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Monopole naturel

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On nomme monopole naturel, un secteur d'activité économique qui se caractérise par des rendements strictement croissants (le coût de production de la dernière unité est inférieur à celui de toutes les précédentes) et par conséquent par des coûts moyens strictement décroissants (le coût moyen diminue avec le volume de production) et pour lesquels un opérateur unique est nécessairement plus performant que plusieurs opérateurs. Il s'agit en général d'activités dont les coûts d'investissement (coûts fixes) sont si élevés qu'il ne serait pas viable de les multiplier pour permettre l'introduction de la concurrence. Un exemple souvent présenté : le tunnel sous la Manche ou la distribution de l'eau potable.

La réglementation publique du monopole naturel

L'existence de coûts moyens décroissants interdit l'application des règles économiques de la concurrence pure et parfaite et de la tarification au coût marginal. Des règles spécifiques ont été développées, en particulier par Marcel Boiteux, ancien président d'EDF.

Les exemples de monopoles naturels donnés généralement sont ceux des réseaux d'infrastructure : réseau ferroviaire, réseau routier et autoroutier, réseau de distribution d'eau, de gaz, d'électricité, ports, aéroports, …

Cette situation pourrait donner un pouvoir exorbitant à l'entreprise exploitante. Cela justifie selon les collectivistes l'intervention des pouvoirs publics, qui peut prendre diverses formes : exploitation publique, nationalisation, ou contrôle étroit de la gestion privée par l'intermédiaire d'un régulateur ou d'une autorité ad-hoc (à travers par exemple une délégation de service public). À noter que ce pouvoir de l'État peut devenir une source de surcoût pour l'utilisateur (licences d'exploitation), de corruption (attribution des concessions) et que, dans certains cas où l'État exerce lui-même le monopole par le biais d'entités publiques, c'est lui-même ou ces entités et leur personnel qui se retrouvent détenir ce pouvoir important. Il est donc essentiel que leurs responsabilités et pouvoirs soient clairement définis et que les citoyens et leurs représentants disposent de moyens de contrôle précis pour que ces entités remplissent efficacement leur mission.

Lorsqu'il est possible de dissocier techniquement la gestion de l'infrastructure de celle des services rendus au client final, les tenants de la théorie libérale appliquée à l'économie (c'est notamment le cas de la politique suivie par l'Union Européenne) pensent qu'il est possible de maintenir la première dans le cadre d'un monopole contrôlé et d'organiser la concurrence dans les services.

Critique de l'école autrichienne

La plupart des auteurs de l'école autrichienne d'économie remettent en cause l'existence de monopoles naturels en économie.

Pour Friedrich Hayek, il ne peut y avoir de monopole que parce qu'il y a règlementation c'est-à-dire intervention de l'État.

Selon Thomas DiLorenzo[1], le monopole naturel est a-historique, car il n'existe aucune preuve dans l'histoire de son existence. Tous les monopoles qui ont pu perdurer jusqu'à aujourd'hui (télévision, téléphone, chemin de fer…) sont ceux qui ont bénéficié du soutien étatique. Il reproche aux économistes des années 1920 d'utiliser le scientisme pour concevoir une théorie d'ingénierie de la concurrence qui catalogue les industries en fonction des rendements constants, croissants et décroissants. Cette vue veut nous faire croire, dit-il que les relations d'ingénierie déterminent la structure du marché, et par conséquent la concurrence.

De nombreux autres libéraux nient la réalité du « monopole naturel » :

«  On ne peut empêcher l'émergence d'un concurrent dans un secteur donné si ce n'est par la loi. Autrement dit, il n'y a pas de monopole naturel. Seule la règlementation permet d'imposer une structure de marché. Il n'y a de monopoles que ceux issus des privilèges accordés par le prince. »
    — Jean-Louis Caccomo, Quelques réflexions sur la liberté, l'État et la société

«  On parle aussi des fameux monopoles naturels : les situations où les techniques sont telles qu’on ne peut produire qu’à une grande échelle pour avoir un niveau de production optimal. Si on ne peut avoir qu’un seul producteur sur le marché, il y a le risque d’exploitation du consommateur. Cette théorie du monopole naturel est une pseudo-théorie, une théorie alibi qui est extrêmement dangereuse. […] Dire qu’il y a monopole naturel c’est prétendre qu’il y a une technique et UNE SEULE pour produire un bien. »
    — Pascal Salin, La concurrence dans l'optique autrichienne

La théorie du « monopole naturel » est également un argument d'autorité souvent invoqué par les technocrates pour justifier le service public « à la française » : il serait ainsi possible de gérer une entreprise publique en position de monopole naturel tout en respectant les exigences de l’efficience économique et de l’intérêt général.

«  Face à cette énorme prétention intellectuelle, il est évidemment bien tentant d’évoquer les milliards de déficit accumulés par la SNCF, par France Télécom, par Air France. D’évoquer aussi l’énorme excédent de capacité de production du parc nucléaire. Voilà plus d’une dizaine d’années qu’EDF se trompe pratiquement systématiquement dans ses projections de croissance de sa demande. […] Mais lorsque la concurrence peut s’exprimer on constate que nos monopoles publics ne sont pas compétitifs. L’exemple d’Air France est à ce titre particulièrement éloquent. Dès que le monopole ne peut plus se contenter d’affirmer sa supériorité et qu’il doit la prouver, ses handicaps intrinsèques d’efficacité apparaissent au grand jour. »
    — Henri Lepage, Le service public à la française[2]

S'il y avait réellement des monopoles naturels (en raison par exemple d'économies d'échelle), alors ces monopoles ne devraient pas craindre la concurrence privée et n'auraient pas besoin d'une protection spéciale. La protection légale de tels monopoles se fait au détriment du public, qui subit des prix plus élevés, le monopoleur n'étant pas contraint par la concurrence à être plus innovant et plus productif.

L'explication d'Henri Lepage est que les théories du « monopole naturel » ne sont que des « rationalisations ex-post inventées pour apporter un alibi scientifique à des états de fait existants ». La réalité est la « capture du pouvoir de régulation par une industrie devenue adulte et soucieuse de mettre définitivement ses positions acquises à l'abri de toute compétition », le pouvoir fournissant d'autres prétextes tels que la défense des plus faibles ou la sécurité des usagers :

«  Dès qu'une industrie apparaît dans un marché contrôlé par la puissance publique (nécessité d'une autorisation, appel à l'aide financière de l’État, soutien de ventes privilégiées), elle se trouve prise dans un engrenage quasiment inéluctable de centralisation et d'étatisation. Les chemins de fer et l'aéronautique en sont deux exemples. Notre conviction est que l'électricité en est un troisième. »
    — Henri Lepage

Informations complémentaires

Notes et références

  1. Sources : Thomas DiLorenzo, 1996, The myth of Natural Monopoly, The review of Austrian economics, vol 9, n°2, pp43-58 ; Thomas DiLorenzo et alii, 1995, Is It Time to Privatize the Postal Service?, Cato Policy Report, septembre/octobre.
  2. Voir aussi Henri Lepage, Le réseau électrique : un "monopole naturel" condamné

Bibliographie

  • 1982, William W. Sharkey. "The theory of natural monopoly", Cambridge : Cambridge University Press. (ISBN 978-0-521-24394-0) [lire en ligne]
  • 1985,
    • Thomas W. Hazlett, "The Curious Evolution of Natural Monopoly Theory", In: Robert W. Poole, dir., "Unnatural Monopolies: The Case for Deregulating Public Utilities", Lexington, Mass.: Lexington Books
    • Thomas W. Hazlett, "Private Contracting versus Public Regulation as a Solution to the Natural Monopoly Problem", In: Robert W. Poole, dir., "Unnatural Monopolies: The Case for Deregulating Public Utilities", Lexington, Mass.: Lexington Books
    • Robert W. Poole, dir., "Unnatural Monopolies: The Case for Deregulating Public Utilities", Lexington, Mass.: Lexington Books
  • 1999, Richard Posner, "Natural Monopoly and Its Regulation", Washington DC, Cato Institute

Liens externes


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