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Monarchie de Juillet

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En France, la monarchie de Juillet est proclamée le 29 juillet 1830 après les émeutes dites des Trois glorieuses qui ont mis fin à la Restauration.

Ces journées révolutionnaires, qui aboutirent à la suppression du droit naturel pour la succession du roi, décrétèrent que la population « confèrerait » la souveraineté. La branche cadette des Bourbons, celle d'Orléans, accéda ainsi au pouvoir. Louis-Philippe devint roi des Français et non pas roi de France. Louis-Philippe est le dernier roi en France jusqu'à nos jours. Son règne commence en 1830 par les Trois Glorieuses et il finit en 1848 où il est chassé pour laisser place à la Seconde République.

Le 7 août la Charte de 1814, est révisée, le préambule rappelant l'Ancien Régime supprimé, la charte est ainsi imposée au roi, et non plus octroyée par ce dernier, par la nation. Elle retire au roi l'initiative des lois, les ordonnances (le controversé article 14) ne doivent concerner plus que la mise en place de celles-ci. On supprime la pairie héréditaire, sans abolir l'institution. Le cens électoral est abaissé à 200 francs pour les hommes de plus de 25 ans. Le cens d'éligibilité passe à 500 F pour les hommes de plus de 30 ans. Le nombre des électeurs est ainsi doublé sans pour autant élargir de manière notable le corps électoral. Un français sur cent soixante-dix participe à la vie politique par le biais des élections. La religion catholique n'est plus religion d'État, la censure de la presse est abolie, le drapeau tricolore rétabli. Le 9 août 1830, Louis-Philippe prête serment à la Charte et est couronné. La Charte s'inscrit comme un compromis entre les constitutionnels et les républicains.


D'une révolution à l'autre

Une naissance agitée

Le 11 août 1830 un premier ministère est formé, il rassemble des ténors de l'opposition constitutionnelle à Charles X dont Casimir Périer, Jacques Laffite, Mathieu Molé, Victor de Broglie, Guizot, Montalivet... On commence par épurer l'administration de tous les sympathisants légitimistes qui refusent de prêter serment au nouveau régime et à son souverain. Des lois anti-cléricales sont adoptées comme l'abolition de la loi du Sacrilège, l'exclusion des évêques de « l'État », la suppression des traitements supplémentaires en faveur des ecclésiastiques. Mais au sein du gouvernement naissent deux tendances opposées, qui sont le parti du mouvement (soutenu par le journal le National), réformiste et favorable à une politique d'aide aux nationalités et le parti de la résistance (soutenu par le Journal des débats), conservateur.

Dans un premier temps le roi donne sa faveur au mouvement, en nommant Jacques Laffitte, le 2 novembre 1830, président du conseil. Dans le pays une certaine agitation se fait déjà sentir, alors que le régime est encore à ses premiers moments d'existence. Elle est motivée par la clémence qui marque les procès des anciens ministres de Charles X (le peuple parisien se soulève le 21 décembre, ce qui entraîne la démission de La Fayette de la Garde Nationale) et par la fureur des anti-cléricaux suite à la célébration d'une messe en souvenir du duc de Berry le 14 février 1831. De plus la situation économique est difficile et le roi se montre réticent à partager ses pouvoirs. Tous ces éléments entraînent la démission de Laffite.

Il est remplacé, le 13 mars 1831, par Casimir Périer (parti de la résistance). Celui-ci veut mettre en place le cadre d'une véritable monarchie et non plus une « monarchie honteuse », avec un programme clair « au dedans l'ordre sans sacrifice pour la liberté, au dehors la paix, sans coûts pour l'honneur ». Il commence par une politique de libéralisation héritée de son prédécesseur avec la suppression du « double-vote », l'abaissement du cens à 200 Fr, la mise en place de l'élection censitaire des conseillers municipaux, l'accès moins contraignant à la Garde Nationale. Pour asseoir son pouvoir il demande la dissolution de la Chambre le 5 juillet 1831, les élections sont un succès pour la résistance. Mais le peuple, agité par les républicains, victime de la mauvaise situation économique et des épidémies de choléra, reste une menace pour le régime (novembre 1831 : révolte des Canuts à Lyon, juin 1832 : insurrection républicaine à Paris, qui entraîne la suppression de la Société des amis du peuple). Parallèlement la duchesse de Berry mène un complot légitimiste et tente de soulever la Provence et la Vendée durant le printemps 1832, ce qui là encore montre la fragilité du nouveau régime.

Le roi décide de prendre les choses en mains en assumant à titre exceptionnel la fonction de président du conseil de mai à octobre 1832, puis nomme un homme de confiance, l'inflexible maréchal Soult. Celui-ci est secondé au sein du gouvernement par un triumvirat constitué de personnalités majeures du parti de la résistance que sont Thiers, Victor de Broglie, Guizot. Ce dernier met en place la célèbre loi sur l'instruction primaire en juin 1833 qui oblige à la création d'une école élémentaire dans chaque commune. Mais la politique de Soult est surtout basée sur la stabilisation du régime à travers une politique répressive : en mars 1834, les associations de plus de 20 membres sont interdites, l'influente Société des Droits de l'Homme est contrée. 2000 personnes sont arrêtées suite aux différentes émeutes notamment à Paris et à Lyon. Le roi échappe en juillet 1835 à une tentative d'assassinat par Fieschi. En septembre 1835 les lois répressives sont mises en place : limitation de la liberté de la presse (sanction contre les atteintes au roi et au régime), sanction sévère des délits politiques. Les élections de juin 1834 marquent un renforcement de la résistance et l'émergence d'un Tiers-parti qui, lui, souhaite une conciliation avec la gauche. Mais le départ du duc de Broglie du gouvernement, qui dénonçait l'omnipotence du roi, entraîne la démission de Soult. Mais le régime semble installé, après avoir brisé l'insurrection.

Vers un régime stabilisé

Le régime se stabilise par une politique de réconciliation. Elle commence en 1835. L'Arc de triomphe à la gloire des campagnes napoléoniennes est inauguré en 1836, l'année du transfert des cendres de l'Empereur aux Invalides. Louis-Napoléon Bonaparte tente alors un coup d'État à Strasbourg, puis récidive à Boulogne-sur-Mer en 1840. Louis-Philippe, clément, l'emprisonne au fort de Ham. La colonne de Juillet est érigée en mémoire des Trois Glorieuses.

Le gouvernement est orléaniste, ainsi que la Chambre. Ceux-ci sont divisés entre:

  • La gauche dynastique d'Odilon Barrot, qui réclame l'élargissement du cens à la petite bourgeoisie, tendance du journal Le Siècle
  • Le centre gauche de Adolphe Thiers, qui veut limiter le pouvoir du Roi, dirige le journal Le Constitutionnel
  • Les Conservateurs, dirigés par Guizot et Mathieu Molé, veulent préserver le régime, et défendent leurs idées dans Le Journal des Débats et La Presse

En résulte une forte instabilité ministérielle de février à septembre 1836. Thiers dirige ensuite, mais l'insurrection de la Société des Saisons de Blanqui et la question d'Orient désavoue Thiers en 1839, remplacé par le Maréchal Soult.

Le système Guizot

François Guizot est la tête pensante du gouvernement dés 1840. La question d'Orient est réglée par la Convention des Détroits en 1841, permet un premier rapprochement franco-anglais. Cela permet de coloniser l'Algérie conquise par Charles X. Guizot s'appuie sur le parti conservateur et une opposition divisée, situation accentuée par la dissolution de la Chambre qui renforce les partisans du roi. Aussi refuse-t-il toute réforme qui abaisserait le cens, et accepte encore moins l'idée du suffrage universel direct. Selon lui, la monarchie doit favoriser la « classe moyenne », les notables. Ceux-ci sont réunis par la propriété foncière, une morale de l'argent, du travail et de l'épargne. "Enrichissez vous par le travail et par l'épargne et ainsi vous serez électeur". Il est aidé par le décollage économique du pays de 1840 à 1846. Avec un rythme de croissance de 3,5% par an, les revenus agricoles augmentent, ainsi que le pouvoir d'achat, qui entraîne une hausse de la production industrielle. Le réseau des transports connaît une croissance spectaculaire. En 1842, une loi organise le réseau ferré national, qui passe de 600 à 1850 km.

Un système menacé

La période est caractérisée par l'éclosion d'un nouveau phénomène social, qu'on baptise le paupérisme. Lié à l'industrialisation et à la concentration ouvrière, il s'agit de la pauvreté durable et massive des ouvriers, qui ne peuvent évoluer. De plus, les anciennes solidarités de congrégations caractéristiques de l'Ancien Régime ont disparu. La situation ouvrière est catastrophique. Journée de 14 heures, salaires à 0,20 Franc par jour, les ouvriers sont à la merci des patrons. Les 250 000 mendiants et les 3 millions de Français inscrits aux bureaux de bienfaisance constituent un redoutable réservoir d'insatisfaits, face à une assistance de l'État inexistante.

  • Les bourgeois en sont conscients ; Karl Marx entame alors sa théorisation du « capitalisme ». Cette opposition aboutit en 1841 à la seule loi sociale du régime, qui interdit le travail aux enfants de moins de 8 ans et le travail de nuit pour ceux de moins de 13 ans, loi rarement appliquée.
  • Les chrétiens imaginent une « économie charitable ».
  • Les libéraux entrevoient une solution dans le libre-échange et la fin des monopoles d'alors. Alexis de Tocqueville publie De la démocratie en Amérique.
  • Les socialistes utopiques imaginent des organisations originales, inspirées d'Henri de Saint-Simon et de Charles Fourier.
  • Blanqui prône la révolution puis la dictature socialiste. L'opposition va se développer lors de la crise sociale de 1846.

La crise de la Monarchie

En 1846, la récolte est très mauvaise. L'augmentation des prix du blé, base de l'alimentation, provoque la disette. Le pouvoir d'achat baisse. Le marché de consommation intérieur ne progresse plus, entraînant une crise industrielle de surproduction. Immédiatement les patrons s'adaptent en renvoyant leurs ouvriers. Aussitôt, on assiste à un retrait massif de l'épargne populaire, le système bancaire est en crise. Les faillites se multiplient, les cours de la Bourse chutent. L'État réagit en important du blé russe, ce qui rend la balance commerciale négative. Les grands travaux stoppent. Les manifestations ouvrières se développent. En 1847, émeutes du Buzançais. À Roubaix, 60 % des ouvriers sont au chômage. Les affaires de corruption (Teste) et les scandales (Affaire Choiseul-Praslin) entachent le régime.

Les associations étant encadrées et les rassemblements publics interdits à partir de 1835, l'opposition est bloquée. Pour contourner cette loi, les opposants suivent les enterrements civils de certains d'entre eux qui se transforment en manifestations publiques. Les fêtes de famille et les banquets servent également de prétextes aux rassemblements. La campagne des banquets, à la fin du régime, se déroule dans toutes les grandes villes de France. Louis-Philippe durcit son discours, et interdit le banquet de clôture le 14 janvier 1848. Le banquet, repoussé au 22 février, va provoquer la Révolution de 1848.

La chute du régime

Après une agitation le roi remplace le ministre François Guizot par Thiers qui propose la répression. Reçu avec hostilité par la troupe stationnée au Carrousel, devant le palais des Tuileries, le roi se résout à abdiquer en faveur de son petit-fils, Philippe d'Orléans (1838-1894), en confiant la régence à sa bru Hélène de Mecklenburg-Schwerin, en vain. La Seconde République est proclamée le 27 février devant la colonne de la Bastille.

L'héritage de la monarchie de Juillet

L’héritage législatif

  • Réforme du droit pénal de 1832 : suppression des châtiments corporels, abolition de la peine de mort pour certains crimes, élargissement du domaine d’application des circonstances atténuantes. A compter du règne de Louis-Philippe, tout dossier d’un condamné à la peine de mort est examiné par le chef de l’État.
  • Loi du 28 juin 1833 : première loi sur l’enseignement primaire à l’initiative de Guizot.
  • Réforme du droit des faillites de 1838.
  • Loi du 22 mars 1841 qui réglemente pour la première fois le travail des enfants employés dans les manufactures, usines ou ateliers, interdisant le travail nocturne.
  • Loi du 11 juin 1842 : construction d’un réseau de voies ferrées en étoile autour de Paris par l’argent public, l’exploitation des lignes étant confiée à des compagnies privées.
  • Loi du 5 juillet 1844 sur les brevets d’invention (largement inspirée de la législation américaine) : elle servira de modèle à de nombreux pays pour le droit de la propriété industrielle.

L’héritage de la politique extérieure

  • L’indépendance et la neutralité de la Belgique : le roi des Belges devient le gendre du roi des Français.
  • L’entente cordiale : mise en œuvre dès les débuts du règne par Talleyrand, ambassadeur à Londres et confortée par l’arrivée sur le trône de la reine Victoria, nièce du roi des Belges mais qui se heurte à la méfiance des Anglais alors qu’aux yeux de Louis-Philippe « cet accord cordial et sincère » est à la fois « l’intérêt réel des deux pays et le véritable alcazar de la paix de l’Europe ».
  • Un héritage plus contestable, la conquête de l’Algérie : héritage de la Restauration, l’Algérie sert de champ de gloire pour les princes de la maison d'Orléans qui s’y illustrent successivement (Orléans, Nemours, Aumale). La conquête totale est décidée à partir de 1841. Par ailleurs, les Français prennent possession de la Terre-Adélie dans l’Antarctique et imposent un protectorat à Tahiti (1842).

L’héritage culturel

  • Achèvement de projets antérieurs dont le Panthéon et l’Arc de Triomphe
  • Sauvetage du château de Versailles transformé en musée dédié à « toutes les gloires de la France »

Sources

  • Paul Thureau-Dangin, Histoire de la monarchie de Juillet, 7 vol., 1884-1892
  • Pierre Guiral, Adolphe Thiers, Fayard 1986
  • Guy Antonetti, Louis-Philippe, Fayard 1994
  • Laurent Theis, François Guizot, Fayard 2008

Voir aussi



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