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Abrogation du monopole de la Sécurité Sociale

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Nuvola apps colors.png Article principal : Sécurité sociale.

«  Que sera devenue la moralité de l'institution quand sa caisse sera alimentée par l'impôt ?
Les abus iront toujours croissants et on en recalculera le redressement d'année en année, comme c'est l'usage jusqu'à ce que vienne le jour d'une explosion.
 »
    — Frédéric Bastiat, en 1850

L'abrogation du monopole de la sécurité sociale en France est un combat mené de longue date par des libéraux et d'autres, pour permettre le libre choix de son assurance maladie et de sa caisse de retraite, et plus généralement de toute prestation "sociale" liée à des cotisations obligatoires (la "sécurité sociale" ne concerne pas uniquement l'assurance-maladie, comme certains le croient trop souvent).

Un bon nombre de libéraux soutiennent qu'en réalité ce monopole a déjà été abrogé juridiquement via la législation européenne, et que le pouvoir politique, de droite comme de gauche, a tout fait pour empêcher cette libéralisation de se traduire dans les faits.

Cadre juridique

  • en France, la sécurité sociale a été instaurée de façon autoritaire en octobre 1945 sous l'influence du Parti communiste et des syndicats, pour remplacer les assurances sociales privées qui existaient auparavant ; étendue progressivement à presque toute la population, elle n’a jamais été confirmée par le suffrage universel[1]. Le système est un étrange compromis entre Bismarck et Beveridge : il penchait à l’origine du côté de Bismarck (montant des prestations déterminé par celui des cotisations) mais il a, au fil des années, dérivé vers Beveridge, avec l’instauration de quasi-impôts (CSG et CRDS), du RMI, du RSA ou de la CMU (filets de sécurité).
  • en 1957, le Traité de Rome est signé par les fondateurs de la Communauté économique européenne (France, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg et Italie) ; il institue déjà la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux au sein de la CEE naissante, tout en respectant les prérogatives nationales de chaque État.
  • Le 17 février 1986 est signé l'Acte Unique Européen, dont le principal objectif est la création, le 1er janvier 1993, d'un marché unique dans lequel la libre circulation des personnes, des services et des capitaux est assurée.

Dans un tel libre marché, il serait impensable d'obliger un Européen venant travailler en France à résilier ses assurances privées (ou abandonner sa caisse de retraite) pour cotiser au "système" français. Aussi, afin de parvenir à un marché unique dans le domaine de la protection sociale, ont été signées 3 directives européennes :

  • 92/49/CEE (assurance directe autre que l'assurance sur la vie)
  • 92/50/CEE (procédures de passation des marchés publics de services ; cette directive a été subrogée dans un ensemble de directives plus importantes et plus générales)
  • 92/96/CEE (assurance directe sur la vie)

La directive européenne 92/50/CEE devait être appliquée dès le 1er janvier 1993 dans tous les États-nations de la CEE, date effective de l'entrée en vigueur du Marché Unique (libre circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux dans les pays de la CEE) et les deux autres directives 92/49/CEE et 92/96/CEE ne devaient être appliquées dans tous les États-nations de la CEE que le 1er janvier 1994 (entrée en vigueur de la seconde phase de l'Union monétaire par la création de l'organisme chargé de la coordination des politiques monétaires nationales).

C’est par exemple en application de la directive 92/49/CEE qu’en Allemagne les caisses publiques d’assurance-maladie sont en concurrence depuis janvier 1996.

La France a transposé les directives européennes 92/49/CEE, 92/50/CEE et 92/96/CEE par les lois du 4 janvier 1994 et les lois du 8 août 1994 concernant les systèmes d'assurance et de prévoyance, mais elle n'a transposé les directives européennes relatives aux mutuelles que dans la loi du 17 juillet 2001 ratifiant l'ordonnance n°2001-350 du 19 Avril 2001. Depuis cette date, le Code de l’assurance, le Code de la Sécurité sociale et le Code de la mutualité autorisent les sociétés d’assurance, les institutions de prévoyance et les mutuelles à pratiquer les opérations d’assurance « branche entière », à condition de bénéficier d’un agrément administratif.

La situation française

C'est à quelques associations, menées par Claude Reichman (assisté d'éminents professeurs de droit tels que Jean-François Prévost) que l'on doit la transposition des directives européennes. Les autorités françaises ont repoussé l'échéance autant qu'elles ont pu, jusqu'à ce que la condamnation de la France par la Cour Européenne de Justice, pour "manquement en manquement" pour la non-application de ces directives[2], les oblige enfin à agir. La transposition dans la loi française devait enfin être la victoire des "anti-sécu" (Gérard Nicoud, Christian Poucet…) dont le combat sous les IVe et Ve Républiques avait été jusqu'ici un combat d'arrière-garde.

Il y a cependant un gouffre entre la loi et son application pratique. Certaines compagnies d'assurances telles que IHI ont été fermement dissuadées de vendre des contrats d'assurance-maladie. Seules les sociétés d'assurances hors territoire français (comme Amariz) ont pu échapper aux pressions. Un certain nombre de personnes ont pu quitter la Sécurité sociale, mais elles ont dû faire face à des poursuites judiciaires, et ont souvent été condamnées, au mépris de la loi et du droit, qui imposent de respecter la primauté du droit communautaire[3].

La Sécurité sociale française dément la fin du monopole et entretient volontairement la confusion entre le "régime de sécurité sociale" (la législation) et les organismes habilités (caisses, mutuelles, assurances privées, etc.), prétendant que l'obligation d'assurance s'accompagne d'une obligation d'adhérer à certains organismes (caisses, mutuelles), tous par ailleurs de droit privé en France. Les directives européennes ne s'appliqueraient selon elle qu'aux mutuelles dites "complémentaires".

Les organismes français tentent de se présenter comme un "régime légal" de sécurité sociale au sens des directives européennes (seul cas où ces directives ne s'appliquent pas), alors que pour ses opposants la Sécurité sociale française n'est pas et n'a jamais été un "régime légal" au sens européen, étant un régime professionnel (confirmé le 25 mai 2000 par la Cour Européenne avec l'arrêt Podesta, C-50/99[4] puis en octobre 2013 dans l'affaire C-59/12[5]) : les caisses, l'URSSAF, etc. ne sont pas des organismes de la fonction publique, mais sont de droit privé, alimentés non par l'impôt mais par des cotisations, et ne prenant pas en charge la totalité de la population comme c'est le cas pour les "vrais" régimes légaux au sens des directives européennes[6]. Il ne faut pas confondre la législation (le "régime légal" au sens français) et les organismes offreurs : le "régime légal de sécurité sociale" français est géré par des mutuelles ; certaines interviennent dans les remboursements "complémentaires", d'autres dès le premier euro (par exemple la MGEN, mutuelle des profs, l'AGESSA, mutuelle des auteurs, etc.), ce qu'on appelle "régime de base" en France. Toutes ces mutuelles (qu'elles fassent du complémentaire ou du régime de base) sont régies par le code de la mutualité, et donc en concurrence.

Même les plus sceptiques sont forcés de reconnaître deux faits concrets :

  • les menaces pénales des organismes prétendument monopolistiques restent des menaces en l'air, jamais exécutées en pratique faute de base juridique[7] (seule l'absence d'assurance est punissable) ;
  • il y a de nombreux témoignages d'Européens venus travailler en France qui ont gardé sans problème leurs assurances privées étrangères (d'où la question de savoir si les Français sont des Européens comme les autres).

Malgré l'élaboration d'une stratégie de désengagement individuel, l'état de la situation peut se résumer ainsi :

  • pour un salarié, sortir du prétendu monopole requiert l'accord de son employeur, qui pourra se montrer réticent et ne voudra pas engager sa propre responsabilité en lui donnant son salaire complet[8] ; cependant, depuis 2015, un certain nombre de salariés ont pu se libérer de la Sécurité sociale[9] ;
  • pour un indépendant ou profession libérale, ceux qui ont réussi ont auparavant "organisé leur insolvabilité" ou du moins leur "insaisissabilité" (avec l'assistance d'un spécialiste de la question[10]) et se sont préparés à la bataille juridique. De telles précautions semblent utiles, car un particulier ne peut attendre qu'aboutisse une saisie de la CJUE après des années et des années de procédure alors que les pouvoirs français ont décidé de ne pas respecter le Droit et de tout faire pour freiner le mouvement et prolonger l'agonie des organismes français.

On estime en 2013 à plusieurs dizaines de milliers le nombre de personnes qui ont pu sortir ainsi du système (le gain annuel pour elles se chiffre souvent à des dizaines de milliers d'euros, puisque des cotisations proportionnelles au revenu se trouvent alors remplacées par des primes d'assurances fixes indépendantes du revenu). Une statistique non officielle (émanant des associations concernées) donne en 2014 un chiffre de 150.000 indépendants qui auraient franchi le pas, mais un chiffre plus réaliste de 60.000 personnes est donné en octobre 2014 par l'association Liberté sociale[11].

D'énormes intérêts sont en jeu (les versements aux caisses de sécurité sociale représentent chaque année 600 milliards d'euros, soit bien davantage que le budget de l’État français), et les organismes qui bénéficient encore du "privilège monopolistique" dû au non-respect du Droit sont prêts à tous les mensonges et à toutes les turpitudes pour prolonger coûte que coûte leur existence. Aujourd'hui, il semble assuré que, malheureusement, seule la faillite complète du système (par impossibilité de la France de se refinancer sur les marchés pour continuer à faire grossir une dette « sociale » de plus de 130 milliards d'euros) permettra de mettre fin à ce monopole d'origine communiste, instauré en 1945 sans jamais avoir été approuvé par la population.

Articles connexes

Notes et références

  1. La sécurité sociale française n’est donc en rien un « acquis social », et elle n’a jamais été plébiscitée par quiconque. Des spécialistes comme Georges Lane parlent en ce qui la concerne de « coup d’État », car les ordonnances de 1945 relèvent du non-droit (en mai 1946, la proposition de Constitution de la IVe République est rejetée par référendum ; il y a un « trou » constitutionnel sur la période 1945-1946). Un précédent avait été créé en 1941, par le régime de Pétain, qui détourne alors les provisions des assurances sociales vieillesse pour les donner aux "vieux travailleurs" : ce fut l’origine des retraites par répartition.
  2. Arrêt du 16 Décembre 1999 : Manquement d'État — Non-transposition des directives 92/49/CEE et 92/96/CEE — Assurance directe autre que l'assurance sur la vie et assurance directe sur la vie.
  3. Selon l'arrêt Simmenthal de la Cour de justice, aux termes duquel « le juge national chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel. »
  4. 5 (...) Sont considérés comme régimes professionnels de sécurité sociale les régimes non régis par la directive 79/7/CEE qui ont pour objet de fournir aux travailleurs, salariés ou indépendants, groupés dans le cadre d'une entreprise ou d'un groupement d'entreprises, d'une branche économique ou d'un secteur professionnel ou interprofessionnel, des prestations destinées à compléter les prestations des régimes légaux de sécurité sociale [Note : qui en fait n'existent pas en France] ou à s'y substituer, que l'affiliation à ces régimes soit obligatoire ou facultative.
  5. Cour de justice de l’Union européenne, Communiqué de presse n°126/13
  6. Note technique sur le terme "légal" : la technique juridique des directives est très particulière : il s’agit de documents qui définissent des règles (habituellement « minimales ») que les États membres doivent mettre en œuvre en adoptant les mesures appropriées dans leur ordre national, avec comme objectif une « harmonisation » plus ou moins poussée des systèmes juridiques. En pratique, la directive pose ses propres définitions et concepts (explicitement ou implicitement), car ceux des États membres sont inexploitables en tant que tels : les systèmes juridiques des pays européens sont trop différents et ne peuvent pas servir en tant que tels de source pour la définition de concepts au niveau communautaire. Il s’agit seulement de sources d’inspiration pour la rédaction des directives ou l’élaboration de la jurisprudence. Il faut donc prendre « légal » dans un sens communautaire, avec les précisions apportées par la jurisprudence européenne.
  7. Article L 652-7 du code de la sécurité sociale
  8. La procédure à suivre pour un salarié est la suivante : lettre recommandée avec accusé de réception à l'URSSAF demandant l'arrêt des prélèvements à la source (chez l'employeur) ; suite à leur réponse négative, sommation interpellative leur demandant de vous fournir votre contrat d'adhésion ; dépôt de plainte au TGI contre l'URSSAF pour extorsion de fonds ; demande à l'employeur de verser la part des charges dites "salariales et patronales" au salaire net (le salarié obtient le salaire complet) ; si l'employeur refuse, plainte au TGI pour complicité d'extorsion de fonds et non respect des accords du traité de Rome sur les salariés européens.
  9. Interview #84 - Yohan Signol - les SALARIES libérés de la sécu
  10. Les précautions élémentaires en vue de l'insaisissabilité consistent à avoir un compte bancaire à l'étranger et éventuellement à mettre le patrimoine personnel au nom d'autres personnes, de façon à empêcher sa saisie, car une dette "sociale" est considérée comme une dette personnelle. Voir par exemple QLSS - insaisissabilité.
  11. Longue interview du secrétaire général de Liberté Sociale (radio Notre-Dame le 27 octobre 2014)

Citations

  • «  Voilà plus de vingt ans que nous nous battons pour que ces changements essentiels aient lieu en France. En 2001, nous avions gagné toutes les batailles juridiques et législatives. Il n’y avait plus qu’à appliquer ces dispositions, pour le plus grand bien du pays. Pour son malheur, la France a réélu Jacques Chirac président de la République en 2002. Ce faux homme de droite — en réalité un socialiste à peine dissimulé — s’est institué « garant de la Sécurité sociale » et a mis tous les moyens de l’État au service du maintien illégal du monopole. Nicolas Sarkozy s’était engagé à appliquer les dispositions européennes et nationales. Tout aussi socialiste que son prédécesseur, il n’en a évidemment rien fait et, sous son règne, l’illégalité s’est poursuivie. »
        — Claude Reichman, 24/12/2011

  • «  Les pouvoirs publics n'informent pas loyalement les Français des véritables conséquences des directives européennes 92/49/CEE et 92/96/CEE, complètement transposées dans le droit national et qui abrogent le monopole de la sécurité sociale. Il est grand temps que le gouvernement dise la vérité aux citoyens, afin de leur faire connaître les droits qu'ils tiennent des lois de la République. »
        — Jean-François Prévost, L'Enjeu, septembre 2005

  • «  Les directives européennes ont été transposées dans la loi française en 2001, et seule la tyrannie du statu quo et une peur irraisonnée de la part des hommes politiques ont empêché leur application pratique. […] Pourquoi jugerait-on le citoyen suffisamment mature et autonome pour pouvoir voter et influer sur l'avenir de son pays, mais pas pour choisir par lui-même sa propre assurance santé (comme peuvent le faire les Allemands, les Hollandais ou les Suisses) ou se constituer une épargne-retraite et cotiser à un fonds de pension (comme le font les Chiliens) ? Pourquoi le priver de la possibilité de gérer sa propre vie comme il l'entend ? »
        — Thierry Falissard, La Sécurité Sociale Mise en Concurrence, Libres ! 100 idées, 100 auteurs

  • «  L'Assurance-maladie est − comme son nom l'indique − une assurance et donc fait partie des secteurs qui auraient dû être ouverts à la libre concurrence. Cela n'est toujours pas le cas malgré de multiples rappels à l'ordre de la France par l'Union européenne. »
        — Simone Wapler, 15/05/2014

  • «  D'abord, ils nieront la chose. Ensuite, ils la minimiseront. Enfin, ils diront que cela se savait depuis longtemps. »
        — Alexandre von Humboldt

Liens externes


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