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Frederick C. Smith
Frederick Cleveland Smith (1884-1956) fut médecin ostéopathe à Marion, dans l’Ohio, avant d’entrer en politique. Élu républicain à la Chambre des représentants de 1939 à 1951, il se fit remarquer pour ses positions conservatrices, son opposition aux grands programmes d’aide internationale et sa défense d’une stricte orthodoxie budgétaire, ce qui lui valut d’être rattaché par plusieurs historiens et libertariens au courant de la Old Right.
Contexte et identification
Frederick Cleveland Smith naît dans l’Ohio et choisit la médecine ostéopathique comme vocation avant de se tourner vers la politique. Installé à Marion, il y acquiert une réputation de notable local, à la fois praticien et citoyen engagé. Son ancrage dans cette ville marquera toute sa carrière, qu’il mènera avec l’image d’un représentant proche de ses électeurs, soucieux de préserver leurs intérêts face aux grandes décisions de Washington. Élu à la Chambre des représentants en 1939, il y siégera jusqu’en 1951, traversant l’une des périodes les plus décisives de l’histoire américaine, marquée par la Seconde Guerre mondiale et l’émergence des institutions internationales de l’après-guerre.
Si son nom n’est pas aussi célèbre que celui de Robert Taft, Frederick Smith n’en demeure pas moins une figure de ce que Jerome Tuccille, dans son ouvrage Radical Libertarianism (1970)[1], appelle les « libertariens de la Old Right ». Il le place aux côtés de penseurs et journalistes tels que Frank Chodorov, Garet Garrett, Albert Jay Nock ou H. L. Mencken, mais aussi de parlementaires comme Robert Taft ou l'économiste, Dean Russell. Cette reconnaissance témoigne d’une cohérence idéologique qui reliait Smith à un courant politique plus large que son simple mandat local. Murray Rothbard, chef de file du libertarianisme contemporain, ira même jusqu’à ranger Frederick Smith parmi ses deux congressmen préférés, aux côtés de Howard Buffett, autre élu de l’Ohio, connu pour son intransigeance isolationniste.
La Old Right, à laquelle Frederick C. Smith est ainsi rattaché, constitue un courant conservateur américain actif entre les années 1930 et 1950. Ses partisans s’opposent frontalement au New Deal de Franklin Roosevelt, qu’ils perçoivent comme une dérive centralisatrice et une menace pour la liberté individuelle. En politique étrangère, ils prônent un isolationnisme ferme ou, pour employer un terme plus valorisant à leurs yeux, un non-interventionnisme, afin d’éviter que les États-Unis ne se transforment en gendarme du monde. Sur le plan économique, la Old Right défend le laissez-faire et la discipline budgétaire, dénonçant les déficits et les dettes accumulés par l’État fédéral. À cette philosophie s’ajoute une hostilité au service militaire obligatoire, jugé contraire aux libertés fondamentales, et une profonde méfiance à l’égard de l’expansion continue du pouvoir central.
Dans ce cadre idéologique, Frederick Smith occupe une place singulière : celle d’un élu de terrain qui, sans développer une œuvre théorique comparable à celle des intellectuels libertariens, incarne dans ses votes et ses discours la vigilance jalouse de la Old Right envers la liberté économique, la souveraineté nationale et la limitation du pouvoir fédéral.
Smith et la politique étrangère : un non-interventionnisme marqué
Dans l’Amérique des années 1940, la politique étrangère divisait profondément l’opinion publique et les responsables politiques. Frederick C. Smith s’inscrivit sans ambiguïté dans le camp non-interventionniste, fidèle à l’esprit de la Old Right. Sa conviction était claire : l’engagement militaire et financier à l’étranger risquait d’appauvrir le peuple américain et de compromettre la souveraineté nationale.
Dès 1941, il exprima ses inquiétudes face à l’extension de l’aide internationale. Dans un discours radiodiffusé intitulé United States Aid to Russia, publié dans Vital Speeches of the Day, Smith dénonça les dangers de cette politique : l’assistance économique et militaire à Moscou ne pouvait se faire sans coût pour la nation. Derrière l’argument humanitaire ou stratégique, il voyait une charge démesurée imposée aux contribuables et une dérive qui éloignait la République de sa mission première, la défense du territoire et des libertés des Américains.
Au sortir de la guerre, son opposition se radicalisa face au plan Marshall. Le 18 novembre 1947, il le qualifia de projet qui « asservirait le peuple américain ». Selon lui, ce programme de reconstruction européenne ne profiterait pas aux États-Unis, mais alourdirait la dette, nourrirait l’inflation et réduirait le niveau de vie des citoyens. Ses interventions parlementaires illustrent une méfiance profonde envers les promesses de l’exécutif et rappellent la vigilance constante de la Old Right face aux ambitions internationales jugées disproportionnées.
Cette orientation critique ne se limitait pas à l’économie. Smith s’inquiétait aussi de la montée en puissance des institutions supranationales. Comme d’autres conservateurs de son époque, il redoutait que l’ONU et les alliances multilatérales n’entraînent une perte de souveraineté et ne lient les États-Unis à des conflits qui n’étaient pas les leurs. Son attachement à l’indépendance nationale s’accompagnait d’une crainte récurrente : celle de voir la Constitution subordonnée aux décisions d’instances extérieures.
L’historien Justus Doenecke, spécialiste de l’isolationnisme américain, souligne que Smith considérait même le programme Lend-Lease comme une mesure potentiellement désastreuse, capable de « ruiner l’économie américaine »[2]. Ce jugement renforce l’image d’un parlementaire profondément méfiant à l’égard de toute politique d’aide extérieure, qu’elle vise des alliés en guerre ou la reconstruction de l’Europe. En le rangeant parmi les « isolationnistes doctrinaires », Doenecke confirme que Smith s’inscrivait pleinement dans la tradition de la Old Right, où l’indépendance et la prudence primaient sur les élans internationalistes[3].
Ainsi, par ses discours, ses votes et la constance de son argumentaire, Frederick C. Smith illustra la posture non-interventionniste de la Old Right : défendre la prospérité intérieure, préserver la souveraineté américaine et refuser l’expansion impériale d’une République conçue, à ses yeux, pour rester libre et indépendante.
Smith et la politique économique : une orthodoxie budgétaire affirmée
Si Frederick C. Smith se fit remarquer par ses positions de politique étrangère, son discours économique ne fut pas moins caractéristique de la sensibilité Old Right. Dans un climat marqué par les réformes du New Deal et la montée en puissance de l’État fédéral, il adopta une ligne de rigueur, hostile à l’endettement et méfiante à l’égard de l’intervention publique.
Dès 1940, Frederick Smith publia un article intitulé The Federal Debt, où il dénonçait l’accumulation des déficits budgétaires et alertait sur les dangers d’une spirale de dettes pour la stabilité du pays. Pour lui, la dépense publique incontrôlée menaçait non seulement l’équilibre économique, mais aussi l’autonomie des générations futures, condamnées à porter le poids d’engagements contractés sans leur consentement. Cette vision s’accorde avec l’orthodoxie financière que partageaient de nombreux parlementaires de la Old Right : un budget équilibré, des dépenses limitées aux fonctions régaliennes essentielles et une fiscalité aussi modeste que possible.
Dans ses interventions au Congrès, Frederick Smith revint régulièrement sur ce thème, liant étroitement la prospérité nationale à la discipline budgétaire. Le financement du plan Marshall, en particulier, cristallisa ses critiques : il y voyait non seulement un péril pour la souveraineté politique des États-Unis, mais aussi une menace pour l’équilibre économique intérieur. En refusant de céder aux arguments de l’exécutif qui justifiait les déficits au nom de la reconstruction mondiale, Smith s’inscrivait dans une tradition de méfiance vis-à-vis des largesses gouvernementales, fidèle à l’esprit du laissez-faire.
Son hostilité au New Deal s’inscrivait dans la même logique. Pour Frederick Smith et ses semblables, la multiplication des agences fédérales, des programmes de relance et des interventions étatiques dans l’économie constituait une atteinte à la liberté individuelle. Le marché, pensait-il, doit rester la principale force régulatrice de la société américaine. Toute tentative de planification ou de redistribution massive risque de rompre le lien entre l'effort et la récompense, le fondement moral de la prospérité nationale.
À travers ses textes et ses prises de position, Frederick Smith défendit donc une vision claire : l’Amérique devait rester une nation de responsabilité individuelle et de finances saines. Dans ce combat, il apparaissait comme l’un des héritiers d’une tradition républicaine ancienne, mais aussi comme l’un des porte-parole parlementaires d’une Old Right qui voyait dans l’orthodoxie budgétaire la condition de la liberté.
Informations complémentaires
Notes et références
- ↑ Jerome Tuccille, 1970, "Radical Libertarianism", New York: Harper & Row
- ↑ Justus D. Doenecke, 2000, "Storm on the Horizon: The Challenge to American Intervention, 1939–1941", Lanham, Rowman & Littlefield, p246. Doenecke y explique que Frederick C. Smith jugeait le programme Lend-Lease capable de « ruiner l’économie américaine ».
- ↑ Justus D. Doenecke, 2016, « The Isolationists and World War II », The Oxford Research Encyclopedia of American History. Il y classe Smith parmi les représentants isolationnistes doctrinaires au Congrès, aux côtés de Howard Buffett et Clare Hoffman.
Publications
- 1940, "The Federal Debt", Congressional Digest, vol XIX, n°10, 3 octobre 1940, pp227-228
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