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Jan Narveson

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Jan Narveson
Philosophe

Dates 1936 -
Tendance Libéral classique moderne
Nationalité États-Unis États-Unis
Articles internes Autres articles sur Jan Narveson

Citation
Interwikis sur Jan Narveson

Jan Narveson est né à Erskine, dans le Minnesota, aux USA, en 1936. Il est professeur de philosophie à l'université de Waterloo, dans l'Ontario au Canada. Il a étudié à l'université de Chicago où il a obtenu un B.A. en Science Politique et en philosophie. Puis, il a obtenu un doctorat à l'Université d'Havard en 1961. De tendance anarcho-capitaliste contractualiste, il est fortement influencé par la pensée de Robert Nozick, de David Gauthier et d'Anthony de Jasay.

Jan Narveson assimile la liberté et les droits de propriété privée en faisant valoir que la liberté n'est en fait que la propriété. Dans son livre écrit en 1988, "L'idée libertarienne", Jan Narveson s'inspire des travaux contractualistes de David Gauthier et de Robert Nozick. Il discute à la fois de la théorie libertarienne et de son application aux controverses contemporaines telles que les droits des enfants, les lois de zonage et la défense nationale.

Les fondements philosophiques du libéralisme classique

Dans son livre, The Libertarian Idea , Jan Narveson commence par rejeter l’idée que les droits reposeraient sur de simples intuitions morales. Selon lui, il ne suffit pas d’affirmer que certaines choses sont « évidentes » pour qu’elles soient véritablement fondées. La morale doit pouvoir être justifiée de manière rationnelle et cohérente, sans dépendre de sentiments ou d’intuitions changeantes.

Pour établir cette base solide, Narveson s’appuie sur le contractualisme, notamment tel qu’il a été développé par David Gauthier[1] dans Morals by Agreement. L’idée centrale est que les règles morales émergent d’un accord mutuellement avantageux entre individus. Chacun, motivé par son intérêt propre, comprend qu’il a tout à gagner à coopérer plutôt qu’à entrer dans un rapport de force permanent. La morale devient ainsi un ensemble de règles de coopération rationnelles, choisies parce qu’elles servent les intérêts de tous sur le long terme.

Enfin, Narveson critique l’utilitarisme, doctrine à laquelle il avait lui-même adhéré dans sa jeunesse. L’utilitarisme vise à maximiser le bonheur global, mais il sacrifie trop facilement les droits ou la dignité d’un individu au nom du bien-être collectif. Le libéralisme classique, tel que Narveson le défend, s’y oppose radicalement : il affirme que l’individu doit être respecté comme une fin en soi, et non traité comme un simple moyen au service d’un objectif collectif.

Liberté et droits individuels

Au cœur du libéralisme classique défendu par Narveson se trouve une conception précise de la liberté. Il distingue la liberté négative, entendue comme absence de contrainte extérieure, de la liberté positive, qui renvoie plutôt à la capacité effective d’agir. Pour Narveson, seule la première importe véritablement sur le plan politique : il s’agit de garantir à chacun qu’aucune autorité, aucun individu, ne vienne interférer de manière injustifiée dans ses choix.

De cette conception découle la manière dont il comprend les droits individuels. Ceux-ci ne sont pas des abstractions métaphysiques, mais des règles contractuelles issues d’un accord mutuel de non-agression. Autrement dit, chacun s’engage à respecter la liberté des autres en échange du respect de la sienne. Ces droits définissent ainsi des zones d’autonomie au sein desquelles chaque individu peut agir librement, sans crainte d’ingérence.

Enfin, Narveson accorde une place centrale à la propriété privée, véritable pilier du libéralisme classique. Posséder des biens, c’est disposer d’un espace concret où l’on peut exercer sa liberté et développer son autonomie. La propriété est aussi le socle de la coopération sociale, puisqu’elle clarifie qui est responsable de quoi et permet l’échange volontaire. Une définition claire et protégée des droits de propriété constitue, selon lui, la base même de la justice sociale.

La société libérale classique

Dans la société telle que la conçoit Narveson, le principe de non-agression sert de règle cardinale. Nul ne peut imposer sa volonté par la force ni par la menace de la force ; toute relation légitime repose sur le consentement. Ce principe ne demande pas que chacun aide autrui, mais qu’il s’abstienne d’empiéter sur sa personne, ses choix et ses biens. Il fixe ainsi une frontière nette entre ce qui relève de la coopération volontaire et ce qui relèverait d’une contrainte injustifiée.

Sur cette base se dessine un contrat social minimaliste. Les institutions n’ont pas pour mission de planifier la vie des individus, encore moins de leur dicter ce qu’ils doivent poursuivre comme fins. Leur rôle est plus modeste et plus précis : sécuriser les interactions en protégeant chacun contre l’agression, en arbitrant les différends et en garantissant l’exécution des engagements librement consentis. Il s’agit d’un cadre commun qui rend la coopération prévisible et fiable, sans prescrire les contenus de cette coopération. La vie sociale devient un maillage d’accords et d’échanges que les individus élaborent eux-mêmes, à mesure de leurs besoins et de leurs projets.

Dans un tel ordre, les inégalités qui résultent d’échanges libres ne constituent pas en soi une injustice. Elles reflètent des préférences, des talents, des choix et des paris différents, non une violation des droits. Ce qui est décisif, pour Narveson, n’est pas l’égalité des résultats, mais la rectitude des procédés : absence de coercition, respect des droits de chacun, possibilité pour tous d’entrer et de sortir librement des arrangements sociaux. Dès lors, l’amélioration du sort d’autrui relève d’initiatives volontaires (charité, association, entreprenariat) qui s’inscrivent dans le même esprit de coopération librement choisie.

Les implications politiques et économiques

De sa conception de la liberté et des droits découle naturellement, chez Narveson, une vision particulière du rôle de l’État. Celui-ci doit rester minimal, limité à trois fonctions essentielles : assurer la sécurité des personnes, garantir le respect des contrats et protéger les droits de propriété. Au-delà de ces missions, toute extension du pouvoir politique devient illégitime, car elle empiète sur la liberté des individus. Narveson rejette ainsi aussi bien les politiques redistributives que les mesures paternalistes : l’État n’a pas à décider ce qui est « bon » pour les citoyens, encore moins à leur prendre des ressources pour les redistribuer selon des critères arbitraires.

Dans cette perspective, l’État-providence est une forme de coercition déguisée. L’aide sociale obligatoire, financée par l’impôt, repose sur une contrainte imposée à certains pour le bénéfice d’autres. Pour Narveson, une telle pratique viole le principe de non-agression et dénature la coopération volontaire. La solidarité, pour être légitime, doit rester un acte librement choisi : dons individuels, entraide au sein de la famille, associations de bienfaisance ou initiatives privées.

Enfin, Narveson affirme que l’économie de marché constitue le cadre naturel des échanges humains. Lorsque les individus disposent de leurs droits de propriété et de la possibilité de contracter librement, ils organisent spontanément une coopération mutuellement avantageuse. Le marché n’est pas un chaos mais un ordre qui émerge des choix et des interactions volontaires. Dans ce système, l’État n’a pas à orienter ni à corriger la concurrence : son rôle est simplement de veiller à ce qu’elle demeure libre, c’est-à-dire dégagée de toute coercition et accessible à chacun.

L’originalité de Narveson dans la tradition libérale classique

L’originalité de Jan Narveson tient d’abord à sa méthode. Là où Robert Nozick posait des droits comme des données quasi axiologiques, Narveson cherche à en fournir une justification contractuelle : les droits émergent d’accords mutuellement avantageux entre individus rationnels. Ils ne sont pas des « intuitions » indémontrables, mais des règles de coopération que chacun a raison d’accepter parce qu’elles protègent sa propre sphère d’action. En ce sens, Narveson offre au libéralisme classique une fondation argumentative qui intègre les outils de la philosophie analytique et de la théorie du choix rationnel.

Par rapport à l’utilitarisme qu’il a lui-même pratiqué, Narveson opère une rupture décisive : il refuse l’agrégation des préférences qui autorise, au nom du « plus grand bien », des sacrifices imposés à quelques-uns. Sa défense de la liberté négative, des contrats et de la propriété privée procède d’une logique différente : sécuriser des procédures justes plutôt que viser des résultats globaux. Le bien-être d’ensemble ne disparaît pas de l’horizon, mais il n’est plus l’étalon ultime ; il devient une conséquence attendue d’interactions libres et non un objectif qui justifierait la coercition.

Narveson se distingue aussi par la précision des frontières morales qu’il trace : il sépare nettement coercition et pression, interférence et non-assistance, devoirs d’abstention et devoirs d’aide. Cette cartographie fine évite d’absorber la morale publique dans un impératif de bienfaisance générale. Elle fait voir, au contraire, comment un ordre de droits négatifs bien définis permet la coexistence pacifique d’objectifs pluriels et parfois incommensurables.

Enfin, son apport consiste à moderniser le libéralisme classique sans le diluer : il en conserve le noyau (propriété, consentement, responsabilité) tout en le défendant avec des arguments contemporains capables de répondre aux critiques égalitaristes, intuitionnistes ou paternalistes. En articulant autonomie individuelle et coopération volontaire, Narveson montre que la société libre n’est pas un désert moral, mais un espace où solidarités et projets communs naissent de choix, non de contraintes.

Informations complémentaires

Notes et références

  1. Bibliographie de David Gauthier
    • 1969, "The Logic of ‘Leviathan’: the Moral and Political Theory of Thomas Hobbes", Clarendon Press, Oxford
    • 1986, "Morals by Agreement", Clarendon Press, Oxford
    • 1991, "Why Contractarianism?", In: Peter Vallentyne, dir., "Contractarianism and Rational Choice: Essays on David Gauthier’s Morals by Agreement", Cambridge: Cambridge University Press
    • 2013, "Twenty-Five On", Ethics, Vol 123, n°4, pp601–624

Publications

  • 1980, Commentaire du livre de Friedrich Hayek, "Law, Legislation and Liberty, Vol II: The mirage of Social Justice", Philosophy of Social Science, Vol 10, pp325-328
  • 1983,
    • a. "Moral Issues". Oxford University Press
    • b. "On Dworkinian Equality", Social Philosophy and Policy, Vol 1, pp1-23
  • 1987, Morality and Utility. Johns Hopkins University Press
  • 1988, The Libertarian Idea, Philadelphia: Temple University Press
    • Edition paperback en 2001 avec une nouvelle préface, Broadview Pr.
  • 1990, "Critical Notice of Jeremy Waldron, The Right to Private Property", Dialogue
  • 1992, "Postlibertarianism, Libertarianism, and the Welfare State: Reply to Friedman", Critical Review, 6(I), pp45—82
  • 1993, Moral Matters. Broadview Pr.
    • Nouvelle édition en 1999
  • 1996, avec John T. Sanders, dir., "For and against the State: New Philosophical Readings", Lanham, MD: Rowman & Littlefield
  • 1999, Original Appropriation and Lockean Provisos, Public Affairs Quarterly, Vol 13, pp205-27
    • Repris en 2002, In: Respecting Persons in Theory and Practice, Lanham: Rowman & Littlefield Publishers, pp111-131
  • 2002, Respecting Persons in Theory and Practice: Essays on Moral and Political Philosophy, Lanham: Rowman & Littlefield
  • 2004, Overpopulation? Fiddlesticks!, Free Inquiry, August / September, Vol 24, n°5
  • 2010,
    • a. "Liberty and Social Harmony", In: Marc Guttman, dir., Why Liberty, Apple Valley: Cobden press, pp143-148
    • b. "Property and Rights", Social Philosophy and Policy, 27:1, January, pp101-134

Littérature secondaire

  • 1983, Ronald Dworkin, "Comment on Narveson: In Defense of Equality", Social Philosophy and Policy, Vol 1, pp24-40
  • 1991, Andreas K. Winterberger, Individuelle Freiheit und die Rolle des Staates. Zu einem Werk von Jan Narveson, Neue Zürcher Zeitung, n°74, 30 et 31 mars, commentaire du livre de Jan Narveson, The Libertarian Idea

Liens externes


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