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Aristocratie

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Le terme aristocratie (en grec : gouvernement des meilleurs) désigne :

  • une forme de gouvernement dans laquelle le pouvoir est officiellement détenu par une élite (parfois par une caste, une classe, une famille, ou bien une élite intellectuelle) ;
  • les membres de cette classe que ce soit les nobles ou tout autre forme d'élite, telle la nomenklatura;
  • l'aristocratie n'est cependant pas à confondre avec la noblesse. L'aristocratie est, en principe, fondée sur le mérite, la noblesse sur la naissance.
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Parcours historique de la notion d'aristocratie

Souvent issue de la féodalité, l'aristocratie a souvent évolué vers la monarchie ou l'autocratie. Elle peut parfois se combiner avec une sorte de démocratie (exemple de la République de Venise avec un doge élu et aux pouvoirs limités ou de la Pologne dont le Roi était élu par la Noblesse - 10 % de la population - et dont les pouvoirs étaient dans la Diète).

Antiquité grecque

Aristocratie, du grec aristokratia (aristos, excellent, le meilleur, le plus brave et kratos, pouvoir). Par ce seul mot, c'est la conception d'un régime politique et d'une organisation sociale qui se dessine. L'exercice des responsabilités, la prise de décisions et l'impulsion donnée reviennent aux êtres d'excellence dans le domaine considéré. Pour la direction d'une nation, les qualités premières de ces aristocrates ont été définies dans le manifeste Révolution droitiste rédigé par Michel-Georges Micberth et François Richard :

« (…) une appréhension rapide et complète d’une situation, une capacité immédiate à prendre une décision, une connaissance très vaste des choses et des êtres, et une rigueur morale qui s’accommode parfaitement des jeux de l’imagination »

Ces honnêtes citoyens, comme le résumait Platon, s'imposent de fait comme les plus aptes à diriger la cité pour la mener vers de bénéfiques horizons. L'auteur des Dialogues rapporte dans l'un d'eux la réflexion de l'étranger, approuvée sans réserve par Socrate le jeune :

« (…) suppose de nouveau qu’un homme, dans son état de simple particulier, soit assez avisé pour donner des conseils au monarque de quelque pays, ne dirons-nous pas que le conseiller possède en propre le savoir que devrait avoir acquis celui qui exerce le pouvoir ? »

La sélection des meilleurs est le propre du système aristocratique.

Comme une incarnation du conseiller avisé imaginé par l'étranger dans sa réflexion socratique, Aristote énonce au puissant Alexandre, dont il a été le précepteur, les qualités d'un régent d'empire :

« Un tel homme doit être supérieur et parfait non seulement dans la vaillance et la justice et dans des vertus diverses mais encore par la puissance et par l’équipement militaire pour qu’il puisse contenir le peuple et le pousser à écouter la loi. »

Aristote indique donc à l'ambitieux roi de Macédoine la manière d'être et d'aborder la direction d'un empire pour que « dans les cités règnent toujours les bonnes mœurs et que les vices en soient bannis ». Même si l’aristocratisme prône davantage la collégialité dans l'exercice du pouvoir, les notions développées par le disciple de Platon font une part essentielle à la valeur fondamentale de l'individu.

Certes la légitimité conférée aux hommes en charge de la destinée d'un peuple est plus puissante par cette méthode de sélection, mais l'exercice du pouvoir est une source de bien plus de devoirs que de droits. La fonction de leader doit hanter à chaque instant celui qui l'a acceptée. Cette prise de responsabilités doit impliquer toute sa vie et ne peut se limiter à la simple parade que permettrait le prestige de la fonction. Être aristocrate, au sens premier, est aux antipodes de la facilité d'exister, du carpe diem vanté depuis l’Antiquité.

Antiquité romaine

Sous la monarchie et la République

L’évolution de l’aristocratie de la Rome antique peut être suivie sur une période de plus de mille ans. Sous sa forme la plus ancienne, de la fondation de Rome jusqu’au début de la République, les patriciens forment la classe aristocratique romaine. Se présentant comme les descendants des compagnons de Romulus, ils disposent seuls de pouvoirs sacrés, comme prendre les augures ou accéder aux sacerdoces. Membres du Sénat romain, puis seuls éligibles aux magistratures aux premiers siècles de la République romaine, ils monopolisent un pouvoir que leur disputent les plébéiens pendant le Ve siècle avant J.C.

Les plébéiens obtiennent peu à peu l’égalité civique et religieuse, et les plus riches d’entre eux accèdent aux magistratures et au Sénat. Au IIIe et au IIe siècles, l’aristocratie romaine n’est donc plus fondée uniquement sur l’ascendance, mais sur la richesse foncière (il faut une fortune d’au moins 400 000 sesterces pour être éligible aux premières magistratures) et le succès électoral (cursus honorum) qui ouvre l’admission au sénat. Les grandes familles, patriciennes ou plébéiennes, accèdent au consulat de génération en génération, constituant l’ordre sénatorial. Des recensements périodiques (tous les cinq ans) voient le renouvellement de cette aristocratie, par admission suite aux succès électoraux ou exclusions pour conduite dépravée ou crime.

Dans le même temps se constitue une autre classe, les chevaliers, enrichis par le commerce méditerranéen, l’activité bancaire, la sous-traitance par l’État romain de la collecte des impôts (publicains). Sans que cela leur soit interdit, les chevaliers accèdent rarement aux magistratures, à quelques brillantes exceptions près (Marius, Cicéron). Les ambitieux qui tentent d’imposer leur pouvoir à la fin de la République romaine au Ier siècle vont favoriser les chevaliers contre les sénateurs conservateurs.

Sous l’Empire romain

À la fin du premier siècle, Octave s’impose, et organise l’aristocratie romaine en deux niveaux : l’ordre sénatorial et l’ordre équestre de rang moindre, avec chacun leurs obligations et leurs prérogatives. Les recensements périodiques, menés maintenant par l’empereur, tiennent à jour et contrôlent l’effectif de ces deux ordres.

La conquête romaine chercha l’entente avec les élites locales des peuples ou des états qui passaient sous la domination ou le protectorat de Rome. L’ancienne aristocratie des provinces conquises demeura généralement donc en place : roitelets d’Orient, grands prêtres juifs, bouleutes des cités helléniques, chefs de tribus, etc. Un autre aristocratie se développa dans les provinces romaines, sur le modèle de la République romaine : les magistrats élus dans les municipes entraient à la fin de leur mandat annuel dans la Curie de leur cité, équivalent local du Sénat romain, d’où leur nom de décurion.

À l’apogée de l’Empire romain, l’aristocratie romaine forme la pyramide suivante :

  • au sommet l’ordre sénatorial, avec ses 900 sénateurs, de plus en plus d’origine provinciale
  • l’ordre équestre, estimé à environ 5 000 ou 6 000 membres
  • l’ordre décurional, estimé à environ 400 000 membres, italiens et provinciaux pour une population estimée entre 50 et 80 millions d’habitants, dont environ 4 à 5 millions de citoyens romains au Ier siècle.

Ces ordres ne sont pas fermés, il est possible de s’élever de l’un à l’autre, et pour un simple citoyen de rentrer dans un de ces ordres, pour peu qu’il en ait la fortune et l’ambition.

À la fin de l’empire, sous le Dominat, la différence entre sénateurs et chevaliers s'est effacée, tous font partie de l'aristocratie des Honestiores.

Haut Moyen Âge

Sous la Rome antique, le pouvoir avait une existence autonome, l’imperium qui se passait d'un magistrat à l'autre, puis d'un empereur à l'autre. Les individus fidèles à un pouvoir, soldats, administrateurs des provinces, prêtaient serment à ce pouvoir permanent dont le détenteur n'était qu'un dépositaire provisoire.

Cette continuité est mise en cause au Moyen Âge, puisque les guerriers prêtent serment à une personne, leur roi. Si celui-ci disparaît, le serment est caduc ; ce qui est à l'origine d'une instabilité du pouvoir.

Contrairement à une idéologie qui laisserait croire une unité tribale, les peuples germaniques sont au départ des Grandes invasions du Ve siècle une confédération de tribus mélées qui se choisissent un chef de colonne. Lors de leur sédentarisation, ils sont amenés à légiférer pour que la cohésion sociale entre peuples des territoires et armée de combattants puisse se réaliser. Entre les guerriers et le roi se forme une aristocratie dominante dont les titres sont variables selon les peuples (exemple : dux et gastalds pour les Lombards). Cette caste intermédiaire en formation, regroupée autour du chef de peuple et fédéré à l'Empire romain d'Occident par son titre de dux, grade militaire dans l'administration romaine lui donnant des fonctions de gouverneur provincial tant que l'Empire existe, constitue l'embryon de la noblesse médiévale, les vassaux étant liés par l'hommage lige.

Les titres nobiliaires transitent ensuite par leur signification, de rex, dux et autres (Graf, jarls, khans, seigneurs de la guerre) vers les acceptions médiévales des rois, ducs, comtes et marquis et la mise en place de leur hérédité.

Ancien régime

La noblesse de la société d'Ancien Régime prolonge le régime féodal et lui ajoute des rites nouveaux, notamment les arts de cour, qui sacralisent la différence avec le tiers état.

Depuis la Révolution française

La République, elle, met les droits au fronton de sa Déclaration, et ne peut intégrer cette conception de la politique. Les doctrinaires se chargent alors de malmener le terme d'aristocrate, jusqu'à la perversion du sens originel.

Une lecture restrictive (et récupératrice) de Montesquieu, dans son ouvrage De l'esprit des lois publié en 1748, pouvait ouvrir la voie au rapprochement sémantique aristocrate-noble. Au livre III chapitre IV intitulé « Du principe de l’aristocratie », il juge ainsi ce type d'organisation politique :

Le gouvernement aristocratique a, par lui-même, une certaine force que la démocratie n’a pas. Les nobles y forment un corps qui, par sa prérogative et pour son intérêt particulier, réprime le peuple (…).

En réalité, l'auteur des Lettres persanes décrit ici une déviance possible comme pour tout système politique. Il revient bien vite dans ce même chapitre au principe essentiel autour duquel les pouvoirs aristocratiques doivent se construire :

La modération est donc l’âme de ces gouvernements. J’entends celle qui est fondée sur la vertu, non pas celle qui vient d’une lâcheté et d’une paresse de l’âme.

Un peu plus de quarante ans avant l'éclatement révolutionnaire, Montesquieu rejoint encore, dans une ultime fidélité au sens antique, la définition donnée par Aristote de l'aristocratie :

(…) gouvernement d’un petit nombre d’hommes (…) soit parce que l’autorité est entre les mains des plus gens de bien, soit parce qu’ils en usent pour le plus grand bien de l’État et de tous les membres de la société.

Le galvaudage du vocable aristocrate se diffuse et se systématise à la fin du XVIIIe siècle. Il consiste à désigner, comme le fait Beaumarchais dans une perspective péjorative, les partisans de la noblesse, puis, lors des actions révolutionnaires, les adeptes de l'Ancien régime. Ainsi un modeste savetier de Valréas, nostalgique de la royauté, est-il traité d'aristo, alors que les frères Lameth, nobles de souche, mais élus députés de gauche à l'Assemblée constituante, sont choyés comme citoyens exemplaires.

La confusion des termes et l'approximation des concepts, portées par l'élan d'un renouveau idéologique, déterminent les « patriotes » dans l'assimilation progressive de l'aristocratie à la noblesse héréditaire. Dans la nuit du 4 août 1789 la noblesse est abolie et le mot noble est tout naturellement remplacé par aristocrate. Dix jours plus tard, le ton de la confusion est donné avec un libelle intitulé La découverte du complot des aristocrates. Dans le même registre, les citoyens entonnent le refrain de Ça ira, « Les aristocrates à la lanterne ! » comme pour exorciser La Grande peur de l'été 1789.

Cette déviance linguistique se confirmera au XIXe siècle. L'aristocrate est distingué alors par un apparat substantiel : titre, particule, terre et château. Au bout du compte, la méthode de qualification retenue est à l'exact opposé de celle en cours dans l'antiquité : on ne jauge plus la valeur intrinsèque de l'homme, on soupèse ses oripeaux.

Bibliographie

Voir aussi

Citations

  • Je reconnais avec vous qu’il y a parmi les hommes une aristocratie naturelle. Les talents et les vertus en sont le principe unique. [...] Il existe aussi une aristocratie artificielle, fondée sur la richesse et la naissance, indépendamment des talents et de la vertu ; car, unie aux uns et aux autres, elle rentrerait dans la première. Je considère l’aristocratie naturelle comme le don le plus précieux que nous fasse la nature pour l’instruction de la société, pour la direction et le maniement de ses affaires. Et, en vérité, c’eût été une inconséquence dans la création que d’avoir formé l’homme pour l’état de société, et de n’avoir pas départi à cette société assez de vertu et de sagesse pour l’administration de ses intérêts. Ne doit-on pas même dire que la meilleure forme de gouvernement est celle qui pourvoit avec le plus d’efficacité à ce que les fonctions publiques soient exclusivement confiées à ces aristoi naturels ? L’aristocratie artificielle est un élément pernicieux, dont les institutions devraient prévenir et combattre l’ascendant. (Thomas Jefferson, lettre à John Adams du 28 octobre 1813)
  • L'histoire est un cimetière d'aristocraties. (Vilfredo Pareto, Traité de sociologie générale)
  • Au fond de toutes ces races aristocratiques, il est impossible de ne pas reconnaître le fauve, la superbe brute blonde rôdant en quête de proie et de carnage ; ce fond de bestialité cachée a besoin, de temps en temps, d’un exutoire, il faut que la brute se montre de nouveau, qu’elle retourne à sa terre inculte ; — aristocratie romaine, arabe, germanique ou japonaise, héros homériques, vikings scandinaves — tous se valent pour ce qui est de ce besoin. (Friedrich Nietzsche, La Généalogie de la morale)
  • Nous avons besoin d’une noblesse naturelle dont l’autorité soit, heureusement, facilement acceptée par tous les hommes, une élite qui tire son titre uniquement d’une performance suprême et d’un exemple moral hors pair et qui est investie de la dignité morale d’une telle vie. Seules quelques rares de chaque couche de la société peuvent s’élever dans cette mince couche de noblesse naturelle. La voie qui y mène est une vie exemplaire et mûrissant lentement, d’efforts dévoués au nom de tous, d’une intégrité irréprochable, d’une retenue constante de notre avidité commune, d’un jugement éprouvé, d’une vie privée impeccable, d’un courage indomptable à défendre la vérité et le droit, et généralement le meilleur exemple. C’est ainsi que ce petit nombre de personnes, porté vers le haut par la confiance du peuple, atteint graduellement une position au-dessus des classes, des intérêts, des passions, de la méchanceté et de la folie des hommes et devient finalement la conscience de la nation. Appartenir à ce groupe d’aristocrates moraux devrait être le but le plus élevé et le plus souhaitable, à côté duquel tous les autres triomphes de la vie sont pâles et insipides. (Wilhelm Röpke, A Humane Economy)

Liens externes


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