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Théorie des contrats incomplets

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La théorie des contrats incomplets prend sa source dans les travaux de Ronald Coase et d'Oliver Williamson sur les coûts de transaction. Les contrats peuvent être caractérisés par une durée longue, voire très longue mais les théoriciens des contrats incomplets précisent que leur durée peut s'avérer illimitée, car il est généralement trop coûteux ou épistémiquement impossible de spécifier toutes les éventualités futures. Le contrat sert à gérer cette relation d'autorité et de subordination contre l'incertitude du futur.

L'Adaptation aux Changements Inattendus dans les Relations Contractuelles

Contrats Incomplets : Une Approche Dynamique

L'exploration du thème des contrats incomplets a été abordée par des auteurs éminents tels que David Kreps, Sanford Grossman et Oliver Hart. Contrairement à la théorie des droits de propriété et à la théorie de l'opportunisme développées par Oliver Williamson, les penseurs des contrats incomplets mettent l'accent sur un aspect crucial : l'incapacité des tribunaux à vérifier toutes les variables qui composent les contrats.

L'un des fondements de la théorie des contrats incomplets réside dans la reconnaissance du fait que les tribunaux et les instances de régulation ne peuvent pas systématiquement évaluer et vérifier toutes les conditions et les détails d'un contrat. Cette limite intrinsèque crée une marge d'incertitude quant à la manière dont les parties vont interpréter et exécuter les termes contractuels. Cette incertitude inhérente nécessite une approche différente de celle qui repose sur une exécution stricte et détaillée des clauses contractuelles.

L'Émergence de l'Inattendu et les Institutions Économiques

Les théoriciens des contrats incomplets soulignent également le concept de changement imprévu qui est inhérent à la nature même des contrats incomplets. Cette idée est cruciale pour comprendre comment les institutions économiques, telles que les entreprises, se forment et évoluent. Les contrats incomplets sont une réponse à l'imprévisibilité des futurs développements, poussant les parties à adopter une approche plus souple pour gérer les ajustements nécessaires au fil du temps.

La Rationalité Limitée face à l'Inattendu

La théorie des contrats incomplets remet en question l'idée selon laquelle les agents économiques peuvent anticiper et planifier tous les scénarios futurs de manière rationnelle avant de conclure un contrat. Cette croyance suppose une intelligence et une prévoyance extraordinaires de la part des agents, leur permettant de concevoir des contrats ex ante qui résolvent efficacement les changements imprévus à venir. Cependant, les théoriciens des contrats incomplets remettent en question cette hypothèse, soulignant que l'adaptation efficace à quelque chose d'inattendu est difficile, voire impossible, car cela ne peut pas être anticipé.

L'Ironie dans le Titre de David Kreps

David Kreps aborde cette notion d'adaptation aux circonstances imprévues de manière ironique dans le titre de son livre : « Les choix statiques en présence de circonstances imprévues ». Cette ironie reflète la difficulté intrinsèque de concevoir des choix qui résistent à l'épreuve du temps et aux changements inattendus, tout en restant cohérents avec les prévisions ex ante. Les théoriciens des contrats incomplets font valoir qu'il est logiquement difficile sinon impossible de prétendre que les agents puissent obtenir des résultats rationnels ex ante efficaces au changement imprévu à venir, car on ne peut pas s'adapter efficacement à quelque chose qui n'est pas prévu.

En somme, la théorie des contrats incomplets apporte un éclairage essentiel sur la complexité des relations contractuelles dans un monde en évolution constante. En remettant en question l'idée d'une rationalité ex ante parfaite et en reconnaissant les limites des tribunaux à vérifier tous les détails, elle met en avant la nécessité d'une adaptation continue, même après la conclusion initiale d'un contrat. Cette approche dynamique offre une perspective réaliste sur la manière dont les contrats sont interprétés, négociés et ajustés dans un environnement où l'inattendu est inévitable.

Contrats Incomplets et Renégociations Continuelles : L'Adaptabilité Dynamique des Relations Contractuelles

Contrats Incomplets et Négociations Continuelles

Lorsqu'il s'agit de conclure des contrats, les parties ne sont en mesure de créer que des contrats incomplets. En d'autres termes, lorsqu'elles établissent un contrat, les parties ne parviennent pas à anticiper tous les résultats possibles de leur relation future. Cette imprévisibilité inhérente aux contrats incomplets engendre une situation où il devient difficile, voire impossible, de finaliser un contrat. En effet, si un contrat n'est pas exhaustif dans ses clauses, le résultat futur des actions actuelles d'une personne dépend grandement de sa capacité à négocier ou de son pouvoir de négociation sur le marché. Cette réalité échappe à la régulation prévue par le contrat initial. Dans un tel contexte, les contrats sont sujets à des renégociations continuelles.

L'Imprévisibilité des Relations Contractuelles

La nature des contrats incomplets reflète une réalité où l'avenir demeure incertain et où les parties ne sont pas en mesure de prévoir tous les scénarios possibles qui pourraient découler de leur accord initial. Cette imprévisibilité rend difficile la création de contrats qui puissent couvrir chaque éventualité, poussant ainsi les parties à aborder leurs relations d'une manière plus flexible. Par conséquent, les contrats deviennent des instruments dynamiques, en constante évolution pour s'adapter aux nouvelles circonstances et aux résultats non prévus.

L'absence d'exhaustivité contractuelle renforce l'importance du pouvoir de marchandage des parties. Plus une partie possède un pouvoir de négociation élevé, plus elle peut influencer les conditions et les termes des contrats en sa faveur. Dans un environnement de contrats incomplets, la capacité de renégocier régulièrement devient essentielle pour les parties qui cherchent à optimiser leurs gains et à s'adapter aux changements qui surviennent au fil du temps.

Les Structures de Gouvernance Adaptatives

Face à la réalité des contrats incomplets et des renégociations fréquentes, les structures de gouvernance au sein des entreprises doivent s'adapter pour prendre en compte cette dynamique. Les entreprises doivent élaborer des mécanismes de prise de décision et de gestion qui permettent aux parties d'ajuster les termes de leurs relations en fonction des circonstances changeantes. Cela peut impliquer la mise en place de processus décisionnels flexibles et la délégation de certaines responsabilités aux parties concernées.

En somme, la notion de contrats incomplets souligne la réalité de l'imprévisibilité et de l'incertitude dans les relations contractuelles. Les parties sont confrontées à l'obligation de négocier régulièrement pour s'ajuster aux changements et aux nouveaux développements. Cette dynamique renforce l'importance du pouvoir de marchandage et pousse les entreprises à adopter des structures de gouvernance qui favorisent la flexibilité et l'adaptabilité. En conséquence, les contrats deviennent des outils en constante évolution, capables de répondre aux défis d'un environnement complexe et en mutation perpétuelle.

Informations complémentaires

Bibliographie

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    • Oliver Hart, John Moore, "Incomplete Contracts and Renegotiation", Econometrica, Vol 56, pp755-785
    • Oliver Hart, Incomplete Contracts and the Theory of the Firm, Journal of Law, Economics ans Organization, Vol 4, pp119-140
  • 1989, Ian Ayres et Robert Gertner, “Filling Gaps in Incomplete Contracts: an Economic Theory of Default Rules”, The Yale Law Journal, Vol 99, n°1, October, pp87-130
  • 1992, David Kreps, Static Choice in the Presence of Unforeseen Contingencies, In: P. Dasgupta et al., dir., Economic Analysis of Markets and Games : Essays in Honor of Frank Hahn, Cambridge : Cambridge University Press
  • 1993, K.J. Crocker et K. J. Reynolds, The Efficiency of Incomplete Contracts: An Empirical Analysis of Air Force Engine Procurement, Rand Journal of Economics, Vol 24, pp126-146
  • 1997, G. Chemla, Théorie de la firme et contrats incomplets, Revue d'économie Politique, Vol 107, pp295-330
  • 1999,
    • E. Maskin et Jean Tirole, Unforseen Contingencies, Property Rights and Incomplete Contracts, Review of Economic Studies, 66, pp83-115
    • Jean Tirole, Incomplete Contracts : Where Do We Stand, Econometrica, Vol 67, pp741-781
  • 2000,
    • Eric Brousseau et M'Hand Farès, The Incomplete Contract Theory and the New-Institutional Economics Approaches to Contracts: Substitutes or Complements?, In: Claude Ménard, dir., Institutions, Contracts, Organizations, Perspectives from New-Institutional Economics, Edward Elgar Pub.
    • M'Hand Farès, Contrats incomplets, cadre de renégociation et incitations à investir : une application à la contractualisation dans le secteur gazier libéralisé nord-américain, thèse de doctorat, université de Paris I
    • S. Saussier, When Incomplete Contract Theory Meets Transaction Cost Economics : A Test, In: Claude Ménard, dir., Institutions, Contracts, Organizations, Perspectives from New-Institutional Economics, Edward Elgar Pub, pp376-399
  • 2003, Oliver Hart, Incomplete Contracts and Public Ownership: Remarks, and an Application to Public-Private Partnerships, Economic Journal, 113, March, pp69-76
    • Repris en 2005, In: D. Grimsey et M. K. Lewis, dir., The Economics of Public Private Partnerships, Edward Elgar Publishing Ltd.
  • 2011, Philippe Aghion, Richard Holden, "Incomplete Contracts and the Theory of the Firm: What Have We Learned Over the Past 25 Years?", Journal of Economic Perspectives, 25(2), Spring, pp181-197
  • 2016, Philippe Aghion, M. Dewatripont, P. Legros, L. Zingales, dir., "The impact of incomplete contracts on economics", New York: Oxford University Press
  • 2019, Maria Alessandra Rossi, "Incomplete Contracts", In: Alain Marciano, Giovanni Battista Ramello, dir., "Encyclopedia of Law and Economics", New York: Springer, pp1112-1119

Articles connexes