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Conséquentialisme

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L'expression « Conséquentialisme » a été forgée par la philosophe britannique Elizabeth Anscombe (1919-2001), pourtant opposée à cette approche et résolument non-conséquentialiste. Selon la perspective conséquentialiste, la valeur d'une action se juge selon ses conséquences prévisibles. C'est une théorie de l'éthique téléologique qui, en fonction d'un raisonnement sur les fins possibles, tente de déterminer les obligations liées aux actions humaines en s'interrogeant simplement si une action ou une règle produit le plus grand résultat (conséquence) net, ou le plus grand « bien » ou le moins « mauvais ».

Le paradigme du conséquentialisme

Le conséquentialisme a pris forme au sein de l’utilitarisme classique et le monde philosophique anglophone. Se présentant aujourd'hui comme un des courants majeurs de l’éthique, même s'il fut à plusieurs reprises discuté et critiqué, continue à exercer une certaine force au sein de la philosophie morale, en politique mais aussi en philosophie du droit. Le présupposé de cette éthique est qu’aucune action n’est intrinsèquement bonne ou mauvaise et que toutes les actions doivent être jugées à la lumière de leurs conséquences. Donc, l'action juste est celle qui produit les meilleures conséquences possibles ou attendues. Ainsi, les principes qui doivent guider les actions des individus sont ceux qui doivent conduire au meilleur état de choses possible dont doivent bénéficier les individus. Cet état, comparable au principe du plus grand bonheur pour le plus grand nombre, est le critère qui qualifie d'actions bonnes toutes les actions qui contribuent à ce meilleur état de choses.

Parmi un des principaux critères de l'éthique conséquentialiste concernant l'évaluation du meilleur état de choses est le principe d'impartialité. Agir ou promouvoir une certaine ligne de conduite est juste ou bonne si les personnes impliquées adoptent une attitude impartiale, soit à l’égard d'elles mêmes soit en rapport à d'autres personnes. Cette ligne directrice est particulièrement exigeante pour les acteurs, car elle demande une prise en compte constante des attentes et intérêts de chacun. Dans cette perspective aucun individu compte plus qu'un autre, que ce soit dans l'objectif d'un bien général à atteindre, ou encore dans celui d'agir selon le principe d’utilité.

Éthique libertarienne et conséquentialisme

L'éthique libertarienne ne nie aucunement le fait que les expériences éveillent nos connaissances, mais elle cherche généralement à proposer des principes a priori. Dans l'approche du droit naturel, du droit de propriété sur soi, ou le principe de non-agression, l'éthique libertarienne se base sur des critères sûrs qui reflètent la réalité des actions dans laquelle les individus se situent vis-à-vis des autres. En principe elle s'oppose au conséquentialisme qui est aperçu comme une application du principe selon laquelle « la fin justifie les moyens ». Cependant, certains libertariens utilitaristes sont plutôt favorables au conséquentialisme : les principes éthiques peuvent être valables s'ils produisent les meilleures conséquences, les meilleures actions sont toujours celles qui aboutissent à la meilleure situation ou résultat possible, important peu les moyens employés.

Ainsi, promouvoir les peines lourdes dans la punition des crimes peut être valorisé selon l'optique utilitariste et particulièrement conséquentialiste, non seulement comme conséquence de l'acte en lui-même, mais surtout pour dissuader les potentiels criminels à ne pas passer à l'action et commettre des crimes. Une baisse du taux de criminalité contribuerais de cette façon à la satisfaction du bien-être général.

Ce qui paraît être la force irrésistible du conséquentialisme, la rendant effectivement très attractive, est le fait qu'il est souhaitable et préférable de mener des efforts pour le meilleur des mondes possible plutôt qu’adhérer à un anti-conséquentialisme s'opposant à toute forme d'action ne tenant pas compte des bénéfices dont les individus pourraient en tirer. Il semblerait donc difficile de s'opposer à ce qui est présenté comme une évidence : promouvoir la meilleure situation ou état du monde est désirable et semble conduire à un certain consensus.

Elizabeth Anscombe, critique du conséquentialisme

Elizabeth Anscombe (1919-2001), référence de la philosophie morale anglophone, considère que la moralité moderne est particulièrement dominée par son conséquentialisme. En effet, la conception morale moderne, en abandonnant progressivement la méthode casuistique héritée d'Aristote, manque de moyens philosophiques pour expliquer pourquoi les actions injustes sont réellement des actions moralement mauvaises. Si l'action, licite ou la meilleure, est celle qui produit les meilleures conséquences possibles ou prévisibles, sa valeur est déterminée selon la meilleure production positive pour les individus, comme si la seule chose à faire, en termes moraux, serait de calculer les conséquences selon l'utilité ou l'intérêt qu'elles apportent, quelles que soient les circonstances.

De cette façon, les actions sont justes ou injustes selon un calcul de préférences, par exemple, un homme peut juger utile de tuer un innocent au nom d'un intérêt national. L'action de tuer un innocent n'est pas ici interdite car elle est jugée comme un moyen désirable en vue de l'intérêt national. Les conséquences d'une action dictent la ligne de conduite à adapter, l'approche utilitariste moderne fait de l'interdiction ou la permission d'une action l'équivalent d'une crainte ou d'une espérance des conséquences, sans regarder si les actes sont réellement bons ou mauvais pour les personnes atteintes ou concernées. Si finalement un individu se trompe dans ses calculs et s'ils se révèlent complètement faux, il ne se considère pas responsable car il estime qu'il ne les avait pas prévus. Selon Anscombe, cette approche qui consiste à évaluer les actions selon le critère des conséquences attendues conduit à l'impossibilité morale de reconnaître le caractère bon ou mauvais d’une action. Ceci signifie que les individus peuvent se disculper des conséquences réelles des actions les plus malhonnêtes.

Informations complémentaires

Bibliographie

  • 2019, David Moroz, "Consequentialism", In: Alain Marciano, Giovanni Battista Ramello, dir., "Encyclopedia of Law and Economics", New York: Springer, pp328-330

Citations

  • Ce qui est à désirer, c'est que si le fait l'accuse, le résultat l'excuse ; si le résultat est bon, il est acquitté ; tel est le cas de Romulus. Ce n'est pas la violence qui restaure, mais la violence qui ruine qu'il faut condamner. (Machiavel, Le Prince)
  • La vérité à laquelle il faut rigoureusement, durement se tenir, c'est le contraire du lieu commun : les Moyens corrompent les Fins. (...) La croissance de l’État ne prépare pas la liberté mais une plus grande dictature. Tout moyen aujourd'hui détruisant ne fût-ce qu'un homme dans son corps ou dans son âme, et serait-ce pour libérer un million d'hommes, ne conduira jamais qu'à renforcer l'esclavage du million d'hommes pour qui l'on travaille. Les Fins sont des bulles de savon infiniment séduisantes, infiniment fragiles, qu'un souffle suffit à orienter différemment et que le moindre excès suffit à faire s'évanouir. Les fins sont incapables de rien justifier parce qu'elles n'existent pas : elles sont tout au plus des intentions, des idéologies, des programmes. (Jacques Ellul)
  • Nul ne peut soutenir que, quelle que soit sa nature, tout ce qui a de la valeur la possède en vertu de ses conséquences. S'il en était ainsi, on remonterait sans fin de conséquences en conséquences et la régression serait évidemment désespérée. (...) De mon point de vue, l'idée centrale du conséquentialisme est que les états de choses sont le seul genre de choses à posséder une valeur intrinsèque et que toute autre chose ayant de la valeur ne la possède que parce qu'elle conduit à un état de choses intrinsèquement valable. (Bernard Williams)
  • Juger les actes « d’après leurs conséquences » est un programme bien ardu et bien singulier, si l’on considère seulement ce qu’est, intrinsèquement, une conséquence. Supposons que nous ne sachions pas quelles seront les conséquences d’une action ; alors, cette règle signifie qu’on ne pourra distinguer une bonne action d’une mauvaise qu’après que les conséquences en question se seront produites. Outre ses implications morales absurdes, une telle interprétation rend la théorie précitée quasiment inutile. (Anthony de Jasay)

Articles connexes

Liens externes


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