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Say on pay

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Le Say on pay est une pratique, de plus en plus répandue depuis les années 2000, qui vise à donner aux assemblées générales des actionnaires et non uniquement au conseil d'administration un droit de vote sur la rémunération des dirigeants de l'entreprise. Phénomène ambivalent, il ne suscite pas l'unanimité chez les libéraux.

Contexte

La rémunération des dirigeants est un problème important dans la théorie de l'agence. En effet, les dirigeants de l'entreprise ont une incitation forte à se surpayer, au détriment de l'intérêt des actionnaires, qui possèdent l'entreprise. Plus largement, la rémunération des dirigeants dans une entreprise serait un révélateur de l'attention apportée par ces dirigeants à l'intérêt de la société. Adam Smith écrivait ainsi dans La Richesse des nations (1776) :

Les directeurs de ces sortes de compagnies (les sociétés par actions) étant les régisseurs de l'argent d'autrui plutôt que de leur propre argent, on ne peut guère s'attendre à ce qu'ils y apportent cette vigilance exacte et soucieuse que des associés apportent souvent dans le maniement de leurs fonds.

Pour pallier ces problèmes, de multiples solutions ont été mises en place par les entreprises. Ainsi, la rémunération des dirigeants est-elle fixée par un comité des rémunérations au sein du conseil d'administration. De même, l'attribution de stock-options vise-t-elle à aligner les intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires, à savoir les résultats de l'entreprise dans la durée.

Dans certains cas exceptionnels cependant, des dérives peuvent apparaître, en particulier en raison des liens qui peut exister entre dirigeants et conseils d'administration. Ainsi, au Royaume-Uni, les actionnaires se sont révoltés contre des dirigeants de Vodafone en juillet 2001, de Tesco en juin 2007 ou de GlaxoSmithKline en mai 2003.

Le say on pay

Le say on pay est une proposition de réponse à ces problèmes exceptionnels. Il s'agit de donner aux actionnaires lors des assemblées générales un droit de vote consultatif sur les rémunérations des dirigeants. Ainsi, ces derniers peuvent surveiller plus directement ce qui est fait par les administrateurs et s'assurer que les packages décidés sont conformes à l'intérêt de l'entreprise.

Parmi les conséquences positives, certains notent un renforcement du contrôle du comité d'administration par les actionnaires de l'entreprise qui en sont les propriétaires. Ainsi, les administrateurs, davantage contrôlés par les actionnaires, seraient moins tentés de tolérer certaines rémunérations jugées excessives par les actionnaires[1]. Le journal britannique The Economist compte parmi les soutiens de mesures de say on pay pour des raisons similaires et insiste sur la nécessité d'indépendance vis-à-vis des dirigeants pour les administrateurs chargés des rémunérations. Il souligne également que de telles mesures sont bien plus compatibles avec l'économie de marché que des plafonnements arbitraires[2].

Cependant, de telles mesures ont des conséquences négatives non négligeables :

  • le say on pay rompt avec la division des tâches définie entre l'assemblée générale et le conseil d'administration, à qui la surveillance de la gestion est déléguée par les actionnaires.
  • la confidentialité des données sur la rémunération des dirigeants n'est plus garantie, ce qui est problématique tant pour les dirigeants que pour l'entreprise.
  • pour qu'il y ait un intérêt à de telles mesures de say on pay, il faut qu'il y ait un problème généralisé sur la rémunération des dirigeants. Ce point, loin d'être établi, est très largement infirmé par les études universitaires. Voir ci-dessous

Enfin, les libéraux s'accordent pour s'opposer à ce que des mesures de say on pay soient imposées par la législation et, si elles devaient être mises en place, que ce soit sur la base du libre choix des actionnaires de l'entreprise. En effet, quand l'État essaie d'imposer la transparence dans une logique (« La lumière du soleil est le meilleur désinfectant » selon Louis Brandeis), il n'obtient généralement pas cette transparence mais un alourdissement dévastateur des procédures bureaucratiques. Sur cette question, on pourra lire « Le mythe de la transparence imposée » de Pascal Salin et Mathieu Laine.

La façon dont une entreprise choisit de rétribuer ses salariés n'est ni libérale, ni antilibérale, en cela qu'il s'agit d'argent privé dont les actionnaires peuvent choisir l'usage. En revanche, les mesures étatiques entravant la liberté contractuelle et donc la liberté économique sont antilibérales. En cela, le recours au cas par cas au say on pay est plutôt libéral en ce qu'il respecte le droit de propriété des propriétaires de l'entreprise et la liberté économique.

Mises en application

Aux États-Unis, une proposition de loi au Sénat avait été portée par Barack Obama pour inscrire le say on pay dans le droit. En 2008, a été instauré un droit de contrôle de l'administration ou des actionnaires sur les rémunérations des dirigeants des entreprises aidées par le Trésor américain (Troubled Assets Relief Program). En 2009, des propositions équivalentes à celles de 2007 ont à nouveau vu le jour.

Le say on pay est surtout présent au Royaume-Uni où il est prévu dans le Companies Act de 2006 sous une forme consultative.

En Allemagne, des réformes allant dans le même sens ont été votées récemment.

Erreur courante : la hausse des rémunérations des dirigeants est injustifiée

Searchtool-80%.png Article détaillé : Rémunération des dirigeants.

Les tenants du say on pay partent du postulat qu'une action est nécessaire pour corriger des déficiences des contrôles dans la rémunération des dirigeants. Ainsi, on a assisté à une forte augmentation pour les patrons des très grandes entreprises récemment. Cependant, dans les années de crise, cette rémunération tend à baisser ; la rémunération des chefs d'entreprises cotées au CAC 40 a baissé de 17 % en 2007 et de 20 % en 2008[3].

Des facteurs objectifs ont fait évoluer à la hausse la rémunération des dirigeants auparavant. Ainsi, Xavier Gabaix et Augustin Landier expliquent cette hausse dans un article de 2008 (“Why Has CEO Pay Increased So Much?”) par l'augmentation de la taille des entreprises. Les deux auteurs y soulignent que l'évolution à la hausse des salaires des dirigeants de très grandes entreprises (+500 % aux États-Unis entre 1980 et 2003) est dû à la multiplication par le même facteur de la taille des grandes entreprises américaines sur la même période. Un chef d'entreprise très légèrement plus talentueux qu'un autre pourra légitiment toucher beaucoup plus car l'effet multiplicateur de la taille de l'entreprise sur la richesse créée sera énorme[4].

En outre, les postes à très haute responsabilité au sein des grandes entreprises mondialisées sont aussi ceux qui sont le plus exposés. Jusqu'au années 1970, ceux qui occupaient les postes de direction les utilisaient généralement sans risque d'être débarqués par des conseils d'administration ou des assemblées générales peu regardants. Avec l'implication croissante des actionnaires dans le suivi de l'action des dirigeants, le risque d'être licencié rapidement est désormais beaucoup plus élevé. Selon Steven Kaplan et Bernadette Minton, un chef d'entreprise restait en poste en moyenne huit ans entre 1992 et 1997. Entre 1998 et 2005, cette durée était tombée à six ans[5].

Cela ne veut évidemment pas dire qu'il n'y a pas d'abus, mais au moins qu'une partie de la hausse s'explique logiquement.

Notes et références

  1. Stephen Davis, "Does ‘Say On Pay’ Work?Lessons on Making CEO Compensation Accountable", Policy Briefing No. 1 (draft), Yale School of Management, [lire en ligne]
  2. "Executive pay in America:Principles, not pitchforks", The Economist, 11 juin 2009, [lire en ligne]
  3. « Les patrons du Cac ont été payés 20 % de moins en 2008 », lefigaro.fr, 9 décembre 2009, [lire en ligne]
  4. Xavier Gabaix et Augustin Landier, “Why Has CEO Pay Increased So Much?”, Quaterly Journal of Economics, 2008, vol. 123(1), p. 49-100, [lire en ligne]
  5. Steven Kaplan et Bernadette Minton, “How has CEO Turnover Changed? Increasingly Performance Sensitive Boards and Increasingly Uneasy CEOs”, juillet 2006, [lire en ligne]

Bibliographie

  • 2004, Lucian Bebchuk et Jesse Fried, Pay Without Performance, Cambridge: Harvard University Press
  • 2007, Stephen Davis, "Does ‘Say On Pay’ Work?Lessons on Making CEO Compensation Accountable", Policy Briefing No. 1 (draft), Yale School of Management, [lire en ligne]
  • 2009, Stephen M. Bainbridge, "Is ‘Say on Pay’ Justified?", Regulation, p.42-47, [lire en ligne]

Voir aussi

Liens externes


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