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République de Gênes

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La République de Gênes est un État italien dont l'existence s'étend sur sept siècles de 1099 à 1797. « De toutes les républiques commerçantes la plus enviée, la plus dénigrée et la moins connue » écrit Giuseppe Gorani, aventurier milanais qui a laissé un ouvrage en français décrivant les principaux États d’Italie en 1793. Le Génois Cevasco en 1838, écrit lui aussi en français : « Il y a peu d’État, qui ait, autant de fois que lui, changé la forme de leur gouvernement. »

Qualifiée de République Sérénissime en 1339, mais les Génois, pour se distinguer des Vénitiens, préféraient dire : Superba reppublica, aussi est-elle Gênes la Superbe (l’Orgueilleuse) selon Dante. Elle a été surnommée aussi la Dominante des Mers, la République des Magnifiques.

Selon Pétrarque : « Tu verras une cité royale, adossée à une colline alpestre, superbe par ses hommes et par ses murs, dont le seul aspect indique qu’elle est la maîtresse de la mer. »

Cité du Griffon, ses armes portent D’argent à la croix de gueules et l'animal fabuleux figurait sur le sceau de la ville : créature légendaire qui mêle le corps d’un aigle et celui d’un lion, le griffon est emblème de force et d’audace. C'est un des symboles des républiques du temps des monarchies comme sa grande rivale, Venise.

Les origines de la République

Pour Jacques de Voragine, auteur de la Légende dorée et archevêque de Gênes, la ville a été fondée par Dardanus ou par Janus, prince troyen. C’est Janua, la ville de Janus.

Seulement dans l’Antiquité, son nom est Genua, sans doute de l’indo-européen genu (genou, mâchoire, bouche, c’est-à-dire embouchure). Gênes est associé à un peuple mystérieux, les Ligures. Ils sont déjà marchands et navigateurs.

Gênes est un oppidum fondé au début du Ve siècle av. J.-C. qui se transforme en cité romaine. Puis qui devient un évêché au IVe siècle. Un évêché sous la dépendance du siège métropolitain de Milan.

La ville est brûlée en août 935 et les musulmans font des milliers de prisonniers.

En 958, le roi Berenger II confirme aux Gênois le droit d’administrer leurs propres biens. La principale église à l’intérieur des murs, San Lorenzo devient la cathédrale par décision de l’évêque.

1015-1016 : alliance momentanée entre deux cités rivales, Pise et Gênes, contre une flotte musulmane qui menace les côtes. Le pape Urbain II cherche le soutien d’une puissance maritime pour ravitailler l’expédition qu’il souhaite en Terre Sainte.

Cathédrale San Lorenzo

La première croisade et la naissance de la République

La première croisade

Selon le chroniqueur officiel Caffaro de Caschifellone, l’intervention en Orient coïncide avec la mise d’un nouveau gouvernement à Gênes, la Compagna.

En tout cas, cette croisade est une initiative privée : flotte de 12 galères en juin 1097 qui rejoint l’armée franque à Antioche. Les Génois contribuent ainsi à la prise de la ville (image) et se voient accorder la concession d’une église, d’un marché, de trente maisons, d’une fontaine et l’exemption de droits perpétuels (c’est une zone franche).

D’où une seconde expédition privée conduite par les Embriaco, famille qui va jouer un rôle important en Terre Sainte et s’allier avec les familles des princes latins d’Orient (le portrait de Guglielmo Embriaco, capitaine et amiral).

La 3e expédition se fait sous l’égide du nouveau gouvernement communal, la Compagna, avec une flotte qui compte 26 galères et quelques navires de transport. Baudoin décide de privilégier les Génois aux dépens de leurs rivaux les Pisans. Les Génois sont présents commercialement sur les côtes libanaise, syriaque et palestinienne. Les Génois participent à la prise de Jérusalem qui tombe en juillet 1099.

La Compagna Communis

La Croisade coïncide avec la naissance de la Commune génoise qui prend la forme de la Compagna. C’est un système de gouvernement sur plusieurs années (3 à 4 ans souvent) : chaque compagna successive est dirigée par plusieurs consuls. La compagna se crée sur le modèle des sociétés commerciales : elle réunit la vieille aristocratie et les habitants les plus riches.

En 1122, le consulat devient une charge annuelle. Les consuls dirigent la cité et commandent la milice urbaine. Puis ils délèguent leur pouvoir judiciaire à des consuls de justice (consoli di commune). Les consuls sont élus par l’Assemblée générale qui est convoqué par son de cloche et se réunit sur le parvis de la cathédrale S. Lorenzo. Le popolo comprend les juristes, les banquiers, marchands, marins et artisans. Avec la création de l’archevêché (par Innocent II) c’est la fin de la dépendance à l’égard de Milan. La cathédrale joue le rôle de palais communal, de symbole de la patrie communale. Enfin, tout citoyen de 18 à 70 ans doit l’impôt et le service militaire. C’est seulement au XIIIe siècle que déclinera l’esprit civique et se développera le recours onéreux aux mercenaires. La ville compte sans doute à la fin du XIIe siècle entre 20 000 et 40 000 habitants. La Commune obtient de l’empereur Conrad II le droit de battre monnaie. Denier en alliage argent. Après 1200 vont apparaître les premières pièces d’or.

L'ascension de la République : la Compagna

Le contrôle du districtus

La Commune s’efforce d’unifier l’espace régional : surtout du côté de la Rivière du Levant avec ses petits États féodaux : il s’agit de se substituer aux seigneurs. Pour les seigneurs, aux uns elle fait la guerre, aux autres elle achète fiefs ou parts de fiefs. Sur la rivière du Ponant, Gênes se heurte à des centres urbains comme Savone. En 1113, ils achètent bourg et château de Portovenere (vers la Spezia, tout à l’est). Les habitants vont jouir des privilèges de la citoyenneté et être administrés par un magistrat génois. Au Levant, Gênes impose le serment de la Compagna aux seigneurs obligés de venir résider à Gênes.

Gênes et Frédéric Barberousse

Porta Soprana : deux Tours

En 1158, l’empereur convoque une diète pour rappeler les droits impériaux et soumettre les cités italiennes. Gênes organise sa défense en construisant des murs flanqués de « tours très hautes ». C’est la troisième enceinte de la ville. La ville accueille avec faste le pape Alexandre III, ennemi de l’empereur en 1162 : le pape renforce le pouvoir de l’archevêque. L’empereur se rapproche de Pise, l’ennemi de Gênes mais finalement doit accorder à Gênes toute la côte entre Monaco et Portovenere. En échange, Gênes promet d’aider le souverain en cas d’expédition contre la Sicile. Mais la Commune a obtenu sa reconnaissance officielle contre un vague engagement qui ne débouchera sur rien. C’est donc un marché de dupes en faveur de la cité. Et le pape au IIIe concile de Latran (1179) confirme les privilèges de l’église génoise. Comme le note l’évêque Othon de Freising, oncle de l’empereur, à propos des Génois : « Ils aiment si fort la liberté qu’ils refusent tout excès de pouvoir et préfèrent, pour les diriger, des consuls à des chefs » (Gesta Frederici I imperatoris). Mais en 1190, l’assemblée de la ville décide de cesser le consulat au profit d’un nouveau système : le podestat.

Génois vs Pisans

La Corse et la Sardaigne intéressent Génois et Pisans pour des raisons stratégiques : le contrôle de la navigation entre les îles et la Toscane. C’est le début d’une guerre entre les deux républiques. Les galères génoises et pisanes s’affrontent. En 1133, le pape arbitre et divise la Corse en deux zones d’influence ecclésiastique à peu près identiques. Pise obtient Ajaccio, Aleria et Sagone. Gênes les évêchés du Nord. Mais en Sardaigne, l’archevêque de Pise obtient le titre de légat apostolique en 1138. En 1162, à Constantinople, les Pisans attaquent les Génois : c’est la guerre. Le juge (gouvernant) d’Arborée, Barisone, soutenu par Gênes, demande à l’empereur, la couronne royale de Sardaigne, en 1164. Il l’obtient mais l’empereur en 1165 attribue la Sardaigne à Pise !

Commerce et croisades

En 1188, le pape réussit à faire la paix entre les deux rivales dans la perspective de mener une nouvelle croisade. Mais Gênes mène de front piraterie et commerce, croisade et traités avantageux avec les princes musulmans comme l’émir de Valence. D’ailleurs à la fin du XIIe siècle les pèlerins musulmans d’Espagne et du Maghreb vont à la Mecque sur des bateaux génois. Si les Génois ne participent pas à la seconde croisade (1147-1149) c’est qu’elle est éloignée des escales côtières qui seules les intéressent. Le commerce passe avant la chrétienté et Gênes préférerait mille fois venir en aide aux musulmans qu’à Pise ou Venise et réciproquement.

Les Génois jouent un rôle important dans la IIIe croisade (1189-1192) : ils transportent la cavalerie du roi de France dans la mesure où Philippe II s’engage à attaquer en priorité les places qui les intéressent, particulièrement Saint Jean d’Acre. Al-Idrisi au service du roi Normand Roger II de Sicile devait écrire : « Les Génois, dotés d’une flotte formidable, sont experts dans les pièges de la guerre et dans l’art de gouverner : parmi tous les Latins ils sont ceux qui jouissent du plus grand prestige. »

Un premier apogée (1190-1338)

Le Podestat

Le podestat est un magistrat municipal, élu pour une année, généralement étranger (citoyen d’une autre cité) comme gage de son impartialité. Dans le régime consulaire, le pouvoir était exercé par plusieurs personnes, ici il est concentré entre les mains d'un seul homme qui exerce aussi le pouvoir judiciaire. L’assemblée générale n’a plus qu’un caractère formel : elle est convoquée rarement et se contente d’acclamer (fiat, fiat) les décisions déjà prises.

Les Hohenstauffen et la Sicile

C’est le moment où Henri VI promet de grands avantages aux Génois s’ils appuient son expédition de conquête de la Sicile. « Si grâce à vous, je conquiers le royaume de Sicile, l’honneur sera pour moi mais les avantages seront pour vous ». L’empereur n’a pas l’intention de tenir ses promesses mais sa mort prématurée entraîne une période d’instabilité dont profitent les Génois. Ils obtiennent de son jeune fils Frédéric II des établissements à Naples, Messine, Syracuse, des exemptions douanières sur les exportations de blé et de marchandises. Plusieurs Génois vont servir l’Empire comme amiraux.

Un aventurier génois, Alamanno da Costa, s’empare de Syracuse et se fait proclamer comte de Syracuse en 1204 « au nom de Gênes ». Syracuse devient la base d’entreprises de piraterie, le point d’appui militaire et le centre du commerce du blé des Génois. Les Génois vont soutenir Frédéric II qui souhaite devenir empereur comme son père. En 1219, le pape obtient de Pise, Venise et Gênes qu’elles cessent leurs affrontements pour participer à la 5e croisade à Damiette en 1219.

La lutte contre Frédéric II

Mais Frédéric II, devenu empereur, annonce sa volonté de restaurer les droits impériaux en Italie. Les communes forment une ligue lombarde. Les Génois n’adhèrent pas à la ligue et obtiennent de l’empereur la confirmation de leurs droits en 1226. Mais dans le même temps Frédéric pousse les petits seigneurs du Ponant à se soulever, sous la conduite du comte de Savoie. Gênes s’empare de Savone et rétablit son autorité sur la Riviera en 1227.

La rupture n’intervient qu’en 1238 : l’empereur appuie de nouveau une révolte dans le Ponant et donne le titre de roi de Sardaigne à l’un de ses fils. Une assemblée, un parlement, réuni par le podestat milanais de Gênes, décide de s’allier avec le pape et Venise. En 1239 Grégoire IX fulmine une excommunication contre Frédéric II. Et Gênes entre dans la Ligue. C’est l’affrontement dans la cité entre Guelfes (rampini) anti-impériaux et gibelins (mascherati) pro-impériaux. Les rampini l’emportent en s’appuyant sur les populaires.

Les Génois veulent conduire leurs affaires politiques sans ingérence extérieure et veulent se gouverner comme bon leur semble. En 1241, Frédéric II envoie la flotte pisane contre la flotte génoise qui transporte une centaine d’évêques pour le concile convoqué à Rome pour déposer l’empereur. A l’île del Giglio c’est le désastre : seuls 5 galères génoises sur 27 peuvent s’enfuir. La ville va subir un blocus pendant 5 ans. Mais en 1244, une flotte génoise réussit à transporter le nouveau pape, Innocent IV, qui appartient à une famille des Rivières installée à Gênes, de Civitavecchia à Gênes pour lui permettre d’échapper à l’empereur. Le pape réunit un concile à Lyon qui dépose l’empereur. La mort subite de Frédéric en décembre 1249 permet à Gênes de rétablir son autorité sur les Rivières : Albenga, Savone, Vintimille doivent se soumettre.

Le capitaine du peuple

Un soulèvement populaire en février 1257 au cri de Fiat populus aboutit à la désignation dans l’église San Siro de Guglielmo Boccanegra comme capitaneus communis et populi Ianue. Issu d’une famille de petite origine mais soutenu par les nobles gibelins qui profitent du mécontentement populaire. En 1259, les nobles guelfes qui ont formé une conjuration sont bannis et leurs maisons détruites. Boccanegra prend des mesures fiscales favorables aux populares et défavorables à la noblesse. Mais Boccanegra est un « tyran clément » qui finit par être destitué en 1262. Il est le premier à souhaiter construire un édifice pour devenir le siège de la magistrature suprême : le Palais de la Mer aujourd’hui palais San Giorgio. Exilé en France, Boccanegra est devenu gouverneur d’Aigues Mortes au service de Louis IX, qui était alors le grand port du roi de France sur la Méditerranée.

Magnates et alberghi

En 1264 les Magnates (les grands) décident de gérer la Commune : les Grimaldi et les Fieschi représentent les guelfes ; les Spinola et les Doria les gibelins. Les Magnates possèdent des serviteurs, portent des armes et disposent de tours de défense. Ils forment des alberghi : des groupes de familles nobles unies par des liens de parenté et d’intérêt. En 1270, les Grimaldi sont chassés de Gênes. Le podestat est remplacé par deux capitaines du peuple, un Doria et un Spinola. La dyarchie permet d’éviter le danger du pouvoir personnel. Comme le note l’envoyé du khan mongol en 1287 : « Dans ce lieu, il n’y a pas de roi : le peuple choisit selon son plaisir un chef qui le gouverne. » Mais les capitaines du peuple disposent d’une puissance absolue. Cependant, la guerre civile menace toujours la ville : fin 1295, on se bat dans les rues et les places, le toit de la cathédrale brûle. Les Guelfes sont de nouveau exilés et de nouveau un Spinola et un Doria sont élus capitaines. Mais les deux familles ne vont tarder à se brouiller.

La Meloria (1284)

Au large de Livourne, en mer Tyrrhénienne, près de l’ilot de la Meloria, c’est le règlement de comptes final entre les deux rivales : Gênes et Pise. La flotte génoise est commandé par les Spinola et les Doria. On dit que, tandis que l'archevêque de Pise bénissait la flotte, la croix d'argent de sa crosse archiépiscopale tomba, mais que le présage fut négligé avec irrévérence par les Pisans, qui déclarèrent que s'ils avaient le vent avec eux, ils pourrait se passer de l'aide de Dieu. Les Génois avaient astucieusement formé deux lignes de vaisseaux, la seconde ligne se rabattant sur les Pisans. Les Génois avaient des navires plus récents et plus légers que les lourds bateaux pisans. La plus grande bataille navale du Moyen-Age voit la victoire définitive de Gênes sur Pise : 29 galère prises, 7 coulées, plus de 8000 prisonniers dont le Podestat de Pise. Pise en déclin démographique, en proie à la concurrence de Florence, ne s’en relèvera pas. Mais Pise éliminée, Gênes reste en conflit ouvert avec Venise.

L’affrontement avec Venise (1258-1298)

En 1154, soucieux de rééquilibrer les rapports avec Venise, les Byzantins vont accorder des avantages aux Génois. Mais en 1204, le pillage de Constantinople par les croisés et l’élimination de Byzance place Gênes en confrontation directe avec Venise. En 1258, la flotte vénitienne bat la flotte génoise devant Acre et les Génois sont expulsés de la ville. Mais c’est le moment où se reconstitue l’empire byzantin : les Paléologues concluent avec Gênes un traité en 1261. Les Génois vont évincer les Vénitiens en Mer Noire. Les Vénitiens attaquent les possessions génoises en Méditerranée orientale.

Curzola (1298)

Le 7 septembre 1298 à Curzola (Dalmatie, au large de la Croatie actuelle) dans l’Adriatique, vénitiens et génois s’affrontent de nouveau. Les Génois ont 78 galères et les Vénitiens 95. Mais les Génois avaient le vent pour eux. Bien que supérieur en nombre, la flotte vénitienne est vaincue : 66 galères sont brûlées par le capitaine du peuple Doria qui n’a pas les moyens de les remorquer et 18 sont coulées. La paix est conclue en 1299. C’est l’apogée pour Gênes.

Une thalassocratie

Pour les Génois, la mer c’est la richesse. En matière de commerce, les Génois « abolissent toute barrière de race et de religion ». Ils ont passé des accords avec les gouvernements musulmans de Séville puis avec le roi de Castille quand celui-ci s’empare de la cité en 1248. Ils mènent une politique identique avec le dernier royaume musulman d’Espagne, celui de Grenade. Mais aussi avec les royaumes du Maghreb. Le détroit de Gibraltar devient important quand les Génois commencent à gagner le nord de l’Europe par l’Atlantique et négocient avec les Anglais. Mais ils sont surtout présents en Méditerranée orientale en dépit des interdictions papales sur le commerce avec les Infidèles. Ils développent Pera face à Constantinople. Ils ont obtenu le commerce exclusif de la Mer Noire. Ils assurent ainsi le commerce de la soie venant de Chine. Plus loin la Tana sur la mer d’Azov ouvre sur les marchés du Moyen-Orient : esclaves, épices, peaux, coton. Sur la côte d’Anatolie, Phocée avec ses mines d’alun lui donnent pratiquement le monopole d’un produit précieux (un sel utilisé pour le tannage des peaux et la teinture des tissus). Ils ont donc un « empire à la phénicienne » avec des colonies mais aussi des points d’appui : un quartier réservé, un fondaco, dans des villes comme Tunis ou Constantinople. Ces établissements sont administrés par des fonctionnaires nommés à Gênes. Beaucoup de ces « Génois » sont des habitants des Rivières. En 1291, une expédition génoise menée par les frères Vivaldi tentent de trouver une route de l’Inde par l’Atlantique. En 1312-1339, le Génois Malocello arrive aux Canaries.

La recherche d’un prince étranger

Le 22 novembre 1311, cession de la cité et du Domaine à Henri VII pour mettre fin aux dissensions internes entre guelfes et gibelins. C’est à cette occasion que les Doria adoptent l’aigle impérial sur leurs étendards.

Gênes fournit la plus importante contribution pour financer l’armée impériale en Italie mais l’empereur décède dès 1313. De 1317 à 1331, c’est le retour à la guerre civile entre guelfes et gibelins : les gibelins chassés de la ville en font le blocus. Les guelfes se tournent vers Robert d’Anjou, roi de Naples et seigneur de Provence qui reçoit la reddition de la cité en 1318. Cette fois, le prince étranger est le champion d’une des deux factions. Mais la ville est en proie aux famines et aux soulèvements populaires et les colonies ne reconnaissent pas le gouvernement guelfe. Finalement les deux parties concluent la paix à Naples en septembre 1331.

Les guelfes sont les éléments les plus conservateurs : les Grimaldi, les Fieschi. Les gibelins, les nobles progressistes, les Spinola et les Doria, alliés au popolo. A partir de 1337, des abbés du peuple sont chargés de défendre les intérêts des popolares.

Mais en ce XIVe siècle, l’activité économique se porte mal. Si les Génois arment 20 galères pour le roi de France en 1338 c’est le signe d’une diminution des mouvements marchands.

Le régime dogal à la fin du Moyen-Age (1339-1499)

Simon Boccanegra et Giovanni de Murta

grosso de Simone Boccanegra 1339-1344

En 1339 débute la période des doges perpétuels : terme qui se charge d’ironie. Ils devaient être perpétuels, c’est-à-dire élus à vie. En réalité c’est le début d’une période d’instabilité très forte. L’élection du doge marque la victoire d’un parti sur l’autre.

Le 23 septembre 1339, à l’occasion de l’élection de l’abbé du peuple, l’assemblée décide d’élire Simon Boccanegra doge à vie. C’est un homme nouveau, un marchand issu du popolo. Il devient donc doge des Génois et « défenseur du peuple ». C’est la bourgeoisie marchande et maritime qui profite de la division de la noblesse pour l’écarter de la direction de la cité. Mais Boccanegra, à qui on reproche son népotisme, est chassé le 23 décembre 1344.

Le 25 décembre 1344, le banquier Giovanni de Murta est élu doge par les popolares. Il déclare aussitôt « qu’il voulait se soumettre à toutes les règles émises par les citoyens comme le faisait le doge de Venise et qu’il ne voulait pas prendre un sou de l’argent de la communauté et qu’il ne voulait pas du tout de salaire pour son dogat, mais seulement que soit faite la paix entre ceux qui étaient dans la ville et ceux qui se tenaient à l’extérieur. » Mais le doge meurt en 1350 victime de la Peste Noire qui ravage la ville « universellement pleuré de tous ».

Boccanegra revient au pouvoir en 1356 par la force des armes. Désormais, il s’entoure de faste et adopte un train de vie princier. Sous son second dogat, la Corse décide de se donner aux Génois (1358). Les chefs populaires préfèrent les Génois aux Aragonais qui soutiennent la noblesse corse.Il meurt le 13 mars 1363 au lendemain d’un banquet en l’honneur du roi de Chypre d’où l’idée qu’il aurait été empoisonné.

Fregoso et Adorno

En 1363, des lois organiques sont adoptés pour empêcher le régime dogal de devenir une tyrannie. Les populares se voient reconnus comme groupe dirigeant en répartissant les places entre marchands et artisans. Le doge gouverne avec les Anciens (12 à 15) et deux conseils : les Quarante et les Trois Cent Vingt. Un magistrat, le podestat, est chargé de la justice. Le plus proche collaborateur du doge est le vicaire, un juriste étranger, élu par le doge et les anciens. Désormais deux familles vont se disputer le pouvoir et alterner au dogat, de riches marchands incarnation des « hommes nouveaux » qui gouvernent désormais la cité : Les Fregoso et les Adorno. Aucune de ces deux familles ne réussit à transformer le doge en seigneur de la ville : les marchands refusent d’accepter le gouvernement d’un seul. Contesté, Antoniotto Adorno décide de traiter secrètement avec le roi de France. En 1396, Gênes se soumet à Charles VI : les commissaires du roi reçoivent les insignes de la souveraineté : épée, sceptre et clés de la ville. Si le roi devient « seigneur de Gênes », la ville prétend rester ville d’empire, façon de maintenir leur autonomie. Elle conserve ses privilèges et ses institutions, la liberté de commerce et d’initiative pour l’armement naval. C’est toujours l’idée que Gênes ne peut être gouverné par un Génois, car aucun n’a les moyens de s’imposer à ses rivaux. Mais la ville reste ingouvernable, chassant le gouverneur français en 1400.

Boucicaut (1401-1409)

Finalement en 1401, Jean Lemeingre dit Boucicaut, maréchal de France, est nommé gouverneur.Il va montrer un caractère « violent, dissimulateur, avide ». Il fait arrêter et décapiter Battista Boccanegra, notable qui avait usurpé les fonctions de gouverneur. Sa tête est exposé sur la place du palais public. Boucicaut veut utiliser Gênes comme base contre les états musulmans. Mais les Vénitiens préviennent les Turcs et une flotte vénitienne détruit une flotte génoise en Morée. D’autre part, Boucicaut veut rétablir l’unité de l’église et réconcilier le pape romain et le pape avignonnais. Mais les Génois « croient plus dans l’argent que dans la légitimité du pape avignonnais » remarque un contemporain (Jean Petit). Et dès que Boucicaut quitte Gênes pour Milan, les Génois se révoltent et déclarent déchu le gouvernement français. Mais c’est pour tomber au pouvoir d’un autre maître étranger : le marquis de Montferrat (1409-1414) puis un Visconti de Milan (1421-1435).

L'Office de Saint-Georges

L’Office de Saint Georges une des premières banques d’Europe nait sous la domination de Boucicaut. Il est fondé en 1407 et installé au Palais St Georges construit par Simon Boccanegra. C’est une institution qui va durer 400 ans. Le Banco est dirigé par des membres de la classe dirigeante de la République. Le Banco perçoit les principaux péages, notamment les droits d’entrée du port et en échange prête des sommes importantes à l’État. Organisme privé, il est donc indépendant des vicissitudes politiques si nombreuses à Gênes.

En 1453, la République remet la gestion de la Corse, des territoires de Crimée (Gazaria), et d'un certain nombre d'autres possessions aux personnels de la banque. Au vu de l’anarchie régnant dans l’État, le Banco paraît le seul organisme capable de bien administrer ces territoires menacés.

C’est une des caractéristiques de Gênes, un mode de gouvernement où État et entreprises sont étroitement mêlés. Un historien a méchamment écrit (1970) de la république génoise : « une société en nom collectif (...) en état d’indigence perpétuelle ». L'Office de Saint Georges prêta des sommes d'argent considérables à de nombreux de dirigeants européens pendant les XVe et XVIe siècles, gagnant une influence croissante.

Gênes vs Venise

Vénitiens et Génois continuent de s’affronter en Méditerranée orientale. En 1372, Gênes l’emportant à Chypre, Venise décide d’occuper l’ile de Ténédos qui contrôle les Dardanelles. D’où la guerre de Ténédos (1376-1381) en Adriatique. Finalement par la paix de Turin, Venise doit démilitariser Ténédos. Incapables de l’emporter l’une sur l’autre les deux républiques contribuent à affaiblir l’empire byzantin favorisant ainsi l’expansionnisme turc. En 1453, Constantinople va tomber aux mains des Turcs. En 1484, les occidentaux sont éliminés de la Mer Noire.

Ponza (1435) et ses conséquences

Depuis 1421, Gênes s’est soumis au duc de Milan, Filippo Maria Visconti. En 1435, les Génois remportent la plus grande victoire navale du XVe siècle en faisant prisonnier les rois de Navarre et d’Aragon. En effet le royaume d’Aragon s’efforce de dominer la Méditerranée occidentale et de contrôler la Sardaigne et la Corse. Mais le duc de Milan qui veut s’allier avec Alphonse d’Aragon contre les Anjou de Naples fait libérer les souverains et lorsqu’il décide de faire restituer le butin, les Génois se rebellent et chassent les Milanais. Épisode révélateur : la cité du Griffon a une flotte redoutable et d’excellents amiraux mais elle n’est qu’un pion entre les principales puissances de l’époque. Néanmoins la rébellion est exaltée comme un épisode de reconquête de la liberté républicaine. Tommaso Campofregoso, ancien doge, redevient doge et relance la guerre contre l’Aragon. Mais ses ennemis intérieurs s’allient à Milan et à l’Aragon et il doit abandonner le pouvoir en 1443 au profit d’un Adorno. Aux Guelfes et Gibelins ont succédé les Noirs et les Blancs : les Adorno sont les chefs des Blancs, les Fregoso des Noirs. L’instabilité reste caractéristique du système politique génois.

Gênes à la fin du XVe siècle

Gênes en 1493

Comme l’écrit le juriste Bartolomeo Bosco, Gênes « vit principalement du commerce, une raison pour laquelle nous voyons que les lois favorisent les mercatores plus que les autres. » Si l’empire disparaît en Orient, le commerce maritime résiste et en Occident les affaires génoises prennent un nouvel essor. Les Génois sont très présents en Andalousie et en Afrique du Nord : ils contrôlent la majeure partie du commerce avec l’Amérique.

Le marchand se sert d’instruments nouveaux comme la lettre de change qui permet de transférer l’argent entre deux places en toute sécurité par de simples jeux de papier et qui permet ainsi d’augmenter les liquidités. Les embarcations voient leur capacité augmenter. Avant, on transportait des marchandises riches et légères comme les épices, la soie et le coton. On transporte de plus en plus des marchandises lourdes : alun, blé, fruits. Les galères cèdent la place aux caraques, ayant une plus grande voilure, ce qui permet de réduire l’équipage et d’augmenter le nombre de soldats et d’arbalétriers pour protéger les navires.

L’industrie de la soie fait la fortune de la cité : les soieries génoises sont célèbres pour leur qualité et Louis XI en 1460 fait appel à des Génois pour développer l’industrie de la soie à Tours. Les étrangers sont surpris par l’importance des résidences le long du littoral et sur les collines : plus de 1500 en 1463, placées dans de « beaux jardins de plaisance, pleins d’orangers et de grenadiers et autres fruitiers de toutes espèces » (Jean d’Auton)

Le Siècle des Génois (1499-1637)

L'Empire génois en Méditerranée, XIIIe-XVIIe s.

Entre France et Empire

En 1499 Louis XII s’empare de Gênes : il tend à favoriser la noblesse.En 1506 c’est la révolte des cappette : on réclame que les postes soient accordés pour les 2/3 au popolo ne laissant qu’1/3 à la noblesse. Des maisons et palais nobles sont saccagés. Le 28 mars 1507, un conseil tenu à Santa Maria di Castello décide de faire une « bonne guerre au roi » : le mouvement est devenu celui du peuple, on les appelle cappette car ils sont mal vêtus avec « une étroite et méchante cape ». L’assemblée désigne le teinturier Paolo da Novi comme doge de Gênes. Les popolari substituent les armoiries de l’empereur Maximilien de Habsbourg à celles du roi de France.

Cette intervention de l’empereur décide Louis XII à réagir rapidement : le 3 avril il quitte Grenoble et franchit les Alpes. Dès le 27 avril, la ville se rend. La population est tenue de s’habiller en noir jusqu’à ce que le roi ait pardonné. Le roi en armure blanche sur un cheval noir fait son entrée. La foule sur son parcours réclame son pardon. Louis XII fait brûler les anciennes chartes, les privilèges et lois, les statuts du commerce de la ville. Gênes est annexée au domaine royal. Mais la ville va retrouver son indépendance en 1513 avec la défaite des Français en Lombardie.

Les luttes de faction reprennent avec violence. Le doge, Ottaviano Fregoso est appuyé par les Espagnols et le pape Léon X. Le 23 mai 1513, le comte Gieronimo Fieschi est violemment pris à partie dans le palais public puis sur la place voisine il est assailli par les deux frères du doge qui le taillent en pièce à coups de hallebarde.

Quelques jours plus tard, les Fieschi s’emparent d’un frère du doge dont le corps est « attaché à la queue d’un cheval et traînée de manière honteuse et cruelle à travers la cité » (Agostino Giustiniani).

Finalement le doge Fregoso fait alliance avec le roi de France François Ier. Mais le nouvel empereur, Charles Quint, qui est également roi d’Espagne est résolu à contrôler Gênes. La ville est assiégée et prise d’assaut en 1522. Le sac de la ville autorisé par l’empereur permet aux troupes espagnoles pendant 24 heures de se payer sur le dos de la population. Seuls sont épargnés les propriétés des Adorno et des Fieschi et les monastères mais aussi les lettres de change des marchands. Le butin est inestimable « tant en argenterie, en joyaux et en pièces qu’en objets de luxe ». Mais défense a été faite de faire aucun prisonnier ni de violer aucune femme.

Andrea Doria et les Lois de 1528

Angelo Bronzino, Andrea Doria en Neptune

En 1527, Gênes est de nouveau passé sous le contrôle des Français mais pour peu de temps. Charles Quint réussit à convaincre en 1528 Andrea Doria, capitaine de la mer au service de François 1er, de mettre ses galères au service de l’Empire. C’est donc pour Charles Quint qu’Andrea Doria s’empare de Gênes le 12 septembre 1528. Mais l’empereur n’a pas l’intention comme le roi de France de dominer directement : Gênes conserve son système républicain. Doria ne veut être ni le prince ni le seigneur de la cité. Il soutient la mise en œuvre d’une réforme des institutions. La ville vient d’être ravagée par la peste. Doria assure agir au nom de la liberté : « aujourd’hui je vous la rends. Vous, faites en sorte qu’on ne vous l’ôte pas des mains. »

Les Lois de 1528 inaugurent une république oligarchique. Le doge élu selon une procédure compliquée n'est plus que le primus inter pares. Le système se veut anti-seigneurial et anti-tyrannique.

Searchtool-80%.png Article détaillé : Lois de 1528.

La fin du gouvernement de Doria

En 1547, un jeune noble de 25 ans, Gian Luigi Fieschi réunit les mécontents du système Doria, notamment les artisans, et les adversaires de Charles Quint : le pape et le roi de France. Il s’agit de provoquer une révolte populaire le 2 janvier 1547. Ses frères courent la ville réclamant un soutien « au peuple et à la liberté, aux Fieschi et à la France ». Le neveu de Doria, désigné comme son successeur, est assassiné. Andrea Doria s’enfuit et la conspiration paraît triompher. Mais Fieschi, en voulant monter dans une galère, glisse sur la planche, tombe à l’eau et se noie. Doria met en œuvre une vengeance « très dure et féroce » contre le clan Fieschi qui disparaît de la vie politique génoise. Une réforme renforce l’oligarchie et le poids de la noblesse ancienne.

Allié aux Turcs, les Français affrontent Gênes sur mer : âgé de 86 ans, Doria est battu à Ponza (mer Tyrrhénienne au sud de Rome) par la flotte turque appuyé par quelques galères françaises. Les Français s’emparent de la Corse en 1553 à l’exception de Calvi. Elle n’est rendue qu’en 1559 au traité de Cateau-Cambrésis « pour le plus grand repos de la Chrétienté ».

La réforme de 1547 ainsi que les déboires en Corse nourrissent les critiques à l’égard du « père de la Patrie ». Il avait en effet reçu le titre de Liberator et Pater Patriae. Et la mort de Doria le 25 novembre 1560 (il avait 93 ans) ranime l’antagonisme entre les deux bases de la noblesse : les « anciens » qui prétendent se distinguer des nouveaux nobles issus des anciens « populaires ».

Les lois de Casale (1576)

En 1575 la guerre civile une fois de plus ravage Gênes. Depuis les années 1560 le système des inscriptions se bloque empêchant ainsi marchands et artisans enrichis d’accéder à la noblesse et donc aux charges. Le popolo réclame aussi l’augmentation des salaires et la réduction de l’impôt sur le vin. Les anciens décident d’abandonner la ville et d’utiliser leurs galères, avec la bénédiction de l’Espagne, pour faire la guerre au gouvernement de la République. Mais le pape réagit furieusement et les Espagnols font marche arrière.

Finalement les envoyés du roi d’Espagne, du pape et de l’empereur se réunissent à Casale Montferrato (au Piémont) avec les délégations des « anciens » et des « nouveaux ». Les Leges Novae sont publiés le 10 mars 1576. Elles vont fixer les institutions de la République jusqu’à sa chute.

Le doge gouverne assisté du Sénat de 12 membres et de la Camera de 8 procurateurs + procurateurs perpétuels (anciens doges). Les deux collèges sont renouvelés par ¼ tous les 6 mois à travers un tirage au sort (urne du Seminario). Ils sont choisis parmi les membres du Minor Consiglio = « gentilshommes du séminaire » les plus riches et les plus infuents. La noblesse forme un unicus ordo. L’inscription annuelle est de dix personnes. Les collèges ont l’initiative des lois et le doge décide si une mesure doit être soumise à l’approbation des conseils.

Le Maggior Consiglio compte 400 membres. Le Minor Consiglio ou Consiglietto 100 membres pris dans l’autre. Les conseils approuvent les lois, élisent les magistrats et officiers.Le Grand conseil a officiellement la souveraineté mais c’est le petit conseil qui a l’essentiel du pouvoir. Son vote suffit pour la plus grande partie des lois. C’est le Minor Consiglio qui sélectionne à partir d’un groupe de 15 noms les 6 candidats à la charge de doge : celui-ci est choisi par le Maggior Consiglio. Les lois de 1576 marquent la fin de la république médiévale et le début de ce qu’on appelle l’Ancien Régime génois.

La ville des palais

Doria fait construire le palais de Fassolo ou palais du Prince, un palais forteresse, si près de la mer que les navires peuvent s’y mettre à l’attache. Il y accueille à de nombreuses reprises l’empereur (et son fils, le futur Philippe II d’Espagne). Il lance ainsi une architecture de prestige, marquant le début de ce que l’on a appelé le Siècle des Génois. Entre 1530 et 1630 sont construits 170 palazzi di città et autant de palazzi di villa (résidences d’été). Selon un auteur français, dans sa Relation de l’État de Genes (1685) parlant des nobles génois : « leur amusement c’est d’élever des palais superbes et leurs délices de dresser de somptueux jardins plus propres à recevoir des rois que des marchands et des jardiniers. » Au XVIe s. les Génois détruisent une partie des quartiers anciens dont les rues sont très étroites pour permettre la circulation des voitures. Ils percent des voies plus larges, bordées par de nouvelles habitations. L’exemple le plus spectaculaire est la Strada Nuova (auj. via Garibaldi) : 280 m de long en ligne droite entre 1550 et 1575. Onze palais sont construits. Si les anciens marchands étaient parcimonieux et prudents, leurs successeurs se sont fait grands seigneurs. La ville compte autour de 60 000 habitants à la fin du XVIe siècle et 75 000 environ en 1638.Mais Gênes capitale de la finance cesse d’être une grande escale marchande.

Palais du prince

Dans le système impérial

Dans le balancement entre la France et l’Empire entre Gênes française, capitale de la province de Ligurie, et la république de Gênes autonome mais insérée dans le système impérial, les Génois ont finalement choisi les Habsbourg. Au début du XVIe s., les génois sont très présents en Espagne, le cœur de leurs affaires étant Séville. Ils vont en faire la capitale financière de la Castille. Pour les Habsbourg, Gênes « est la port et la clef de l’Italie, un endroit où l’on peut trouver de l’argent, des informations et des forces maritimes ».

Charles Quint puis Philippe II ont besoin des banquiers génois pour financer leurs opérations militaires et maritimes. Ils permettent de régler la troupe, payer le déplacement des galères, effectuer un armement par simple jeu de lettres de change.Comme le note avec jalousie un Fugger : « Négocier avec les Génois ce n’est pas négocier argent comptant comme avec nous, Allemands, mais négocier avec des papiers ».

Au milieu du XVIe s. les Génois prennent en charge la moitié des prêts consentis au souverain. Ils vont prendre en charge ensuite la dette de la monarchie espagnole. Un marchand espagnol établi à Florence note avec amertume : « C’est une sorte de gens à qui le monde entier paraît peu de choses à prendre en charge ». Gênes est aussi le lieu où sont convoyés les lettres des ambassades espagnols qui par voie de mer parviennent en une vingtaine de jours au cœur de la Castille.

Le lent déclin de la République (1637-1797)

Agostino Pallavicino

Le doge réside au Palazzo ducale avec les conseils et un grand nombre de magistratures.S’il exerce sa charge pendant deux ans il reste ensuite à vie au gouvernement comme procurateur perpétuel. Les 2 et 3 janvier 1637 le doge et les conseils proclament la Vierge reine de la République et le jour de l’Annonciation (25 mars) la cité est consacré officiellement à la Vierge dans la cathédrale San Lorenzo. Cette même année 1637 le doge Agostino Pallavicino est couronné avec les insignes royaux. Ce titre apparaît important pour maintenir le rang de la république au sein des puissances. C’est en cela que la possession de la Corse importe : pour des raisons immatérielles. En 1641 l’empereur Ferdinand III reconnaissait le titre. Le Palais ducal est rebaptisé palais royal (Palazzo Reale).

La peste de 1656-1657

La cité avait touché par la peste en 1528 au moment de la conquête par Doria puis de nouveau en 1579. Diverses épidémies avaient frappé en 1625 et en 1648. La peste réapparait en juillet 1656 puis reprend en mai 1657. A son apogée, elle fait plus de 1200 victimes par jour. Une lettre de Giovan Bernardo Veneroso parle de « montagnes de morts » d’une ville à l’abandon, sans croque-mort pour enterrer, sans policier, sans soldat, où l’on risque sa vie en quittant sa maison. 300 membres de la classe gouvernementale périssent. La moitié des habitants, soit environ 39 000 personnes, disparaît. La peste marque la fin du siècle des Génois. Le déclin commence.

Le bombardement de 1684 et ses conséquences

Louis XIV décide d’infliger une correction à Gênes qui a eu le tort d’aider la flotte espagnole par ses fournitures. Le 17 mai 1684 une flotte énorme, plus d’une quarantaine de navires, se présente devant la ville. Gênes va être bombardée pendant six jours : 14 000 bombes et boulets sont tirés détruisant 3000 maisons et touchant de nombreux palais dont le Palazzo Ducale. Le bombardement se fait de nuit pour rendre les navires français moins exposés aux canons génois. Le doge doit s’humilier à Versailles le 15 mai 1685. Les Français obtiennent d’avoir un représentant diplomatique mettant fin au monopole espagnol. Pendant la visite, le roi, montrant au doge le nouveau palais royal de Versailles, lui demanda quelle était la chose qui l'avait le plus étonné pendant sa visite. Le doge répondit d'une formule lapidaire caractéristique du sarcasme génois : « Mi chi » c'est-à-dire « Moi ici ». Le doge avait en effet interdiction de quitter la République pendant la durée de ses fonctions.

Les Génois prennent conscience qu’ils sont à la merci des grandes puissances. Aussi désormais la politique sera celle de la neutralité : il faut rester « spectateurs des entreprises d’autrui ». Aussi Gênes va rester totalement neutre pendant jusqu’en 1745. Mais ce faible statut international n’est pas sans avantage.Les grandes puissances ont intérêt à épargner Gênes qui peut toujours fournir des services.

Dans la guerre de Succession d’Autriche

La seule puissance que Gênes devait redouter de manière permanente était le royaume de Sardaigne : le duc de Savoie devenu roi de Sardaigne cherchait à s’emparer de la Rivière du Ponant, débouché naturel sur la Méditerranée du Piémont. En 1743 Marie-Thérèse offre à Carlo Emmanuelle III le marquisat de Finale pour le convaincre d’entrer dans la guerre de Succession d’Autriche. Or le père de Marie-Thérèse, Charles VI, avait vendu Finale à Gênes en 1713.

En 1745, Gênes décide donc de rejoindre le camp de la France, de l’Espagne et de Naples. Le 22 septembre 1745, la flotte anglaise, alliée de l’Autriche, bombarde Gênes qui est évacuée par la plupart des Nobles. Et le 6 septembre 1746, la ville doit capituler devant les Autrichiens qui sont d’ailleurs commandés par un Adorno, général de lointaine ascendance génoise. La république doit payer une énorme contribution de 3 millions d’écus.

L’abandon de la ville par la noblesse, la paralysie des activités économiques, la hausse du prix des denrées, tout cela constitue un cocktail explosif. Un incident avec des soldats autrichiens le 5 décembre 1746 commence par des jets de pierre puis par un soulèvement de 5 jours qui voit la population tuer ou faire prisonnier un nombre important d’Autrichiens.Le sentiment anti-nobiliaire est si fort que le Palazzo ducale est attaqué quand court la rumeur d’un retour des Autrichiens dirigés par les Nobles. Seul va sauver le gouvernement oligarchique l’absence de tout projet politique alternatif. Les magnifiques restent les seuls à savoir gouverner.

Finalement l’armée française vient dégager la ville même si la plus grande partie du Domaine génois reste occupée soit par les Sardes soit par les Autrichiens. Mais la France qui a gagné la guerre, au traité d’Aix la Chapelle, n’oublie pas son allié : Gênes retrouve touts ses territoires y compris Finale (18 octobre 1748).

La question corse

En 1715 Gênes crée un nouvel impôt en Corse, les Due Seini. A partir de 1729, les populations vont se soulever. La question publique va passionner l’opinion publique européenne plutôt favorable aux insurgés corses. Les Magnifiques ont refusé de prendre en compte les revendications des notables insulaires : l’admission au patriciat génois et la participation aux charges de gouvernement de l’île. Pourtant les notables étaient disposé à se ranger derrière Gênes pour défendre l’ordre. Mais la République fait preuve d’une remarquable incapacité à reprendre en mains la situation. En 1731, la république fait appel aux troupes de l’empereur. En 1736, un aventurier le baron Théodore de Neuhoff se fait acclamer roi de Corse mais l’aventure tourne court. En 1738, Gênes fait cette fois appel à la France qui s’impose par la force des armes en 1739. Mais la guerre de Succession d’Autriche entraîne l’intervention des Sardes et des Anglais ce qui accroit la confusion. Après la victoire, la présence française inquiète Gênes qui obtient leur départ en 1752.

En 1753, Pascal Paoli, fils d’un rebelle exilé à Naples, se fait élire général de la Nation en juillet 1755. Avec Paoli il s’agit cette fois de créer un nouvel État avec une constitution écrite. Mais il est loin de faire l’unanimité parmi la population : beaucoup de Corses cherchent à faire carrière dans l’armée du roi de France et les notables ne veulent pas d’une république s’appuyant sur les pauvres. Finalement, en 1768, Gênes cède de fait l’île à la France à défaut de rembourser les subventions accordées pour mener la guerre dans l’île.

« La république est vieille »

Montesquieu n’avait guère été tendre avec Gênes : « Les nobles pratiquent tous le commerce : le doge lui-même est le premier marchand. Tout cela rend les esprits les plus bas et les plus vains du monde. » « La punition des crimes y est si mal ordonnée que c’est un moindre malheur d’y avoir tué un homme que d’avoir fraudé un impôt. » Il voit la république comme une tyrannie oligarchique : « je n’ai pas vu un seul Génois qui ne déteste ses souverains. »

Dans l’Espion chinois d’Angelo Goudar, sorte de pastiche des Lettres persanes, on peut lire : « La religion de l’intérêt passe devant celle du Christ. Les grands comme les petits sont attachés à ce dogme. La foi là-dessus est universelle. Il n’y a point d’hérétiques sur le culte des richesses. Tout est sujet d’épargne, ou pour mieux dire, d’avarice. Il est défendu aux chiens de vivre à Gênes; car ce gouvernement ne veut point de bouches inutiles et les chiens ne gagnent point d’argent. Tout le monde dans cette ville, se mêle de quelque trafic, et fait une sorte de commerce. »

Le gouvernement est en proie à une crise des effectifs : le patriciat ne compte que 667 individus à la fin du XVIIIe siècle alors que le fonctionnement du gouvernement réclame chaque année 200 personnes environ. Et pourtant le tiers des familles représentées avaient été inscrits au cours du XVIIIe siècle. Mais il y a de plus en plus de nobles pauvres sollicitant de petits emplois et les plus riches se voyaient obligé de choisir de plus en plus entre les charges publiques et leurs intérêts privés, et préféraient les affaires privées.

Liée à la France, la république diminue sensiblement ses dépenses militaires, dépendance dangereuse quand les Piémontais recommencent à menacer les frontières de la république à partir de 1787 : or la monarchie française est alors en crise.

A. L. Garnerey, Vue de Gênes, v. 1810

La fin de la République

Et la Révolution française éclate, occasion pour Gênes de réclamer la rétrocession de la Corse contre le paiement de 30 millions de livres en application du traité de 1768. Mais la Constituante déclare la Corse comme « partie de l’empire français ». En 1792 avec le début de la guerre continentale, Gênes maintient sa tradition de neutralité mais les deux camps ne l’acceptent pas. En 1793 la Modeste, frégate de la République française est attaquée et capturée par les Anglais dans le port de Gênes. Cela crée un incident diplomatique, les Génois souhaitant éviter d’être engagés dans le conflit.

Aux yeux de la république française, le gouvernement génois est vu comme un ennemi : une oligarchie dirigée par une poignée de familles. Le mot république a changé de sens. En 1794, une minorité de patriciens du Grand Conseil tente de la transformer en assemblée permanente sur le modèle français. En 1796, Bonaparte est en Italie. Gênes conclut une convention avec le Directoire. Les Français ne sont-ils pas en guerre contre les deux ennemis de la République : les Sardes et les Autrichiens ? « Prince inutile » sur le plan politique, Gênes conserve un poids financier important. Mais les Français sont décidés à en finir avec ce gouvernement aristocratique. Une tentative de renverser le gouvernement se heurte à une résistance du petit peuple et comme quelques Français sont malmenés, c’est le prétexte pour Bonaparte d’intervenir.

Il convoque à Milan des délégués génois. Ils doivent signer le 6 juin 1797 une convention dite de Mombello, du nom de la résidence de Bonaparte. « Le gouvernement de la République de Gênes reconnaît que la souveraineté réside dans la réunion de tous les citoyens du territoire génois. Le pouvoir législatif sera confié à deux conseils représentatifs, composés l’un de 300 et l’autre de 150 membres, le pouvoir exécutif à un Sénat de 12 membres présidé par un doge. Le doge et les sénateurs seront élus par les deux conseils. »

A Gênes, on brûle la chaise à porteurs du doge, le livre d’or de la noblesse, on abat les statues des Doria au Palazzo ducale rebaptisé Palazzo Nazionale. Cette république ligurienne sous protectorat français subsistera jusqu’en 1805, date de l’annexion à l’Empire français.


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