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Licenciements boursiers

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Dans le vocable antilibéral, un licenciement boursier est un licenciement collectif suivi d'une augmentation du cours de l'action de l'entreprise qui a procédé aux licenciements. Cette vision selon laquelle les acteurs de la bourse applaudiraient aux licenciements est absurde, étant donnés les coûts d'un plan social[1], et représente surtout la volonté de désigner un bouc émissaire ou l'incompréhension du fonctionnement de la vie des entreprises.

Exemples

En France, en septembre 1999, la société Michelin a publié des bénéfices semestriels en hausse de 20 %, en même temps qu'elle annonçait un plan de restructuration entrainant 7.500 suppressions d'emplois. Le lendemain, le cours de bourse de l'action a augmenté. Cette succession d'événements est à l'origine d'une proposition de loi en France, l'« amendement Michelin » à la loi de modernisation sociale, visant à imposer le passage aux 35 heures avant de pouvoir procéder à des licenciements. Il y a eu d'autres exemples similaires, concernant notamment les groupes Danone, Hewlett-Packard ou Moulinex.

Le lien que font les antilibéraux est d'associer licenciements et hausse de cours, pour pouvoir attaquer la logique «rapace» du «capitalisme financier» «ultralibéral»... Cette caricature ne tient pas longtemps face aux faits : dans le cas de Michelin, les gains boursier du jour ont été effacés en une semaine et, sur le long terme, ce sont les actionnaires qui ont été perdants et les salariés gagnants. Dans Le Grand méchant marché (2007), les économistes David Thesmar et Augustin Landier soulignent ainsi qu'entre 1998 et 2005, les actionnaires ont touché une rentabilité faible de 8% par an et que la masse salariale de Michelin a elle augmenté de 10%[1]. De même, quand le chausseur Crocs a fermé une usine au Canada, son cours a perdu 40% dans les semaines qui ont suivi[2].

Wayne Cascio, professeur de management à l'université du Colorado à Denver a par ailleurs montré dans ses travaux que la performance des entreprises qui licencient ne s'améliorait pas; étudiant 300 cas de plans de licenciements dans les années 1980, il constata que, trois ans plus tard, les taux de profits, la rentabilité des capitaux investis ou les coûts ne s'étaient pas améliorés. Personne n'aurait donc à gagner à des licenciements non nécessaires, en particulier pas les actionnaires[3].

En outre, ces licenciements ne sont que rarement le signe d'une réduction durable des effectifs de l'entreprise; un rapport de l'American Management Association a montré que la majorité des grandes entreprises américaines qui avaient effectué des licenciements collectifs en 1995-1996 avaient dans le même temps créé des emplois et la baisse globale des effectifs n'avait été que de 0,7%[4].

Justification économique

Les apporteurs de capitaux propres à une entreprise effectuent un placement risqué et sont donc en droit d'attendre un taux de rentabilité adapté. Selon le modèle communément utilisé, le modèle d'évaluation des actifs financiers (Capital Asset Pricing Model ou CAPM), les actionnaires sont en droit d'attendre le « taux de rentabilité exigée », calculé en fonction du taux d'intérêt, du risque de l'entreprise et du risque du marché. Si l'entreprise dégage des profits mais insuffisants pour rémunérer le capital que les actionnaires lui ont apporté, il y a destruction de valeur et l'entreprise et l'ensemble de ses salariés sont menacés car l'entreprise n'est pas viable[5].

Les suppressions d'emplois correspondent donc généralement à une volonté des dirigeants de restructurer l'entreprise, afin d'accroître sa performance économique et assurer sa survie dans un monde concurrentiel où les positions de marché sont vite remises en cause. En ce sens, des licenciements préventifs peuvent éviter la disparition ultérieure de l'entreprise avec suppression de tous ses emplois. C'est ce qu'a reconnu la cour de cassation en France dans un arrêt du 11 janvier 2006 : elle a ajouté un troisième motif de licenciement économique, la sauvegarde de compétitivité de l’entreprise. De même, Philippe Manière note que « il est parfois nécessaire d'amputer pour sauver [les entreprises en difficulté] »[6]. Les acteurs du marché valorisant les entreprises sur le fondement de leurs bénéfices futurs, actionnaires comme salariés ont intérêt à ce que l'entreprise soit pérenne.

Moralité

Ce type de licenciement est parfois interprété comme un manque de moralité, notamment lorsque l'entreprise est bénéficiaire et que les dirigeants négligent de donner une information transparente sur les fondements économiques de cette action, tout en conservant de substantiels salaires ou avantages.

Cette perspective de l'immoralité est fermement remise en cause par Rüdiger Jungbluth, rédacteur économique du journal allemand Die Zeit. Il souligne que, aussi paradoxal que cela puisse paraitre, il peut être justifiable moralement de licencier quand on fait des profits. L'entreprise doit gérer au mieux l'argent que les épargnants lui ont confié pour qu'elle le fasse fructifier. Ils effectuent un placement risqué, et doivent donc être rémunéré en conséquence. Ne pas gérer cet argent au mieux, ce serait justement « immoral ». En outre, refuser les licenciements en période de profit, ce serait mettre en danger la situation future de l'entreprise et de tous les salariés[7].

Équivalent américain : la seven-per-cent rule

De même que l'ignorance du fonctionnement de l'économie n'est pas spécifiquement française, la mythologie des licenciements boursiers se retrouve ailleurs qu'en France. Aux États-Unis, c'est ce que l'on appelle la seven-per-cent rule : les entreprises annonçant des licenciements de grande ampleur voient leur cours de bourse monter de 7%. Là encore, de nombreuses études académiques ont établi la vacuité de telles affirmations. Non seulement de tels licenciements ne font pas monter le cours de bourse mais majoritairement le font baisser nettement[3].

Notes et références

  1. 1,0 et 1,1 David Thesmar & Augustin Landier, Le Grand méchant marché, décryptage d'un fantasme français, Flammarion, 2007, ISBN 2081213079
  2. Montrer ses crocs contre le «capitalisme sauvage», Le Québécois Libre
  3. 3,0 et 3,1 "It's the Workforce, Stupid!, The New Yorker, 30 avril 2007, [lire en ligne]
  4. "Downsizing America, the revolving door", The Economist, 26 octobre 1996, [lire en ligne]
  5. Pascal Quiry et Yann le Fur, Finance d'entreprise, 3e édition, Dalloz
  6. Philippe Manière, L'Aveuglement français, 1998, p.156
  7. "Eine Frage der Moral", Die Zeit, 6 mars 2008, [lire en ligne]

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes


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