes informels (culture, normes sociales, confiance) et non uniquement des règles codifiées par l’État. Elles concluent que « les institutions informelles supplantent les institutions formelles dans l’explication de la sécurité des droits de propriété »[10]. Ce résultat remet en cause la vision dominante selon laquelle le développement passe nécessairement par la mise en place d’institutions politiques formelles.
Cette réflexion l’amène à développer une approche qui met en évidence la complémentarité et les limites des institutions formelles et informelles. Ses recherches sur la titrisation foncière au Pérou, publiées dans Propertyless in Peru, Even with a Government Land Title[11], montrent que l’octroi de titres officiels ne suffit pas à sécuriser la propriété ni à améliorer l’accès au crédit, en l’absence de réseaux sociaux et culturels solides pour faire respecter ces droits. En ce sens, elle souligne que les institutions formelles ne sont efficaces que lorsqu’elles s’appuient sur un socle institutionnel informel déjà reconnu et accepté. Carrie Kerekes propose une lecture originale qui rapproche l’héritage intellectuel de Friedrich Hayek] et de Ludwig von Mises des approches contemporaines de l’économie institutionnelle. Cette articulation permet d’analyser les mécanismes par lesquels la sécurité des droits de propriété et la stabilité des règles favorisent l’investissement, la coopération et la croissance.
Enfin, l’ensemble de ses travaux nourrit une réflexion critique sur le rôle de l’État. Loin d’être l’unique garant de la stabilité économique et juridique, l’État apparaît, dans ses recherches, comme une instance dont les interventions peuvent être limitées ou contre-productives si elles ignorent la réalité des institutions sociales endogènes. À travers l’étude de contextes variés, de l’Islande médiévale au Pérou contemporain, Kerekes met en évidence que les accords volontaires et les mécanismes décentralisés peuvent parfois offrir des garanties plus solides que la contrainte publique. Cette perspective s’inscrit dans une tradition libertarienne qui valorise l’initiative individuelle et les arrangements sociaux spontanés.
Informations complémentaires
Notes et références
- ↑ Journal of Law & Economics, 2011, p571
- ↑ Journal of Institutional Economics, 2008, pp300-305
- ↑ American Law and Economics Review, 2011
- ↑ Review of Law & Economics, 2016, avec Dean Stansel
- ↑ Cato Journal, 2011, p336
- ↑ Griffith Law Review, 2013
- ↑ Griffith Law Review, 2013, avec Claudia Williamson
- ↑ Friedrich Hayek, 1968
- ↑ Journal of Law & Economics, 2011
- ↑ Williamson & Kerekes, 2011, p572
- ↑ American Journal of Economics and Sociology, 2010
Publications
- 2006, avec Claudia Williamson, “Is Codification of Informal Property Institutions Necessary for Economic Development?”, Journal for the New Europe, Vol 3, n°2, pp27-57
- 2007, avec Edward J. López, George D. Johnson, "Make Property Rights more secure: Limit Eminent Domain", In: Russell S. Sobel, dir., "Unleashing Capitalism: Why Prosperity Stops at the West Virginia Border and How to Fix It", Morgantown, WV: Center for Economic Growth, The Public Policy Foundation of West Virginia, pp99-116
- 2008, avec Claudia Williamson, "Unveiling de Soto’s Mystery: Property Rights, Capital Formation, and Economic Development", Journal of Institutional Economics, Vol 4, n°3, pp299-325
- 2010, avec Claudia Williamson, “Propertyless in Peru, Even With a Government Land Title”, American Journal of Economics and Sociology, Vol 69, n°3, pp1011-1033
- 2011, avec Claudia Williamson, "Securing Private Property: Formal versus Informal Institutions", Journal of Law and Economics, Vol 54, n°3, pp537-572
- 2016, avec Dean Stansel, "Takings and Tax Revenue: Fiscal Impacts of Eminent Domain", Review of Law & Economics, Vol 12, n°2, pp275-309
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