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Corporatisme

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Une corporation est un ensemble de personnes qui exercent la même profession, généralement regroupées dans une association et bénéficiant, comme ce fut le cas aussi bien dans l'Antiquité romaine que sous l'Ancien Régime, d'un ensemble de monopoles et de privilèges. Historiquement, une corporation était au Moyen-Age une "association d'artisans groupés en vue de réglementer leur profession et de défendre leurs intérêts".

Le corporatisme désigne une organisation économique et sociale de type corporatif, telle qu'elle a pu exister sous le fascisme et qu'elle existe encore dans de nombreuses social-démocraties. Ainsi, en France, le corporatisme s'exerce au travers des organisations suivantes :

  • les syndicats (ouvriers et patronaux) qui bénéficient de privilèges historiques sans rapport avec leur nombre d'adhérents, et sont organisés par catégories professionnelles ;
  • les grands corps de l'État, qui disposent d'un grand pouvoir économique, social et politique, et qui ne recrutent que dans certaines grandes écoles (elles-mêmes très sélectives) ;
  • les organisations professionnelles, qui contrôlent elles-mêmes l'accès à la profession, et ont parfois une justice interne qui leur est propre (médecins, pharmaciens, notaires, huissiers de justice, administrateurs judiciaires, avoués, journalistes, etc), des mutuelles ou des caisses de retraites propres à la profession, etc.
  • les grandes entreprises, dominées par des anciens élèves de grandes écoles ou d'anciens hauts fonctionnaires (pratique du "pantouflage")
  • les "corporations" étudiantes, qui représentent les étudiants de par leur filière d'études.

Un courant politique

Le corporatisme est également un courant politique, apparu au XIXe siècle avec Adam Müller en Allemagne, puis - en France - avec Frédéric Le Play, développé ensuite par le marquis René de la Tour du Pin et le député Albert de Mun, tous deux légitimistes. Pour eux, il s'agissait de rompre avec la liberté de contrat et de subordonner l'organisation du travail, propre à chaque entreprise, à des conseils mixtes composés de représentants patronaux et syndicaux. De plus, chaque corporation serait déclarée d'utilité publique et devrait observer les obligations qu'elle aura contractées en échange de sa reconnaissance par l'État. La Tour du Pin a exposé ses idées dans plusieurs essais : Du régime corporatif et de ses institutions (1888) ou encore Vers un ordre social chrétien (1907).

Le corporatisme exercera une influence considérable, tant dans l'Italie fasciste (création d'un ministère des Corporations en 1926 et instauration d'une charte nationale du travail l'année suivante) qu'en Allemagne nazie (loi du du 20 janvier 1934 instaurant la charte du travail du IIIe Reich, suivie par la création du statut de "communauté d'entreprise" quelques mois plus tard). Les régimes autoritaires plus classiques ne seront pas en reste (Autriche, Portugal, etc.)

En France, le régime de Vichy promulguera le 4 octobre 1941 une charte témoignant de l'ancrage idéologique du gouvernement collaborateur dans le corporatisme à la mode. Le projet de constitution de Pétain contenait déjà un article stipulant:

L'organisation des professions, sous le contrôle de l'État, arbitre et garant de l'intérêt général, a pour objet de rendre employeurs et salariés solidaires de leur entreprise, de mettre fin à l'antagonisme des classes et de supprimer la condition prolétarienne. Par une représentation assurée à tous les échelons du travail, les professions organisées participent à l'action économique et sociale de l'État.

Il en ira de même en Espagne : l'article 24 de la Loi fondamentale du régime franquiste (promulguée le 6 juillet 1947) déclarera ainsi que "tout Espagnol a droit au travail".

Position libérale

Ce que les libéraux condamnent n'est pas l'association de personnes d'une même profession, mais le fait que de telles associations se voient accorder par le pouvoir des privilèges indus, ou qu'elles soient directement régies et règlementées par le pouvoir, ou encore qu'elles prétendent imposer leurs règles à des personnes non consentantes, par exemple en règlementant l'accès à la profession, ou en usant de violence pour imposer leurs revendications.

Ce sont moins les pratiques de la corporation, même coercitives, qui posent problème, que le monopole que peut détenir la corporation à l'égard d'une profession donnée, qui s'impose même à ceux qui souhaiteraient ne pas faire partie de la corporation tout en exerçant normalement leur métier. En France, les exemples sont nombreux (ordre des avocats, des médecins, des notaires, etc.) : interdiction pour les avocats de quitter la sécurité sociale française, interdiction pour les médecins de faire la promotion d'un produit ou d'un procédé (affaire de la radiation de Pierre Dukan en 2014) ou de s'exprimer sur un sujet donné (cas du professeur Henri Joyeux en 2015, au sujet de la vaccination), etc. Ces "ordres" se voient confier une mission de service public et ont ainsi des prérogatives de puissance publique, comme cela pouvait exister sous l'Ancien régime.

Acception anglo-saxonne

Dans la culture anglo-saxonne, le terme corporation a un sens plus large qu'en français, et le terme corporatism désigne la prise de contrôle de l’État par de grands groupes d'intérêts. C'est souvent un autre nom pour le capitalisme de connivence. Ainsi la journaliste canadienne Naomi Klein écrit dans La Stratégie du choc (essai altermondialiste publié en 2007) :

Le mot qui convient le mieux pour désigner un système qui gomme les frontières entre le Gouvernement avec un G majuscule et l'Entreprise avec un E majuscule n'est ni "libéral", ni "conservateur", ni "capitaliste". Ce serait plutôt "corporatiste".

Bibliographie

  • 1935,
    • Gaétan Pirou, "Le corporatisme", Librairie du Recueil Sirey
    • Gaétan Pirou, "Nouveaux aspects du corporatisme", Librairie du Recueil Sirey
  • 1986, A. Cawson, "Corporatism and Political Theory", Oxford, Blackwell



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