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Stephan Boehm

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Stephan Boehm
économiste

Dates
Tendance École autrichienne
Nationalité Autriche Autriche
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Citation
Interwikis sur Stephan Boehm

Stephan Boehm est un économiste autrichien, professeur à l’Université de Graz, spécialisé dans l’histoire de la pensée économique et la méthodologie. Ses travaux portent principalement sur l’École autrichienne (Ludwig von Mises, Friedrich Hayek) et sur Joseph Schumpeter, qu’il analyse de manière critique en dialogue avec d’autres traditions comme le post-keynésianisme et l’économie évolutionniste.

L’ambiguïté du subjectivisme selon Stephan Boehm

Dans son essai The Ambiguous Notion of Subjectivism: Comment on Lachmann (1982), Stephan Boehm propose une réflexion critique sur la notion du subjectivisme, centrale dans la tradition de l'école autrichienne mais trop souvent utilisée de manière imprécise. Dès l’ouverture, il souligne que « le terme “subjectivisme” est utilisé dans de nombreux sens différents et est donc loin d’être dépourvu d’ambiguïté »[1]. Autrement dit, le concept peut renvoyer à la subjectivité des préférences, aux croyances des individus ou encore à leurs anticipations, ce qui fragilise sa portée analytique.

Pour Boehm, l’économie ne peut être comprise sans prendre en compte la dimension temporelle de l’action humaine. Il rappelle que « toute action est nécessairement orientée vers le futur ; elle implique toujours des attentes concernant des états de choses qui n’existent pas encore »[2]. Même les actes les plus simples, comme acheter un billet de bus, reposent sur des anticipations implicites. Cette idée rejoint la perspective autrichienne selon laquelle l’incertitude et l’orientation vers l’avenir sont constitutives de la vie économique.

L’apport de Ludwig Lachmann, selon Boehm, est d’avoir mis en avant le rôle des anticipations dans le fonctionnement des marchés. Cependant, celles-ci ne s'intègrent pas nécessairement de façon harmonieuse. Comme l’écrit Boehm, « les anticipations peuvent être mutuellement compatibles et favoriser l’ordre, mais elles peuvent aussi entrer en conflit et générer le désordre »[3]. Autrement dit, les marchés ne tendent pas mécaniquement vers un équilibre : ils peuvent au contraire produire des déséquilibres si les anticipations des acteurs divergent trop fortement.

C’est ici que Boehm formule sa critique la plus nette. Pour lui, étendre sans borne la notion de subjectivisme risque de la vider de tout contenu opératoire. « Si le subjectivisme est étiré à l’excès, il menace de perdre son utilité analytique et dégénère en un simple slogan »[4]. En d’autres termes, le subjectivisme ne doit pas devenir une formule incantatoire que l’on invoque sans en préciser les contours. La conclusion de Boehm est mesurée. Il reconnaît que Lachmann a enrichi la réflexion en insistant sur la complexité des attentes, mais il estime que cette approche doit être encadrée. « La contribution de Lachmann est précieuse, mais elle doit être complétée par un cadre conceptuel plus clair »[5]. Pour Boehm, l’avenir de l’école autrichienne dépend de sa capacité à conjuguer ouverture critique et rigueur théorique.

La posture de Boehm n'est ni doctrinaire, ni radicale, mais soucieuse de préserver l’utilité scientifique du subjectivisme. Il défend une école autrichienne capable d’intégrer la complexité des anticipations humaines, tout en gardant des concepts suffisamment clairs pour produire une analyse cohérente.

L’école autrichienne d'économie vue par Stephan Boehm

Dans son article consacré à l’école autrichienne d'économie (2002)[6], Stephan Boehm propose une lecture à la fois historique et critique de cette tradition intellectuelle. Son propos met en relief ce qui fait la singularité de l’école, les raisons de son effacement après la Seconde Guerre mondiale, puis les conditions de sa renaissance et les perspectives qui s’ouvrent à elle.

Boehm rappelle que l’école autrichienne trouve son origine dans l’œuvre de Carl Menger, Eugen Böhm-Bawerk et de Friedrich von Wieser, au tournant du XIXᵉ siècle sans y apporter de réelles nuances sur ce triumvirat. Dès l’origine, elle se distingue des autres courants marginalistes en affirmant que la valeur n’est pas une propriété objective des biens, mais le fruit d’une relation d’évaluation entre individus et objets.

Cette orientation subjectiviste déplace le centre de gravité de l’analyse économique : plutôt que de s’attacher à la production et aux technologies, les autrichiens privilégient l’étude de la consommation, de la demande et des choix individuels. Pour Boehm, cette démarche inaugure une façon de penser où l’agent économique, plongé dans le temps et l’incertitude, devient le véritable point de départ de l’analyse.

Après 1945, l’école autrichienne semble condamnée à disparaître. L’ascension du keynésianisme relègue ses partisans à la marge. En dehors de quelques figures isolées, Ludwig von Mises et ses disciples aux États-Unis, Ludwig Lachmann en Afrique du Sud, plus personne ne se réclame ouvertement de cette tradition. Même Friedrich Hayek, souligne Boehm, se détourne alors de la théorie économique pour se consacrer à la philosophie sociale et politique. À cette époque, l’économie autrichienne paraît n’être plus qu’un chapitre clos de l’histoire de la pensée.

Pourtant, la tradition connaît un retour inattendu dans les années 1970. Boehm insiste sur deux éléments décisifs : le mécontentement croissant vis-à-vis de l'économie mainstream et le prix Nobel décerné à Hayek en 1974. Ces événements redonnent une visibilité à l’école autrichienne et encouragent une nouvelle génération de chercheurs.

La relance part des États-Unis, avec le programme animé par Israel Kirzner à New York University. Elle gagne ensuite le Royaume-Uni, portée par des think tanks, puis l’Europe continentale, l’Amérique latine et même l’Europe centrale, où les idées autrichiennes accompagnent les réformes de marché en Pologne et en République tchèque. Pour Boehm, cette résurgence illustre la capacité d’adaptation d’une tradition qui avait pourtant semblé condamnée.

Boehm condense l’esprit de la recherche autrichienne en deux grandes questions : comment les institutions permettent-elles la diffusion des connaissances dispersées ? Et, quelles conditions favorisent l’émergence de nouvelles connaissances ? Ces interrogations traduisent un trait constant de l’école : la reconnaissance de la temporalité dans les choix et de l’ignorance irréductible auxquelles les individus font face. Boehm insiste sur une position intermédiaire : les agents ne sont ni omniscients ni prisonniers d’une totale irrationalité ; ils agissent avec compétence, mais dans un cadre de connaissance limité. C’est dans cet espace d’incertitude que s’épanouissent les processus entrepreneuriaux et que se forment les institutions de marché. Plutôt que de figer l’analyse sur des états d’équilibre, les Autrichiens, vus par Boehm, s’intéressent aux processus concurrentiels, à la découverte et à l’ordre spontané, où les règles abstraites guident des comportements qui produisent des résultats non planifiés.

À la fin du XXᵉ siècle, Boehm constate que l’école autrichienne a changé de statut. De courant marginal, elle est devenue un ensemble reconnu, occupant une « niche écologique » dans le paysage académique. Les « années clandestines » appartiennent au passé : l’école se présente désormais comme un courant assumé et confiant, capable de dialoguer avec d’autres traditions. La question n’est plus « d’où venons-nous ? », mais « où allons-nous ? ». Et sur ce point, Boehm estime que la sensibilité autrichienne à la dispersion des connaissances et aux institutions spontanées lui donne une pertinence particulière face au défi contemporain de la société de la connaissance. Pour Stephan Boehm, l’école autrichienne d'économie n’est pas une relique, mais une tradition vivante. Elle conjugue une fidélité à son héritage subjectiviste et une capacité à se renouveler, offrant des outils conceptuels précieux pour comprendre un monde où l’incertitude, l’innovation et la connaissance jouent un rôle central.

Informations complémentaires

Notes et références

  1. p. 41
  2. p. 43
  3. p. 45
  4. p. 48
  5. p. 51
  6. Stephan Boehm, 2002, "Austrian Economics", In: William Outhwaite , dir., "The Blackwell Dictionary of Modern Social Thought", Blackwell, pp34-36

Publications

  • 1985, "The Political Economy of the Austrian School", In: Gli economisti e la politica economia, P. Roggi, dir., Naples: Edizioni Scientifiche Italiane
  • 1986, "Time and Equilibrium: Hayek's Notion of Intertemporal Equilibrium Reconsidered", In: Israel M. Kirzner, dir., "Subjectivism, intelligibility and economic understanding. Essays in Honor of Ludwig M. Lachmann on his Eightieth Birthday", New York: New York University press, pp16-29
  • 1989,
    • a. "Hayek on Knowledge, Equilibrium and Prices: Context and Impact", Wirtschaftspolitische Blatter, Vol 36, n°2, pp201-213
      • Repris en 1999, In: Peter J. Boettke, Andrew Farrant, Greg Ransom, Gilberto O. Salgado, dir., "The Legacy of Friedrich von Hayek", Vol 3, Aldershot, UK: Edward Elgar Publishing, pp115-127
    • b. The Austrian Tradition: Schumpeter and Mises, In: Klaus H. Hennings et Warren J. Samuels, dir., Neoclassical Economic Theory 1870-1930, Boston: Kluwer Academic Publishers
    • c. "Subjectivism and Post Keynesianism Towards a Better Understanding", In: John Pheby, dir., "New Directions in Post-Keynesianism, Edward Elgar", Edward Elgar, pp59-93
  • 1990, The Austrian Tradition: Schumpeter and Mises, In: Klaus H. Hennings et Warren J. Samuels, Dir., Neoclassical Economic Theory, 1870–1930. Boston/Dordrecht/London: Kluwer
  • 1992,
    • a. avec Bruce J. Caldwell, dir., Austrian Economics: Tensions and New Directions. Boston : Kluwer Academic Publishers
    • b. Austrian Economics between the Wars: Some Historiographical Problems, In Bruce J. Caldwell et Stephan Boehm, dir., Austrian Economics: Tensions and New Directions, pp. 1–30. Boston: Kluwer Academic Publishers
  • 1994,
    • a. "Hayek and Knowledge: some question marks", In: Marina Colonna, Harald Hagemann et Omar F. Hamouda, dir., "Capitalism, Socialism and Knowledge", vol 2, Edward Elgar, Aldershot
    • b. "Spontaneous order", In: Geoffrey Hodgson, W. N. Samuels, M. R. Tool, dir., "The Elgar Companion to Evolutionary and Institutional Economics: L-Z", Aldershort: Edward Elgar
  • 1996, "Friedrich August von Hayek: Die Verfassung der Freiheit" [Friedrich August von Hayek: La Constitution de la liberté], In: Nikolaus Piper, dir., Die großen Ökonomen. Leben und Werk der wirtschaftswissenschaftlichen Vordenker, Stuttgart, 2. Aufl. pp105-111
  • 2002,
    • a. avec Christian Gehrke, Heinz Kurz, Richard Sturn, dir., "Is There Progress in Economics?: Knowledge, Truth and the History of Economic Thought", Cheltenham, U.K.: Edward Elgar Publishing
    • b. avec Christian Gehrke, Heinz Kurz, Richard Sturn, "Introduction", In: Stephan Boehm, Christian Gehrke, Heinz Kurz, Richard Sturn, dir., "Is There Progress in Economics?: Knowledge, Truth and the History of Economic Thought", Cheltenham, U.K.: Edward Elgar Publishing, ppxv-xxii
    • c. "Austrian Economics", In: William Outhwaite , dir., "The Blackwell Dictionary of Modern Social Thought", Blackwell, pp34-36
    • c. avec Peter J. Boettke, dir., "Modern Austrian Economics. Archaeology of a Revival", Vol II: The Age of Dispersal, London: Pickering & Chatto
  • 2007, "Hayek, Friedrich August von", In: "International Encyclopaedia of the Social Sciences", 2nd ed., Farmington Hills: Gale, pp434-ss
  • 2009, "Friedrich August von Hayek", In: H. D. Kurz, dir., "Klassiker des ökonomischen Denkens", Vol 2, Munich: C. H. Beck, pp228-ss
  • 2015, "The best horse in the Viennese stables: Gottfried Haberler and Joseph Schumpeter", Journal of Evolutionary Economics, January, Vol 25, n°1, pp107–115


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