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Russell Means
| Russell Means | |||||
| Acteur | |||||
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| Dates | 1939-2012 | ||||
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| Tendance | Libertarien | ||||
| Nationalité | |||||
| Articles internes | Autres articles sur Russell Means | ||||
| Citation | « Je suis pour le marché libre. Je ne lui oppose que le mauvais usage de la technologie. Une société libertarienne n'autoriserait pas quelqu'un à polluer les autres, car elle insiste sur la responsabilité individuelle. C'est une partie de la beauté du libertarianisme. » | ||||
| Interwikis sur Russell Means | |||||
Russell Means, né le 10 novembre 1939 et mort le 22 octobre 2012, est un acteur libertarien américain d'origine amérindienne.
Il commence sa carrière d'acteur en 1992, incarnant le chef Chingachgook dans Le Dernier des Mohicans. Il fait une apparition importante dans Tueurs-nés et dans Into the West. Dans Pocahontas il prête sa voix au personnage du père, Powhatan. Il la prête également pour le jeu vidéo Under a Killing Moon.
En 1997 il publie son autobiographie, Where White Men Fear to Tread (Là où les Hommes blancs ont peur de marcher).
Candidature à l’investiture présidentielle du Parti libertarien
Russell Means est une figure emblématique du militantisme amérindien aux États-Unis. Il acquiert une renommée nationale au début des années 1970 en dirigeant une insurrection armée contre le gouvernement américain à Wounded Knee, dans le Dakota du Sud. Cet épisode spectaculaire le propulse sur le devant de la scène et marque durablement son image de leader combatif et controversé.
Tout au long des années 1970 et 1980, Means reste présent dans l’actualité, souvent à travers des prises de position audacieuses et des alliances surprenantes. Il se rapproche de Louis Farrakhan, leader afro-américain, tente d’obtenir le soutien du dirigeant libyen Muammar Kadhafi pour la cause des Amérindiens, et appuie les révoltes menées par les Indiens de la côte atlantique du Nicaragua contre le gouvernement marxiste en place.
Jusqu’en 1986, peu de libertariens soupçonnaient Russell Means de partager leurs idées. C’est un entretien publié dans la revue Reason qui révèle pour la première fois son intérêt pour des thèmes proches du libertarianisme. Ses propos y apparaissent ambigus : il appelle à l’autodétermination des peuples autochtones et à la suppression des agences fédérales sur les réserves, mais sans embrasser clairement la philosophie libertarienne dans son ensemble.
Approché en 1987 par les militants Honey Lanham et Larry Dodge, il se déclare candidat à l’investiture présidentielle du Parti libertarien (il refuse le rôle de colistier). Selon ses propres mots, il découvre alors la théorie libertarienne et affirme y avoir toujours appartenu “sans même le savoir”.
Charismatique et orateur percutant, Russell Means impressionne par son aisance en débat et sa capacité à séduire les médias. Il se distingue par un style poétique et inspirant, qui mobilise les émotions davantage que la logique rationnelle. Cela séduit certains militants, mais en inquiète d’autres, soucieux de préserver le caractère intellectuel et rationnel du mouvement[1].
Sa candidature soulève cependant des doutes : son engagement libertarien semble récent et superficiel, et son passé de militant radical, marqué par des alliances controversées et une condamnation pénale, fournit à ses adversaires politiques un prétexte facile pour le discréditer.
En 1988, Russell Means incarne ainsi une candidature paradoxale pour le Parti libertarien : celle d’un outsider charismatique, célèbre et médiatique, capable de donner une visibilité inédite au mouvement, mais dont la sincérité libertarienne et la fiabilité politique suscitent de sérieuses interrogations.
Russell Means et le paradoxe libertarien : entre raison critique et force du mythe
- . Une candidature au croisement du mythe, de la politique et de l’identité. David Sheldon[2] propose une lecture de la candidature de Russell Means comme d’un moment de friction entre l’ADN rationaliste du mouvement libertarien et une force symbolique plus ancienne : le mythe. Il décrit Means non seulement comme militant sioux et figure charismatique, mais comme porteur d’un imaginaire poétique et religieux capable d’aimanter des libertariens réputés rétifs à toute rhétorique sacrée. Le cœur de sa thèse tient en une question : pourquoi une base militante majoritairement « irreligieuse » accueille-t-elle favorablement un candidat qui assume un langage spirituel et une mythologie autochtone ? Cette mise en tension révèle une intuition juste : les mouvements politiques ne vivent pas seulement d’arguments, ils vivent d’histoires, de symboles et de rites. En ce sens, la candidature Means agit comme un test de résistance pour une famille intellectuelle qui aime se définir par l’argumentation froide et par la critique des « religions civiles ».
- . La typologie du mythe : un cadre utile, mais incomplet. Sheldon distingue trois usages du mythe : polémique (mythe = contre-vérité), anthropologique (mythe = récit fondateur qui façonne les conduites) et mythe esthétique (mythe = expérience individuelle). Ce triptyque éclaire bien la réception contrastée de Russell Means : certains libertariens entendent sa parole comme une poésie inoffensive, d’autres comme un langage communautaire structurant, d’autres enfin comme une « licence » symbolique compatible avec la liberté individuelle. Le cadre gagnerait à intégrer une quatrième dimension : la performativité politique du mythe. Le mythe ne se contente pas d’expliquer un passé ; il organise des coalitions dans le présent, fixe des priorités, et ouvre des horizons d’action. Chez Means, l’invocation d’un monde autochtone anarchique n’est pas qu’un décor poétique : c’est une proposition politique implicite sur l’auto-gouvernement, l’ordalie[3] du fédéralisme et le droit des nations originelles. Cette performativité explique l’attraction d’une partie des libertariens : ils reconnaissent, derrière la liturgie, un programme de décentralisation radicale et de souveraineté personnelle.
- . La « religion civile » américaine et l’hérésie libertarienne. Sheldon relie finement la Constitution américaine à une « religion séculière » qui articule textes sacrés, récits d’origine et vénération rituelle. Les libertariens occupent dans ce dispositif une posture d’hérésie : ils révèrent des principes (droits naturels) tout en contestant les compromis historiques (esclavage, spoliation des nations autochtones, construction d’un empire). La candidature Means accentue cette hérésie : elle ramène à la surface le « péché originel » de la République et oblige le mouvement à regarder en face le hiatus entre principes proclamés et pratiques historiques. Cette mise au clair est politiquement féconde. Elle offre aux libertariens un récit cohérent : l’extension des droits individuels suppose de réparer les régimes d’exception et de souveraineté imposés aux peuples autochtones. Là où Sheldon voit surtout un risque de désaccord avec « l’Américain moyen », on peut voir une chance : réinscrire le libéralisme dans une généalogie plus longue, moins étroite que la seule exaltation du marché, et l’arrimer à une éthique des promesses tenues.
- . Psychologie des libertariens : une généralisation fragile. Sheldon présumait la clé du succès de Means auprès des « altruistes discrets » du mouvement libertariens. Les libertariens de 1988 ne formaient pas un bloc : on y trouvait des individualistes radicaux, des fédéralistes pragmatiques, des libéraux classiques, des anarcho-capitalistes, des minarchistes et des humanistes sceptiques. La réception de Means variait logiquement selon ces sous-cultures. Vouloir réduire tous les libertariens à une seule explication psychologique, c’est oublier que leurs motivations sont très variées. Certains s’engagent par amour de la liberté en elle-même. D’autres s’intéressent surtout aux mécanismes d’incitation qui régulent la société.
Beaucoup expriment une méfiance vis-à-vis de la concentration du pouvoir. D’autres encore voient dans le libertarianisme un engagement anticolonial, une manière de dénoncer l’oppression des peuples. Enfin, certains recherchent surtout un récit politique plus accueillant, capable de donner sens à leur expérience personnelle.
- . Le « Noble Sauvage » : un avertissement salutaire contre les stéréotypes futiles. Sheldon récuse l’essentialisation romantique en pointant un danger : la tentation d’idéaliser « l’Indien anarchiste » en figure du « Noble Sauvage ». Pour autant, l’alerte peut s’articuler autrement : l’intérêt politique du témoignage de Means ne tient pas à la pureté d’une anthropologie totale, mais à l’expérience historique des institutions autochtones : les conseils tribaux, les confédérations, la diplomatie inter-nations, les pratiques de réparation, les cultures du consentement. Autrement dit, on gagne à déplacer le débat vers celui de la connaissance des arrangements institutionnels et des pratiques de liberté réellement observables dans les tribus autochtones.
Citations
| “ | La liberté est pour tous, peu importe votre style de vie, aussi longtemps que vous êtes pacifique et honnête -- depuis le capitaine d'industrie high-tech jusqu'au hippie, et pour tous ceux qui sont entre ces deux extrêmes... | ” |
| “ | Les amérindiens vivent le même dilemme que les libertariens. Nous ne sommes ni de droite ni de gauche. Nous sommes juste pour la liberté. La gauche ne nous drague que lorsqu'elle a besoin de martyrs. Dès que nous ne voulons plus être traités ainsi, elle nous abandonne. | ” |
| “ | Je suis pour le marché libre. Je ne lui oppose que le mauvais usage de la technologie. Une société libertarienne n'autoriserait pas quelqu'un à polluer les autres, car elle insiste sur la responsabilité individuelle. C'est une partie de la beauté du libertarianisme. | ” |
Interview dans Libertarian Party News, juillet 1987.
Informations complémentaires
Notes et références
- ↑ Bill Bradford, 1987, "The Libertarians' Quandary" (le Dilemme des Libertariens), Liberty, Vol 1, n°1, August, pp36-39, sous son pseudonyme de Chester Alan Arthur
- ↑ David Sheldon, 1987, "The Matter of America", Liberty, Vol 1, n°1, August, pp42-44
- ↑ Le mot ordalie vient du latin médiéval ordalium (issu du vieil anglais ordāl), qui signifie littéralement « jugement de Dieu ». Une ordalie est une épreuve judiciaire ancienne, pratiquée surtout au Moyen Âge, par laquelle on pensait que Dieu manifesterait la vérité ou l’innocence d’un accusé. Exemples d’ordalies
- Ordalie par le feu : l’accusé devait tenir un fer rouge ou marcher sur des braises ; s’il sortait indemne ou cicatrisait vite, il était jugé innocent.
- Ordalie par l’eau : l’accusé était plongé dans l’eau ; s’il flottait, il était considéré coupable (rejeté par l’eau « pure »), s’il coulait, innocent.
- Ordalie du duel judiciaire : deux parties s’affrontaient en combat singulier ; Dieu était censé donner la victoire à celui qui disait vrai.
Publications
- 1986, avec Lawrence Dodge, "Reason Interview: Russell Means", Reason, August-September,
Liens externes
- (fr)Filmographie
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