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Entrepreneuriat social
Dans la vie juridique de tous les jours, un entrepreneur social peut tout aussi bien créer une association, une coopérative, une SARL, une société anonyme ou une société coopérative d’intérêt collectif (depuis 2001). Pour beaucoup, l'entrepreneur social est le nouveau héros du capitalisme, même si le monde de l'entrepreneuriat social reste encore entouré de mystère. Il insuffle une nouvelle vision éclairée de l'avenir pour servir les clients dans l'économie d'aujourd'hui. Il s'inscrit dans des secteurs d'activité délaissés tant par le secteur marchand en raison de leur faible rentabilité, que par le secteur public, qui cherche à réduire ses dépenses dans un contexte de bon sens budgétaire où la vitesse d'approfondissement de la dette échappe totalement aux gouvernants.
La résilience de l'entrepreneur social
La spécificité de l’entrepreneur social se détecte subtilement lorsque, dans l'entreprise, le pouvoir de décision n'est pas basé sur la détention de capital et que la distribution des bénéfices reste limitée. Cependant, il y a lieu de bien spécifier que l'entrepreneuriat social est indissociable de l'esprit d'entreprise et du contexte culturel dans lequel est intégré l'entrepreneur. Sans valeurs fortes pour l'entrepreneuriat, une société ne peut pas développer des entrepreneurs productifs que ce soit dans le domaine économique pur ou dans un cadre social. Un autre point à soulever, ce n'est pas que l'entrepreneur social prenne son essor aujourd'hui à cause du retrait des services sociaux de l'Etat, c'est plutôt une résilience de l'entrepreneur social à laquelle on assiste. L'entrepreneuriat social existait avant l'Etat-providence et c'est ce dernier qui l'a étouffé au point de le faire disparaître dès la moitié du XXème siècle.
Diverses formes de sociétés amicales[1] ont existé depuis l'ancienne Chine, et aussi dans la Grèce et la Rome antique. En Europe (Angleterre, France, Pays-Bas, Belgique, Italie etc.), elles sont issues du système des guildes du Moyen Âge. Parfois, on les appelait des sociétés fraternelles, des sociétés d'entraide ou des clubs de bienfaisance. Des organisations similaires se sont développées aux États-Unis au XIXe siècle. Ces entrepreneurs sociaux, dont les patronymes se sont perdus dans la transmission de l'histoire, assuraient un filet de sécurité sociale bien avant que l'Etat-Providence ne s'en mêle. Des millions de personnes ont bénéficié des services dont l'initiative était d'origine privée. Certains bénéficiaires de ces groupements d'entraide dénommés fraternels ou d'amitié obtenaient des avantages sociaux qui les protégeaient lorsqu'ils étaient malades, blessés, sans emploi ou trop vieux pour travailler. Lors de la Révolution Industrielle, ces entrepreneurs sociaux ont encore pris plus d'importance. En plus de leur soutien financier, les sociétés amicales soutenaient leurs membres et leurs familles dans leur autonomie, leur confiance en soi et la préservation de leur dignité vis-à-vis de la dégradation morale de la charité qui représentait l'option alternative et dont de nombreux auteurs littéraires comme Charles Dickens ont posé leur loupe grossissante mais déformatrice de la réalité globale.
Les entrepreneurs sociaux du XIXème siècle apportaient des services sociaux et économiques. C'est grâce à eux que l'idée d'assurance et d'épargne à pu pénétrer la conscience des gens qui, globalement, avaient peu d'appétence pour planifier leur avenir économique. Grâce à leur mode de fonctionnement et à leur structure de coût bas, les entrepreneurs sociaux en assurance étaient très compétitifs. Les compagnies d'assurance commerciales du XIXe siècle ne pouvaient pas rivaliser avec les sociétés d'entraide. Elles se sont donc concentrées sur les commerçants et les clients riches. Il y a plusieurs raisons des avantages des entrepreneurs sociaux. Premièrement, les travailleurs, dans le milieu populaire, se méfiaient des entreprises privées en raison de leurs nombreux échecs et scandales d'escroquerie étalés dans la presse. Ensuite, les primes d'assurance, prélevées par les entrepreneurs sociaux, étaient moindres que celles des entreprises d'assurance pour des prestations comparables car le réseau commercial des sociétés fraternelles ne fonctionnait pas sur de la publicité payante, du mailing ou des vendeurs en assurance, donc il n'y avait pas de commissions à retirer des bénéfices. Le développement commercial s'effectuait surtout avec le bouche à oreille. De plus, les membres-gérants travaillaient sur une base de bénévolat ou avec un salaire symbolique. Enfin, les bureaux étaient à faible loyer ou étaient partagés avec un local d'une autre destination (commerce, habitation).
Ces entrepreneurs avaient un rôle éducatif et fonctionnaient sur la même base que les influenceurs sociaux d'aujourd'hui sur Internet. Ils organisaient des réunions publiques pour y exposer des conférences sérieuses, mais ils avaient également le don marketing pour créer des liens grâce à des représentations théâtrales et des réunions de danse servant tout à la fois pour informer et pour divertir leurs membres.
Après le développement des sociétés d'entraide, les pouvoirs publiques ont craint pour la stabilité de leur gouvernance en raison des l'accumulation des primes d'assurance et de l'organisation des réunions publiques réunissant des ouvriers au même moment où les idées marxistes progressaient chez certains d'entre eux. Alors, l'État a commencé à poser sa tutelle sur la gestion des sociétés d'entraide et de leur imposer des réglementations restrictives à leur activité comme les réunions publiques en soirée. Ensuite, il y a eu tout un ensemble de réglementations qui visait à réformer le mode de calcul des primes avantageux des sociétés amicales. Puis, les prestations de l'État se sont élargies. Elle furent financées par les cotisations obligatoires de l'employeur et de l'employé. En France, le coup de massue est donnée par l'instauration du monopole de la sécurité sociale après 1945. Les derniers entrepreneurs sociaux dont le nombre était déjà amaigri a fini par s'étioler.
Un entrepreneur social est avant tout un entrepreneur
L'entrepreneur social capture la demande et crée un produit ou un service spécifique qui correspond aux besoins des communautés qu'il dessert. Il tire parti des techniques commerciales et des approches du secteur privé pour trouver des solutions à des problèmes sociaux, culturels ou environnementaux. Il est ainsi globalement défini comme un entrepreneur qui privilégie les objectifs sociaux aux objectifs lucratifs. Mais, qu'il soit qualifié de social ou non, l'entrepreneur répond par définition aux opportunités du marché. Qu’il œuvre dans la haute technologie (informatique, biotechnologie) comme le technopreneur, les services à la personne ou dans l’insertion sociale des marginaux, l’entrepreneur social reste intrinsèquement un entrepreneur. En ajoutant le mot « social », cette même personne passe d'une personne voulant générer du profit par un produit ou une idée innovante, à une personne voulant toujours gagner de l'argent mais en résolvant un problème social. Ce qui diffère de l'un à l'autre, c'est le but derrière le bien ou le service qu'il offre. Dans ces conditions, l'entrepreneur est qualifié de social parce qu'il investit dans des secteurs d'activité ainsi qualifiés, et non parce qu'il a fait passer l'intérêt général avant le profit individuel.
Il existe toutefois un trait apparent chez l'entrepreneur social qui le distingue de tout autre entrepreneur. Il agit dans le sens d'obtenir une légitimité sur la reconnaissance de son action entrepreneuriale par les autres acteurs de l’environnement économique et social dans lequel il est inséré. Cette légitimité est également une ressource qui permet d'atténuer le stress que son contexte entrepreneurial joue sur lui, notamment la recherche d'une réussite qui ne se calcule pas par l'accumulation de gains. L’entrepreneur social développe son entreprise en suivant une règle éthique qui est distinctive et va au-delà d'une simple subordination aux règles législatives.
Informations complémentaires
Notes et références
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