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Imagination

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L’imagination repose sur la capacité de se dégager du réel pour construire des images inédites et bien souvent, qui est utile pour résoudre ou contourner des problèmes. Elle constitue un processus en perpétuelle évolution. Cela commence par le jeune enfant qui utilise le langage, l'imitation et le jeu comme des représentations symboliques du réel. Cela continue à l'adolescence où la fonction mentale devient supérieure avec le rapprochement d'une pensée abstraite. Et, l'imagination s’épanouit en parallèle avec la pensée rationnelle de l’âge adulte. Certains philosophes[1] conviennent que la pensée imaginaire permet de percevoir la réalité, d'une autre façon que la pensée logique et qu'elle est donc nécessaire pour une meilleure compréhension du monde. Les épistémologues interprétivistes (Mark Packard), en sciences sociales, cherchent à mettre en relief l'importance de l'imagination dans la compréhension des actions humaines. Le caractère unique des sources d'imagination donne à la réalité perçue par l'être humain sa nature nettement subjective.

L'imagination dans la pensée constructionniste

Pour le constructionniste Lev Vygotsky, l'imagination est une fonction mentale supérieure comme le sont la mémoire, la volonté ou la pensée verbale. Elle est ancrée dans les interactions sociales à la différence de fonctions élémentaires qui seraient plus spécifiquement d’origine biologique. L’imagination se développe graduellement et n’atteint sa plénitude qu'avec la capacité de l’individu de se dégager des contraintes du réel. L'auteur présente deux formes de pensée chez l'enfant, la pensée rationnelle et la pensée détachée de la réalité extérieure (imaginaire ou autistique). Mais, à l'âge adulte, une personne incapable de se dégager des liens du réel, comme par exemple une personne aphasique, subit un handicap cognitif car elle ne peut pas prononcer les mots ou concevoir l'idée par exemple, de neige noire ou d'autres associations irréelles. Une telle personne perd provisoirement ou définitivement sa liberté. Car l’imagination suppose une liberté de pensée qui atteint son apogée avec la maîtrise de la pensée conceptuelle et ontologique[2].

L'imagination créatrice s’inscrit dans le réel car elle s’appuie sur les expériences vécues par l’individu. Le nombre des expériences est un facteur important pour la création puisque l’imagination dispose alors davantage de ressources pour réorganiser les matériaux cognitifs en quelque chose de nouveau. Ainsi, pour Lev Vygotsky, l'imagination est constituée de trois opérations mentales : la séparation ou dissociation des éléments cognitifs, l'altération ou modification des images mentales et l'assemblage ou réagencement des éléments sélectionnés. Aussi la richesse expérientielle du milieu socioculturel dans lequel grandit l’enfant vont l'aider, plus tard adulte, à développer son imagination créatrice et, en particulier, ses capacités entrepreneuriales.

Selon un autre grand pédagogue constructionniste, Jean Piaget, les deux modes de pensée, rationnel et imaginaire, se confondent avec le développement mental de l'individu afin de s'adapter au réel. Il y a l'idée d'un réalisme qui conduit à se dégager de sa subjectivité enfantine afin d'atteindre la maturité d'une vérité objective, conforme à la réalité. Pour lui, l'imagination est un acte spontané et non réfléchi qui est une manifestation immature de l'enfance et qui doit laisser sa place à la pensée logique de l'adulte. L'enfant est imaginatif afin de combler les vides cognitifs provoqués par son inexpérience du monde. C'est l'analyse opposée chez Lev Vygotsky car, chez lui, l’imagination est une activité consciente et structurée, qui interagit avec la pensée logique mais qui ne se confond pas avec elle. La pensée créatrice est un effort mental de se détacher du réel, de révéler son individualité en proposant quelque chose de personnel et d'inédit. L'enfant doit apprendre à se dégager de son monde réel pour devenir un être autonome, libre et créateur.

Le concept d'imagination dans la pensée de l'école autrichienne d'économie

L'imagination occupe une place importante dans la pensée de l'école autrichienne d'économie. Bien que souvent associée à la créativité artistique et littéraire, l'école autrichienne considère l'imagination comme un élément essentiel dans le processus économique et la formation des décisions individuelles.

1. L'imagination comme source de connaissances :

L'école autrichienne reconnaît que l'imagination joue un rôle crucial dans la production de connaissances économiques. L'imagination permet aux individus d'élaborer des scénarios hypothétiques, de former des modèles mentaux et d'anticiper les conséquences de différentes actions. Les économistes autrichiens, tels que Ludwig von Mises, Friedrich Hayek et Ludwig Lachmann, soutiennent que l'imagination permet de comprendre et d'anticiper les conséquences des actions individuelles dans un contexte économique complexe et incertain.

2. L'imagination comme catalyseur de l'entrepreneuriat :

Selon l'école autrichienne, l'imagination joue un rôle central dans le processus entrepreneurial. Les entrepreneurs autrichiens, tels que Ludwig Lachmann et Lawrence White, considèrent l'imagination comme une qualité essentielle pour identifier et exploiter des opportunités économiques. L'imagination entrepreneuriale permet de percevoir des besoins non satisfaits, de développer de nouvelles idées, d'innover et de créer de la valeur sur le marché.

3. L'imagination comme facteur d'innovation :

L'école autrichienne, dans la lignée de Joseph Schumpeter, souligne que l'imagination est un moteur clé de l'innovation économique. En imaginant de nouvelles combinaisons de ressources, de technologies et de processus de production, les entrepreneurs peuvent introduire des innovations qui perturbent les marchés existants et créent de nouvelles possibilités économiques. L'imagination permet d'explorer de nouveaux horizons, de remettre en question les conventions établies et de générer des changements bénéfiques pour l'économie dans son ensemble.

4. L'imagination et la formation des préférences individuelles :

L'école autrichienne insiste sur le caractère subjectif des préférences individuelles. Selon cette perspective, les préférences ne sont pas déterminées de manière objective, mais sont le résultat d'un processus d'imagination et de construction sociale. Les individus utilisent leur imagination pour visualiser et évaluer mentalement les différentes alternatives et les conséquences de leurs choix. L'imagination est donc un élément clé dans la formation des préférences individuelles qui guident les comportements économiques.

En résumé, dans la pensée de l'école autrichienne d'économie, l'imagination occupe une place centrale en tant que source de connaissances, catalyseur de l'entrepreneuriat, facteur d'innovation et déterminant des préférences individuelles. L'imagination permet aux individus de développer des modèles mentaux, de créer de nouvelles idées et de percevoir les opportunités économiques. Elle est considérée comme une force créative qui contribue à façonner le paysage économique et favorise le progrès et l'innovation.

Informations complémentaires

Notes et références

  1. Pour Gaston Bachelard, l’imagination est la faculté de déformer les images fournies par la perception.
    Jean-Paul Sartre, 1940, "L’imaginaire", Paris : Gallimard. (nouvelle édition en 1986).
    G. Bachelard, 1943, "L’air et les songes. Essai sur l’imagination du mouvement", Paris: José Corti.
  2. "L'imagination et la créativité liées au libre traitement des éléments de l'expérience et à leur libre combinaison nécessitent absolument comme précurseur la liberté interne de pensée, d'action et de cognition qui ne peut être atteinte que par celui qui a déjà maîtrisé la formation des concepts." Lev Vygotsky, 1931/1987, "Imagination and creativity in the adolescent", In: R. W. Rieber, A.S. Carton, dir., "The Collected Works of L S. Vygotsky. Vol. 5 : Child psychology", New York, NY : Plenum Press, p153

Bibliographie

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    • 6ème édition en 1921
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    • Repris en 1997, In: R. T. Allen, dir., Society, Economics, and Philosophy: Selected Papers (of) Michael Polanyi, London: Transaction publishers, pp249-265
  • 1969, G. Durand, "Les structures anthropologiques de l’imaginaire. Introduction à l’archétypologie générale", Paris : Bordas
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      • Repris en 1979, In Mario Rizzo, 'Time, Uncertainty and Disequilibrium', Lexington, Mass.: Lexington Books, D. C. Heath and Co, pp19-31
    • George Shackle, "Imagination and the nature of choice"; Edinburgh : Edinburgh University Press
  • 1980, George Shackle, "Imagination, unknowledge and Choice", Greek Economic Review, August, vol 2, n°2, pp95-110
  • 1982, Philippe Beaugrand, "Le temps, l'imagination, l'incertitude dans la théorie du professeur G.L.S Shackle", Revue économique, n°2, mars, pp297-322
  • 1987,
    • Lev Vygotsky, "Imagination and creativity in the adolescent", In: R. W. Rieber, A.S. Carton, dir., "The Collected Works of L S. Vygotsky. Vol. 5 : Child psychology", New York, NY : Plenum Press, pp151-166 (article écrit en 1931)
    • Lev Vygotsky, "Imagination and its development in childhood", In: R. W. Rieber, A.S. Carton, dir., "The Collected Works of L S. Vygotsky. Vol. 1 : Problems of general psychology", New York, NY : Plenum Press (article écrit en 1932)
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