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Kristian Niemietz

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Kristian Niemietz (né en 1980 à Kaiserslautern, Allemagne) est un économiste installé au Royaume-Uni. Docteur en économie politique du King’s College London, il est directeur éditorial et responsable de l’économie politique à l’Institute of Economic Affairs, où il se spécialise dans la critique de l’État providence et la défense d’alternatives fondées sur les marchés et les solidarités volontaires.

Parcours et ancrage institutionnel

Kristian Niemietz voit le jour en 1980 à Kaiserslautern, une ville de Rhénanie-Palatinat en Allemagne. Très tôt, il s’oriente vers les sciences économiques, qu’il étudie à l’Université Humboldt de Berlin, puis à l’Université de Salamanque en Espagne. Son intérêt pour l’économie politique l’amène ensuite au Royaume-Uni, où il prépare et soutient un doctorat au King’s College London en 2013.

Sa carrière débute dans le milieu académique et dans des cercles de réflexion libéraux. Il collabore d’abord avec l’Institute for Free Enterprise à Berlin, avant de rejoindre en 2008 l’Institute of Economic Affairs (IEA), l’un des think tanks les plus influents de la tradition libérale au Royaume-Uni. Il y progresse rapidement : d’abord chercheur, puis senior fellow, il devient responsable des thématiques liées à la santé et à l'économie du bien-être. Aujourd’hui, il occupe la fonction de directeur éditorial et de responsable de l’économie politique au sein de l’IEA.

Critique générale de l’État providence

Au cœur de la pensée de Kristian Niemietz se trouve une critique systématique de l’État providence. Conçu à l’origine pour répondre aux besoins des plus vulnérables (les pauvres, les malades, les chômeurs ou les personnes âgées), il avait pour ambition de réduire les inégalités et de protéger les individus contre les aléas de la vie. Mais selon Niemietz, cette promesse n’a pas été tenue : loin de constituer un remède, l’État providence est devenu une source de problèmes nouveaux, qui pèsent à la fois sur l’économie et sur la société.

Il souligne d’abord l’ampleur du coût financier. Dans la plupart des pays occidentaux, les systèmes publics de protection sociale représentent près de la moitié des dépenses de l’État. Ce poids budgétaire alimente une fiscalité lourde, qui freine l’activité économique et rogne le pouvoir d’achat. Mais au-delà des chiffres, Niemietz insiste sur un paradoxe : malgré cette mobilisation massive de ressources, les résultats sont médiocres. Les services publics, en particulier dans le domaine de la santé et des retraites, peinent à répondre aux attentes des citoyens, qui se trouvent souvent insatisfaits de la qualité des prestations.

Plus encore, l’État providence crée ce que Niemietz appelle des « trappes » à pauvreté. Les aides, censées protéger, finissent par désinciter à travailler, à épargner ou à se former. Dès lors, le filet de sécurité se transforme en toile d’araignée : au lieu de libérer, il retient. Cette dépendance prolongée à l’égard des allocations nourrit une culture de l’assistance, qui affaiblit les comportements vertueux et mine l’autonomie individuelle.

À cette critique s’ajoute, selon Niemietz, une tendance paternaliste : l’État providence ne se limite pas à redistribuer des ressources, il prétend aussi savoir mieux que les individus eux-mêmes ce qui est bon pour leur bien-être. Cette logique, que l’on retrouve dans certaines politiques inspirées de l’« économie du bonheur » ou dans les propositions de réduction imposée du temps de travail, illustre à ses yeux une dérive autoritaire sous couvert de bienveillance.

Ainsi, dans la perspective de Niemietz, l’État providence n’est pas seulement inefficace, il est aussi contre-productif. Il prétend combattre la pauvreté, mais il l’entretient ; il veut corriger les inégalités, mais il enferme une partie de la population dans une logique de dépendance. Plus largement, il restreint la liberté individuelle en imposant des choix de vie standardisés. C’est pourquoi il plaide pour un réexamen en profondeur de ce modèle, afin de repenser les mécanismes de solidarité sur des bases plus durables et plus respectueuses de la liberté individuelle.

Le piège de la pauvreté et les incitations économiques

Pour Kristian Niemietz, l’un des effets les plus délétères de l’État providence réside dans ce qu’il nomme le « piège de la pauvreté ». Loin d’encourager l’effort et la mobilité sociale, les systèmes publics d’aide enferment de nombreux bénéficiaires dans une dépendance de long terme. L’image qu’il emploie est parlante : le filet de sécurité censé protéger ressemble davantage à une toile d’araignée, dans laquelle les individus s’empêtrent au lieu d’être soutenus.

Niemietz observe que dans plusieurs pays occidentaux, une part importante de la population en âge de travailler vit depuis des années des allocations de chômage ou d’inactivité. Dans certains quartiers populaires, qu’il s’agisse de Hackney à Londres, de Neukölln à Berlin ou de Clichy-sous-Bois en région parisienne, il voit se dessiner une « société parallèle ». Les habitants y partagent bien les lois de la gravité avec le reste du monde, mais pas les règles économiques et sociales ordinaires. Là où le travail, l’épargne, la formation ou les réseaux sociaux sont normalement des moyens de progresser, ces mêmes comportements sont pénalisés par le système d’allocations : le moindre revenu supplémentaire entraîne la suppression d’aides, et la cohabitation avec un partenaire peut suffire à priver un foyer de ses prestations.

Dans ce contexte, sortir de l’emploi est devenu relativement aisé, mais y revenir constitue un véritable parcours d’obstacles. Les allocations, souvent proches du salaire de certains emplois peu qualifiés, réduisent l’incitation à reprendre une activité. De surcroît, des barrières réglementaires – comme le salaire minimum ou des charges excessives – rendent l’embauche risquée et coûteuse pour les employeurs. Quant aux travailleurs qui voudraient se lancer à leur compte, ils se heurtent à une fiscalité lourde et à des règles contraignantes qui freinent l’esprit d’initiative.

À ces contraintes s’ajoute, selon Niemietz, une vision erronée du marché du travail entretenue par certains courants intellectuels : l’idée que l’emploi serait une quantité fixe à partager entre les individus. C’est sur cette base que des propositions comme la semaine de 21 heures ont été formulées. Niemietz rejette ce raisonnement, soulignant que la réduction artificielle du temps de travail détruit de la productivité et accroît les frictions, sans créer durablement d’emplois.

Ainsi, ce que Niemietz dénonce, ce n’est pas seulement l’inefficacité financière du welfare state, mais surtout son effet corrosif sur les comportements. En décourageant le travail, l’épargne et la responsabilité, il altère la dynamique sociale et entretient la dépendance. De plus, en promouvant des réformes paternalistes qui prétendent « protéger » les individus contre leurs propres choix, l’État accentue encore ce cercle vicieux. Pour lui, c’est là l’une des preuves les plus éclatantes que l’État providence, loin d’émanciper, enferme.

Vieillesse et retraites : le modèle chilien

L’un des domaines de prédilection de Kristian Niemietz est la question des retraites et de la prévoyance vieillesse. Dans son texte From Bismarck to Friedman (2007), il analyse en détail la réforme chilienne de 1981, qui a remplacé un système public par répartition par un système de capitalisation privée.

Ce basculement, selon lui, illustre les bénéfices potentiels d’une telle réforme. Les rendements financiers se sont révélés très élevés, avoisinant 10 % par an en moyenne, tandis que le taux d’épargne nationale a fortement progressé, passant d’environ 12 % dans les années 1970 à plus de 20 % dans les années 1990. Les fonds de pension ont contribué à dynamiser les marchés financiers, en finançant l’investissement de long terme et en favorisant une meilleure allocation du capital. Ils ont également renforcé la stabilité macroéconomique en diversifiant les portefeuilles et en créant une base d’investisseurs institutionnels puissants.

Au-delà des aspects financiers, Niemietz souligne aussi les effets positifs sur le marché du travail. Dans un système par répartition, les cotisations sociales fonctionnent comme un impôt sur le travail, ce qui freine l’embauche et incite à l’économie informelle. Dans le modèle chilien, au contraire, chaque cotisation alimente un compte individuel, établissant un lien direct entre effort et revenu différé. Résultat : une augmentation de l’emploi formel et une incitation accrue à participer au marché du travail.

Cependant, Niemietz ne nie pas les limites du modèle. Les frais de gestion des fonds sont élevés, la couverture reste incomplète dans le secteur informel, et de nombreux travailleurs manquent de littératie financière pour comprendre et optimiser leurs choix de placement. Il critique aussi une réglementation trop rigide, qui empêche les gestionnaires de fonds de diversifier leurs activités et de proposer des solutions intégrées.

Pour répondre à ces limites, Niemietz propose de développer des “supermarchés financiers” ou “welfare supermarkets”, capables d’offrir simultanément des produits de retraite, d’assurance santé et de protection contre le chômage. L’idée est de créer des plateformes concurrentielles et diversifiées, qui permettent aux individus de composer eux-mêmes leur protection sociale selon leurs besoins et préférences.

Ainsi, l’exemple chilien illustre pour Niemietz une orientation possible : sortir les retraites de la sphère politique, afin de favoriser l’épargne, l’investissement et la liberté de choix. En privant les gouvernements de la possibilité d’utiliser les pensions comme outil électoral ou redistributif, un tel modèle renforcerait la responsabilité individuelle et la stabilité économique à long terme.

Santé et protection sociale

La critique de Kristian Niemietz s’applique aussi au domaine de la santé. Il considère que les systèmes publics centralisés, comme le National Health Service (NHS) britannique, souffrent d’inefficacités chroniques : des listes d’attente interminables, un rationnement implicite des soins et une interdiction de certaines innovations médicales. Pour lui, ces défauts ne sont pas accidentels mais structurels, car un monopole étatique ne peut ni s’adapter rapidement aux besoins des patients ni encourager l’innovation.

Face à ce constat, Niemietz plaide pour un système pluraliste et concurrentiel. Les patients devraient être considérés comme des clients, capables de choisir entre différents prestataires de soins. La concurrence, selon lui, permettrait d’améliorer la qualité, de réduire les coûts et d’accélérer l’accès aux traitements. Elle ouvrirait aussi la voie à une diversité de philosophies médicales et de pratiques, du secteur lucratif aux organisations à but non lucratif.

Il insiste également sur le rôle des assurances privées, mutuelles et associations caritatives. Dans un tel système, chacun pourrait souscrire une couverture adaptée à ses besoins, tandis que des organisations volontaires offriraient un soutien personnalisé aux plus vulnérables. Avant l’expansion de l’État providence, rappelle Niemietz, des sociétés fraternelles, des syndicats et des hôpitaux caritatifs jouaient déjà ce rôle avec efficacité, jusqu’à ce que la centralisation publique marginalise ces initiatives.

Les incitations individuelles occuperaient aussi une place centrale. Dans le modèle qu’il défend, les comportements de santé (alimentation, exercice physique, tabagisme) se traduiraient directement dans le coût des primes d’assurance. Au lieu de campagnes moralisatrices ou de taxes comportementales, ce seraient les mécanismes du marché qui encourageraient les choix bénéfiques.

Ainsi, Niemietz ne rejette pas la solidarité en matière de santé, mais il refuse qu’elle soit organisée exclusivement par l’État. Il envisage un écosystème concurrentiel et diversifié, où les assurances privées, les associations volontaires et la philanthropie coexisteraient, permettant à la fois efficacité économique et personnalisation de l’aide.

Utopies socio-économiques et débats contemporains

Au-delà de sa critique de l’État providence traditionnel, Kristian Niemietz s’attaque également aux nouvelles utopies socio-économiques qui circulent dans le débat public. Celles-ci prétendent offrir des solutions innovantes aux défis contemporains, mais il les considère comme des impasses, marquées par le paternalisme et des fondements économiques fragiles.

Un exemple central est sa réfutation du rapport de la New Economics Foundation (NEF), qui proposait de réduire la semaine de travail à 21 heures. Selon Niemietz, une telle mesure repose sur une vision fausse du marché du travail, comme s’il s’agissait d’un volume fixe à partager entre tous. Or, l’expérience montre que les réductions imposées d’horaires nuisent à la productivité et aggravent les frictions, sans créer durablement d’emplois. Il cite à cet égard des cas comme la France, l’Allemagne ou les Pays-Bas, où les politiques de réduction du temps de travail ont eu des effets limités ou contre-productifs.

Sur le plan du bien-être, Niemietz critique la logique paternaliste de l’« économie du bonheur ». Celle-ci suppose que la consommation n’apporte pas un gain durable de satisfaction et qu’il faudrait réduire artificiellement les revenus pour contraindre les individus à mener des vies plus équilibrées. Pour Niemietz, cette approche revient à nier l’autonomie individuelle et à imposer des préférences collectives sous couvert de bienveillance.

Il reconnaît que la réduction des heures de travail pourrait avoir un effet sur la baisse des émissions de carbone, mais il souligne que cet objectif serait atteint par une contraction générale de l’activité économique, indifférente aux secteurs, qu’ils soient polluants ou « verts ». Ce coût exorbitant, selon lui, rend la mesure inefficace comparée à des politiques environnementales ciblées et fondées sur l’innovation.

Plus largement, Niemietz voit dans ces projets un prolongement des idéologies utopiques qu’il a déjà étudiées dans ses travaux sur le socialisme. Qu’il s’agisse de la décroissance, de la réduction radicale du temps de travail ou de la remise en cause de la consommation, toutes partagent selon lui le même défaut : vouloir remodeler les comportements humains par le haut, au prix de la liberté individuelle et de la prospérité économique.

Il plaide au contraire pour que ces choix restent du domaine privé : l’arbitrage entre consommation et loisirs doit être laissé aux individus, et non fixé par des ingénieurs sociaux. L’État, plutôt que d’imposer une vision unique du bonheur, devrait se limiter à garantir un cadre propice à la croissance, à la productivité et à la diversité des modes de vie.

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