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Vénalité des charges

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Le parlement de Paris au XVIIIe siècle : La plupart des offices de magistrat dans les parlements, les cours de justice subalternes, les conseils du roi et les grandes fonctions de l’Etat étaient vendus à titre viager ou héréditaire

La vénalité des charges ou vénalité des offices désigne le système qui a longtemps eu cours sous l'Ancien Régime, dans lequel les fonctions et charges sont attribuées contre payement. En d'autres termes, la personne désirant occuper une charge doit s'acquitter pour cela d'une certaine somme d'argent. Ce système s'oppose à d'autres systèmes d'attribution des charges, notamment au mérite, à l'ancienneté, etc.

Historique

En France, la vénalité des offices, qui concernait nombre de hautes fonctions de notables, est une pratique ancienne, mise en place de façon désordonnée pour combler le déficit des finances publiques. Elle s'est développée de façon large à partir des règnes de Louis XII et de François Ier. Le premier la pratiqua largement tout en l'interdisant en 1493. En 1520, le second fonde pour sa part le bureau des parties casuelles, chargé spécifiquement de la vente des offices. Entre 1515, début du règne de François Ier, et 1610, fin du règne d'Henri IV, les offices vénalisés passent de 4-5.000 à environ 25.000. L'hérédité des charges fut institutionnalisée par la paulette, un impôt mis en place en 1604 et dont le paiement garantissait la transmission de la charge, par succession ou par vente.

C'est sous le règne de Louis XIV que le système atteint le sommet de son importance, malgré les tentatives de Colbert pour le réduire. En 1664, on les estime au nombre de 45.780[1].

Dans la nuit du 4 août 1789, l’Assemblée Nationale constituante vota l’abolition des privilèges. Aux termes de l’article 7 de la loi votée : « la vénalité des offices de judicature et de municipalité est supprimée dès cet instant ». Elle fut partiellement remise en place lors de la Restauration, par une loi du 28 avril 1816.

Cette pratique fut loin d'être spécifique à la France : l'empire espagnol, les États pontificaux, l'Angleterre et plusieurs États allemands la connurent[1]. Cependant, c'est en France qu'elle prit une ampleur inédite. En 1618, les revenus tirés de la vénalité des charges assurent 40 % des revenus du Trésor[2].

Jugements sur la vénalité des offices

La remise en cause a été entamée par les tenants d'un pouvoir royal absolutiste plus tôt : dans le chapitre 8 du livre II de ses Œuvres de 1689, le théoricien absolutiste Cardin Le Bret est le premier à critiquer la vénalité des offices. Ceux qui ont acheté leur charge ne sont plus dépendants du roi et quittent la pyramide administrative, dont le roi est le sommet et dans laquelle ils devraient être imbriqués. Le roi n'a plus de pouvoir sur eux. Le monarque, en officialisant la vénalité, perd la gestion de l'administration. En outre, le roi est lié financièrement à la vénalité, et a intérêt à multiplier les charges pour augmenter ses revenus et à ne pas brusquer ceux qui ont acquis leur charge. Supprimer la vénalité pour Cardin Le Bret, c'est permettre de mettre tout le monde sous la dépendance directe du roi et non permettre aux meilleurs d'accéder aux plus hautes responsabilités. D'autres auteurs demandent la suppression de la vénalité des offices dans une perspective méritocratique (François Hotman ou Loyseau[3])

La Fronde devait donner raison à Cardin Le Bret, la révolte contre le roi naissant en bonne partie du refus des détenteurs de charges d'être concurrencés par la création de nouveaux offices et l'évolution de la fiscalité[4]. Les réformes de Colbert pour supprimer progressivement la vénalité des offices procèdent des idées de Cardin Le Bret de renforcement de la monarchie et de mise au pas des individus[1].

A l'inverse, Montesquieu a, lui, plus tard, défendu ce principe de vénalité des offices, comme moyen de récompenser les individus ayant fait fortune par leur travail et donc de stimuler le commerce[5]. On doit également noter que la vénalité des offices fut un moyen de tempérer l'absolutisme royal, comme l'avait noté avec inquiétude Cardin Le Bret et comme le souligne l'historien Roland Mousnier. Montesquieu, penseur libéral défend ainsi un contre-pouvoir au pouvoir royal. A l'inverse, le roi cherche à contrôler les détenteurs de charges par ses intendants et à les taxer à outrance. Au point que, sous Louis XIV, de nombreux offices anciens ne trouvèrent plus preneurs tant ils étaient taxés[6].

La visée absolutiste de Cardin Le Bret se retrouve de façon ambiguë dans la démarche des révolutionnaires français de 1789. Loin d'aboutir uniquement à un système fondé sur le mérite, la suppression de la vénalité alla également dans le sens d'une égalitarisation des citoyens, minuscules face au pouvoir étatique et avec moins de contre-pouvoirs pour les protéger de ce pouvoir.

Situation contemporaine

La vénalité des charges n'existe théoriquement plus en France. Cependant de nombreuses exceptions existent. Ainsi, depuis le début du XIXe siècle, la charge de notaire en France ne s'achète plus. Pourtant, dans les faits, l'office notarial reste vénal par la possibilité qui est faite au notaire partant de présenter son successeur au garde des sceaux. Le successeur doit, pour obtenir cette présentation, payer le notaire sortant. Le notariat relève donc moins de la vénalité des charges que du monopole et du corporatisme.

De nombreuses professions réglementées fonctionnent selon un principe proche de celui de la vénalité des charges : par exemple, l'achat de licences strictement contingentées pour les taxis parisiens, malgré différentes tentatives de réforme.

Notes et références

  1. 1,0 1,1 et 1,2 William Doyle, « Colbert et les offices », Histoire, économie et société, 2000, volume 19, n°4, pp.469-480, [lire en ligne]
  2. R. Bonney, The King's Debt. Finance and Politics in France, 1589-1661, Oxford, 1981, p.176-177, p.304,311, cité par William Doyle
  3. Marcel Marion, Dictionnaire des institutions de la France aux XVIIe et XVIIIe siècles, 1923
  4. La Fronde et les idées libérales, Alexis Vintray, Contrepoints
  5. Montesquieu, L'Esprit des Lois, livre V, chap.19
  6. Lucien Febvre, « Gros sujet, gros livre : la vénalité des offices », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1948, volume 3, n°1, pp.110-113, [lire en ligne]

Bibliographie

  • Roland Mousnier, La Vénalité des offices sous Henri IV et Louis XIII, PUF, 728 pages, ISBN 2130314422
  • 2000,
    • William Doyle, « Colbert et les offices », Histoire, économie et société, volume 19, n°4, pp.469-480, [lire en ligne]
    • William Doyle, La Vénalité, PUF, Que sais-je ?, 128 pages
  • 2008, Jean Nagle, Un Orgueil Français - La Vénalité Des Offices Sous L'ancien Régime, Odile Jacob

Voir aussi


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