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Felix Morley
| Felix Morley | |||||
| Journaliste | |||||
|---|---|---|---|---|---|
| Dates | 1894-1982 | ||||
| Tendance | Libéral classique | ||||
| Nationalité | |||||
| Articles internes | Autres articles sur Felix Morley | ||||
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| Interwikis sur Felix Morley | |||||
Felix Morley, né le 6 janvier 1894 à Haverford et mort le 13 mars 1982, journaliste et et essayiste américain, penseur du libéralisme classique, a consacré sa vie à défendre une conception libérale de la politique : limiter l’État, préserver le fédéralisme, et protéger l’individu contre les forces centralisatrices du pouvoir. Expert en politique étrangère et lauréat du prix Pulitzer en 1936. Il participa à la première conférence de la Société du Mont-Pèlerin en 1947. Son parcours, de Genève à Washington, de Human Events à ses essais philosophiques, illustre une conviction constante : seule la liberté individuelle peut garantir l’équilibre durable entre ordre et démocratie.
Biographie
Felix Morley a obtenu un doctorat en affaires internationales, et fut président de l'Institution Brookings au début des années 1930. Puis, il est devenu rédacteur en chef du célèbre journal The Washington Post durant le reste de la décennie.
En 1940, il a répondu à un appel du Collège Haverford où il fut nommé président durant la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, il est revenu à Washington et a travaillé comme commentateur des informations pour la radio NBC.
Felix Morley était un Républicain traditionnel, durant la majeure partie des années 1930 et 1940, il était proche du conservateur Robert Taft avec une courte période de politique isolationniste. Cependant, dans les années 1950 et 1960, après avoir été président de l'American Enterprise Institute, et être passé de New York à Washington, il s'est davantage engagé dans une position plus libérale. Durant sa retraite, il a vécu sur Gibson Island près d'Annapolis, et il a écrit des travaux de philosophie politique et son autobiographie.
Fondements et héritages intellectuels
Felix Morley s’est nourri très tôt d’une solide formation classique qui orienta durablement sa pensée politique. La lecture d’Aristote lui fit découvrir les racines de la philosophie politique occidentale, centrée sur la place de l’homme dans la cité et sur l’équilibre nécessaire entre la liberté et l'ordre. L’étude des Federalist Papers l’aida à saisir la logique profonde de la Constitution américaine, conçue comme un rempart contre les abus de pouvoir et comme un système de freins et de contrepoids garantissant la vitalité du fédéralisme.
À cette culture fondatrice s’ajouta une influence plus littéraire mais tout aussi décisive : celle de Guerre et Paix de Tolstoï. Morley y trouva une leçon universelle sur l’impuissance des « grands hommes » à maîtriser le cours des événements. Les ambitions de Napoléon, si brillantes en apparence, s’étaient heurtées à la réalité des forces sociales et historiques ; cette idée nourrira sa méfiance envers les figures charismatiques et les prétentions démesurées des dirigeants modernes.
Son expérience en Europe après la Première Guerre mondiale confirma cette intuition. Le Traité de Versailles, loin d’apporter une paix durable, lui apparut comme une faute historique : en humiliant l’Allemagne et en nourrissant un ressentiment profond, il préparait le terrain aux totalitarismes. Quant aux idéaux wilsoniens, portés par la Société des Nations, Morley les jugea rapidement illusoires, incapables de corriger les déséquilibres créés par la guerre et par un ordre imposé d’en haut.
De là se cristallisa son opposition constante à la centralisation politique. Qu’elle se présente sous la forme de l’État bureaucratique, d’alliances internationales rigides ou de projets impériaux, elle représentait pour lui une menace directe contre la liberté individuelle et contre le fédéralisme américain. Dans son esprit, l’expérience des Pères fondateurs rappelait une vérité simple : l’État devait rester limité et décentralisé, afin de garantir aux citoyens la maîtrise de leur destin collectif.
L’expérience du journaliste et la vigilance face au pouvoir
La carrière de journaliste de Felix Morley lui offrit un poste d’observation privilégié sur les bouleversements du XXᵉ siècle. Dès les années 1920, envoyé en Europe puis en Chine pour le Baltimore Sun, il fut confronté aux tensions qui traversaient un monde en recomposition. À Genève, au siège de la Société des Nations, il mesura de près l’impuissance des institutions internationales : de grands discours s’y prononçaient, mais les rancunes laissées par la guerre et les contraintes du Traité de Versailles rendaient tout compromis fragile. En Chine, il constata avec surprise que le communisme, nourri par l’humiliation coloniale et les exactions des puissances occidentales, exerçait déjà une forte attraction dans les milieux intellectuels et étudiants.
Ces expériences renforcèrent sa conviction que les idéologies totalitaires profitaient des erreurs des démocraties occidentales. Il observa comment l’inflation dévastait la classe moyenne allemande, préparant le terrain au nazisme, et comment le ressentiment en Europe centrale ouvrait la voie à des régimes autoritaires. Pour lui, les ambitions messianiques de dirigeants comme Hitler, Mussolini ou Staline confirmaient la leçon de Tolstoï : les « grands hommes » n’étaient pas maîtres des événements, mais portés et parfois broyés par eux.
En 1933, Morley prit la direction éditoriale du Washington Post. Sa plume, claire et ferme, lui valut le prix Pulitzer en 1936, mais surtout une influence intellectuelle qui dépassait la capitale fédérale. Dans un contexte marqué par la montée des périls, il choisit de garder ses distances avec les passions du moment. Plutôt que de s’abandonner à un antinazisme ou un anticommunisme de circonstance, il s’attacha à défendre une ligne indépendante : éclairer l’opinion par des idées et non l’embrigader par des slogans. Cela le conduisit à critiquer l’interventionnisme croissant de Roosevelt, qu’il jugeait dangereux pour l’équilibre constitutionnel et pour la neutralité américaine.
Cette posture exigeante lui valut d’être parfois isolé, mais elle traduisait une vigilance constante face au pouvoir. Qu’il s’agisse de l’État fédéral, des diplomaties européennes ou des mouvements totalitaires, Morley voyait dans chaque forme de centralisation un péril pour les libertés. Le journalisme, tel qu’il le pratiquait, n’était pas un simple métier d’information, mais un exercice civique : rappeler sans cesse que la liberté ne survit que là où le pouvoir reste borné.
Rousseau, la Volonté générale et la critique du collectivisme
L’un des épisodes marquants du parcours intellectuel de Felix Morley eut lieu à Genève, lors de conversations prolongées avec Romm, correspondant de l’agence soviétique Tass. Ce dernier lui fit observer que, pour comprendre la logique du communisme, il fallait remonter moins à Marx qu’à Rousseau et à son Contrat social. Cette remarque frappa profondément Morley et l’incita à relire l’ouvrage sous un jour nouveau.
La thèse rousseauiste de la Volonté générale lui apparut alors comme un instrument redoutable. Présentée comme l’expression unifiée d’une communauté, elle pouvait en pratique se réduire à la voix d’un petit groupe, voire d’un seul dirigeant disposant des moyens policiers pour faire taire toute contestation. Dans une telle logique, l’opposition devient suspecte, la dissidence assimilée à une trahison, et les droits individuels disparaissent au nom de l’unité sociale.
Morley mesura combien cette idée, exaltée au temps de la Révolution française, avait servi de justification à divers régimes collectivistes. Elle donnait un vernis philosophique à la négation des libertés personnelles, en sacrifiant l’individu à une abstraction. C’est précisément ce qu’il observait dans la pratique soviétique : le pouvoir invoquait la Volonté générale pour imposer un consensus artificiel et écarter toute contestation.
À cette vision, il opposa l’héritage anglo-américain. Les traditions parlementaires anglaises avaient préservé l’idée d’une opposition loyale, légitime et même indispensable au bon fonctionnement du gouvernement. La Constitution américaine, de son côté, consacrait des droits inaliénables, protégés contre la majorité par le Bill of Rights. Pour Morley, cette différence était essentielle : là où Rousseau dissolvait l’individu dans le corps social, les fondateurs des États-Unis avaient érigé des barrières pour garantir la liberté contre l’État, quel que soit le nom qu’il se donnait.
De cette réflexion, il tira une conviction durable : les idéologies qui exaltent l’unité abstraite de la communauté, qu’elles soient révolutionnaires ou nationalistes, portent toujours en elles le germe du despotisme. La véritable garantie des sociétés libres réside au contraire dans la diversité, le pluralisme et la protection ferme des droits individuels.
Une doctrine de liberté, de fédéralisme et d’individualité
L’œuvre écrite de Felix Morley prolonge et structure les convictions qu’il avait défendues dans la presse. Trois de ses ouvrages principaux en donnent la mesure et permettent de saisir l’unité de sa pensée.
Dans The Power in the People (1949), il insiste sur le rôle créateur des citoyens dans la vie démocratique. La démocratie n’est pas une mécanique électorale ni un simple décompte de voix : elle repose sur la vitalité des individus, sur leur capacité à participer activement à la vie publique, à défendre leurs droits et à limiter le pouvoir de l’État.
Dans Freedom and Federalism (1959), Morley formule sa défense la plus nette du système américain. Pour lui, le fédéralisme est l’instrument essentiel qui empêche la concentration des pouvoirs et garantit la liberté. Les États fédérés, par leur diversité, limitent la tentation centralisatrice de Washington et préservent les citoyens de l’emprise d’une bureaucratie lointaine. La liberté politique dépend donc directement de cette structure décentralisée, qui fait barrage aux ambitions d’un État tentaculaire.
Avec Essays on Individuality (1958, réédité en 1977), il élargit encore son propos. Ce recueil souligne la valeur irremplaçable de l’individu face aux forces uniformisatrices de l’époque moderne : collectivisme, bureaucratie, nationalisme. L’individualité n’est pas un luxe ou une excentricité, mais le fondement même d’une société libre. Sans la reconnaissance de la personne comme sujet de droits inaliénables, toute organisation politique risque de basculer vers l’oppression.
À travers ces écrits, Morley se positionne clairement contre deux illusions symétriques : celle d’un économisme qui prétend expliquer la société par des équations, et celle d’un étatisme qui croit résoudre les problèmes en concentrant les pouvoirs. Pour lui, la politique doit rester d’abord une réflexion sur la condition humaine et sur la nécessité de concilier liberté et ordre.
Sa doctrine, nourrie de l’expérience journalistique et des grands textes classiques, peut se résumer en quelques principes. L’État doit rester limité dans ses fonctions et respectueux de la Constitution ; le fédéralisme est la meilleure garantie contre la centralisation et l’arbitraire ; l’individu est la pierre angulaire de toute société libre et doit être protégé contre les abstractions collectives. En ce sens, Morley proposait une orientation : garder toujours à l’esprit que la liberté se défend d’abord dans la vigilance intellectuelle, dans le respect des institutions décentralisées et dans la reconnaissance de la dignité de chaque personne.
Une alternative aux extrêmes
En regard rétrospectif, Felix Morley n’a cessé d’avertir que les menaces les plus sérieuses pour la liberté ne provenaient pas seulement des dictatures étrangères, mais aussi des dérives internes aux démocraties. La centralisation excessive du pouvoir à Washington, l’essor d’agences fédérales opaques et l’accroissement du rôle militaire mettaient, selon lui, en péril l’équilibre fragile voulu par les fondateurs de la République.
Il jugeait tout aussi dangereux l’illusion selon laquelle une guerre totale contre le communisme pourrait sauver l’Occident. L’expérience du Vietnam lui semblait une preuve éclatante : loin de réduire l’expansion d’un système oppressif, la guerre alimentait son enracinement en exploitant le chaos. Pour lui, la logique de l’affrontement permanent ne profitait qu’aux extrêmes et renforçait la tentation impériale de l’État américain.
Face à ces périls, Morley appelait à une voie différente. Plutôt que de se laisser entraîner dans une compétition militariste ou dans un interventionnisme ruineux, les États-Unis devaient préserver leurs institutions, protéger leur économie d’une inflation chronique, et surtout restaurer l’esprit civique qui faisait vivre leur Constitution. Il refusait aussi bien le radicalisme de la gauche socialiste que l’intransigeance belliqueuse d’une droite obnubilée par l’ennemi soviétique.
Sa confiance allait non pas à un parti ou à un leader, mais à la capacité des idées à influencer l’opinion publique. Dans cette perspective, les intellectuels avaient pour mission de clarifier les principes de la liberté et de rappeler que la survie d’une société libre ne dépend ni de slogans, ni d’idéologies collectives, mais de la fidélité aux fondements : le respect de l’individu, la limitation du pouvoir, et l’équilibre fédéral entre les différentes communautés politiques.
Ainsi, le message de Felix Morley tient dans un avertissement et dans un espoir. L’avertissement : un État qui s’étend sans cesse finira par miner la liberté qu’il prétend protéger. L’espoir : tant que les citoyens se souviendront des principes de la République américaine et auront le courage de les faire vivre, il restera possible de concilier liberté et ordre, même dans un monde en proie aux convulsions.
Informations complémentaires
Notes et références
Publications
- 1944, "Portent in Greece", Human Events (13 December)
- Repris en 1945, In: A Year in Human Events, vol. 1, F. C. Hanighen et Felix Morley, dir., Chicago: Human Events Associates
- 1947, "Uncle Sam or Uncle Joe?", American Affairs, January, Vol 9, n°1, pp44-46
- 1948, "Politics and Principles". Human Events, Vol 5, 27 octobre
- 1949, The Power in the People, New York: D. Van Nostrand Company
- 1951, The Foreign Policy of the United States. New York: Alfred A. Knopf
- 1954, The Fifth Amendment. Barron’s (22 March)
- 1957, American Republic or American Empire?, Modern Age, Vol 1, n°1, Summer
- 1958,
- a. dir., "Essays on Individuality", Philadelphia,: University of Pennsylvania Press
- Nouvelle édition en 1977, Liberty Press
- b. "Introduction", In: Felix Morley, dir., "Essays on Individuality", Philadelphia,: University of Pennsylvania Press, pp5--7
- c. "Individuality and the General Will", In: Felix Morley, dir., "Essays on Individuality", Philadelphia,: University of Pennsylvania Press, pp82-102
- a. dir., "Essays on Individuality", Philadelphia,: University of Pennsylvania Press
- 1959, "Freedom and Federalism", Chicago: Henry Regnery
- 1960, "The Actuality of Calhoun", commentaire du livre de Robert L. Meriwether, dir., "The Papers of John C. Calhoun, Vol. I, 1801-1817", Modern Age, Vol 4, n°3, summer, pp312-315
- 1961, "Democracy and the Electoral College", Modern Age, Vol 5, n°4, Fall, pp373-388
- 1963, "Vox Populi, Vox Dei?", commentaire du livre de Francis G. Wilson, "A Theory of Public Opinion", Modern Age, Vol 7, n°2, Spring, pp211-212
- 1976, "Nemesis of Democracy", commentaire du livre de Friedrich Hayek, "Law, Legislation and Liberty", Vol I: Rules and Order, Modern Age, Winter, vol 20, n°1, pp122-124
- 1978, "In the Course of "Human Events", Reason, February, pp32-36
- 1979,
- a. For the Record. South Bend. Ind.: Regnery/Gateway
- b. State and Society, In: Kenneth S. Templeton Jr., dir., The Politicization of Society, Indianapolis: Liberty Press, pp53-82
Littérature secondaire
- 1958, John Chamberlain, "On the importance of being different", commentaire du livre de Felix Morley, "Essays in individuality", The Freeman, November, Vol 8, n°11, pp61-64
- 1960, Frederick A. Manchester, commentaire du livre de, Felix Morley, "Freedom and federalism", The Freeman, février, Vol 10, n°2, pp58-62
- 1961, Mario Albertini, commentaire du livre de Felix Morley, "Freedom and federalism", Il Politico, Vol 26, n°4, décembre, p866
- 1977, Richard Ebeling, commentaire du livre de Felix Morley, "Essays on Individuality", Libertarian review, Octobre, Vol 6, n°6, p45,p47
- 1978, Allan C. Brownfeld, commentaire du livre de Felix Morley, dir., "Essays on individualty", The Freeman, Février, Vol 28, n°2, pp126-128
- 2006, James E. Person, "Morley, Felix (1894-1982)", In: Bruce Frohen, Jeremy Beer, Jeffrey O. Nelson, dir., "American conservatism: an encyclopedia", Wilmington, Del.: ISI Books, pp591-592
Liens externes
- (en)
[pdf]Felix Morley: An old fashioned republican critic of statism and interventionism, Mises Institute
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