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Bourgeoisie

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La bourgeoisie peut être définie simplement comme les bourgeois en général, c'est la formule du Littré. Le Larousse du XIXe siècle présente le bourgeois comme un individu de la classe moyenne intermédiaire entre la classe ouvrière et la classe noble. Pour Guizot, la classe moyenne est restée sans privilège et sans monopole, la bourgeoisie est ouverte à tous les talents, le contraire d'une aristocratie fermée. Proudhon distingue la classe moyenne de la bourgeoisie qu'il assimile à une aristocratie capitaliste et foncière. Chaque auteur a sa propre définition de la bourgeoisie. Il n'est en outre pas facile d'établir la césure entre le peuple et la bourgeoisie. Comme l'affirme Victor Hugo dans Les Misérables : « On a voulu, à tort, faire de la bourgeoisie une classe. La bourgeoisie est tout simplement la portion contentée du peuple ».


Les sens multiples des mots bourgeois et bourgeoisie

Bourgeoisie et bourgeois sont des termes loin d'être neutres dans la langue française. Ils sont employés de façon élogieuse ou, le plus souvent, de façon péjorative. L'acception péjorative trouve son origine dans les préjugés aristocratiques d'une part et dans la tradition révolutionnaire d'autre part. Mais on parle positivement de cuisine bourgeoise ou de maison bourgeoise.

Le mot bourgeois exprime l'idée d'une supériorité et d'un certain prestige. Le vivre bourgeoisement a succédé à l'ancien vivre noblement. L'habit bourgeois s'oppose à la tenue militaire et implique un souci de correction, de dignité. Le bourgeois n'est pas le parvenu, au luxe ostentatoire, ni l'aristocrate qui mène une vie fastueuse. La bourgeoisie se distingue aussi par son langage qui est devenu le bon usage marqué par la clarté et la précision. La politesse bourgeoise, par son souci du respect et de la distance, s'oppose au sans-gêne du parvenu, au laisser-aller de l'homme du peuple ou à l'insolence de l'aristocrate. Équilibre et mesure sont les caractères de la bourgeoisie.

Le bourgeois c'est d'abord l'habitant du bourg, le citadin qui a obtenu des privilèges et des libertés vis à vis des seigneurs (le sens est encore celui-ci en Suisse, moins marquée par les idéologies anti-bourgeoises), par opposition aux paysans de la campagne. Puis le bourgeois s'oppose au gentilhomme. Le XIXe s. devait être le siècle de la bourgeoisie : l'historien Charles Morazé intitulait d'ailleurs la synthèse qu'il consacrait à cette période Les bourgeois conquérants. La bourgeoisie fait référence à un style de vie qui implique aisance ou fortune. La richesse ne suffit pas, le bourgeois se considère et est considéré comme supérieur, ce qui implique une notion de respect. Les valeurs bourgeoises, ce sont aussi largement les valeurs du libéralisme.

Le bourgeois c'est aussi une caricature : un personnage ridicule, laid, ventripotent, à l'image du niais et conformiste Monsieur Prudhomme, ou du grandiloquent comique Achille Talon. Il est aussi l'odieux exploiteur des pauvres, l'ignoble propriétaire M. Vautour. Un énorme cigare à la bouche, il est assimilé au capitaliste, non seulement le propriétaire qui loge les ouvriers mais aussi le financier profiteur et spéculateur. Ce serait un parasite et un profiteur.

Des bourgeoisies

  • La grande bourgeoisie ou la haute bourgeoisie : les grands banquiers et financiers, les grands industriels et négociants, les grands commis de l'État. Ce sont des personnalités d'importance ou de notoriété nationale.
  • La moyenne bourgeoisie : entrepreneurs et négociants, membres des professions libérales, universitaires, journalistes et hommes de lettres. On distingue parfois une bonne bourgeoisie qui formerait un échelon intermédiaire entre la haute bourgeoisie et la moyenne bourgeoisie.
  • La petite bourgeoisie : la boutique, les petits patrons, certains employés, instituteurs et petits fonctionnaires.

Adeline Daumard a pu écrire : La société bourgeoise était une société hiérarchisée, très contrastée par ses extrêmes, très nuancée dans sa structure, à cause de la prolifération des conditions intermédiaires et de la multitude des activités professionnelles. (La bourgeoisie parisienne de 1815 à 1848)

La bourgeoisie en France au XIXe s.

Le rang et l'argent

La bourgeoisie compte peu d'oisifs. La plupart des bourgeois sont des hommes d'un métier ou d'une profession : sans doute moins de 15 % de la population active en 1911. L'argent est le fondement de la hiérarchie sociale issue de la Révolution française car il est gage d'honorabilité, d'indépendance et d'influence sociale. La capacité électorale reposait d'ailleurs de 1815 à 1848 (Restauration et Monarchie de Juillet) sur le cens. Jusqu'à la veille de la première guerre mondiale, plus de 70 % des parisiens étaient dispensés de la taxe mobilière (actuelle taxe d'habitation) : payer la mobilière était donc un signe de bourgeoisie tout comme le fait d'être servi par des domestiques. Vers 1820, les grosses fortunes étaient celles des grands propriétaires financiers, à la Belle époque, les négociants et industriels ont pris le relais. S'il n'y a pas accentuation des écarts de richesse, les fortunes deviennent de plus en plus considérables. La fortune ne suffit pas à caractériser la bourgeoisie : les hommes de talent étaient moins riches que les hommes d'affaires. La position des hauts fonctionnaires, des magistrats, des savants ou des grands médecins n'étaient pas liée à l'argent. Le poids économique des petits patrons décline alors que les salariés bourgeois sont de plus en plus nombreux de même que les représentants des professions libérales.

Une fluidité sociale limitée

Avec le code civil, il n'y a plus d'obstacle juridique à la promotion sociale. comme le souligne le Journal des débats en 1847 :

  • La bourgeoisie n'est pas une classe, c'est une position ; on acquiert cette position, on la perd. Le travail, l'économie, la capacité la donnent ; le vice, la dissipation, l'oisiveté la font perdre. La bourgeoisie est si peu une classe que les portes en sont ouvertes à tout le monde pour en sortir comme pour y entrer.

Les socialistes comme Louis Blanc ou Considérant nient le renouvellement et l'élargissement de la bourgeoisie par la promotion des milieux populaires. Les classes aisées et riches reproduisent les couches aisées et riches des générations précédentes (Considérant). Avec 1848 et la mise en place du suffrage universel masculin, l'opinion bourgeoise s'inquiète désormais de la toute-puissance du nombre et se montre plus hostile au désir d'ascension sociale. La IIIe république reprend cependant la philosophie du mérite : par la politique des bourses, les républicains manifestent leur volonté de promouvoir des élites nouvelles. La réussite du fils de ses œuvres (en anglais self-made-man) n'est pas facile. Celui qui vient du monde ouvrier ne peut épargner le capital nécessaire. L'habileté, le génie technique ou l'ingéniosité commerciale ne suffisent pas. Il faut s'endetter, ou obtenir du crédit grâce à une aide familiale et le mariage apparaît comme un facteur décisif de réussite avec l'apport de la dot. Après 1848, les possibilités de promotion sociale deviennent plus difficiles sans disparaître. Les parvenus de la haute société sous le Second Empire sont issus de la moyenne bourgeoisie provinciale. L'essor de la grande industrie multiplient le nombre des ingénieurs. La plupart des hommes nouveaux sont donc issus de la petite et de la moyenne bourgeoisie.

Les valeurs de la bourgeoisie

La morale bourgeoise, qu'elle repose sur des croyances religieuses ou des convictions rationalistes, s'appuie sur deux notions : la liberté individuelle et l'égalité à capacités égales. Elle a vocation à être universelle, ce n'est pas une morale de classe. Les bourgeois, quel que soit leur rang, ont un sentiment aigu de leurs responsabilités. Ils ne comptent que sur eux-mêmes pour réussir leur vie. Au XIXe s., le bourgeois français est un homme supérieur et qui se sent tel. La primauté est accordée aux hommes les plus capables, les plus efficaces et, si possible, les plus honorables, en un mot les meilleurs. Les bourgeois ont bonne conscience ce qui les amène à mal percevoir les difficultés de la condition populaire.

Citations

  • « L'aristocratie et le peuple, c'est d'un côté le maître, de l'autre l'esclave ; c'est-à-dire l'antagonisme. La bourgeoisie et le peuple, c'est d'un côté le frère aîné, de l'autre le frère cadet ; c'est-à-dire la famille. (…) Autrefois entre le noble et le non-noble, il y avait un mur. Aujourd'hui entre le bourgeois qui est l'ouvrier arrivé et l'ouvrier qui est le bourgeois en marche, il n'y a qu'une main à tendre. » (Victor Hugo)
  • « On a voulu, à tort, faire de la bourgeoisie une classe. La bourgeoisie est tout simplement la portion contentée du peuple. Le bourgeois, c'est l'homme qui a maintenant le temps de s'asseoir. Une chaise n'est pas une caste. » (Victor Hugo, Les Misérables)
  • « J'appelle donc bourgeois de chez nous, un Français qui ne doit pas ses ressources au travail de ses mains ; dont les revenus, quelles qu'en soient l'origine comme la très variable ampleur, lui permettent une aisance de moyens et lui procurent une sécurité, dans ce niveau, très supérieure aux hasardeuses possibilités du salariat ouvrier ; dont l'instruction, tantôt reçue dès l'enfance, si la famille est d'établissement ancien tantôt acquise au cours d'une ascension sociale exceptionnelle dépasse la norme de culture tout à fait commune ; qui enfin se sent ou se croit appartenir à une classe vouée à tenir dans la nation un rôle directeur et par mille détails, du costume de la langue, de la bienséance, marque plus ou moins instinctivement son attachement à cette originalité du groupe et à ce prestige collectif. »  (Marc Bloch)
  • « En Europe continentale... le terme bourgeoisie n‘est pas nécessairement connecté au marché : il peut tout aussi bien faire référence à la classe de "serviteurs de l'État" et rentiers aux crochets de la dette publique, qu'à la classe d'hommes d'affaires productifs. » (Ralph Raico)
  • « Le Code civil, c'est le petit livre rouge de la bourgeoisie. » (Étienne Grumbach, avocat communiste)
  • « On appelle "communiste" celui qui lutte pour que l'Etat lui assure une existence bourgeoise. » (Nicolás Gómez Dávila)
  • « En réalité, il y a deux bourgeoisies. La bourgeoisie d’argent, celle qui lit Le Figaro, et la bourgeoisie intellectuelle, qui lit Le Monde. Les deux font la paire. Elles s’entendent pour se partager le pouvoir. » (Charles de Gaulle, d'après C’était De Gaulle, Alain Peyrefitte)

Sources

  • 1993, Adeline Daumard, Les bourgeois et la bourgeoisie en France depuis 1815, Champs Flammarion, ISBN 2080812246


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