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Décentralisation

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La décentralisation désigne de manière générale le fait de réduire le poids du pouvoir central pour redescendre les décisions à des niveaux plus fins. Le terme est souvent utilisé en France dans un sens politique ou administratif pour qualifier « un processus d’aménagement de l'organisation de l’État qui consiste à transférer des pouvoirs décisionnaires et compétences administratives de l’État vers des entités (ou des collectivités) locales distinctes de lui »[1].

Sens administratif

La décentralisation consiste en un transfert de compétences entre deux personnes morales distinctes.

On distingue la décentralisation territoriale qui s'applique aux collectivités locales et la décentralisation technique -ou fonctionnelle- concernant les institutions spécialisées dotées de la personnalité morale comme les établissements publics.

Sens économique

Au sens économique, la décentralisation est l'un des principes essentiels de l'économie de marché, que l'on appelle souvent économie décentralisée (par opposition à l'économie de plan, ou centralisée). Dans ce cas, c'est le pouvoir économique qui appartient à des agents décentralisés, les consommateurs, qui ont essentiellement le pouvoir de choix en matière de consommation, et les producteurs, qui ont ce même pouvoir sur les modalités de la production (choix des facteurs de production, de la combinaison productive optimale...).

Sens politique

La décentralisation consiste en un transfert de pouvoirs de l'État vers des entités de droit public distinctes de lui, et disposant d'une autonomie plus ou moins grande, selon le degré de décentralisation, ainsi que d'un budget propre.

Une grande partie des libertariens est favorable à la décentralisation. Selon Llewellyn H. Rockwell, elle permet d'aller vers l'idéal libertarien de droits universels que l'on fait respecter à un échelon local (universal rights, locally enforced), ses avantages sont :

  • une concurrence accrue entre entités décentralisées, les mécontents pouvant toujours "voter avec leurs pieds" ;
  • une corruption politique moins grande et plus facilement détectable ;
  • une tyrannie locale est moins nocive qu'une tyrannie à grande échelle, elle reste géographiquement limitée ;
  • l'interventionnisme étatique se trouve limité et fait moins de dégâts ;
  • l'émiettement du pouvoir, réparti entre différentes couches (une séparation des pouvoirs verticale, selon Stephan Kinsella) empêche une centralisation autoritaire.

L'existence de micronations plus libérales que les "grands Etats" centralisés semble valider ce point de vue. Cela ne saurait cependant constituer une règle générale, certaines "réunifications" (Allemagne, Corée...) pourraient prouver le contraire. Une attitude opportuniste semble préférable à une affirmation de principe, la sécession n'étant jamais qu'un changement de maître, décidé par l'injuste tyrannie de la majorité.

Au sens de l'organisation

Friedrich Hayek notait en 1945 : « les décisions finales doivent être laissées à ceux qui sont familiers avec ces circonstances, qui connaissent directement les changements pertinents et les ressources immédiatement disponibles pour les atteindre ». [2]. En ce sens, la bonne mise en place de la décentralisation devient essentielle pour la réussite d'une organisation. Et, l'autonomie dans la décision du gestionnaire joue comme un compromis direct entre les coûts et les avantages tirés de la décentralisation. La décentralisation sur le terrain, c'est à dire proche des centres de décision, implique que tout le monde a des connaissances spécialisées et que la décentralisation peut faire le meilleur usage de ces connaissances.

Plusieurs implications sont à retirer de cette analyse hayekienne :

  1. La décision est liée à l'information disponible. Or, la décision et l'information sont liées à des êtres humains cognitifs. Donc, la décentralisation permet de rapprocher le décideur et l'acteur épistémique (qui capte, qui traite et qui redistribue l'information).
  2. La notion de décentralisation fait écho à l'idée de délégation, en particulier, à la lumière de la théorie de l'agence c'est à dire, lorsque que le conseil d'administration (le principal) engage un directeur général (l'agent) parce que le Directeur général possède une expertise de gestion que ne possèdent pas obligatoirement les propriétaires.
  3. La décentralisation assure l'adaptation rapide aux changements dans les circonstances particulières de temps et de lieu. Les entreprises modernes ont particulièrement besoin de cette décentralisation
  4. La décentralisation accroît l'initiative de l'acteur décideur et l'incite à acquérir de nouvelles informations, car cela facilite sa participation (en tant qu'agent) dans sa relation contractuelle (avec le principal). La décentralisation est donc un facteur de motivation.
  5. La décentralisation est une notion différente de la délégation bien que complémentaire. La délégation est probable pour les décisions qui sont relativement peu importantes pour le principal. La décentralisation implique une notion de responsabilité et de décision complète.

Sans être cité explicitement, la théorie hayékienne de la décentralisation a débouché sur une théorie de la contingence de la décentralisation (Daron Acemoglu, Philippe Aghion, Jean Tirole) en analysant les facteurs potentiellement plus favorables à la décentralisation comme :

  • L'ampleur des responsabilités,
  • L'urgence de la décision,
  • Les attributs liés au conseil d'administration (homogénéité dans sa composition, taille, expérience passée, etc.)
  • La réversibilité de l'autorité (entre agent et principal)
  • La proximité de la frontière technologique
  • L'hétérogénéité de l'environnement de l'organisation
  • L'ancienneté de l'entreprise (les jeunes entreprises sont plus susceptibles de choisir la décentralisation)

Ivan Pongracic (2009) pose aussi, les principales questions relatives à la décentralisation dans l'organisation :

1) Pourquoi une organisation s'engage dans un relâchement de l'autorité hiérarchique (génériquement qualifiée de « décentralisation » ?
2) Pourquoi les différentes entreprises se livrent-elles à un aplatissement hiérarchique différent les unes des autres ? Autrement dit, au lieu d'avoir une homogénéité dans les couches hiérarchiques, pourquoi y-a-t-il une hétérogénéité de contrôle ?
3) Comment une entreprise peut-elle renoncer à la quasi-totalité du contrôle central et toujours exister en tant qu'entreprise et survivre ou même prospérer ?
4) Quel est le rôle de la haute direction dans les entreprises décentralisées ?

Citations

  • « Les hommes que le peuple devrait élire pour le représenter sont trop occupés pour assumer ce travail. Le politicien, en revanche, n'attend que ça. Il est la pestilence des temps modernes. Ce qu'il nous faudrait essayer de faire, ce serait d'aborder la politique à un niveau aussi local que possible. Garder les politiciens assez près pour pouvoir les rosser. Les villageois qui s'assemblaient au pied de l'arbre à palabres pouvaient également pendre leurs politiques à ce même arbre. Il est terrible de voir combien peu de politiciens sont pendus de nos jours. » (G. K. Chesterton, 1921)
  • « Idéalement, la décentralisation devrait se poursuivre jusqu’au niveau des communautés individuelles, pour libérer les villes et les villages tels qu’ils existaient autrefois dans toute l’Europe. Pensez par exemple aux villes de la Ligue hanséatique. Quoi qu’il en soit, même si de nouveaux petits États y verront le jour, ce n’est que dans de petites régions, districts et communautés que la stupidité, l’arrogance et la corruption des politiciens et ploutocrates locaux seront presque immédiatement visibles au public, et pourront éventuellement être corrigées et rectifiées rapidement. Et ce n’est que dans de très petites unités politiques qu’il sera également possible pour les membres de l’élite naturelle, ou de ce qui reste d’une telle élite, de retrouver le statut d’arbitres de conflit et de juges de paix volontairement reconnus. » (Hans-Hermann Hoppe, Une brève histoire de l’Homme, Acheter en ligne)

Notes et références

  1. Vie publique.fr Qu'est-ce que la décentralisation
  2. "...the ultimate decisions must be left to the people who are familiar with these circumstances, who know directly of the relevant changes and of the resources immediately available to meet them.” Friedrich Hayek, 1945, “The Use of Knowledge in Society”, American Economic Review, Vol 35, n°4, pp519–530

Bibliographie

  • 1978, L. E. Buddrus et R. F. Vancil, Decentralization: Managerial Ambiguity by Design. Dow Jones-Irwin: Homewood, IL
  • 1987, Edmond Malinvaud, "Decentralization", In: "The New Palgrave: A Dictionary of Economics",
    • Repris en 2008, In: Steven N. Durlauf, Lawrence E. Blume, dir., "The New Palgrave. Dictionary of Economics", London: Palgrave Macmillan, seconde édition
  • 2006, Dilip Mookherjee, “Decentralization, Hierarchies, and Incentives: A Mechanism Design Perspective”, Journal of Economic Literature, Vol XLIV, pp367-390

Articles connexes

Liens externes


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