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Dette publique

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La dette publique est constituée du montant total de tous les emprunts de l'État et des autres administrations publiques (collectivités territoriales et protection sociale). La dette intérieure est contractée auprès des agents économiques intérieurs (ménages, entreprises, institutions financières) tandis que la dette extérieure est financée par des intervenants étrangers.

Elle sert à financer (et est accrue par) le déficit budgétaire.

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Origine de la dette publique en démocratie

La dette publique semble être une fatalité de la démocratie. En effet, en démocratie, les hommes politiques cherchent à satisfaire d'abord l'électeur médian, et ce par la redistribution, car il faut que cet électeur, dont le revenu est inférieur au revenu moyen[1], obtienne des avantages qui lui coûtent moins que les impôts qu'il paie[2]. Comme il est impossible de prendre à la classe moyenne plus que ce qu'on lui redonne, et comme la spoliation des classes aisées atteint vite ses limites, l'octroi de ces avantages n'est possible que par l'emprunt étatique, ce qui explique l'accroissement ininterrompu de la dette publique dans les démocraties. Les avantages obtenus sont soit pécuniaires (allocations diverses, assistanat, subventions d'associations ou d'entreprises) soit en nature : "gratuité" de la santé, des études, des infrastructures publiques, et autres prétendus "acquis sociaux".

Il y a donc un "biais démocratique" en faveur des dépenses publiques et d'un État toujours plus étendu, chaque problème étant traité par l’emploi des mêmes instruments : l’impôt et la dette (qui n'est qu'un impôt retardé) :

«  Le système démocratique rend beaucoup plus facile la création d’une dépense publique que sa disparition, puisque les incitations à défendre la dépense existante sont bien plus fortes et l’action plus facile à organiser que pour ceux qui aimeraient cesser de financer tous ces avantages particuliers. L’illusion créée par les politiques fonctionne bien dans des pays comme la France, où chacun essaie de vivre aux dépens des autres à travers la grande fiction qu’est l’État, comme l’a justement dit Bastiat. »
    — Pierre Schweitzer, Bitcoin : la revanche inattendue des libertariens, mai 2020

Tout politicien qui refuserait cette pratique perdrait les élections en étant supplanté par des politiciens plus démagogiques que lui sur le marché politique. L'État-providence a ainsi vocation à s'étendre indéfiniment en même temps que la dette publique grossit en contrepartie et qu'une répression financière se met en place pour tenter de remédier aux graves inconvénients de l'endettement étatique.

La tâche du politicien consistera à s'attribuer les mérites de la redistribution étatique tout en cachant ou minimisant la réalité de la dette, en entretenant le plus grand flou à son sujet (ainsi ne sont pas compris dans la dette certains engagements de l'État : retraites futures des fonctionnaires, cautions de droit ou de fait, endettement des sociétés détenues par l'État, etc.). Le politicien étant par définition irresponsable, il désignera à la vindicte populaire, lorsque la dette ne sera plus supportable, de nombreux boucs émissaires : le marché, les banques, certains pays étrangers, certaines institutions internationales, etc. Ses boucs émissaires préférés seront évidemment ses créanciers : par un curieux retournement de situation, il les mettra en accusation et dénoncera leur emprise, comme s'il était lui-même totalement hors de cause dans ses problèmes de finances, et comme si l'endettement excessif était une fatalité extérieure dont il n'était pas responsable.

Un des paradoxes de la dette publique en démocratie est précisément son aspect antidémocratique :

«  Chacun sait que la dette n’est que de l’impôt différé et que la marque d’une démocratie est que l’impôt est voté par ceux qui vont devoir le payer. Nous collons cependant des impôts énormes (par l’intermédiaire de la dette que nous allons leur laisser) sur nos enfants ou nos petits enfants sans qu’ils aient pu les voter, ce qui est la marque, non pas d’une démocratie, mais d’une démagogie dont le seul but est que la génération actuelle, celle qui vote, ne souffre en aucun cas de ses incontinences. »
    — Charles Gave

Rôle capital de la banque centrale

Même quand elle ne finance pas directement les déficits de l’État (par la création monétaire ex nihilo), la banque centrale joue un rôle clé entre l’État et les banques commerciales pour "diffuser" la dette publique et en assurer une croissance ininterrompue. En effet, les banques commerciales, en raison du système dit "de réserves fractionnaires", font appel à la banque centrale pour couvrir leurs besoins de liquidité et augmenter les bases de leur expansion de crédit ; elles sont ainsi incitées à acheter en continu de la dette publique comme collatéral à des opérations de refinancement (la banque centrale exigeant des obligations d’État en guise de collatéral quand elle prête aux banques). L'instauration par l’État de la répression financière les y incitera encore davantage.

Aux États-Unis, mais également au Japon, au Royaume-Uni et dans une moindre mesure en Europe, par une pratique non conventionnelle d'assouplissement quantitatif (quantitative easing), la banque centrale peut se mettre à acheter directement la dette (les bons du trésor). Cette pratique permet aux États de camoufler leurs dettes quasiment gratuitement dans les bilans des banques centrales. La dette est donc monétisée, au risque de créer de l'inflation ou des bulles spéculatives. Dans un contexte de sur-endettement général des États, les hommes politiques et les banquiers centraux jugent que la déflation est une menace bien plus grave que l'inflation.

La dette publique peut en fait être présentée comme la seule justification de l'existence de la banque centrale, institution inutile par ailleurs :

«  Sans l'existence du monopole monétaire, les politiciens seraient dans l'incapacité d'emprunter de grosses sommes d'argent créatrices de déficits budgétaires. Sans ces déficits, sans la mise en place de lois instituant le monopole monétaire, les subventions en faveur d'intérêts particuliers ne pourraient être financées que par un surcroît d'impôts. Les contribuables seraient hostiles au financement des groupes de pression et à celui des gaspillages publics si leur feuille d'impôt en révélait le coût réel. »
    — Mary J. Ruwart

«  La dette publique est, de fait, aujourd'hui, une bonne affaire pour les banquiers, dans la mesure où, en définitive, elle est gagée sur la capacité d'extorsion fiscale des Etats qui la supportent — capacité très supérieure à ce qu'elle était sous les monarchies les plus absolues, même si elle rencontre aujourd'hui, selon nous, sa limite supérieure. Aussi bien le souscripteur d'obligations d'Etat ou de bons du Trésor croit se mettre à l'abri des risques de la vie économique ordinaire en pariant sur la puissance publique et sa supposée pérennité. (...) Le rentier participe ainsi de l'exploitation fiscale. (...) Il n'empêche qu'il devra lui aussi revenir sur ses illusions de placements sans risque. »
    — Philippe Simonnot, La monnaie : histoire d'une imposture, Perrin, 2012

En raison du fonctionnement de la banque centrale, il y a une corrélation entre la quantité de monnaie en circulation et la dette publique : la banque centrale crée de la monnaie ex nihilo pour acheter la dette (directement ou indirectement) ou inversement, si elle juge la masse monétaire trop importante, détruit de la monnaie en vendant la dette qu'elle détient.

Pour l’École autrichienne d'économie, c'est cette création monétaire ex nihilo qui permet un accroissement apparemment indéfini de la dette publique, qui serait impossible dans un régime d'étalon-or strict. Ce mécanisme de cavalerie, qui permet de rembourser la dette par de l'argent créé à partir de rien, ne cesse que lorsqu'il devient évident que la dette ne pourra jamais être remboursée, ou lorsque la monnaie perd toute sa valeur. Il y a toujours une corrélation forte entre l'ampleur de la dette publique et la faiblesse de la monnaie concernée, car il devient impossible de résister à la tentation de "faire marcher la planche à billets" à mesure que la dette grossit et devient incontrôlable.

Le monopole d'émission de la banque centrale permet donc l'accroissement de la dette publique (que la banque centrale soit publique ou privée n'a à cet égard aucune importance) ; la liberté monétaire que préconisent les libéraux via des monnaies privées en concurrence entre elles serait une menace à la capacité d'endettement de l’État.

La faute au libéralisme ?

Curieusement, certains accusent le libéralisme de conduire les États à la faillite au bénéfice d'intérêts privés.

Or le libéralisme se caractérise par un non-interventionnisme en économie (en-dehors évidemment de ce qui concerne le droit commun : vol, escroquerie, fraude, etc., qui relève des fonctions régaliennes de l’État) :

  • refus de l'argument "too big to fail" pour renflouer les banques ; empêcher la banqueroute ou la faillite revient à répartir sur tout le monde, à la façon collectiviste, les conséquences des erreurs de quelques-uns (céder à la menace douteuse du "risque systémique" revient pour l’État à acquiescer par avance à toutes les exigences des banquiers) ;
  • refus du monopole monétaire de la banque centrale, monopole d'origine étatique, source de tous les dérèglements monétaires ;
  • refus des politiques keynésiennes, qui n'aboutissent qu'à un accroissement de la dette sous le prétexte de soutenir la croissance ;
  • refus des politiques inflationnistes, qui ne profitent qu'à une oligarchie.

L’État, par le privilège "exorbitant du droit commun" qui lui permet de prélever l'impôt et d'en user sans le consentement du contribuable, devrait se mêler le moins possible d'intérêts privés, y compris dans les domaines monétaires ou bancaires. Son action aboutit toujours à privilégier certains intérêts privés aux dépens d'autres intérêts privés.

C'est précisément en raison de l'extension indue de l’État dans des domaines où il n'a rien à faire (assistanat, subventions, renflouements…) que la dette publique, en démocratie, a tendance à s'accroître indéfiniment sous la pression de divers groupes d'intérêt (banques, grandes entreprises, lobbies, syndicats, etc.).

Les pays les plus libéraux, conscients de la nocivité d'un endettement excessif, ont fait en sorte d'entraver la tendance naturelle de l’État à s'endetter indéfiniment. Par exemple, la Suisse dispose dans sa Constitution d'un frein à l'endettement destiné à "enrayer les déficits budgétaires chroniques et la croissance de la dette"[3]. Très longtemps les États-Unis n'ont pas eu de dette, et n'ont jamais eu besoin (jusque autour des années 1970) d'imposer un debt ceiling pour limiter les dépenses ; comme l'indique Peter Schiff[4], c'est l'instauration de la FED qui a permis d'accroître l'endettement de l’État. Le plafond d'endettement a été relevé à de nombreuses occasions sous prétexte de "prouver aux créanciers que les États-Unis peuvent payer leur dette" (alors que l'argent ainsi emprunté sert précisément à payer la dette).

Effets pervers économiques

Searchtool-80%.png Articles détaillés : effet d'éviction et épargne.

L'appel à l'épargne présente des effets pervers, en particulier l'effet d'éviction : l'épargne consacrée à financer le déficit budgétaire ne peut plus servir à financer l'activité privée et notamment l'investissement productif: les dépenses privées sont en quelque sorte « évincées » par le financement des dépenses publiques.

En ce sens, contrairement aux vues keynésiennes, un déficit budgétaire peut conduire à la stagnation en privant les entreprises d'un moyen essentiel de financement. C’est sans doute la raison pour laquelle l’union Européenne a retenu parmi les critères d’entrée dans le « club Euro », une dette publique inférieure à 60% du PIB. La dette est nuisible parce que son remboursement (service de la dette) devient un poids très lourd dans le budget (il augmente plus vite que toutes les autres dépenses publiques). La dette publique et ses intérêts bloquent la croissance économique issue de l'épargne et de l'investissement.

Comme pour la dette extérieure, on notera que la dette intérieure, lorsqu'elle est excessive, handicape durablement l'économie nationale, en raison des remboursements annuels.

Le recours massif à l'endettement — intérieur et extérieur — marque, en fait, le refus des réalités économiques d'aujourd'hui et le report des problèmes sur le lendemain, hypothéquant ainsi la situation économique future. On peut parler, comme le fait l'économiste Tim Harford) de « taxe sur les adolescents », d'un transfert de richesse des futurs contribuables vers les adultes du jour.

Selon le théorème d'équivalence de Ricardo-Barro (ou "effet Ricardo"), l'augmentation de la dette publique se traduit généralement plus tard par une augmentation des impôts (l'emprunt d'aujourd'hui est un impôt futur). Une politique de relance financée par la dette publique est donc absurde, puisque les agents économiques seront portés à économiser plutôt qu'à consommer.

Il y a une différence essentielle entre la dette publique et la dette privée : les personnes qui décident d’emprunter ne sont pas celles qui vont payer les intérêts ni rembourser le capital emprunté, ni non plus celles qui vont bénéficier de l’emprunt :

C'est la nature même des actions menées par les hommes de l’État que de faire en sorte que le coût des actions des individus ne soit pas supporté par eux mais par d'autres, et que les gains de ces actions soient appropriés par d'autres que ceux qui ont à en supporter les coûts. C'est parce qu'il y a cette séparation, ou externalisation, entre ceux qui paient et ceux qui bénéficient que règne une irresponsabilité générale des actions étatiques. On peut reprocher aux économistes d'hier et d'aujourd'hui d'être silencieux sur ce fait essentiel qui distingue une dette privée d'une dette publique. (Bertrand Lemennicier)

La fiction étatiste selon laquelle "la dette publique sert l’intérêt public" est réfutée quand on examine la part du budget annuel de l’État qui est allouée aux investissements. La réalité est que la dette publique sert à acheter le vote et à complaire à la clientèle électorale des politiciens.

Effet pervers politique

L'accroissement de la dette publique favorise le capitalisme de connivence entre pouvoir et finance, ce qui oblige le pouvoir à intervenir pour secourir des banques dont il est en réalité étroitement dépendant pour placer ses emprunts. Le concept de "too big to fail" encourage la finance à pratiquer des prises de risque inconsidérées et fait des grandes banques un facteur de risque systémique. La course à l'endettement s'accompagne d'une course à la prise de risques et d'une course à l'accroissement continu des masses monétaires, en même temps que s'accroissent tant l'appauvrissement du pays que l'emprise de l'Etat-providence et de la fiscalité redistributrice sur la population.

Les conséquences inéluctables

L'endettement excessif rend un pays presque entièrement dépendant de ses créanciers : dès que ceux-ci ont des doutes sur la solvabilité de leur débiteur et cessent de lui prêter (ou ne veulent lui prêter qu'à des taux très élevés), ce dernier se trouve brutalement confronté à une crise insoluble autrement que par le défaut ou par une réduction drastique du train de vie de l'État.

Le retour à la réalité est douloureux. L'État, à la différence de ce qui se passe pour un particulier surendetté, peut décider unilatéralement de suspendre les remboursements de la dette, mais ce faisant il ne trouve plus de créanciers disposés à souscrire à ses nouveaux emprunts (car il peut difficilement réduire ses dépenses dans le même temps). La seule différence entre le cas du particulier et celui de l'État tient à l'irresponsabilité de ce dernier : ceux qui ont choisi, par démagogie, la voie de l'endettement, ne sont pas les mêmes que ceux qui en paieront plus tard les conséquences. La rhétorique étatique et politicienne pourra toujours s'efforcer, le moment venu, de cacher la réalité au contribuable-citoyen et de présenter la sanction des marchés comme une fatalité liée au libéralisme économique et au libre-échange.

Comment liquider la dette publique

L'Histoire permet de dresser la liste des façons dont les États ont liquidé leur dette publique :

  • la répudiation ou le défaut de paiement : la dette est "rééchelonnée", subit une "décote" (haircut) ou n'est plus remboursée : cas des emprunts russes, répudiés en 1918 par les Bolchéviques  (80 ans plus tard, en août 1998, la Russie fait à nouveau défaut sur ses dettes publiques) ; en France, en 1797, le Directoire annule autoritairement les 2/3 de la dette : "banqueroute des deux tiers" ; cette pratique est très ancienne puisque le Code d’Hammourabi (1760 avant J.-C.) indique les cas d'effacements de dette (mauvaise récolte, sécheresse...) ; une "doctrine" ad hoc existe à ce propos, celle de la "dette odieuse" ; l'inconvénient de cette "solution" est évidemment une perte de confiance auprès des créanciers et le risque de faillite pour une partie d'entre eux ;
  • la dévaluation de la monnaie et l'inflation monétaire permettent de rembourser la dette en dessous de sa valeur d'origine (cas de l'Empire romain sur le déclin, Allemagne de Weimar, dévaluation du peso en Argentine en 2002, quantitative easing pratiqué par les banques centrales, monétisation de la dette, etc.) ; l'inflation est une redistribution qui s'opère entre emprunteurs et prêteurs ; elle peut être provoquée directement par la planche à billets ou indirectement par divers artifices (taux d'intérêt négatifs, surévaluation du stock d'or de la banque centrale, etc.)  ;
  • un mécanisme inflationniste similaire est fourni par la "monnaie fiscale", une "monnaie" émise unilatéralement par les autorités fiscales pour régler les factures de l'État ; cette monnaie transforme les créanciers de l'État en émetteurs/récepteurs forcés de dette étatique ;
  • l'augmentation des impôts permet de faire face aux remboursements, mais c'est la mesure la plus impopulaire, et qui ne règle pas le problème pour autant ;
  • le désendettement par diminution du périmètre de l'État (par privatisation, suppression de subventions et de prestations, plan d'austérité, réduction drastique du traitement des fonctionnaires, etc.), impopulaire également (cas de la Grèce en 2010) ; cette solution de bon sens se heurte aux mauvaises habitudes qui perdurent entre l'État redistributeur ou gaspilleur et sa « clientèle » privilégiée ;
  • le transfert des dettes à une entité qui a une meilleure réputation aux yeux des créanciers (solution des "eurobonds" pour remédier à l'endettement des pays européens) : cela permet de gagner un peu de temps, sans régler aucun des problèmes d'endettement excessif ; en Europe, cette "solution" fait son apparition en 2020 après la crise du Covid-19 (la Commission européenne émet directement de la dette pour financer son plan de relance)
  • la transformation en "dette perpétuelle" : le principal n'est jamais remboursé mais les intérêts sont payés (de façon illimitée en théorie) ; l'emprunteur compte sur l'inflation qui allègera le poids du remboursement, ou lui permettra même de racheter un jour l'intégralité de la dette (cette pratique existe au Royaume-Uni mais aussi dans certaines entreprises : obligations perpétuelles)
  • la recherche de nouvelles ressources à l'intérieur du pays par l'emprunt forcé, l'expropriation, ou à l'extérieur par la guerre (cas de la Révolution française et du Premier Empire, ou de l'Allemagne nazie) ; le plus récent avatar de ce phénomène est la répression financière, c’est-à-dire la décision officielle de réserver à des usages publics (en pratiquant des taux inférieurs à ceux du marché) les fonds qui seraient autrement allés à d’autres emprunteurs ;
  • la "remise à zéro" (big reset), annulation générale des dettes, comme le faisaient les Hébreux avec la pratique du jubilé : tous les cinquante ans, les compteurs étaient remis à zéro et les dettes remises ; cette pratique n'a évidemment rien de juste, elle favorise les riches endettés au détriment des créanciers pauvres ; en outre, la dette des uns étant la créance des autres, cette remise à zéro provoquerait des faillites bancaires en cascade, ainsi que la faillite des fonds de pension ;
  • la liquidation physique des créanciers (par exemple Philippe le Bel avec les Templiers en 1307), ce qu'on appelle crûment une « grande saignée ». En 1492, les Rois Catholiques d'Espagne, Isabelle la Catholique et Ferdinand II d'Aragon, cherchant à "rechristianiser" le royaume, expulsent les juifs (décret de l'Alhambra), parmi lesquels un certain nombre se trouvaient être les créanciers du royaume.

Toutes ces options étant plus ou moins douloureuses et obligeant l'État à sortir de la consensuelle "tyrannie du statu quo", les États se contentent de naviguer à vue et de cacher la réalité autant que possible. La plupart des analystes prédisent que l'inflation (voire l'hyperinflation) en sera le résultat :

«  Tous les États-providence occidentaux seront dans l’incapacité de rembourser leurs dettes, et ne pourront pas faire face à leurs obligations vis-à-vis des personnes accédant à la retraite. Le seul moyen qu’il leur reste pour assumer leurs engagements est de s’engager dans une inflation démesurée, c’est-à-dire émettre de la monnaie afin de donner l’impression qu’ils peuvent honorer leurs paiements, avec comme conséquence inévitable, la perte de pouvoir d'achat de leurs devises qui sera suivie de l’expropriation de l’individu productif (nationalisations). »
    — Hans-Hermann Hoppe

À noter que la dette cesse de croître à partir du moment où le solde budgétaire est positif. Il ne suffit pas de se conformer à un déficit budgétaire limité à 3% (critères de Maastricht). Contrairement à une erreur commune, un solde primaire (solde budgétaire moins charge de la dette) excédentaire ne signifie pas baisse de la dette, mais c'est le solde budgétaire qui importe. Avec la financiarisation de l'économie, tous les prêteurs d'obligations se couvrent par la souscription de credit default swaps (CDS), ce qui rend en théorie possible de faire payer la dette suite à un éventuel défaut de paiement par les vendeurs de ces contrats (en réalité, étant donnés les montants en jeu, la solvabilité de ces vendeurs est elle-même très douteuse).

Idée reçue : un État ne peut jamais faire faillite

Cette idée reçue, qui relève de la statolâtrie, est curieusement très partagée. Elle découle probablement de deux caractéristiques qui distinguent l’État d'un acteur économique « normal » :

  • à la différence d'une entreprise, un État ne disparaît pas automatiquement par suite d'une faillite, mais la faillite n'en est pas moins réelle d'un point de vue économique et l'histoire en donne de très nombreuses illustrations, avec le chaos économique et politique qu'elle provoque (délitement de l'État et du "service public") ;
  • un autre sous-entendu de cette idée reçue est que l'État peut faire fonctionner à volonté la planche à billets et faire de la cavalerie pour continuer à dépenser ou à rembourser ses dettes, mais cet expédient atteint vite ses limites et aboutit à l'hyperinflation et la disparition de la monnaie, dont la valeur tombe à zéro.

Le privilège étatique, issu de la loi du plus fort (droit de lever l'impôt par la violence, cours forcé de la monnaie...) ne permet pas pour autant à l’État de s'affranchir des lois économiques, il lui permet juste de désigner ceux qui seront victimes de son incurie et de son incompétence : créanciers, mais aussi contribuables, fonctionnaires, retraités, etc.

L'analyse libertarienne

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Pour les libertariens (voir par exemple Murray Rothbard, Repudiating the National Debt), l'État ne peut être mis sur le même pied qu'un débiteur privé. Son engagement n'a pas de valeur, puisqu'il ne crée pas de richesse, mais vit de l'argent volé aux contribuables ou de cet impôt caché qu'est l'inflation. Les créditeurs de l'État sont eux-mêmes éthiquement répréhensibles, puisqu'en tant que « receleurs d'impôt » ils seront remboursés grâce à la coercition fiscale. La dette publique ne peut être considérée à l'égale d'un contrat entre propriétaires légitimes, car il n'y a pas de responsabilité contractuelle en ce domaine, le coût des actions des hommes de l’État n'étant pas supporté par eux, mais par le contribuable présent ou futur. C'est l'illusion fiscale et la fiction de l'intérêt général qui permettent à l'État de s'endetter indéfiniment.

Plutôt que l'augmentation des impôts ou l'inflation, Rothbard propose une solution révolutionnaire : la répudiation de la dette publique. Il n'y a pas de raison que la population paie pour les dettes contractées par les classes dirigeantes ; de plus, cela empêchera les gouvernements, faute de créanciers, de continuer à détourner des ressources privées pour les gaspiller dans les projets étatiques. La répudiation de la dette est donc un moyen radical de diminuer l'emprise de l'État sur la société civile, en lui "coupant les vivres". Rothbard propose aussi de traiter l'État comme une entreprise en faillite et de vendre tous ses biens, en procédant à des privatisations révolutionnaires.

La répudiation de la dette, une solution "de gauche" ?

Les "solutions" habituellement proposées par les hommes politiques sont celles qui sont indiquées plus haut dans la section "Comment liquider la dette publique".

Les solutions nationalistes consistent à se refermer sur le pré carré national et à agir sur la monnaie par la planche à billets (en Europe, sortir de l'euro pour revenir à une monnaie nationale qui permettra un plus grand laxisme budgétaire).

Une partie de l'intelligentsia de gauche pratique le déni, estimant qu'il se trouvera toujours des créanciers pour acheter la dette, ou que la création monétaire illimitée permettra de régler tous les problèmes (illusion monétaire).

D'autres solutions "de gauche" (par exemple celles d'Attac dans Le Piège de la dette publique, 2011) proposent un "mix" variable de répudiation d'une partie de la dette et de monétisation d'une autre partie par la banque centrale.

Ces "solutions" étatistes, qui admettent implicitement que la dépense publique est toujours justifiée et ne saurait être remise en question, ne s'attaquent évidemment pas à la racine du problème, qui n'est pas la "toute puissance des marchés financiers", mais bien le surendettement des États (ce sont bien eux qui se sont mis sous la coupe des marchés financiers).

Alors que ces "solutions" ne font que prolonger le problème, la solution de répudiation libertarienne est la plus radicale ; elle a le mérite de montrer la réalité de l’État, voleur et irresponsable par nature. L'endettement est supprimé, en même temps que la capacité d'emprunt, ce qui contraint les hommes de l’État à restreindre drastiquement son périmètre et à mieux le gérer :

«  Le principal problème de la dette est de permettre une expansion de l'État qui semble sans douleur — jusqu'à ce que la douleur devienne insupportable et menace l'ensemble de l'économie. Mais le problème porte peut-être en lui sa propre solution, la crise actuelle des dettes souveraines offrant une chance inespérée : enchaîner Léviathan. Presque partout, l'État est fauché, et devra réduire fortement ses dépenses ou faire défaut sur sa dette. En vérité, un défaut l'obligerait également à réduire ses dépenses en bloquant son accès aux marchés financiers. »
    — Pierre Lemieux, Les Dettes Souveraines, Libres ! 100 idées, 100 auteurs

Annexes

Bibliographie

  • 2012, Alberto Petrucci, "Government debt, agent heterogeneity and wealth displacement in a small open economy", In: Raffaele De Mucci, Kurt R. Leube, "Un austriaco in Italia - An Austrian in Italy : festschrift in honour of professor Dario Antiseri", Soveria Mannelli: Rubbettino, pp409-432

Citations

  • «  Le peuple sera écrasé d'impôts, on fera emprunt sur emprunt ; après avoir épuisé le présent, on dévorera l'avenir. »
        — Frédéric Bastiat

  • «  Le biais des hommes politiques pour la dépense publique et son financement par la dette publique est inhérent à la démocratie majoritaire. »
        — Bertrand Lemennicier

  • «  La dette publique est immorale et antidémocratique, parce qu'on fait supporter le poids de l'impôt à des personnes qui ne peuvent participer au processus de décision au moment où l'emprunt a été initié et qui par définition, lorsque l'emprunt finance des dépenses courantes, n'en bénéficient pas. Ces prises de décisions collectives externalisent les coûts sur le futur et sur les générations à venir qui ne peuvent être représentées au parlement sous prétexte qu'elles sont trop jeunes ou qu'elles n'existent pas. »
        — Bertrand Lemennicier

  • «  Qui donne à l’État prête à rire. »
        — Tristan Bernard

  • «  Qui paye ses dettes n'a vraiment pas autre chose à foutre ! »
        — Pierre Perret

  • «  Les finances publiques doivent être saines, le budget doit être équilibré, la dette publique doit être réduite, l’arrogance de l'administration doit être combattue et contrôlée, et l’aide aux pays étrangers doit être diminuée de peur que Rome ne tombe en faillite. La population doit encore apprendre à travailler au lieu de vivre de l’aide publique. »
        — (faussement) attribué à Cicéron[5]

  • «  Le problème de la dette n'est que le symptôme d'une mentalité anti-capitaliste qui sape la philosophie politique originelle des droits individuels et de la liberté économique et instaure à sa place une idéologie du paternalisme et de la dépendance. »
        — Richard Ebeling

  • «  Comment se ruiner ? Par le jeu ? C'est le plus rapide. Par les femmes ? C'est le plus agréable. Par les technocrates ? C'est le plus sûr. »
        — Georges Pompidou

  • «  Mais, quoique le tort causé au commerce et à l’activité par nos fonds publics [c'est-à-dire la dette publique], tout bien pesé, ne semble pas négligeable, il est insignifiant en comparaison du préjudice qui en résulte pour un État considéré en tant que corps politique qui doit se maintenir dans la société des nations et avoir des transactions diverses avec les autres États pour les guerres et les négociations. Le mal est ici pur et sans mélange, sans aucune circonstance favorable pour l’atténuer, et c’est un mal qui est d’une nature telle qu’il est le plus important et le plus extrême. […] On s’aperçoit toujours qu’un gouvernement qui a hypothéqué tous ses revenus sombre nécessairement dans un état de langueur, d’inactivité et d’impuissance. »
        — David Hume, Du crédit public, 1752

  • «  La racine du mal est d’abord la fable selon laquelle un État ne peut pas faire faillite, et peut donc s’endetter indéfiniment, et que la dette des États est un placement sans risque. Cette fable repose sur deux idées : un État peut indéfiniment taxer ses citoyens ; un État peut battre monnaie. »
        — Gérard Dréan

  • «  L’analyse financière des sociétés de capital n’a rien à voir avec l’analyse financière des États, i.e. l’analyse des finances publiques… car les États n’ont pas des activités qui reposent sur les règles de droits — propriété —, mais sur le don et le vol de richesses en propriété… Un État ne peut pas déposer son bilan car il n’en a pas. Il ne peut pas faire faillite car la faillite est un concept de droit privé et car il s’articule à la règle de la propriété privée. Il ne saurait être mis en redressement judiciaire… Un État peut seulement être mis en cessation de paiements, ce qu’on dénomme le « défaut ». »
        — Georges Lane

  • «  La monétisation des dettes publiques constitue, avant même de parler de résurgence inflationniste, une nationalisation, une soviétisation rampante de l'économie, ou plutôt une confiscation furtive d'une part croissante de la richesse du pays par l'État, qui en fera le plus mauvais usage, puisqu'il est destructeur net de valeur. La prime à la médiocrité dans toute sa plénitude. »
        — Vincent Bénard

  • «  Utiliser l’assouplissement quantitatif pour combattre la récession, c’est comme utiliser de l’essence pour éteindre un feu. »
        — Peter Schiff

  • «  Il y a deux façons de conquérir et d’asservir une nation. L’une est l’épée. L’autre est la dette. »
        — John Adams

  • «  S'il y avait un impôt sur la connerie, l’État s'autofinancerait. »
        — Coluche (humour)

  • «  En finançant la dépense publique actuelle par la dette, nous sommes, en fait, en train de couper les pommiers pour en faire du bois de chauffage, réduisant ainsi le rendement du verger pour toujours. »
        — James McGill Buchanan

  • «  Les dettes n'engagent que les décisionnaires qui les contractent, ainsi que leurs complices directs. Présidents, ministres, hommes politiques, hauts fonctionnaires, chefs militaires, activistes des principaux lobbies et syndicats – chacun d'entre eux est responsable à hauteur de son rôle dans la décision d'emprunter. »
        — François-René Rideau

  • «  La dette publique et le coût des systèmes existants de sécurité sociale ont amené la perspective d'un effondrement économique imminent. […] Si les tendances actuelles se poursuivent, on ne risque rien à dire que l'État-providence occidental, c'est-à-dire la démocratie sociale, s'effondrera tout comme le socialisme oriental, à la soviétique, s'est effondré à la fin des années 1980. »
        — Hans-Hermann Hoppe

  • «  Quand les dettes nationales se sont accumulées jusqu'à un certain degré, il n'y a guère, à ma connaissance, un seul cas où elles ont été remboursées équitablement et complètement. »
        — Adam Smith

  • «  La dette finit par consommer la richesse fictive construite sur le sable, richesse qui faisait croire fallacieusement aux hommes politiques, à l’homme de la rue et à l’homme du monde des affaires, qu’ils assistaient à une croissance économique réelle. L’emprunt public et la dépense publique ne constituent pas la solution, mais le problème. La production et l'épargne sont les sources d’une croissance économique saine ; c’est là une politique que les keynésiens contestent de façon inconsidérée. »
        — Ron Paul, Liberty Defined

  • «  Aux plus beaux jours du libéralisme, quelques pays occidentaux amortirent une partie de leur dette à long terme par un honnête remboursement. Mais, la plupart du temps, les dettes nouvelles s'ajoutèrent simplement aux anciennes. L'histoire financière du siècle dernier montre un constant accroissement du montant des dettes publiques. Personne ne croit que les États vont perpétuellement traîner le fardeau de ces intérêts à payer. Il est clair que tôt ou tard toutes ces dettes seront liquidées d'une manière ou d'une autre, mais certainement pas par le paiement des intérêts et du principal tel que prévu au contrat. »
        — Ludwig von Mises, L'Action humaine

  • «  Autrefois, l’on déplorait les péchés du monde, aujourd’hui on considère avec consternation les dettes du monde ; de même que jadis on prophétisait le Jugement dernier, on prophétise aujourd’hui la grande répudiation des dettes (σεισάχθεια), l’universelle banqueroute des États, espérant secrètement ne pas vivre pour en être soi-même témoin. »
        — Arthur Schopenhauer

  • «  L'économie mondiale tout entière repose aujourd'hui sur de gigantesques pyramides de dettes, prenant appui les unes sur les autres dans un équilibre fragile. Jamais dans le passé une pareille accumulation de promesses de payer ne s'était constatée. Jamais sans doute il n'est devenu plus difficile d'y faire face. Jamais sans doute une telle instabilité potentielle n'était apparue avec une telle menace d'un effondrement général. »
        — Maurice Allais, La crise mondiale d'aujourd'hui, Le Figaro, 1998

  • «  Heureux les jeunes, car ils hériteront de la dette nationale. »
        — Herbert Hoover, 1936[6]

  • «  La vraie bulle, la mère de toutes les bulles, c'est la dette des gouvernements. C'est la bulle-mère, celle sur laquelle toutes les autres s'appuient et se nourrissent. Cette bulle-mère est systémique ; [...] c'est la pierre angulaire du système bancaire, monétaire et financier. [...] L'émission de dettes par les gouvernements, c'est le moyen ultime de retarder les échéances mais elle a un prix : elle détruit à long terme la solvabilité de ces mêmes gouvernements ; elle gaspille des ressources ; elle interdit de remonter les taux ; elle mine la monnaie ; elle détruit en profondeur nos systèmes sociaux et bancaires fondés sur l'épargne, les retraites, la prévoyance. »
        — Bruno Bertez, 15/06/2019

Liens externes

Références

  1. Le salaire médian est le palier divisant l'ensemble des salariés en deux parties égales : 50 % des salariés gagnent moins que le salaire médian et l'autre moitié gagne plus. Comme les hauts salaires s'éloignent plus de la médiane que les bas salaires, le salaire moyen est supérieur au salaire médian. Par exemple, en France, le salaire médian est autour de 1600 € (nets) et le salaire moyen proche de 2000 € (chiffres 2011)
  2. Peut-on prédire le défaut de paiement de la dette publique des États? par Bertrand Lemennicier
  3. Département fédéral des finances - Le frein à l'endettement
  4. Debt ceiling & the fiscal cliff
  5. Tiré de l'ouvrage A Pillar of Iron, biographie-fiction de Cicéron écrite par Taylor Caldwell, 1965.
  6. Blessed are the young, for they shall inherit the national debt. (Herbert Hoover, Address to the Nebraska Republican Conference, Lincoln, Nebraska (16 January 1936))

Voir aussi


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