Vous pouvez contribuer simplement à Wikibéral. Pour cela, demandez un compte à adminwiki@liberaux.org. N'hésitez pas !


Propriétarisme

De Wikiberal
Aller à la navigation Aller à la recherche

Le propriétarisme désigne la conception libérale de la propriété privée comme fondement de la société civile. Il s'oppose en ce sens directement au socialisme et au communisme. L'économiste autrichien Ludwig von Mises écrit ainsi :

« Le programme du libéralisme devrait donc, résumé en un seul mot, se formuler ainsi : propriété, c'est-à-dire propriété privée des moyens de production (car la propriété privée des biens de consommation va de soi, et elle est admise même par les socialistes et les communistes). Toutes les autres exigences du libéralisme découlent de cette exigence fondamentale. »
    — Ludwig von Mises, Le libéralisme, chap. 1)

Dans une acceptation plus restreinte, le propriétarisme est la conception du droit pour laquelle tout découle du droit de propriété, en particulier d'une propriété de soi rejetée majoritairement par les libéraux classiques mais élément significatif de la philosophie libertarienne. L'économiste et philosophe américain Murray Rothbard « développe [ainsi] une théorie explicite de la liberté vue comme un droit de propriété sur sa propre personne et décrit ce que devrait être un droit fondé sur cette théorie »[1].

Propriétarisme et critique de la propriété

Pour une partie des théoriciens de la philosophie politique, généralement très étatistes, la propriété est au contraire un « fait collectif » et non individuel. Pour Jean-Jacques Rousseau, la propriété n'est ainsi qu'une convention sociale car « l’État est maître de tous les biens » de ses membres en vertu du contrat social, et « le droit de chaque particulier à son propre fonds est subordonné au droit que la communauté a sur tout ». La communauté aurait donc toute latitude à définir ce qu'est la propriété. Les libéraux rappellent au contraire que le propriétarisme est au contraire un individualisme qui affirme que la propriété découle uniquement de la volonté individuelle.

Les économistes critiques de la propriété privée vise généralement eux avec le terme de propriétarisme une soit disant tendance dans les sociétés actuelles de tout ramener à la propriété ; l'économiste socialiste Thomas Piketty définit ainsi le propriétarisme : « En ce sens, le capitalisme est intimement lié au propriétarisme, que je définis dans cette enquête comme une idéologie politique plaçant au cœur de son projet la protection absolue du droit de propriété privée »[2].

Origine du terme

Le terme de « propriétarisme » est apparu au XIXe siècle, dans un sens souvent péjoratif[3]. Il se rencontre chez Frédéric Bastiat et chez Pierre-Joseph Proudhon :

« Après avoir soufflé la haine du capitalisme et du propriétarisme, après avoir fait accepter des masses comme un axiome incontestable cette découverte : La liberté conduit fatalement au monopole, ils ont, volontairement ou non, entraîné le peuple à mettre la main sur cette liberté maudite. »
    — Frédéric Bastiat, Chapitre XIV des Harmonies Économiques

« Vous faites du propriétarisme, du bourgeoisisme, nous disait le théologastre Pierre Leroux, dans les conférences qui eurent lieu à l'occasion de la Banque du Peuple. Il aurait pu ajouter que nous faisions même du royalisme ; car la théorie du Crédit et de l’État, telle que nous la professons, diamétralement opposée à la théorie communiste, est l'élévation de chaque citoyen à la dignité royale. »
    — Pierre-Joseph Proudhon, La Voix du peuple, 1849

Vision libertarienne

La conception libertarienne du droit est parfois qualifiée de propriétariste, car elle insiste sur le droit de propriété, en particulier de la propriété de soi, comme source unique des principales règles juridiques. En revanche, certains auteurs, souvent qualifiés de libéraux, accordent nettement moins d'importance à la propriété, ayant une vision davantage utilitariste (comme Maurice Allais) ou aprioriste sans référence à la propriété (comme John Rawls dans sa Théorie de la justice).

En suivant une logique propriétariste, si l'on est propriétaire de sa personne, on peut céder ce droit, ce qui légitime l'esclavage. Le philosophe libertarien Robert Nozick ira par exemple jusque là, de même que Walter Block : « Le contrat, fondé sur la propriété privée, atteint les domaines les plus extrêmes de l'interaction humaine, y compris les contrats d'esclavage volontaire. »[4] Cependant, la plupart des libertariens s'y opposent en raison de l'inaliénabilité de la volonté humaine : on ne peut être la propriété d'autrui, et l'esclavage ne peut être consenti, même par contrat (un tel contrat serait caduc ipso facto et pourrait être librement rompu à tout moment par l'esclave).

La propriété ainsi strictement définie ne peut empiéter sur la liberté et la propriété d'autrui.

Citations

  • « Le « propriétarisme » : c’est une expression de Raoul Audouin, cet économiste français disparu il y a dix ans, admirateur de Bastiat (qu’il a traduit en anglais), ami personnel de Von Mises (qu’il a traduit en français) et proche de Hayek. Il pensait que cette expression était la meilleure arme contre le socialisme, parce qu’elle était plus précise que celle de « libéralisme ». » (Jacques Garello, 22 novembre 2012)
  • « Par principe de propriété, on entend que l'homme est propriétaire de sa personne (...) et donc qu'il est aussi propriétaire des biens ou revenus qu'il a obtenus par ses efforts ou en se servant de ses droits de propriété (...) Ainsi, c'est l'insuffisance des droits de propriété et de leur définition qui provoque les soi-disant faiblesses du marché et c'est la meilleur définition de ces droits qui résoudra les problèmes. » (Jean-Yves Naudet)
  • « Le moment libéral se caractérise par la référence centrale accordée à la propriété privée, à l'exclusion des autres formes de propriété (propriété collective et propriété commune), d'où le qualificatif de propriétarisme. » (Yvon Pesqueux, Moment Libéral et Entreprise: La fin d'un dogme, 2013)
  • « Toute philosophie politique qui n'est pas construite comme une théorie des droits de propriété passe complètement à côté de son but et doit par conséquent être rejetée d'emblée comme un verbiage dépourvu de sens pour une théorie de l'action. » (Hans-Hermann Hoppe, The Economics and Ethics of Private Property)
  • « L’homme naît propriétaire, parce qu’il naît avec des besoins dont la satisfaction est indispensable à la vie, avec des organes et des facultés dont l’exercice est indispensable à la satisfaction des besoins. Les facultés ne sont que des prolongements de la personne ; la propriété n’est que le prolongement des facultés » (Frédéric Bastiat[5]

Notes et références

  1. Le propriétarisme contre l'utilitarisme, Bertrand Lemennicier, Journal des Économistes et des Études Humaines, 1991, vol. 2, issue 1, 8
  2. Thomas Piketty, Capital et Idéologie, 2019
  3. Le dictionnaire d'Emile Littré (1872-77) se borne à définir le propriétarisme comme « Opinion, mœurs, préjugés des propriétaires ».
  4. Walter Block, "Towards a Libertarian Theory of Inalienability: A Critique of Rothbard, Barnett, Smith, Kinsella, Gordon, and Epstein", pp. 39-85, Journal of Libertarian Studies, vol. 17, no. 2, p. 44, p. 48, p. 82, p. 46, [lire en ligne]
  5. Frédéric Bastiat, Propriété et loi

Bibliographie

Voir aussi

Liens externes


Philosophie.png Accédez d'un seul coup d’œil au portail philosophie et épistémologie du libéralisme.