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Sécession

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En politique, la sécession désigne l'acte par lequel une partie de la population d'un État se sépare volontairement de cet État, par voie pacifique ou violente, pour constituer un État indépendant ou pour se réunir à un autre. Faire sécession consiste donc à se séparer d'un État, d'une collectivité.

Les libéraux considèrent que le droit de sécession fait partie des droits de l'homme :

[Le libéralisme] ne force personne contre sa volonté [à rester] dans la structure de l’État. Celui qui veut émigrer n’est pas retenu. Lorsqu’une partie de la population d’un État veut quitter l’union, le libéralisme ne l’en empêche pas. Les colonies qui veulent devenir indépendantes n’ont juste qu’à le faire. La nation en tant qu’entité organique ne peut être ni augmentée ni réduite par changements des États ; le monde dans son ensemble ne peut ni en gagner ni en perdre. Le droit à l’autodétermination envers la question de l’appartenance à un État signifie donc : chaque fois que les habitants d’un territoire donné, qu’il s’agisse d’un seul village, de tout un district ou d’une série de districts adjacents, font savoir, par un référendum librement organisé, qu’ils ne souhaitent plus rester unis à l’État dont ils font alors partie, [...] leurs volontés doivent être respectées et observées. C’est le seul moyen réalisable et efficace de prévenir les révolutions et les guerres civiles et internationales. [...] S’il était possible de quelque façon d’accorder ce droit à l’autodétermination à chaque individu, cela devrait être fait. (Ludwig von Mises, Liberalism)

Les exemples de sécession par voie violente sont nombreux : Abkhazie (vis à vis de la Géorgie), Transnistrie (vis à vis de la Moldavie), sécession en 1991 de la Russie vis à vis de l'URSS, Guerre de Sécession américaine (1861-1865), guerre d'indépendance du Bangladesh en 1971, etc. On parle aussi de "partition" quand une entité étatique se divise en plusieurs sous-entités (cas de l'Inde et du Pakistan en 1947).

Un exemple de sécession pacifique en Europe est celui de la Suisse : une partie du canton de Berne a fait sécession en 1979 pour former le canton du Jura.

Par extension, la sécession désigne le refus individuel d'obéir aux autorités établies (désobéissance civile).

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Sécession, libéralisme et droit positif

D'un point de vue libertarien, la sécession est toujours possible dès qu'une partie de la population en décide ainsi : un État n'est pas "propriétaire" des personnes qui y résident, qui conservent leur liberté de choix, individuellement ou collectivement. Si l'on assimile comme le font les libertariens l'étatisme à un esclavage, le droit de sécession serait simplement le droit de choisir son maître, un moindre mal, ou l'exigence d'une autonomie complète, l'indépendance. Les notions d'intégrité territoriale, de caractère intangible des frontières, n'ont pas de sens, ce ne sont que des prétextes pour permettre aux étatistes de s'opposer aux revendications légitimes de la population. Dans la perspective anarcho-capitalisme, le droit de sécession devrait s'exercer jusqu'au niveau ultime, celui de l'individu, qui exerce sa souveraineté :

«  Avec chaque acte successif de sécession régionale, le pouvoir de l’État central s'en trouvera diminué. Il sera dépouillé de davantage de sa propriété publique, le domaine d'accès de ses agents sera de plus en plus restreint, et ses lois ne seront applicables que sur des territoires de plus en plus petits, jusqu'à ce qu'il finisse par dépérir. Toutefois, il est essentiel d'aller au-delà de la "sécession politique", jusqu'à la privatisation de cette propriété. (...) c'est aux contribuables locaux, selon les impôts qu'ils ont payés, qu'il faut attribuer les propriétés publiques locales. »
    — Hans-Hermann Hoppe, Natural order, the state, and the immigration problem, Journal of Libertarian Studies, 2002

Ce point de vue s'oppose au nationalisme et au positivisme juridique , qui ne tolèrent une sécession que si l'ensemble de la nation l'accepte (ou en décide ainsi par vote démocratique) : la nation est supposée être supérieure aux individus qui la composent et avoir une existence constitutionnelle autonome. Ainsi la sécession en 1979 du canton du Jura en Suisse a dû être entérinée par un vote de l’ensemble du pays plutôt que par les seuls citoyens concernés. En revanche, au Liechtenstein, la Constitution offre la possibilité à chacune des 11 communes de renoncer à son appartenance à la principauté, à la quitter ou à devenir un État indépendant : c'est la seule démocratie européenne à reconnaître dans sa Constitution l’existence d’un droit de sécession unilatérale.

Concernant la Guerre de Sécession aux États-Unis, le point de vue libéral donne raison a priori au Sud, et Abraham Lincoln n'avait aucune raison de déclarer l'Union supérieure aux États individuels (en laissant de côté la question de l'esclavage, qui est un autre sujet) :

«  La victoire de l’Union lors de la guerre d’indépendance du Sud marque de fait un des grands sauts de la progression du Léviathan fédéral moderne et, dès lors, représente un épisode profondément antilibertarien de l’histoire américaine. (...) Jusqu’alors (1861), il était généralement avancé que le droit à la sécession existait et que l’Union n’était qu’une association volontaire d’États indépendants. Cependant, après la défaite écrasante et la dévastation de la Confédération sécessionniste par Lincoln et l’Union, il fut clair que le droit à la sécession n’existait plus et que la démocratie signifiait le règne absolu et illimité de la majorité. »
    — Hans-Hermann Hoppe, Démocratie : le dieu qui a échoué

Le droit international, dans son état actuel, privilégie clairement "l'intégrité territoriale ou l'unité politique de tout État souverain et indépendant" (résolution 2625 des Nations Unies, lointain héritage du Traité de Westphalie de 1648) au détriment du "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes", pourtant mentionné dans l'article 1 de la Charte des Nations unies. La Charte des Nations unies n'envisage pas un "droit à l'autodétermination des peuples" généralisé, qui remettrait en cause l’intégrité de certains États, bien que la résolution 1514 l'admette pour les peuples qui ont subi une "subjugation, domination et exploitation étrangères" (cas du colonialisme). Curieusement, il semblerait que la démocratie n'ait pas le droit de remettre en question la structure de l’État dans lequel elle s'exerce (voir par exemple le référendum du 16 mars 2014 en Crimée, contesté par les pays occidentaux). Plusieurs juristes critiquent cette incohérence du droit international et estiment que soit le droit des peuples à l'autodétermination devrait exister pour tout le monde, soit il ne devrait s'appliquer à personne. Les décisions des entités supranationales sont souvent incohérentes et ne s'expliquent que par l'agenda politique du moment : tantôt la sécession est encouragée et approuvée (cas du Kosovo en 2008 - en l'absence même de référendum), tantôt elle est condamnée (cas de la Catalogne en 2017).

Du point de vue national, chaque pays s'efforce d'affirmer une unité qui est souvent de façade (par exemple la France, "république une et indivisible") car les grandes "nations" sont le plus souvent un conglomérat d'entités régionales ou ethniques plus petites, réunies autoritairement, souvent par la guerre. L'enjeu des sécessions est l'accaparement par les hommes politiques des rentes issues d'une "base fiscale" qui risque de leur échapper : le seul inconvénient d'une sécession pour les politiciens du pays concerné tient finalement à un "manque à taxer" potentiel, et à une diminution de leur pouvoir corrélativement à une diminution du territoire national. La possibilité de faire sécession est ainsi une façon de mesurer le degré de liberté dans un pays :

«  Une nation qui croit en elle-même et en son avenir, une nation qui entend souligner le sentiment certain que ses membres sont liés les uns aux autres pas simplement par le hasard de la naissance mais aussi par la possession commune d’une culture qui est précieuse avant tout à chacun d’entre eux, serait nécessairement capable de rester imperturbable lorsqu’elle verrait des personnes individuelles se tourner vers d’autres nations. Un peuple conscient de sa propre valeur s’abstiendrait de détenir de force ceux qui voudraient s’éloigner et d’incorporer de force dans la communauté nationale ceux qui ne la rejoindraient pas de leur plein gré. Laisser la force d’attraction de sa propre culture faire ses preuves dans la libre concurrence avec d’autres peuples – cela seul est digne d’une nation fière, cela seul serait une véritable politique nationale et culturelle. Les moyens du pouvoir et du régime politique ne sont en rien nécessaires pour cela. »
    — Ludwig von Mises

La sécession peut avoir des motifs économiques, la population d'une région s'opposant à la captation des ressources (naturelles, fiscales) par un État central redistributeur.

Voir aussi

Citations

  • La meilleure chose à faire pour la liberté serait de diviser l’Europe en plein de petits États. Cela vaut également pour l’Allemagne. Plus l’expansion territoriale d’un État est petite, plus il est facile d’émigrer et plus l’État doit se montrer conciliant envers ses citoyens, afin de garder ceux qui sont productifs. (Hans-Hermann Hoppe, 4/1/2014)
  • La sécession implique la rupture de petites populations d'avec des populations plus grandes. Elle constitue par conséquent un vote contre le principe de la démocratie et du majoritarisme. Plus loin le processus de sécession se poursuivra — au niveau des petites régions, des villes, des quartiers, des bourgs, des villages, et finalement des associations volontaires de familles et d'entreprises — et plus il sera difficile de maintenir le niveau actuel des politiques redistributives. (Hans-Hermann Hoppe, A bas la démocratie)
  • Les libéraux classiques, le plus célèbre d'entre eux étant Thomas Jefferson, considéraient le droit de faire sécession comme du domaine des droits de l'homme. On ne devrait pas être forcé de s'associer avec un État qui ne sert pas nos intérêts. Mais il y a aussi un aspect pratique. Nous avons besoin d'un moyen de contrôler la puissance de l’État. Rien d'autre ne semble marcher. Nous avons essayé les constitutions. Nous avons essayé le mécanisme régulateur des contre-pouvoirs (checks and balances). Nous avons essayé les élections à n'en plus finir. Rien ne fonctionne. Le droit de se détacher et de chercher d'autres dispositifs pour protéger la liberté humaine peut marcher là où tout a échoué. Même si la sécession ne permet pas d'atteindre cet objectif, au moins, elle réalise un autre objectif important. Le sécessionniste est débarrassé du problème de devoir payer pour un service qui ne correspond pas à son coût. Cela seul sert la cause de la dignité humaine. (Jeffrey Tucker)
  • Le droit à l'autodétermination des individus (et non des hommes d'État) qui choisissent l'État auquel ils veulent s'associer est un principe de liberté individuelle essentiel. Il implique le droit de sécession. (Bertrand Lemennicier)
  • Le sens de l’histoire, contrairement aux désirs des hommes politiques ou des partisans de l’Etat nation, va dans la direction de la fragmentation des grands États contemporains en plus petits États. (Bertrand Lemennicier)
  • Si les habitants d’un territoire donné, qu’il s’agisse d’un simple village, d’une région entière ou d’une série de régions adjacentes, font savoir, par un plébiscite librement organisé, qu’ils ne veulent plus rester unis à l’État dont ils sont membres au moment de ce choix, mais préfèrent former un État indépendant ou se rattacher à un autre État, alors il faut respecter leurs désirs et leur donner satisfaction. C’est la seule manière efficace d’empêcher les révolutions ainsi que les guerres civiles et internationales. (Ludwig von Mises, La politique étrangère libérale)
  • L’expérience de la déclaration d’indépendance par le parlement de la Catalogne en octobre 2017 est intéressante. Elle démontre bien qu’un passage « démocratique » sans violence à l’indépendance est voué à l’échec. La constitution espagnole, comme la française interdit toute sécession. Ce qui en dit long sur la nature oppressive des États modernes qui refusent le droit de divorcer de l’État nation à leurs propres citoyens qu’ils soient en groupe ou pris individuellement. (Bertrand Lemennicier)

Bibliographie

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    • W. Norman, Negotiating Nationalism: Nation-Building, Federalism, and Secession in the Multinational State, Oxford: Oxford University Press

Liens externes



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