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Révolution française

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La Révolution française est un ensemble d'événements et de changements qui marque dans l'histoire de France le tournant entre « l'Époque moderne » et « l'Époque contemporaine ». C'est aussi la première fois, dans l'histoire de l'Europe depuis l'Antiquité, que le principe du régime monarchique a été renversé, et non simplement le monarque lui-même comme lors de la première révolution anglaise de Oliver Cromwell. Néanmoins, la première république française n'a guère été plus durable que l'expérience du Commonwealth en Angleterre.

Son impact est également dû aux guerres de la Révolution et de l'Empire qui ont touché une large partie de l'Europe continentale avec la création de « républiques-sœurs » ou la fin du Saint Empire romain germanique. La période révolutionnaire commence en 1789, avec la réunion des États généraux et la prise de la Bastille, et se termine en l'an VIII (1799) avec le coup d'État du 18 Brumaire.

Le libéralisme, selon Lucien Jaume, est un mouvement d’émancipation, ce qui le lie indissolublement avec la Révolution française, de la conscience et de la société, dans sa diversité, vis-à-vis des souverainetés historiques (l’Église, la royauté). La Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789 est, par ailleurs, indubitablement un texte d'inspiration libérale, ce qui ne sera pas le cas des déclarations de 1793 et 1795.

La différence principale entre la France et l’Angleterre est que, dans un cas, celui de la Révolution française, on croit à la fécondité de la loi et des institutions représentatives contre l’Ancien Régime inégalitaire, tandis que dans le cas britannique on pense que le moteur du mouvement est dans l’ordre naturel de la société comme « civilisation » et donc comme « opinion publique ». Du coup, le levier historique et social est différent, les rapports entre l’État et la société sont différents, et la tendance à une logique du compromis s’oppose à la logique française de la rupture.

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Personnalités libérales de la Révolution

Révolution française et libéralisme

La Révolution française n'est pas une révolution purement libérale, elle est de nature duelle : libérale (fin des privilèges, droits de l'Homme, etc.), mais aussi républicaine (contrat social, "intérêt général" et avènement de l'homme citoyen). Si les contemporains de l'époque n'arrivaient pas à voir la nature duelle républicano-libérale de la Révolution, c'est parce que les républicains et les libéraux étaient liés à un même destin : celui de l'homme nouveau, deux idéologies radicales qui partageaient le point commun de faire table-rase du passé. Cependant, après la Révolution, l'influence libérale persiste mais ne s'inscrit pas dans une logique historique française, tandis que le républicanisme, par le biais du jacobinisme tout à fait logiquement, a évolué par la suite vers la social-démocratie et le socialisme (le "camarade" remplaçant le "citoyen").

Les phases de la Révolution

1789 : La victoire du Tiers

L’État étant en faillite, les paiements de l’État ont été suspendus le 16 août 1788, les États Généraux sont convoqués pour le 1er mai 1789. Intelligent mais dépourvu de caractère, Louis XVI se révèle incapable de mener les transformations inévitables qui pouvaient sauver la monarchie. La justice fiscale avec un impôt proportionnel et universel et la représentation de la Nation par des États Généraux régulièrement convoqués, réclamés par les cahiers de doléances étaient des réformes que le roi aurait du mener en 1788. En 1789, elles vont lui être imposé par la Révolution.

Réunion des Etats Généraux

Les élections des députés du Tiers voient l’emporter les hommes de talent, les hommes de loi qui vont introduire dans les débats un juridisme tatillon. Très vite, le Tiers se considère comme représentant les 96/100e de la nation et sur proposition de Sieyès les députés se déclarent Assemblée nationale (17 juin 1789). L’épreuve de force tourne au désastre pour le roi : l’assemblée refuse de céder aux menaces de dissolution contenues dans le discours du 23 juin et deux jours plus tard, le roi invitait les députés des ordres privilégiés à se joindre au tiers.

Les mouvements de troupes dans la région parisienne inquiète l’Assemblée et le renvoi de Jacques Necker fait souffler un vent d’insurrection à Paris. A la recherche d’armes et de poudre, la foule se porte à la Bastille le 14 juillet, bientôt soutenue par les gardes françaises. Ne pouvant espérer résister, le gouverneur capitule avant d’être massacré par la populace de même que le prévôt des marchands. Le 17 juillet, le roi se rend à Paris, reconnaît la municipalité insurrectionnelle et arbore la cocarde tricolore. Le comte d’Artois et les autres chefs de la faction aristocratique émigrent. Le pouvoir monarchique s’effondrait et l’anarchie devait gagner le royaume : « il n’y a plus de roi, plus de parlement, plus d’armée, plus de police » observe un contemporain. Les rumeurs les plus folles courent évoquant le complot aristocratique, le pacte de famine, l’invasion étrangère. Des émeutes touchent les villes, la Grande Peur se répand dans les campagnes, tournant à la révolte antiseigneuriale. On s’en prend d’abord aux châteaux mais ensuite on s’en prend aux riches et aux heureux. A Versailles on panique, un député s’exclame : « C’est la guerre des pauvres contre les riches ! »

La Nuit du 4 août, le vicomte de Noailles, sans fortune, propose la destruction des corvées et servitudes personnelles et le duc d’Aiguillon, le plus riche seigneur féodal, le rachat des droits féodaux. Bientôt le clergé et les députés des pays d’État renoncent à leurs privilèges. Mouvement spontané ou manœuvre du parti avancé, cette folle séance mettait en tout cas fin à l’Ancien Régime. Une Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen est discutée et votée du 20 au 26 août. A l’assemblée les modérés étaient victimes de l’alliance objective du parti patriote et du côté de la reine.

Le refus du roi de sanctionner l’abolition des privilèges et la Déclaration des droits irrite. Les difficultés d’approvisionnement de Paris vont servir de prétexte à une marche peu spontanée sur Versailles le 5 octobre pour demander du pain au roi. La Fayette se montre incapable de rétablir l'ordre. Le 6 octobre, le palais est envahi et Louis XVI se trouvait contraint de gagner Paris. L’Assemblée déclarait aussitôt sa volonté de ne pas se séparer de la personne royale. Désormais prisonnier de fait aux Tuileries, le roi a du accepter la Déclaration des droits de l’homme et le veto suspensif. L’Assemblée, installée dans la salle du Manège, est tout autant exposée aux manifestations de violence de la population parisienne.

Une constitution pour la France

L’assemblée nationale constituante est partagée en tendances plus qu’en partis organisés. Les aristocrates défendaient l’ordre ancien. Les monarchiens regroupaient des nobles libéraux comme Stanislas de Clermont-Tonnerre et voulaient s’en tenir au 4 août. Les constitutionnels forment la majorité avec des hommes de lois comme Le Chapelier ou des nobles libéraux comme La Rochefoucauld-Liancourt et Talleyrand, sans oublier l’abbé Sieyès. À l’extrême gauche, quelques avocats comme Pétion ou Robespierre. Mirabeau, resté à l’écart des partis, domine néanmoins l’assemblée par ses talents oratoires. Les députés se retrouvent dans des clubs : le plus influent est la Société des amis de la Constitution dit club des Jacobins car il se réunit au couvent des Jacobins rue Saint-Honoré. Il essaime très vite en province et voit se séparer de lui le club des Feuillants plus modéré, et le club des Cordeliers, plus populaire. Les idées des divers courants sont défendues par une presse d’idées souvent virulente, l’Ami du peuple de Marat en offre l’exemple le plus célèbre.

L’Assemblée se trouve confrontée à la question financière : le déficit du trésor avait été accru par l’effondrement des recettes fiscales. L’appel au patriotisme fiscal des citoyens n’ayant pas donné de résultats, Talleyrand propose la nationalisation des biens du clergé à charge pour l’État d’assurer un traitement aux prêtres. L’abbé Maury met l’Assemblée en garde : « La propriété est une et sacrée pour nous comme pour vous. Nos propriétés garantissent les vôtres. (…) Si nous sommes dépouillés, vous le serez à votre tour. » Le 2 novembre 1789 les biens d’Église sont mis à la disposition de la nation. On vise non seulement l’extinction de la dette mais aussi l’accroissement du nombre de propriétaires surtout parmi les habitants des campagnes. Ne pouvant vendre en bloc, l’Assemblée décide de créer des assignats, bons du Trésor portant intérêt à 5 %, pour alimenter les caisses de l’État. Les ventes devaient connaître un énorme succès.

Fidèles aux idées des philosophes, les députés, sur la suggestion de Sieyès, distinguent les citoyens actifs des citoyens passifs, un seuil d’imposition étant fixé. La France compte un peu plus de 4 millions de citoyens actifs soit 1/6 de la population. Le système anglais de deux chambres est repoussé au profit d’une seule et le droit de veto suspensif du roi, à la suggestion de La Fayette, est adopté. Louis XVI devient roi des Français. Le pays est divisé en 83 départements pour détruire toute trace de l’ancienne France. Le département et la commune deviennent quasiment indépendants par réaction face à l’œuvre centralisatrice de la monarchie. Paris est divisée en 48 sections ayant droit de réunion qui vont devenir des moteurs de la révolution. La Fête de la Fédération, célébrée le 14 juillet 1790, à Paris et dans toutes les villes du royaume paraît achever la Révolution et marquer la naissance de la nation.

Fête de la Fédération

En réalité, la situation se dégrade rapidement. L’Assemblée suit Mirabeau qui souhaite faire de l’assignat un papier-monnaie, ce qui évite d’augmenter les impôts, mesure nécessairement impopulaire. Dans une brochure fameuse, Dupont de Nemours dénonce les périls de l’inflation et les places de commerce se montrent hostiles, en vain. La répartition de l’impôt est confiée aux municipalités mais nombreux sont les officiers qui ne savent ni lire ni écrire.

L’Assemblée se mêle avec une hâte suspecte de réformes religieuses. Au nom de la liberté, les vœux des religieux sont abolis le 13 janvier 1790 et une Constitution civile du clergé est votée, évêques et curés étant désormais élus et bénéficiant de traitements élevés. Pie VI condamne le texte le 10 juillet 1790. L’obligation du serment, le 26 novembre, précipite le schisme. À l’Assemblée même, en dépit de la pression des tribunes, seuls 99 députés du clergé sur 250, jurent. Partout dans le royaume sont semées les graines de la division. L’atmosphère de guerre civile est renforcée par la tentative de fuite du roi arrêté à Varennes le 21 juin 1791. Une manifestation républicaine au Champ de Mars, le 17 juillet, est brutalement dispersée.

La Constitution est donc votée le 3 septembre et la Constituante se sépare le 30 septembre 1791. Son président Thouret s’exclame : « l’Assemblée nationale a donné à l’État une Constitution qui garantit également et la royauté et la liberté ».

Searchtool-80%.png Article détaillé : Constitution du 3 septembre 1791.

La guerre et la chute de la Monarchie

La Législative était élue au suffrage censitaire indirect : elle se composait essentiellement de propriétaires et d’avocats ayant souvent exercé un mandat local ou des fonctions judiciaires. Les nouveaux députés, les Constituants s’étant volontairement rendus inéligibles, se montrent hésitants et inexpérimentés et vulnérables aux pressions. A droite, les Feuillants suivent le triumvirat, Barnave, Duport et Lameth et sont fascinés par La Fayette. Ils considèrent la Révolution terminée. A gauche, les Jacobins subissent l’ascendant de Brissot, ce sont les Brissotins ou Girondins, dont la conscience est Condorcet et l’égérie Madame Roland. A l’extrême gauche, les Cordeliers étaient complétés par Couthon et Carnot. Le Marais, au centre, dont Rivarol disait « une cervelle de renard dans une tête de veau » décide des majorités.

Après la fuite du roi, les clubs glissent vers des idées de plus en plus républicaines. La révolte des Noirs et métis de Saint-Domingue en août 1791 pose la question de l’esclavage et contribue à la hausse du prix des denrées coloniales, source de nouveaux mécontentements. Le conflit religieux persiste. A la cour de Turin, autour du comte de Provence et à Coblence avec le comte d’Artois, l’émigration essaie de s’organiser mais se perd en querelles de personnes. Le roi oppose son veto aux décrets de l’Assemblée contre les émigrés et les réfractaires. Les princes européens s’inquiètent de l’annexion d’Avignon et du Comtat Venaissin et de la spoliation des princes possessionnés allemands en Alsace.

Un courant se développe en France en faveur de la guerre, le roi tout comme la gauche espérant y trouver avantage. Isnard, député du Var, lance le 29 novembre : « Un peuple en état de révolution est invincible, l’étendard de la liberté est celui de la victoire (…). Disons à l’Europe que nous respecterons toutes les constitutions des divers empires, mais que, si les cabinets des cours étrangères tentent de susciter une guerre des rois contre la France, nous leur susciterons une guerre des peuples contre les rois ». Hérault de Séchelles soutient d’ailleurs que l’état de guerre permettra d’appliquer des mesures contre la contre-révolution intérieure que l’état de paix pourrait faire trouver trop rigoureuses. Les ministres Feuillants sont écartés et le roi doit accepter une formation girondine, dont Dumouriez résolu à faire la guerre.

Le 20 avril 1792, le décret décidant la guerre contre le roi de Bohème et de Hongrie ne rencontre que sept opposants. Condorcet lance le mot d’ordre : « Paix aux chaumières, guerre aux châteaux ! ». L’armée n’était pas prête à la guerre : les deux tiers des officiers avaient émigré et l’amalgame entre les troupes anciennes et les volontaires se faisait mal. La question du sort de la Pologne et les hésitations du duc de Brunswick, général en chef des troupes austro-prussiennes, allaient sauver la Révolution.

Les Girondins, affaiblis par les débuts désastreux de la guerre, organisent en liaison avec les Jacobins et la municipalité Pétion une marche sur les Tuileries le 20 juin 1792. La misère fournit aux démocrates des troupes combatives armées de la pique, symbole de la force populaire. L’assemblée est envahie par la foule avinée qui investit ensuite les Tuileries. Le roi porte le bonnet rouge et boit un verre de vin mais refuse de retirer son veto aux décrets sur la déportation des réfractaires et la formation d’un camp de fédérés à Paris. La Fayette rentre de l’armée mais la reine est hostile à tout coup de force militaire organisé par le général. Louis XVI avait laissé passer sa dernière chance : il est injurié lors de la fête du 14 juillet. Les fédérés réunis à Paris réclament la suspension du roi. Le manifeste du duc de Brunswick menaçant Paris si on touchait à la famille royale servit de prétexte au coup de force. Le 10 août 1792, les sections menaient l’assaut contre les Tuileries. Le roi, qui s’était réfugié à l’Assemblée, était livré à la Commune insurrectionnelle le 12 et enfermé au Temple. Danton devient l’homme le plus puissant de Paris.

Les Prussiens prennent Verdun qui leur ouvre la route de Paris le 2 septembre. Le même jour commencent les massacres de septembre à l’initiative de la Commune : pendant 4 jours, les prisonniers des prisons parisiennes sont égorgés, faisant de 1000 à 1400 victimes, pour la plus grande part des droits communs. Les élections se déroulent dans cette atmosphère troublée. La Convention est élue au suffrage universel masculin indirect mais l'abstention est massive. Près du tiers des conventionnels avait siégé dans l’une des deux assemblées précédentes. Les Girondins se voulaient légalistes et partisans de la décentralisation. La Montagne, avec Robespierre, Danton et Marat, représentait les Jacobins et les Cordeliers. La majorité se rassemblait au sein du Marais ou Plaine. Le 20 septembre, à Valmy les Prussiens reculent et le lendemain la Convention abolit la royauté. Désormais l’initiative appartient aux Français qui envahissent la Savoie annexée le 27 novembre et les Pays-Bas autrichiens.

Les 16 et 17 janvier, les conventionnels se prononcent sur le sort du roi, la mort obtient juste la majorité absolue. Louis XVI est exécuté sur la place de la Révolution le 21 janvier 1793. L’annexion de la Belgique (2 mars) et divers territoires allemands est précédée d’une déclaration de guerre à l’Angleterre le 1er février. Une coalition européenne se met désormais en place sous l’égide de Pitt. La Convention vote une levée de 300 000 hommes et l’émission de 3 milliards d’assignats (24 février 1793).

La guerre civile et la Terreur

Searchtool-80%.png Article détaillé : Terreur.

La levée en masse est mal accueillie dans l’Ouest et le Midi. La Vendée connaît une insurrection armée en mars 1793 : mouvement populaire spontané qui se transforme en armée catholique et royale en plaçant des nobles à sa tête. La trahison de Dumouriez, qui a vainement tenté de faire marcher son armée sur Paris, renforce dans le même temps le climat de défiance général. Le décret du 6 avril 1793 crée le Comité de salut public à l’initiative des Girondins et de Danton. Il s’inscrit dans un ensemble de mesures d’exceptions contre les ennemis de la Révolution, le Tribunal révolutionnaire voyant son rôle s’accroître. À la conférence d’Anvers, les puissances se proposent de réduire la France à un « néant politique » mais la Russie et la Prusse étaient davantage intéressés à un partage de la Pologne qui présentait moins de risques.

Les Girondins, attachés au libéralisme économique et à la séparation des pouvoirs sont abandonnés par le Marais qui se tournent vers les Montagnards partisans de mesures autoritaires. Maladroitement, les Girondins attaquent Danton ce qui accentue leur isolement. Les Jacobins utilisent la misère ambiante pour dénoncer les « culottes dorées ». Les sections tentent un premier coup de force le 31 mai puis le comité révolutionnaire obtient l’arrestation de 29 députés girondins le 2 juin. Désormais le salut public prime le droit. Ce coup de force provoque une nouvelle révolte en province : l’insurrection fédéraliste touche les grandes villes du sud et près de 60 départements tandis que la Vendée triomphe. Aux frontières, la guerre tourne mal. Barère proclame à la Convention : « la République n’est plus qu’une grande ville assiégée ».

La Constitution du 24 juin 1793 ou de l’an I est soumise à referendum mais les 3/4 des électeurs vont s’abstenir : elle ne devait de toute façon jamais être appliquée. Le 10 octobre, les conventionnels décrètent que « le gouvernement provisoire de la France serait révolutionnaire jusqu’à la paix », officialisant la Terreur. Robespierre déclare : « il faut organiser le despotisme de la liberté pour écraser le despotisme des rois ». Il entre fin juillet 1793 au Comité de salut public au moment où Danton en sort. Un Comité de sûreté générale est constitué en octobre. La loi des suspects du 17 septembre permet l’essor du tribunal révolutionnaire. La centralisation triomphe : la Convention envie ses membres en mission pour reprendre les départements en main.

La reconquête est féroce : Lyon tombe le 9 octobre et Fouché fait condamner 2000 personnes dont beaucoup sont mitraillées, la guillotine étant trop lente. Toulon est la dernière ville à résister en décembre : sa population tombe de 30.000 à 7000 habitants. La Vendée succombe dans le même temps. La répression est épouvantable. Le général Turreau, qui dirige les colonnes infernales, s’exclame : « la Vendée doit être un cimetière national ». À Nantes, Carrier fait noyer les prisonniers dans la Loire. Un habitant sur huit a sans doute péri dans l’ensemble des 4 départements. À l’extérieur, les armées révolutionnaires sous la conduite de nouveaux généraux, Hoche et Jourdan, utilisent leur supériorité numérique pour balayer les armées de mercenaires. Les coalisés avaient également commis l’erreur de disperser leurs forces.

Les victoires provoquent la division de la Montagne, ensemble hétéroclite unifié par son hostilité à la Gironde. L’accroissement de la misère donne une coloration sociale aux revendications populaires à la grande indignation de Robespierre. Le maximum des prix de toutes les denrées provoque le rationnement. Les hébertistes mènent une violente campagne contre les accapareurs et se montrent de fervents partisans de la déchristianisation qui atteint son apogée à la fin de 1793. Hébert et ses amis sont arrêtés et guillotinés le 24 mars 1794. Desmoulins dans son Vieux Cordelier, soutenu par Danton, mène campagne pour dénoncer les excès de la Terreur. Les Indulgents sont arrêtés à leur tour et exécutés le 5 avril, la tête de Danton tombant la dernière.

À l’étranger, on parle désormais du « gouvernement de Robespierre ». Il domine le Comité de salut public et contrôle la Commune de Paris. Il veut moraliser la Terreur en rappelant les représentants trop zélés (Fouché, Carrier) mais en même temps lui donne une plus grande extension par la loi du 10 juin (22 prairial an II). Le nombre des exécutions s’accélère. Il proteste contre la déchristianisation et fait adopter par la Convention le décret où elle reconnaît l’existence de l’Être suprême et l’immortalité de l’âme. Président de la Convention, Robespierre paraît triompher lors de la fête de l’Être suprême (8 juin 1794). Face à l’hostilité grandissante des comités à sa tutelle, il appelle à de nouvelles épurations dans un discours du 8 thermidor mais il refuse de nommer ceux qu’il accuse. La Convention se ressaisit et le fait arrêter avec ses amis le 9 thermidor an II (27 juillet 1794). Il est libéré par la municipalité de Paris mais les forces de la Convention investissent l’hôtel de ville dans la nuit. Les robespierristes sont exécutés le lendemain. La Terreur est terminée.

La république thermidorienne et le Directoire

La réaction est d’abord morale : à la vertu fondée sur la guillotine succède un net relâchement des mœurs, surtout à Paris. La réaction politique est d’une autre ampleur. Sous la pression de la rue, les conventionnels remanient le gouvernement, le pouvoir se dispersant entre 12 comités, et mettent fin à la Terreur en faisant disparaître le Tribunal révolutionnaire. Une « terreur blanche » se développe surtout dans le sud menée par des bandes appelées compagnons de Jésus (plus que de Jéhu) ou du Soleil. Pour raison d’économie, le budget de l’église assermentée est supprimé, ce qui rapproche jureurs et réfractaires mais l’exercice du culte reste soumis à de nombreuses vexations. Des pacifications sont signées avec les chefs vendéens (février 1795) et chouans (avril 1795).

À la fin de l’année 1794, le maximum est supprimé et l’on revient au libéralisme économique. L’assignat n’avait plus aucune valeur et les paysans refusant d’être payer en papier monnaie, la disette touche durement les villes avec un hiver 1794-1795 particulièrement rigoureux. Les ouvriers des faubourgs envahissent le 12 germinal an III (1er avril 1795) puis le 1er prairial (20 mai 1795) la Convention sans autre résultat que l’arrestation des survivants de la Montagne et le désarmement des sections. La mort annoncée du petit dauphin au Temple, le 8 juin 1795, fait du comte de Provence le prétendant au trône. Son intransigeance à vouloir rétablir l’ancienne monarchie désespère les partisans d’une monarchie constitutionnelle.

La Convention accouche enfin d’une nouvelle constitution dite de l’an III, œuvre d’anciens Girondins tel Pierre Daunou et de modérés (Boissy d’Anglas, Thibaudeau). Elle est beaucoup plus longue que les deux précédentes et commence par une Déclaration des droits et des devoirs de l’Homme et du citoyen. Le suffrage censitaire est rétabli car selon Boissy d’Anglas, « nous devons être gouvernés par les meilleurs, les meilleurs sont les plus instruits et les plus intéressés au maintien des lois. » Ce discours donne l’esprit des Thermidoriens : « un pays gouverné par les propriétaires est dans l’ordre social, celui où les non propriétaires gouvernent est dans l’état de nature ». Les pouvoirs sont nettement séparés avec deux assemblées formant le corps législatif et un pouvoir exécutif confié à un Directoire de 5 membres, autant de précautions contre la dictature d’un homme, comme d’une assemblée unique. Tous les ans, chaque conseil devait être renouvelé partiellement.

Conseil des Anciens

Mais la Convention décide que 500 de ses membres assureront la continuité, seuls 250 députés nouveaux seront élus. Ce décret provoque la journée du 13 vendémiaire (5 octobre 1795) : la dernière insurrection parisienne est pour la première fois un mouvement contre-révolutionnaire. Barras secondé par Bonaparte écrase l’émeute. L’armée apparaît pour la première fois sur la scène politique. Cette même année 1795 des traités étaient signés entre la France victorieuse et quelques-uns de ses adversaires : les Provinces-Unies, la Prusse, la Toscane et l’Espagne.

Aux élections de l’an IV, le tiers laissé à la volonté des électeurs est composé essentiellement de royalistes, signe de l’incontestable impopularité de la Convention. Le trésor étant vide, un emprunt forcé est mis en place. La planche aux assignats est cependant officiellement détruite le 19 février 1796. La bonne monnaie ne réapparaît pas faute de confiance, l’économie de troc se développe. À la fin de l’année 1797, une banqueroute des 2/3 permet d’assainir la dette publique en ruinant les rentiers de l’État. Fin 1798 les quatre principaux impôts sont fixés pour plus d’un siècle : foncier, mobilier, patente et portes et fenêtres.

La vie chère et la misère favorisent un mouvement communiste : la conjuration des égaux à l’initiative de Gracchus Babeuf qui voit dans la Révolution « une guerre entre les riches et les pauvres ». Le temps des insurrections étant passé, les conjurés préparent un coup d’État. Les conjurés sont arrêtés en mai 1796. Les élections de l’an V renforcent le poids des royalistes dans les deux conseils qui espèrent restaurer la monarchie en l’emportant lors de la prochaine élection annuelle. Soutenu par l’armée, le directoire fait le coup d’État anti-royaliste du 18 fructidor (4 septembre 1797) : les élections sont cassées dans 49 départements et les principaux chefs du courant réacteur sont déportés sans jugement.

La guerre n’a pas cessé, la Convention ayant fixé la fin de la Révolution et la paix à « l’établissement définitif de la République dans ses limites naturelles » c’est à dire les Pyrénées, les Alpes et le Rhin. L’Angleterre ne pouvait accepter la France installée définitivement en Belgique. L’Autriche reste la principale puissance continentale à combattre la France. Barras nomme Bonaparte à la tête de l’armée d’Italie le 3 mars 1796. Maître de l’Italie du Nord, le général victorieux dicte lui-même les conditions de l’armistice le 7 avril 1797. Il transforme la république de Gênes en république ligurienne et crée la république cisalpine. Par le traité de Campoformio (18 octobre 1797), l’Autriche reconnaît l’annexion de la Belgique, la frontière sur le Rhin et la possession des îles ioniennes. Bonaparte est désormais immensément populaire et peut compter sur le dévouement de son armée.

Après le coup d’État du 18 fructidor, la violence redevient la règle de gouvernement. Le royalisme est pourchassé et la terreur anticléricale renaît. On tente de mettre en place des cultes de substitution : la théophilanthropie et surtout le culte décadaire. Rome étant occupée par les troupes françaises en janvier 1798, le pape Pie VI est déporté en Toscane puis transféré en France en 1799. L’église catholique paraît anéantie. Les élections de l’an VI voient une forte poussée à gauche mais le Directoire impose une révision des résultats pour assurer une majorité favorable au « juste milieu ». C’est un nouveau coup d’État en dépit des apparences plus légales qu’au 18 fructidor. Mais suite aux élections de l’an VII, Sieyès, ennemi avoué de la constitution, entre au Directoire, et les néo-jacobins paraissent l'emporter. Sous prétexte de couper la route des Indes, Bonaparte, en dépit des réserves du Directoire, organise une expédition en Égypte. La création et la subordination des républiques sœurs à la Grande Nation empêchent un accord général avec les puissances européennes. L’Angleterre réussit à constituer une deuxième coalition profitant du mécontentement autrichien et du changement de souverains en Russie et en Prusse. La meilleure armée française étant coincée en Égypte, la reprise de la guerre en mars 1799 tourne mal pour la république. L’Italie est perdue mais la ligne du Rhin résiste et la Suisse est préservée.

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Cependant le Directoire paraît complètement discrédité et le pays est las des affrontements. Sieyès soucieux de mettre en application ses idées constitutionnelles cherche un sabre pour faire un coup d’État. De retour en France, Bonaparte est acclamé. Le 18 Brumaire (9 novembre 1799), les conseils sont transférés à Saint-Cloud par crainte d’un coup de force tandis que les directeurs démissionnent de gré ou de force. Mais le lendemain, le général est bousculé aux Cinq Cents et la salle est vidée par la troupe. Le dernier mot revient au sabre et Sieyès se voit évincé par Bonaparte. La Révolution est terminée.

Bibliographie

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    • Florin Aftalion, "L’Économie de la Révolution Française", Paris, Hachette
  • 1988, Colin Lucas, dir., "The French Revolution and the Making of Modern Political Culture", Oxford: Oxford University Press
  • 1990,
    • Florin Aftalion, "The French Revolution - An Economic Explanation", Cambridge, Cambridge University Press and Paris, Éditions de la Maison de l’Homme
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  • 1992,
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  • 2015,
    • Bienamino di Martino, "Rivoluzione del 1789. La cerniera della modernità politica e sociale" (« Révolution de 1789. La charnière de la modernité politique et sociale »), Leonardo Facco Editore, Treviglio
    • Guglielmo Piombini, commentaire du livre de Bienamino di Martino, "Rivoluzione del 1789. La cerniera della modernità politica e sociale" (« Révolution de 1789. La charnière de la modernité politique et sociale »), StoriaLibera, n°2, Anno: 2015, pp115-122

Voir aussi

Citations

  • Dans la Révolution française, l’idéalisme eut d’abord le dessus : l’Assemblée nationale, composée de nobles, de bourgeois et des notables du pays, voulut aider le peuple, libérer les masses, mais la masse libérée et déchaînée se tourna bientôt contre ses libérateurs ; dans la seconde phase, les éléments extrémistes, les révolutionnaires par rancune, prennent le dessus et pour ceux-ci le pouvoir est une chose trop nouvelle pour qu’ils puissent résister au plaisir d’en jouir pleinement. Des personnages à l’intelligence étroite, sortis enfin d’une situation pénible, s’emparent du gouvernail, et leur ambition est de rabaisser la Révolution à leur propre mesure, à leur propre médiocrité. (Stefan Zweig, Marie-Antoinette)
  • La Révolution française, produite parce que nous avions trop de lumières pour vivre sous l'arbitraire, a dévié de sa route parce que nous n'avions pas assez de lumières pour profiter de la liberté. Elle a déchaîné une multitude qu'aucune méditation n'avait préparée à cet affranchissement subit. Elle n'a pas tardé à se transformer en une force matérielle, sans frein comme sans règle, dirigée contre toutes les institutions dont les imperfections l'avaient provoquée. (Benjamin Constant, De la religion)
  • La Révolution française s'est déroulée au nom d'un slogan intrinsèquement contradictoire et irréalisable : liberté, égalité, fraternité. Mais dans la vie sociale, liberté et égalité tendent à s'exclure mutuellement, sont antagoniques l'une de l'autre ! La liberté détruit l'égalité sociale - c'est même là un des rôles de la liberté -, tandis que l'égalité restreint la liberté, car, autrement, on ne saurait y atteindre. Quant à la fraternité, elle n'est pas de leur famille. Ce n'est qu'un aventureux ajout au slogan et ce ne sont pas des dispositions sociales qui peuvent faire la véritable fraternité. Elle est d'ordre spirituel. (Alexandre Soljenitsyne, 25 septembre 1993)
  • Grandiose ou horrible, la catastrophe ou l'épopée révolutionnaire coupe en deux l'histoire de France. Elle semble dresser l'une contre l'autre deux France, dont l'une ne se résigne pas à disparaître et dont l'autre ne se lasse pas de prolonger une croisade contre le passé. Chacune d'elles passe pour l'incarnation d'un type humain presque éternel. D'un côté, on invoque la famille, l'autorité, la religion, de l'autre l'égalité, la raison, la liberté. Ici, on respecte l'ordre, lentement élaboré par les siècles, là on fait profession de croire à la capacité de l'homme de reconstruire la société selon les données de la science. La droite, parti de la tradition et des privilèges, contre la gauche, parti de l'avenir et de l'intelligence. (Raymond Aron, L'Opium des intellectuels)
  • La convergence de tant de lignes de pensée destructrices explique le consensus qui existait au début des États Généraux, et l'explosion qui a suivi les réformes de 1789 et les ruines de 1793. Il n'y a aucun conflit plus irréconciliable que celui entre une constitution et un absolutisme éclairé, entre l'abrogation des lois anciennes et la multiplication de lois nouvelles, entre la représentation et la démocratie directe, entre le peuple qui contrôle et le peuple qui gouverne, entre les rois par contrat et les rois par mandat. Cependant, toutes ces fractions de l'opinion étaient appelées "libérales" : Montesquieu, parce qu'il était un conservateur intelligent ; Voltaire, parce qu'il attaquait le clergé ; Turgot, comme réformateur ; Rousseau, comme démocrate ; Diderot, comme libre-penseur. La seule chose qu'ils avaient en commun était leur mépris de la liberté. (Lord Acton, Lectures on the French Revolution)

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