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Dilemme du prisonnier

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Le dilemme du prisonnier est un problème fondamental de la théorie des jeux, formalisé par le mathématicien américain Albert W. Tucker, sur des travaux de Merrill Flood et de Melvin Dresher.

Présentation générale

Un juge est désireux de faire avouer deux complices dans une affaire criminelle. Les deux complices sont enfermés dans des salles séparées et ne peuvent pas communiquer entre eux. Pour les faire parler, le juge décide de leur proposer un marché. Si aucun n'avoue, ils iront chacun deux ans en prison. Si les deux avouent, ils iront chacun cinq ans en prison. Si l'un avoue et que l'autre reste silencieux, alors ce dernier ira en prison dix ans et l'autre sera libéré.

La meilleure solution pour les deux criminels est de refuser d'avouer. Ainsi, ils écoperont chacun de deux ans de prison. Cette solution est un optimum de Pareto, une solution dans laquelle on ne peut pas améliorer la satisfaction d'un agent sans réduire celle d'un autre.

Cependant, l'équilibre de Nash, à savoir la solution du dilemme, n'est pas un optimum de Pareto, que l'on pourrait grossièrement qualifier d'intérêt général. En effet, chacun des prisonniers se dira que, si l'autre parle, il écopera de dix ans s'il ne dit rien et de cinq ans s'il parle. Si l'autre se tait, il sera libre s'il le dénonce, tandis qu'il écopera de deux ans s'il se tait. Faisant le même raisonnement, ils avoueront tous les deux, et écoperont de cinq ans, là où ils auraient pu n'avoir que deux ans de prison s'ils n'avaient pas avoué.

Une justification apparente de l'étatisme

On observe dans cet exemple que deux individus poursuivant leur intérêt propre n'aboutissent pas au meilleur résultat possible, contredisant ce que l'on pourrait attendre en suivant les philosophes de l'ordre spontané et de la main invisible. Autrement dit, « en cherchant leur intérêt, les acteurs se nuisent à eux-mêmes »[1]. Il faut donc qu'une autorité supérieure, l'État, leur impose la meilleure solution pour eux (théorie des biens publics).

Limites du raisonnement

Le dilemme du prisonnier peut, à première vue, sembler un argument fort en l'existence d'une autorité étatique qui contraint les acteurs pour leur propre bien. Cette vision ne résiste pas à une analyse plus poussée.

Première limite, une telle situation n'intègre que l'intérêt au sens restreint, alors que nous intégrons tous dans nos choix une part d'altruisme ou d'autres satisfactions que celles présentées étroitement ici. En les intégrant dans le raisonnement, les acteurs trouveront probablement la meilleure solution.

Deuxième limite, le dilemme du prisonnier ne présente qu'une unique décision, alors que dans la réalité, notre vie est une succession de décisions, dont nous devons assumer les conséquences. En théorie des jeux, c'est le "dilemme du prisonnier itéré" qui prend en compte cette réalité, et les stratégies qui en résultent sont très différentes de celles du "dilemme du prisonnier simple". Ainsi, quelqu'un qui trahirait sa parole perdrait toute crédibilité dans le futur ou pourrait être condamné pour non-respect des contrats signés. Ainsi, il y a une forte incitation pour les individus ou acteurs économiques à tenir leurs engagements et donc à intégrer la coopération dans leurs raisonnements. L'incitation à coopérer devient plus forte que l'incitation à tricher, en particulier dans une société libérale où chacun est libre mais aussi responsable de ses actes. Le réel problème du dilemme du prisonnier est non la recherche par chacun de son intérêt particulier mais l'impossibilité de coopérer. Or la société libérale permet cette coopération, par le droit en particulier.

Enfin, l'application la plus usuelle du dilemme du prisonnier est celle faite au domaine de la concurrence et du monopole. En effet, si deux entreprises n'ont pas le droit de s'entendre (lois antitrust, etc.), elles auront tendance à baisser toutes les deux leurs prix si elles le peuvent, plutôt que de rester à des niveaux élevés, dans l'espoir de gagner plus de clients au détriment de l'autre. Comme les deux feront de même, le prix final sera plus bas que ce qu'il aurait pu être. Il y a donc un résultat final moins intéressant pour les deux entreprises, mais plus intéressant pour le consommateur. Outre le fait que le raisonnement est mis à mal par l'élasticité de la demande vis à vis du prix, peut-on vraiment considérer cela comme une situation mauvaise ? Comme l'ont montré nombre d'économistes tels Frédéric Bastiat ou l'école autrichienne, ce qui compte c'est le consommateur et non le producteur. En aboutissant à un prix inférieur, la concurrence diminue certes les prix de vente et donc potentiellement les bénéfices des entreprises[2], mais elle aboutit surtout à un meilleur résultat pour le consommateur, qui paie moins cher le même produit et peut donc répondre à d'autres besoins. Autrement formulé, la recherche des intérêts particuliers aboutit bien à maximiser l'intérêt de tous.

Citations sur le dilemme du prisonnier

  • « Tout au long de son histoire, une grande variété d’inventions techniques, institutionnelles et culturelles ont permis à l’humanité de surmonter les obstacles du Dilemme du Prisonnier, pour avancer constamment vers la coopération et, ainsi, vers le progrès humain. Des innovations comme le langage, l’écriture, les droits de propriété, les prix monétaires, les profits d’entreprise, les normes sociales, les valeurs, les considérations éthiques, et même les montres, les ordinateurs, Internet, et d’autres inventions, permettent à l’homme de sortir du dilemme du prisonnier, et sont d’importants moyens pour atteindre la coopération. Bien entendu, chaque progrès dans la coopération sociale s’accompagne de l’apparition d’un nouveau dilemme du prisonnier. Par exemple, Internet apporte à l’humanité un grand espace pour la coopération, mais il offre aussi de nouvelles opportunités pour les tromperies et les escroqueries. L’histoire de la civilisation est la création ininterrompue et la destruction ininterrompue de dilemmes du prisonnier. » (Zhang Weiying, La Théorie des Jeux et la Société, 2013)

Notes et références

  1. Philippe Simonnot, 39 leçons d'économies contemporaines, Folio, édition 2003, p.83
  2. Et encore, les gains permis par l'élargissement du marché compensent bien souvent largement.

Bibliographie

Voir aussi

Liens externes


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