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Allan C. Carlson

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Allan C. Carlson, né en 1949 à Des Moines (Iowa), est un historien et intellectuel paléoconservateur américain. Docteur en histoire européenne (Ohio State University), il a enseigné notamment au Hillsdale College dans le Michigan et à l’Oriel College d’Oxford. Président du Howard Center for Family, Religion & Society et secrétaire international du Congrès mondial des familles, il est aussi rédacteur en chef de la revue The Family in America. Ses travaux portent sur la famille, la démographie, la politique sociale et l’agrarisme, qu’il défend comme socle d’une société décentralisée et enracinée.

Présentation et héritage intellectuel

Allan Carlson appartient à cette génération d’intellectuels conservateurs américains qui ont fait de la famille le cœur de leur réflexion politique et sociale. Historien de formation, il a obtenu son diplôme universitaire (BA) à l'Augustana College puis son doctorat en histoire européenne à l’Ohio State University avant d’enseigner dans plusieurs institutions prestigieuses. Il fut membre du Conseil luthérien au Bureau des affaires du gouvernement de 1975 à 1978. En 1979, il devient professeur et assistant à la présidence au Gettysburg College. Il a rejoint l'Institut Rockford en 1981, où il resta comme président jusqu'à ce qu'il rejoigne John A. Howard, en 1997, afin de former le centre Howard. En 2003, il entre à la faculté de l'Oriel College, à Oxford.

Très tôt, il s’est engagé dans le débat public : président de l’Institut Rockford dans les années 1980, il a ensuite fondé en 1997 le Howard Center for Family, Religion & Society, qu’il a dirigé tout en assurant la rédaction en chef de la revue The Family in America. Parallèlement, il a exercé une influence internationale en tant que secrétaire du Congrès mondial des familles.

Sur le plan intellectuel, Carlson s’inscrit dans la continuité de la « Old Right », un courant paléoconservateur attaché à la décentralisation, à l’autonomie des communautés locales et à une vision républicaine enracinée dans l’expérience américaine du XVIIIᵉ et du XIXᵉ siècle. Proche des agrariens du Midwest et en dialogue avec des penseurs comme Russell Kirk, Richard Weaver ou Murray Rothbard, il développe une pensée qui oppose la vitalité de la famille à l’expansion bureaucratique et centralisatrice de l’État moderne.

Son apport principal réside dans une redéfinition du rôle de la famille dans la société contemporaine : il en fait non seulement le cadre de l’éducation et de la transmission culturelle, mais aussi le véritable bastion de résistance face aux dérives de la modernité politique et économique. Il plaide en faveur de l’éducation à domicile, qu’il considère comme un outil de liberté, et défend le principe du salaire familial comme moyen de rétablir un équilibre dans la répartition des rôles au sein du foyer. Ses recherches sur la démographie, notamment sur le baby-boom et la forte fécondité des familles catholiques, ainsi que ses critiques du féminisme et de l’individualisme moderne, prolongent cette réflexion.

Figure centrale des débats conservateurs sur la famille aux États-Unis, Carlson a su donner une dimension internationale à ses idées, en proposant des alternatives culturelles et politiques centrées sur la vie communautaire, la solidarité intergénérationnelle et le retour à une économie à taille humaine. Son héritage demeure celui d’un intellectuel engagé qui a cherché à réconcilier la tradition et la modernité par le prisme de la famille.

Ses articles et ses ouvrages portent sur les causes du déclin de la population, en s'interrogeant sur les effets de la fiscalité, de la réglementation, du poids de l'État sur la taille et le bien-être de la famille. Il a étudié les conséquences pour mettre en œuvre un salaire familial aux États-Unis. Il a observé que l'origine du baby-boom qui a suivi la Seconde Guerre mondiale était en grande partie un phénomène catholique. Bien que la fécondité ait augmenté pour tous les groupes religieux en Amérique, elle a augmenté plus rapidement et les taux furent les plus élevés chez les catholiques. Les taux de fécondité dans le mariage pour les non-catholiques en moyenne étaient de 3,15 enfants par femme au début des années 1950 et de 3,14 au début des années 1960. Pour les catholiques, les chiffres étaient respectivement de 3,54 et de 4,25.

Politique démographique et questions sociales

Au-delà de sa réflexion sur la famille comme cellule de base de la société, Allan Carlson a consacré une large part de ses recherches à la question démographique. Pour lui, le déclin de la population dans les sociétés occidentales ne relève pas d’un hasard biologique, mais bien de causes structurelles qu’il s’agit de comprendre. Les choix économiques, les réformes fiscales, les mutations culturelles et l’idéologie individualiste ont, selon lui, profondément modifié les comportements familiaux et contribué à la baisse de la natalité.

Dans Family Questions: Reflections on the American Social Crisis (1988), il met en évidence l’effet délétère de la fiscalité et des politiques sociales sur la vitalité démographique. Les systèmes qui favorisent l’individu isolé plutôt que le foyer, qui encouragent le double revenu au détriment de la stabilité domestique, ou encore qui imposent des charges lourdes aux familles nombreuses, participent à un affaiblissement durable de la natalité. Carlson insiste sur le fait que la démographie est inséparable des choix politiques et culturels : les lois, l’organisation du travail et la vision de la réussite personnelle façonnent directement les comportements reproductifs.

Son analyse du baby-boom d’après-guerre illustre cette conviction. Loin de voir dans ce phénomène une simple réaction naturelle à la fin des hostilités, Carlson y décèle un aspect profondément culturel et religieux. Selon ses recherches, la forte croissance démographique de l’après-1945 fut particulièrement marquée par la fécondité catholique. Alors que toutes les confessions connurent une hausse du nombre d’enfants, ce sont les familles catholiques qui, par leur conception de la vie familiale et leur résistance à l’individualisme croissant, contribuèrent le plus fortement à ce renouveau démographique. Cette observation lui permet de souligner le rôle central des convictions religieuses et des traditions communautaires dans les dynamiques de population.

Dans The Swedish Experiment in Family Politics (1990), Carlson élargit sa réflexion en étudiant le modèle scandinave. Il montre comment, en Suède, des réformes ambitieuses, menées par l'économiste Myrdal dans l’entre-deux-guerres, ont cherché à enrayer la crise démographique par des politiques familiales actives. Ce cas lui permet de poser une question plus large : une société moderne peut-elle, par des choix politiques délibérés, infléchir durablement ses trajectoires démographiques ? La réponse de Carlson reste nuancée : les politiques publiques peuvent soutenir les familles, mais elles ne peuvent remplacer les fondements culturels et spirituels qui rendent la natalité durablement élevée.

Ainsi, ses travaux démographiques articulent deux convictions majeures : d’une part, la démographie n’est jamais neutre mais profondément politique ; d’autre part, aucune politique familiale ne peut réussir sans une culture qui valorise la vie, la fécondité et la transmission.

La famille comme noyau de la société

Pour Allan Carlson, la famille n’est pas seulement une institution privée, mais bien la cellule fondamentale de l’ordre social et politique. Elle constitue le lieu premier de la transmission culturelle, de la solidarité entre générations et de l’éducation des enfants. En ce sens, elle ne saurait être réduite à une simple affaire de choix individuels : elle forme le socle sur lequel repose l’équilibre d’une communauté et la stabilité d’une nation.

C’est pourquoi Carlson s’élève contre la centralisation éducative, qu’il considère comme une dépossession des responsabilités naturelles des parents. Dans son essai From Cottage to Work Station...And Back Again (1996), il plaide pour le développement de l’instruction à domicile (home schooling), qu’il présente comme une voie de reconquête de l’autonomie familiale face aux appareils bureaucratiques et uniformisateurs de l’État. L’éducation, selon lui, doit rester enracinée dans le foyer, espace à la fois protecteur et fécond, capable d’offrir à l’enfant un apprentissage mieux adapté et plus fidèle aux valeurs familiales.

De cette conviction découle une réflexion économique. Carlson défend la mise en place d’un salaire familial, conçu comme un revenu suffisant pour permettre à l’un des parents, le plus souvent la mère dans son schéma, de se consacrer pleinement à l’éducation des enfants et à la vie domestique. Ce dispositif, déjà expérimenté dans certaines politiques sociales européennes, vise à reconnaître la valeur du travail non rémunéré accompli au sein du foyer et à rééquilibrer les rapports entre travail salarié et responsabilités familiales.

Enfin, il analyse avec minutie les effets de la fiscalité et de la réglementation sur la structure familiale. À ses yeux, de nombreuses mesures, loin de soutenir les familles, ont contribué à les fragiliser en incitant à l’individualisme économique et en pénalisant les foyers nombreux. Carlson montre ainsi comment l’ingénierie fiscale, alliée à l’idéologie égalitariste, a favorisé la désagrégation du foyer traditionnel au profit de formes de vie plus instables.

En replaçant la famille au centre des enjeux politiques, sociaux et économiques, Allan Carlson propose une lecture cohérente : sans un foyer solide et autonome, aucune société ne peut prétendre préserver sa liberté ni assurer la transmission de son héritage culturel.

Critique des idéologies modernes

Dans la continuité de ses travaux sur la famille et la démographie, Allan Carlson développe une critique frontale des idéologies modernes qu’il considère comme destructrices de l’ordre social. Au premier rang de ses préoccupations se trouve le féminisme, dont il analyse les effets sur la réorganisation des rôles familiaux et sur la place de la femme dans la société. Selon lui, loin d’avoir libéré les femmes, ce mouvement a souvent conduit à les déraciner de leur rôle central au sein du foyer, les exposant à une double charge, professionnelle et domestique, et fragilisant l’équilibre des familles. En valorisant systématiquement l’autonomie individuelle et l’égalité formelle, le féminisme aurait contribué à délégitimer le modèle du foyer stable et fécond.

À cette critique s’ajoute une méfiance profonde à l’égard de l’étatisme. Carlson voit dans l’expansion bureaucratique un danger constant pour la liberté des familles. L’État moderne, sous couvert de neutralité, tend selon lui à imposer des normes uniformes et à réduire la diversité des modes de vie. Les politiques éducatives centralisées, la fiscalité déséquilibrée ou encore la réglementation tatillonne participent toutes à une même logique : déplacer l’autorité et la responsabilité des parents vers les institutions publiques. Ce processus produit une dépendance accrue des individus à l’État, au détriment de la solidarité familiale et communautaire.

La centralisation scolaire constitue l’un des exemples les plus frappants de cette dérive. Carlson rappelle que la création d’un Département fédéral de l’Éducation aux États-Unis a longtemps été combattue par les conservateurs, qui y voyaient une menace pour la liberté des États et des familles. Or, non seulement cette bataille fut perdue, mais le mouvement conservateur institutionnel a fini par se rallier à des solutions intermédiaires, telles que les bons scolaires ou les écoles à charte. Carlson, lui, refuse ce compromis : il plaide pour un véritable retrait du système éducatif centralisé, affirmant que l’instruction à domicile représente une réponse cohérente et radicale face à l’emprise croissante de l’État.

Ainsi, sa critique des idéologies modernes se déploie en deux directions complémentaires : d’un côté, une dénonciation des courants intellectuels qui ont bouleversé la conception traditionnelle de la famille (comme le féminisme) ; de l’autre, une mise en garde contre l’étatisation et la bureaucratisation, qui minent l’autonomie domestique. Pour Carlson, c’est en restaurant la primauté du foyer sur les institutions publiques que la société pourra retrouver à la fois sa liberté et sa stabilité.

L’héritage de la « Old Right » et l’agrarisme

Allan Carlson s’inscrit pleinement dans la continuité intellectuelle de la « Old Right », ce courant conservateur américain né dans les années 1930 et 1940, hostile à la centralisation de l’État, à l’expansion de l’empire américain et à l’idéologie moderniste. Il partage avec ces penseurs, qu’il s’agisse de Richard Weaver, Russell Kirk, Samuel Francis ou encore Murray Rothbard, la conviction que la vitalité de la nation repose sur la préservation d’un tissu social organique, fondé sur la famille, la communauté locale et la continuité historique.

Dans cette perspective, Carlson défend un modèle agrarien qui valorise l’enracinement, la terre et la petite économie familiale. Contrairement à la logique industrielle et mondialisée qui tend à déraciner les individus, l’agrarisme met en avant une société à taille humaine, décentralisée, où la solidarité s’exprime dans des communautés stables et où la famille demeure une unité productive et non pas seulement consommatrice. Cette pensée rejoint l’idéal d’une « république ancienne », héritée du XVIIIᵉ siècle, où les citoyens trouvaient dans leur autonomie locale les conditions d’une véritable liberté politique.

Ses ouvrages tels que The New Agrarian Mind (2000) et son essai Agrarianism Reborn (2008) illustrent cette volonté de réhabiliter une vision oubliée mais encore féconde de l’organisation sociale. Carlson y montre que l’attrait pour le retour à la terre n’est pas un simple romantisme passéiste, mais une réponse possible aux crises de la modernité : éclatement des familles, déracinement culturel, dépendance aux institutions anonymes. Pour lui, l’agrarisme propose une voie de « troisième chemin » entre le capitalisme mondialisé et le socialisme bureaucratique, en misant sur l’autonomie domestique et la dignité du travail familial.

En se réclamant de cet héritage, Carlson ne cherche pas à restaurer un âge d’or disparu, mais à rappeler que la force d’une société ne se mesure pas seulement à sa puissance économique ou militaire. Elle se juge aussi à la solidité de ses foyers, à la vitalité de ses communautés locales et à la capacité de ses citoyens à vivre libres sans dépendre d’un État tentaculaire. La « Old Right » et l’agrarisme lui offrent ainsi une tradition intellectuelle et politique sur laquelle il appuie son plaidoyer pour une Amérique à la fois plus enracinée et plus libre.

La dimension internationale et institutionnelle

Si Allan Carlson est avant tout un historien et un penseur de la famille, son influence dépasse largement le cadre académique. Très tôt, il a compris que les débats autour de la famille, de la natalité et de la culture ne pouvaient pas rester confinés aux États-Unis, mais touchaient à des enjeux mondiaux. C’est dans cet esprit qu’il a contribué à créer et à diriger des institutions capables de donner une visibilité internationale à ses idées.

En 1981, il prend la tête de l’Institut Rockford, un centre de réflexion conservateur où il développe une approche intellectuelle centrée sur la défense de la famille et des communautés locales. En 1997, il franchit une étape décisive en cofondant avec John A. Howard le Howard Center for Family, Religion & Society, dont il devient président. Cette organisation devient rapidement un lieu de référence pour le conservatisme familial, en publiant des études, en organisant des conférences et en diffusant la revue The Family in America, dont Carlson assure la rédaction en chef.

Son rôle prend une dimension encore plus marquée à l’échelle mondiale avec sa fonction de secrétaire international du Congrès mondial des familles. Par ce biais, il fédère chercheurs, militants et responsables politiques de différents pays autour de la défense de la « famille naturelle ». Dans ce cadre, il promeut une coopération transnationale destinée à contrer les politiques publiques jugées hostiles au foyer traditionnel et à valoriser des modèles alternatifs centrés sur la solidarité domestique et communautaire.

Carlson a également porté ses idées dans le milieu universitaire européen, notamment en rejoignant en 2003 la faculté de l’Oriel College à Oxford. Son passage en Angleterre lui a permis de dialoguer avec des intellectuels d’autres traditions conservatrices et d’élargir son analyse à des contextes culturels différents. Ses ouvrages comme Third Ways (2007) témoignent de cette ouverture : il y explore les expériences menées en Europe et ailleurs pour créer des économies à échelle familiale, qu’il considère comme autant de pistes pour repenser l’avenir.

Son engagement institutionnel et international n’a jamais été séparé de son travail intellectuel. Les centres qu’il a dirigés et les réseaux auxquels il a participé lui ont offert des plateformes pour transformer ses idées en un véritable courant de pensée et d’action. Carlson apparaît donc non seulement comme un historien, mais aussi comme un organisateur et un passeur d’idées, cherchant à bâtir une coalition internationale en faveur de la famille et contre les forces qu’il juge corrosives pour la société moderne.

Publications

  • 1987, "Family in America", Rockford, IL: Rockford Institute
  • 1988, "Family Questions: Reflections on the American Social Crisis" [Questions familiales: Réflexions sur la crise sociale de l'Amérique], Transaction Press
  • 1990, The Swedish Experiment in Family Politics: The Myrdals and the Interwar Population Crisis [L'expérience suédoise dans la politique familiale : Les Myrdals et la crise de la population entre les deux guerres], Transaction Press
  • 1993, From Cottage to Work Station: The Family's Search for Social Harmony in the Industrial Age [De l'artisanat au poste de travail : Recherche sur la famille pour l'harmonie sociale dans l'ère industrielle], Ignatius Press
  • 1996, “Gender, Children, and Social Labor: Transcending the ‘Family Wage’ Dilemma”, Journal of Social Issues, Vol 52, Fall, pp137-161
  • 2000, The New Agrarian Mind: The Movement Toward Decentralist Thought in 20th Century America [Le nouvel esprit agraire : Le Mouvement vers le décentralisatrice pensée en Amérique du 20e siècle], Transaction Press
  • 2003, "The American Way: Family and Community in the Shaping of the American Identity" [Le mode américain : la famille et la communauté dans l'élaboration de l'identité américaine], ISI Books
  • 2005, Fractured Generations, New Brunswick, NJ: Transaction Publishers
  • 2007,
    • a. "Wendell Berry and the Twentieth-Century Agrarian 'Series'", In: Jason Peters, dir., "Wendell Berry: Life and Work", U. Press of Kentucky
    • b. Third Ways: How Bulgarian Greens, Swedish Housewives, and Beer-Swilling Englishmen Created Family-Centered Economies—and Why They Disappeared, ISI Books



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